Quand Augustin Parmentier explora la pomme de terre, voulant la faire consommer aux Français qui mouraient alors parfois être faim, juste avant la Révolution de 1789, il l'explora du point de vue physico-chimique et publia le résultat des travaux dans un ouvrage scientifique. Dans ce livre, naturaliste au sens d'une chimie naturaliste, il signale que les décoctions de peaux de pomme de terre ont un goût brûlant.
Ce que Parmentier ne savais pas, c'est que ce goût brûlant et dû notamment à des composés qui ont pour nom solanine, solanidine, chaconine. Ces composé sont naturellement présents dans les peaux de pommes de terre, et ils sont toxiques.
Bien sûr, on dira que c'est la dose qui fait le poison, de sorte que la question est de savoir si ces composés sont, ou non, en quantités excessives dans l'alimentation.
Mais restons d'abord sur les composés eux-mêmes. je vais pas rentrer dans le détail de la constitution moléculaire de chacun, mais je commence par observer que le nom "solanine" (ou solanidine) est bien apparenté au nom de la famille botanique à laquelle appartiennent les pommes de terre : les "solanacées".
Et cela est juste, car c'est bien dans les pommes de terre que l'on a découvert ces composés.
D'autre part, j'ajoute que les solanines et leurs cousines sont des "alcaloïdes", à savoir que leurs molécules ont notamment un atome d'azote, et, comme la strychnine, la nicotine, etc., elles ont une action pharmacologique ou toxique.
Le risque que font courir solanine et consorts ? Il dépend à la fois du danger, c'est-à-dire la toxicité intrinsèque, et de l'exposition.
Dès lors, il faut se demander combien on consomme de ces composés et savoir si l'on dépasse de la dose journalière admissible.
Observons tout d'abord que certains d'entre nous mangent très souvent des pommes de terre, et notamment dans des pays où les frites sont vendues dans les rues, comme ils le sont dans des enseignes françaises de restauration rapide.
Dans une étude assez récente, il a été montré que pour un pays où la restauration de rue laissait la peau des pommes de terre, alors la population dépassait la dose journalière admissible.
Et pour la France ? Cette fois, l'Agence nationale de sécurité des aliments a été récemment saisie, car la solanine n'est pas présente seulement dans les pommes de terre, mais aussi dans les aubergines, par exemple, qui est de la même famille végétale que les pommes de terre. Il a aussi, il faut faire un peu attention et ne pas multiplier les consommations.
J'ai juste pour terminer : la solanine, la solanidine, la chaconine ne doivent rien, absolument rien à l'intervention de l'être humain. Ce sont les plantes qui les produisent naturellement, quelles que soient les conditions de culture. La nature n'est pas bonne, et il y a du génie humain chaque fois que notre espèce parvient à prendre dans la nature ce qui lui faut sans s'exposer à tous ses dangers.
PS. Voici le résumé d'un avis de l'Agence européenne de sécurité des aliments :
The European Commission asked EFSA for a scientic opinion on the risks for animal and human health related to the presence of glycoalkaloids (GAs) in feed and food. This risk assessment covers edible parts of potato plants and other food plants containing GAs, in particular, tomato and aubergine. In humans, acute toxic effects of potato GAs (a-solanine and a-chaconine) include gastrointestinal symptoms such as nausea, vomiting and diarrhoea. For these effects, the CONTAM Panel identifed a lowest-observed-adverse-effect level of 1 mg total potato GAs/kg body weight (bw) per day as a reference point for the risk characterisation following acute exposure. In humans, no
evidence of health problems associated with repeated or lon g-term intake of GAs via potatoes has been identifed. No reference point for chronic exposure could be identifed from the experimental animal studies. Occurrence data were available only for a-solanine and a-chaconine, mostly for potatoes. The acute dietary exposure to potato GAs was estimated using a probabilistic approach and applying processing factors for food. Due to the limited data available, a margin of exposure (MOE) approach was applied. The MOEs for the younger age groups indicate a health concern for the food consumption surveys with the highest mean exposure, as well as for the P95 exposure in all surveys. For adult age groups, the MOEs indicate a health concern only for the food consumption surveys with
the highest P95 exposures. For tomato and aubergine GAs, the risk to human health could not be characterised due to the lack of occurrence data and the limited toxicity data.
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