Le titre de ce billet est affiché sur les murs de notre laboratoire.
Pourquoi ? Pour répondre, il convient d’abord d’évoquer les documents
que nous nommons les « Comment faire ? », et qui sont une façon
d’améliorer la qualité de nos recherches. Il convient également
d’évoquer la méthode que nous mettons en œuvre pour notre travail
scientifique.
La suite sur http://www.agroparistech.fr/Tu-sais-quelque-chose-Quelle-est-ta-methode-Fais-le-et-en-plus-fais-en-la.html
Bonne lecture !
Ce blog contient: - des réflexions scientifiques - des mécanismes, des phénomènes, à partir de la cuisine - des idées sur les "études" (ce qui est fautivement nommé "enseignement" - des idées "politiques" : pour une vie en collectivité plus rationnelle et plus harmonieuse ; des relents des Lumières ! Pour me joindre par email : herve.this@inrae.fr
vendredi 29 juillet 2016
jeudi 28 juillet 2016
Je propose d'utiliser les mots pour ce qu'ils signifient, et non pas pour ce que nous voudrions qu'ils signifient. Dans un de mes précédents billets, il y a eu beaucoup de commentaires intéressés, mais j'ai été intéressé de voir que les critiques éventuelles portaient sur des idées fantasmées, nées de mots que j'utilisais pourtant à bon escient. Je répète ici, en préambule, que mes mots sont choisis, et que, en conséquence, je propose de rester à leur sens premier, le plus souvent tel qu'il est donné dans le Trésor de la langue française informatisé, cet extraordinaire du CNRS, gratuit, en ligne (http://atilf.atilf.fr/).
D'autre part, il est amusant de voir que les discussions sur la science, et éventuellement ses rapports avec l'activité d'application des sciences, suscite des remarques... qui n'ont rien à voir avec la question traitée.
Qu'est-ce que la science ? Qu'est-ce que la technologie ? Ajoutons : qu'est-ce que la technique? qu'est-ce que l'art ? Pour ceux qui ne cherchent pas à compliquer d'emblée des choses simples, je crois qu'il n'est pas mauvais de commencer par observer qu'une activité se définit par son objectif, puis par sa méthode, éventuellement.
1. L'objectif de la science, c'est d'agrandir le royaume du connu, de produire de la connaissance.
2. Pour la technologie, il s'agit de produire de l'innovation, que cette dernière résulte de l'application des résultats des sciences, ou qu'il s'agisse d'être simplement "astucieux", à propos de faits techniques (je renvoie à mon "Cours de gastronomie moléculaire N°1" à ce propos, pour une distinction entre technologie globale, et technologie locale).
3. La technique, c'est la production (de biens, de service) : technique vient de techne, qui signifie "faire".
4. L'art... est quelque chose de compliqué, mais qui tourne autour du sentiments que l'oeuvre fait naître (en première approximation ; pour plus, voir mon livre "La cuisine, c'est de l'amour, de l'art, de la technique", Editions Odile Jacob).
Commençons par observer que, de même que l'on ne compare pas des pommes à des oranges, il n'y a pas lieu de comparer la science à la technologie, ou à la technique, ou à l'art. Les quatre activités ont leur intérêt propre. Il n'y a pas lieu de mettre la science au-dessus de la technologie, par exemple, sous prétexte que la technologie utilise (parfois) la science... sans quoi on serait conduit à mettre la technique au-dessus de la science, puisque la science utilise la technique pour des travaux (par exemple, il faut des tournevis pour les expériences). Donc quatre champs parallèles, avec certes des relations, mais pas de hiérarchie.
D'autre part, il n'y a pas lieu de confisquer le "pouvoir" au profit d'un groupe particulier : les scientifiques, ou les technologues, ou les techniciens, ou les artistes. Car il y a d'abord à s'interroger sur la question du "pouvoir" : le pouvoir de quoi, pourquoi ?
