J'avais remis à plus tard la question des relations entre expliquer et comprendre, mais je vois que le moment est venu d'y toucher.
Pour ce qui me concerne en tout cas, personnellement, je vois que j'explique plus pour moi-même que pour les autres. Cependant les objectifs sont identiques parce que, quand j'explique aux autres (donc pour moi), je m'efforce de me surveiller et de m'assurer que je comprends tout au niveau élémentaire ; je dévide les pelotes de connaissance jusqu'à ce que je sois parfaitement assuré des notions qui composent l'idée que je cherche à expliciter ou à présenter, et, évidement, cela revient à donner à mes interlocuteurs tous les éléments de l'explication.
De sorte que je ne suis pas toujours capable d'expliquer bien du premier coup, mais que, ayant fait rapidement le chemin descendant (intérieurement), je peux le refaire en remontant, et donner des explications que j'espère bonnes.
Je suis fait ainsi : il me faut des bases solides, pour moi-même, et c'est cette exploration renouvelée que j'aime... ce qui tombe bien, car je sais les autres aussi, pour comprendre, ont besoin de bases solides, de petits pas en direction de l'objectif qu'est la compréhension des objets expliqués.
Je vois aussi que cette méthode m'évite l'ennui des répétitions d'explications, que ce soit aux étudiants ou dans les conférences, car elle m'impose - ou me permet ? - d'être vigilant : de mon point de vue personnel, qui change sans cesse en raison du chemin que je fais en travaillant sans cesse, la répétition n'existe pas : chaque fois, j'ai de nouveaux angles pour bien surveiller tous les mots, toutes les phrases, toutes les idées, traquer les imprécisions.
Se pose, dans ce mouvement, la question des parenthèses emboîtées, qui risque de faire chuter certains : pour expliquer une notion, il faut en expliquer une autre, qui conduit à une troisième, etc.
C'est la raison pour laquelle je suis souvent conduit à discuter explicitement, en préalable, cette question des parenthèses, à rejeter certaines explications pour plus tard (refermer certaines parenthèses), mais en conservant le fil d'un dialogue qui peut durer beaucoup.
Et n'est-ce pas cela que "professer" : élaborer un discours qui sera ensuite délivré, par morceaux ?
Bien sûr, finalement, il y a beaucoup d'informations nouvelles pour nos amis qui en ont besoin, mais ils ne viendront pas plus bêtes pour autant, j'espère, car il est de mon devoir de transformer des éléments un peu plats en merveilles intellectuelles, qui contribueront à donner à noss interlocuteurs le goût de l'étude, pour ce qui concerne les étudiants, où le goût d'en savoir plus pour les personnes qui assistent à mes conférence.
Il serait bon de savoir si cette stratégie est efficace, dans un cas comme dans l'autre... mais comme je ne donne jamais deux explications identiques, sans quoi je m'ennuierais, comme je suis sans cesse à la recherche d'un chemin explicatif un peu original, d'une promenade nouvelle dans un paysage de notions, comment mesurerais-je une "efficacité" ?
Décidément, je préfère prendre du temps à aider mes amis à s'émerveiller, à gagner en autonomie pour qu'ils puissent faire le chemin seul, avec enthousiasme.
Ce blog contient: - des réflexions scientifiques - des mécanismes, des phénomènes, à partir de la cuisine - des idées sur les "études" (ce qui est fautivement nommé "enseignement" - des idées "politiques" : pour une vie en collectivité plus rationnelle et plus harmonieuse ; des relents des Lumières ! Pour me joindre par email : herve.this@inrae.fr
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