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jeudi 20 septembre 2018
La gastronomie moléculaire, ce n'est pas la cuisine moléculaire.
J'ai effleuré la question dans des billets précédents, mais je ne suis pas entré dans les détails comme je le fais maintenant, en élargissant le propos.
Depuis les débuts de la gastronomie moléculaire, certains ont confondu la « gastronomie moléculaire » avec de la cuisine, au point même qu'une revue de cuisine avait fait un numéro spécial pour que les cuisiniers s'expriment sur la question « Pour vous, qu'est-ce que la gastronomie moléculaire ? ».
C'était idiot ! Car la gastronomie moléculaire, ce n'est pas de la cuisine, et ce n'est pas aux cuisiniers de dire ce que c'est. La gastronomie moléculaire, c'est une science de la nature, une branche de la physique chimique, et, plus particulièrement, la partie de cette science qui cherche les mécanismes des phénomènes qui surviennent quand on cuisine. Il s'agit de chercher les phénomènes, et pas de cuisiner ! La gastronomie moléculaire ne produit pas des mets, mais des équations, des théories, des mesures… Et ce n'est donc pas aux cuisiniers de dire ce que c'est, mais aux scientifiques. D'ailleurs, la terminologie « gastronomie moléculaire » est « déposée »… par le titre d'une thèse d'université.
La cuisine moléculaire ? Là encore, c'est une expression consacrée, qui ne doit donc pas s'interpréter de façon ignorante. La définition de la « cuisine moléculaire » est : cuisiner avec des ustensiles modernes, venus des laboratoires de physique et de chimie. Par exemple, on fait de la cuisine moléculaire quand on utilise un siphon, de l'azote liquide, des évaporateurs rotatifs, des thermocirculateurs pour la cuisson à basse température. Bref, la cuisine moléculaire est partout, de ce point de vue.
Ce qui brouille un peu les pistes, c'est que, en anglais, il y a deux traductions différentes de « cuisine moléculaire » : le « molecular cooking », c'est la technique, dans l'acception qui a été donné précédemment ; mais le « molecular cuisine », c'est ce style moderne de cuisine qui est né grâce à l'emploi des ustensiles modernes. Par exemple, les siphons permettant de faire facilement des mousses, on a vu beaucoup de mousses (sous des noms fautifs : espuma, émulsion, écumes, etc.) dans les assiettes de cuisine moléculaire. Par exemple, quand les cuisiniers ont disposé d'azote liquide, ils ont pu faire des « flocons givrés », en faisant tomber du blanc d'oeuf battu en neige et parfumé dans de l'azote liquide, afin de produire des objets avec une mince coque glacée autour d'un coeur très tendre.
Mais, en français, nous n'avons qu'un seul mot : cuisine moléculaire. Et l'on comprend aussi que c'était ignorant de dire que la « cuisine moléculaire, c'est cuisiner avec des molécules ». C'était ignorant… parce que cela n'était pas la définition, d'une part, et, d'autre part, parce que tous les ingrédients culinaires sont faits de molécules, de sorte que l'ignorance allait avec la tautologie.
Finalement, c'est bien clair : la gastronomie moléculaire est pour les physico-chimistes, et la cuisine moléculaire est pour les cuisiniers. Ajoutons, pour terminer, que la plupart des cuisiniers d'aujourd'hui font de la cuisine moléculaire, au sens des ustensiles rénovés : la cuisson à basse température est partout, tout le monde a des siphons, et ainsi de suite. Il est temps de passer à autre chose : la « cuisine note à note ».
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