En passant, je vois sous ma plume le mot "technologue", et il faut absolument faire un commentaire. La technique produit, et la technologie est une réflexion sur la technique, en vue d'innovations. Ces innovations sont essentielles pour un pays, et il faut donc former des jeunes capables de produire cette innovation. Je me suis déjà expliqué dans mille billets sur cette question, mais j'insiste un peu : puisque des applications sont en jeu, ces applications sont "techniques", et l'innovation est donc véritablement "technologique". Donc le nom que l'on doit donner à des individus qui exercent cette activité de recherche d'innovations est "technologues". Ils se distinguent (parfois) des "ingénieurs", dont le nom a évolué avec le temps, mais qui sont souvent des gens qui mènent des projets.
La technologie serait-elle une "science appliquée" ? Certainement pas : ce n'est pas de la science, au sens des sciences de la nature. Et l'expression est donc fautive. Il y a des applications des sciences, mais pas de sciences appliquées. J'ajoute que cette phrase, ainsi dite, remonte au moins à Louis Pasteur, qui produisit de la belle science, mais aussi de remarquables applications des sciences. Et j'ajoute que l'innovation n'a pas toujours besoin des sciences. J'en prends deux exemples personnels (pardon) : mon invention ancienne du "sel glace", et mon invention récente du "beurre feuilleté" ne doivent rien à la science, mais seulement à la réflexion sur les gestes techniques (de cuisine, en l'occurrence). De même, les premiers ordinateurs personnels n'étaient pas des innovations vraiment fondées sur la science, et le succès d'Apple ne résulte donc pas véritablement d'application des sciences.
Ah, tant que j'y suis : nos discussions sont souvent empêtrées avec des expressions comme "science pure", ou "science fondamentale", et je crois que nous devons les combattre.
A des "sciences pures", on oppose évidemment des "sciences impures", et l'on mèle donc de la morale aux débats. Cela n'a pas lieu d'être : soit on agrandit le royaume du connu, soit on ne le fait pas. Il n'y a pas plus de science pure que de science impure. Il y a les sciences de la nature, qui produisent des connaissances, un point c'est tout.
D'autre part, cela n'a pas de sens de parler de "science fondamentale" : les sciences sont les sciences, et le boson de Higgs ou les trous noirs ne sont pas le "fondement" de l'épigénétique, par exemple. En passant, on voit que l'usage d'adjectifs conduit à la faute de pensée... raison pour laquelle, dans notre groupe de recherche, nous bânnissons adjectifs et adverbes, pour les remplacer le cas échéant par la réponse à la question "Combien ?".
D'autre part, il est amusant de voir que les discussions sur la science, et éventuellement ses rapports avec l'activité d'application des sciences, suscite des remarques... qui n'ont rien à voir avec la question traitée.
Qu'est-ce que la science ? Qu'est-ce que la technologie ? Ajoutons : qu'est-ce que la technique? qu'est-ce que l'art ? Pour ceux qui ne cherchent pas à compliquer d'emblée des choses simples, je crois qu'il n'est pas mauvais de commencer par observer qu'une activité se définit par son objectif, puis par sa méthode, éventuellement.
1. L'objectif de la science, c'est d'agrandir le royaume du connu, de produire de la connaissance.
2. Pour la technologie, il s'agit de produire de l'innovation, que cette dernière résulte de l'application des résultats des sciences, ou qu'il s'agisse d'être simplement "astucieux", à propos de faits techniques (je renvoie à mon "Cours de gastronomie moléculaire N°1" à ce propos, pour une distinction entre technologie globale, et technologie locale).
3. La technique, c'est la production (de biens, de service) : technique vient de techne, qui signifie "faire".
4. L'art... est quelque chose de compliqué, mais qui tourne autour du sentiments que l'oeuvre fait naître (en première approximation ; pour plus, voir mon livre "La cuisine, c'est de l'amour, de l'art, de la technique", Editions Odile Jacob).
Commençons par observer que, de même que l'on ne compare pas des pommes à des oranges, il n'y a pas lieu de comparer la science à la technologie, ou à la technique, ou à l'art. Les quatre activités ont leur intérêt propre. Il n'y a pas lieu de mettre la science au-dessus de la technologie, par exemple, sous prétexte que la technologie utilise (parfois) la science... sans quoi on serait conduit à mettre la technique au-dessus de la science, puisque la science utilise la technique pour des travaux (par exemple, il faut des tournevis pour les expériences). Donc quatre champs parallèles, avec certes des relations, mais pas de hiérarchie.
