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lundi 25 mai 2020
À propos de changement de couleur et d'acidité
Je comprends mieux, ce matin, qu'il y a lieu de ne jamais oublier de s'émerveiller de ce qui est effectivement merveilleux, et, notamment, de toujours être à l'affût des bizarreries de notre monde, parce que ce sont elles qui sont la clé des découvertes, mais aussi des émerveillements !
Commençons par une observation, en cuisine : nous étions avec mon ami Pierre Gagnaire en train de préparer une sauce wöhler pour je ne sais plus quelle télévision, et, alors que Pierre pochait un oeuf dans cette sauce qui s'apparente à une meurette, nous avons vu la couleur de la sauce passer d'un beau pourpre à un vert brunâtre.
Là, le charme de la meurette était perdu... mais j'y voyais une merveilleuse opportunité de me souvenir que les polyphénols sont -et depuis longtemps- d'excellents "indicateurs" colorés.
Oui, dès le 18e siècle, les chymistes (quand la chimie se dégageait lentement de l'alchimie), puis les chimistes ont utilisé des "sirops de violette" pour détecter les acides et les bases. Car les fleurs, mais aussi nombre de fruits, contiennent des polyphénols, qui ont effectivement la capacité de changer de couleur en fonction de l'acidité du milieu ! Or les polyphénols qui avaient été utilisés étaient des polyphénols de raisins, et, autant ils sont rouges en milieu acide, autant ils virent quand le milieu devient moins acide, plus basique.
Mais là, il faut absolument que j'aille plus lentement pour mes amis qui ne sont pas chimistes. Oui, un récent webinaire que j'ai fait, suivi d'un séminaire que j'ai fait pour mon propre laboratoire, m'ont bien démontré que je devais toujours être très explicite, très clair, pour tous.
Allons y donc doucement : l'eau n'est ni acide ni basique, mais "neutre". Et on mesure cela avec une échelle qui va de 0 à 14 : 0 pour les acides très acides, et 14 pour les bases -ou alcalis- très alcalines, très basiques ; et 7 pour l'eau, neutre, ni acide ni basique. Cette échelle est nommée l'échelle des pH.
La soude, la potasse, le bicarbonate de sodium, dissous dans l'eau, font une solution basique, avec un pH compris entre 7 et ~14, mais la plupart des ingrédients alimentaires sont plutôt acides, avec un pH entre à et 7. Par exemple, les framboises ont -étonnamment- un pH très faibles, et c'est seulement le sucre qu'elles contiennent qui ne nous permet pas de bien apprécier gustativement que ces fruits sont très acides. Idem pour le jus de citron... mais là, on perçoit l'acidité. Ou pour le jus d'orange.
L'oeuf ? C'est une de ces merveilleuses exceptions : son pH est élevé, et il n'en fallait pas plus pour que je comprenne que la présence de l'oeuf que l'on pochait, dans une petite quantité d'eau et de polyphénols, avait fait augmenter le pH est fait virer les polyphénols.
Comment retrouver une belle couleur pourpre ? Tout simplement en ajoutant un acide : par exemple, l'acide tartrique, puisqu'il est dans le vin. Et aussitôt la couleur a retrouvé son pourpre/rouge initial. D'ailleurs, je dois ajouter que, pour m'amuser, j'ai alors ajouté du bicarbonate de sodium... pour obtenir une effervescence, et de nouveau la couleur verte. Et j'ai encore ajouté de l'acide tartrique pour revenir au rouge, et à un goût plus intéressant.
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