D'autre part, il n'y a pas lieu de confisquer le "pouvoir" au profit d'un groupe particulier : les scientifiques, ou les technologues, ou les techniciens, ou les artistes. Car il y a d'abord à s'interroger sur la question du "pouvoir" : le pouvoir de quoi, pourquoi ?
En passant, je vois sous ma plume le mot "technologue", et il faut absolument faire un commentaire. La technique produit, et la technologie est une réflexion sur la technique, en vue d'innovations. Ces innovations sont essentielles pour un pays, et il faut donc former des jeunes capables de produire cette innovation. Je me suis déjà expliqué dans mille billets sur cette question, mais j'insiste un peu : puisque des applications sont en jeu, ces applications sont "techniques", et l'innovation est donc véritablement "technologique". Donc le nom que l'on doit donner à des individus qui exercent cette activité de recherche d'innovations est "technologues". Ils se distinguent (parfois) des "ingénieurs", dont le nom a évolué avec le temps, mais qui sont souvent des gens qui mènent des projets.
La technologie serait-elle une "science appliquée" ? Certainement pas : ce n'est pas de la science, au sens des sciences de la nature. Et l'expression est donc fautive. Il y a des applications des sciences, mais pas de sciences appliquées. J'ajoute que cette phrase, ainsi dite, remonte au moins à Louis Pasteur, qui produisit de la belle science, mais aussi de remarquables applications des sciences. Et j'ajoute que l'innovation n'a pas toujours besoin des sciences. J'en prends deux exemples personnels (pardon) : mon invention ancienne du "sel glace", et mon invention récente du "beurre feuilleté" ne doivent rien à la science, mais seulement à la réflexion sur les gestes techniques (de cuisine, en l'occurrence). De même, les premiers ordinateurs personnels n'étaient pas des innovations vraiment fondées sur la science, et le succès d'Apple ne résulte donc pas véritablement d'application des sciences.
Un beurre feuilleté réalisé par mon ami Pierre Gagnaire. La photographie est prise par cet extraordinaire photographe qu'est Jacques Gavard (http://www.jacquesgavard.com/Jacques_Gavard_Photographe/WELCOME.html)
Ah, tant que j'y suis : nos discussions sont souvent empêtrées avec des expressions comme "science pure", ou "science fondamentale", et je crois que nous devons les combattre.
A des "sciences pures", on oppose évidemment des "sciences impures", et l'on mèle donc de la morale aux débats. Cela n'a pas lieu d'être : soit on agrandit le royaume du connu, soit on ne le fait pas. Il n'y a pas plus de science pure que de science impure. Il y a les sciences de la nature, qui produisent des connaissances, un point c'est tout.
D'autre part, cela n'a pas de sens de parler de "science fondamentale" : les sciences sont les sciences, et le boson de Higgs ou les trous noirs ne sont pas le "fondement" de l'épigénétique, par exemple. En passant, on voit que l'usage d'adjectifs conduit à la faute de pensée... raison pour laquelle, dans notre groupe de recherche, nous bânnissons adjectifs et adverbes, pour les remplacer le cas échéant par la réponse à la question "Combien ?".
mardi 26 juillet 2016
Tout fait d'expérience, tout résultat de calcul, gagne à être considéré comme un cas particulier de cas généraux que nous devons inventer
Tu sais quelque chose ? Quelle est ta méthode ? Fais-le, et, en plus, fais-en la théorisation.
Le titre de ce billet est affiché sur les murs de notre laboratoire. Pourquoi ? Pour répondre, il convient d'abord d'évoquer les documents que nous nommons les « Comment faire ?», et qui sont une façon d’améliorer la qualité de nos recherches. Il convient également d'évoquer la méthode que nous mettons en œuvre pour notre travail scientifique.
La suite se trouve sur http://www.agroparistech.fr/Tout-fait-d-experience-tout-resultat-de-calcul-gagne-a-etre-considere-comme-un.html
Le titre de ce billet est affiché sur les murs de notre laboratoire. Pourquoi ? Pour répondre, il convient d'abord d'évoquer les documents que nous nommons les « Comment faire ?», et qui sont une façon d’améliorer la qualité de nos recherches. Il convient également d'évoquer la méthode que nous mettons en œuvre pour notre travail scientifique.
La suite se trouve sur http://www.agroparistech.fr/Tout-fait-d-experience-tout-resultat-de-calcul-gagne-a-etre-considere-comme-un.html
lundi 25 juillet 2016
La méthode du soliloque formel
En discutant de simplicité, il m'est venue une idée : celle d'un soliloque « mathématique ». De quoi s'agit-il ?
Pour mieux cerner la notion, il faut revenir à l'idée de départ, qui était celle du soliloque. Le soliloque est une méthode que j'ai proposée il y a plusieurs années et qui consiste à développer successivement une idée, exprimée par une phrase, à partir de chacun des mots utilisés dans la phrase, puis on répète l'opération. On part de l'énoncé d'une idée, on discute chaque terme, puis on discute alors les termes nouvellement énoncés, et, se construit ainsi, quasi automatiquement ; un discours buissonnant, et donc nécessairement un peu baroque, que l'on peut ensuite « mettre au carré ». J'aime assez la comparaison avec un buisson, où des tiges croissent, un peu en désordre, s'entourent de rameux, de feuilles, de sorte qu’immanquablement on arrive à une touffe désordonnée, sans beaucoup de construction apparente, et qu'il faut ensuite rabattre, pour donner une forme voulue.
Cette méthode du soliloque, nous l'utilisons largement au laboratoire, mais avec des mots du langage naturel, et je n'oublie pas que certains d'entre nous sont si familiers avec les équations, le calcul, les mathématiques, qu'ils en viennent à calculer comme le rossignol chante.
L'idée qui m'est venue hier, c'est celle d'un soliloque « mathématique », avec des équations que l'on enchaîne ainsi, les unes à la suite des autres. On sait que je distingue deux activités, à savoir les mathématiques et le calcul, la différence portant sur l'objectif : pour les mathématiques, il s'agit de développer… les mathématiques; pour le calcul, il s'agit d'utiliser les mathématiques pour décrire des phénomènes de la nature. Bien sûr, on peut faire de la physique "avec les mains" (cela signifie "avec des mots du langage naturel"), mais il y a alors deux cas : la vulgarisation, que je ne considère pas ici, et pour laquelle les équations sont hors sujet, et cette physique telle que la faisait Pierre-Gilles de Gennes, où presque tout tient dans des lois générales telles que « la surface varie comme le carré du rayon ». Dans un tel cas, on peut y mettre des mots, mais ils sont en réalité inutiles, où, plus exactement, ils ne semblent servir qu'à définir les objets mathématiques que l'on utilise ensuite : on aurait ainsi pu dire A ∼ r2. C'est pour cette activité-là qu'un premier soliloque mathématique est possible.
# Mais il y en a un deuxième, un soliloque mathématique proprement dit, pour des mathématiques, et l'on ne saurait en discuter sans se souvenir que Henri Poincaré proposait que les mathématiques ne soient pas déductives, mais inductives.
Quel nom pour ces soliloques-là ? Stricto sensu, on ne doit nommer « soliloque mathématique » que celui que je viens de considérer, où il est question de mathématiques, et non de calcul. Pour les sciences de la nature ? Cette fois, il ne s'agit pas de mathématiques, mais de calcul. Devrions-nous dire soliloque calculatoire ? La terminologie n'est guère jolie. Soliloque équationnel ? Là encore, ça sent un peu la transpiration. Soliloque théorique ? Ce serait un peu idiosyncratique, avec l'hypothèse implicite que nous ne considérons que la nature. Soliloque formel ? Cette fois, c'est plus conforme à l'idée que les sciences de la nature font usage de formalismes. Je propose de rester à cette terminologie, et à l'envisager maintenant plus en détail.
Comment faire un soliloque formel ? Je propose que nous considérions d'abord un cas particulier, et notamment un cas tout récent d'un calcul effectué hier sur la quantité de graisses perdues lorsqu'on extrait ces dernières à l'aide d'un solvant organique.
La description initiale consiste à décrire le "modèle", par exemple de façon simple, en imaginant un "compartiment" avec de l'eau et de la graisse, un solvant que l'on pose dessus, et qui extrait la matière grasse en laissant une partie de celle-ci dans le compartiment aqueux. Chaque compartiment est alors caractérisé quantitativement, formellement, par une masse d'eau, de solvant, de graisse présente dans ce compartiment particulier.
Ce premier calcul étant fait (il est simple), on développe, en revenant sur chaque notion : par exemple, on considère que la graisse initiale peut-être sous trois forme : surnageant, en solution, en suspension sous la forme de gouttelettes... et l'on écrit les équations de ces trois formes, tout au long du processus d'extraction.
Ce second "modèle" étant fait, on peut faire mieux, en considérant que les graisses sont de plusieurs sortes, de sorte que l'on divise la partie "graisses", et attribuant des comportements différents aux graisses solubles dans le solvant, et aux graisses qui ne sont que partiellement solubles.
Et ainsi de suite à l'infini. Ce soliloque se distingue-t-il d'autres formes plus classiques de modélisation ? Oui... mais je le discuterai une autre fois.
Pour mieux cerner la notion, il faut revenir à l'idée de départ, qui était celle du soliloque. Le soliloque est une méthode que j'ai proposée il y a plusieurs années et qui consiste à développer successivement une idée, exprimée par une phrase, à partir de chacun des mots utilisés dans la phrase, puis on répète l'opération. On part de l'énoncé d'une idée, on discute chaque terme, puis on discute alors les termes nouvellement énoncés, et, se construit ainsi, quasi automatiquement ; un discours buissonnant, et donc nécessairement un peu baroque, que l'on peut ensuite « mettre au carré ». J'aime assez la comparaison avec un buisson, où des tiges croissent, un peu en désordre, s'entourent de rameux, de feuilles, de sorte qu’immanquablement on arrive à une touffe désordonnée, sans beaucoup de construction apparente, et qu'il faut ensuite rabattre, pour donner une forme voulue.
Cette méthode du soliloque, nous l'utilisons largement au laboratoire, mais avec des mots du langage naturel, et je n'oublie pas que certains d'entre nous sont si familiers avec les équations, le calcul, les mathématiques, qu'ils en viennent à calculer comme le rossignol chante.
L'idée qui m'est venue hier, c'est celle d'un soliloque « mathématique », avec des équations que l'on enchaîne ainsi, les unes à la suite des autres. On sait que je distingue deux activités, à savoir les mathématiques et le calcul, la différence portant sur l'objectif : pour les mathématiques, il s'agit de développer… les mathématiques; pour le calcul, il s'agit d'utiliser les mathématiques pour décrire des phénomènes de la nature. Bien sûr, on peut faire de la physique "avec les mains" (cela signifie "avec des mots du langage naturel"), mais il y a alors deux cas : la vulgarisation, que je ne considère pas ici, et pour laquelle les équations sont hors sujet, et cette physique telle que la faisait Pierre-Gilles de Gennes, où presque tout tient dans des lois générales telles que « la surface varie comme le carré du rayon ». Dans un tel cas, on peut y mettre des mots, mais ils sont en réalité inutiles, où, plus exactement, ils ne semblent servir qu'à définir les objets mathématiques que l'on utilise ensuite : on aurait ainsi pu dire A ∼ r2. C'est pour cette activité-là qu'un premier soliloque mathématique est possible.
# Mais il y en a un deuxième, un soliloque mathématique proprement dit, pour des mathématiques, et l'on ne saurait en discuter sans se souvenir que Henri Poincaré proposait que les mathématiques ne soient pas déductives, mais inductives.
Quel nom pour ces soliloques-là ? Stricto sensu, on ne doit nommer « soliloque mathématique » que celui que je viens de considérer, où il est question de mathématiques, et non de calcul. Pour les sciences de la nature ? Cette fois, il ne s'agit pas de mathématiques, mais de calcul. Devrions-nous dire soliloque calculatoire ? La terminologie n'est guère jolie. Soliloque équationnel ? Là encore, ça sent un peu la transpiration. Soliloque théorique ? Ce serait un peu idiosyncratique, avec l'hypothèse implicite que nous ne considérons que la nature. Soliloque formel ? Cette fois, c'est plus conforme à l'idée que les sciences de la nature font usage de formalismes. Je propose de rester à cette terminologie, et à l'envisager maintenant plus en détail.
Comment faire un soliloque formel ? Je propose que nous considérions d'abord un cas particulier, et notamment un cas tout récent d'un calcul effectué hier sur la quantité de graisses perdues lorsqu'on extrait ces dernières à l'aide d'un solvant organique.
La description initiale consiste à décrire le "modèle", par exemple de façon simple, en imaginant un "compartiment" avec de l'eau et de la graisse, un solvant que l'on pose dessus, et qui extrait la matière grasse en laissant une partie de celle-ci dans le compartiment aqueux. Chaque compartiment est alors caractérisé quantitativement, formellement, par une masse d'eau, de solvant, de graisse présente dans ce compartiment particulier.
Ce premier calcul étant fait (il est simple), on développe, en revenant sur chaque notion : par exemple, on considère que la graisse initiale peut-être sous trois forme : surnageant, en solution, en suspension sous la forme de gouttelettes... et l'on écrit les équations de ces trois formes, tout au long du processus d'extraction.
Ce second "modèle" étant fait, on peut faire mieux, en considérant que les graisses sont de plusieurs sortes, de sorte que l'on divise la partie "graisses", et attribuant des comportements différents aux graisses solubles dans le solvant, et aux graisses qui ne sont que partiellement solubles.
Et ainsi de suite à l'infini. Ce soliloque se distingue-t-il d'autres formes plus classiques de modélisation ? Oui... mais je le discuterai une autre fois.
dimanche 24 juillet 2016
On répond toujours à un courrier
Electronique ou papier, les messages qui nous sont adressés méritent une réponse. C'est une vieille règle de politesse. Pourquoi s'impose-t-elle ?
Jadis, et d'ailleurs encore naguère, la politesse (le mot est français, de sorte que c'est la politesse française que je considère) voulait que nos actes soient en conformité avec la religion catholique (ou éventuellement protestante, après la Renaissance) : c'est au regard de Dieu qu'il fallait agir. Or "la personne est de par sa constitution un être social, car ainsi l'a voulue Dieu qui l'a créée" (Concile oecuménique Vatican II). Dans cette vision, la vie communautaire aurait été une caractéristique naturelle qui aurait distingué l'être humain du reste des créatures terrestres. Et comme les êtres humains sont frères (et soeurs), il était évident que l'on ne pouvait pas refuser de répondre.
Les siècles ont passé, et la religion n'est plus la base universelle de la politesse française. Sur quoi fonder alors cette dernière ? Sur les us et coutumes ? Sur la nature humaine ? La question d'une "morale naturelle" été largement débattue, et la biologie du comportement animal a récemment donné de nombreuses clé pour mieux comprendre que la morale a une double fondation naturelle et culturelle, mais il demeure que la socialité est une caractéristique de notre espèce.
Revenons à nos courriers : de même que ne pas répondre à quelqu'un qui s'adresse à nous est une façon de le rejeter, ne pas répondre à un courrier est une façon manifeste de refuser une relation, qu'il s'agisse de courrier papier ou d'email. Naguère, et encore aujourd'hui, certaines "personnalités" avaient des secrétaires pour faire cette séance de courrier que l'on remplace aujourd'hui par des séances d'email.
Mais la règle demeure : on répond toujours à un courrier, au minimum par un "J'ai bien reçu votre courrier, et j'y répondrai plus en détail dès que je pourrai".
Du coup, comme je réponds parfois tardivement, je viens d'ajouter une réponse automatique qui accuse réception des messages, en attendant qu'ils soient traités plus en détail. Est-ce me préoccuper suffisamment de mes correspondants ?
samedi 23 juillet 2016
Une passionnante discussion, à propos de cuisine note à note
Hier, j'ai reçu un courriel si passionnant que je n'ai pas perdu une seconde : une réponse détaillée s'imposait.
Mon correspondant (que je ne connais pas) a accepté que je publie son texte, qui figure dans la colonne de gauche. Ma réponse est dans la colonne de droite. Et, comme en cuisine, on se sépare difficilement des amis (et ce n'est pas une rhétorique convenue), j'ai ajouté un petit message, qui donne des indications supplémentaires, qui auraient trouvé leur place dans la réponse. Il y a de la redondance, une perte de structure, mais tant pis : le formalisme est mortifère, comme l'observait Nietzsche.
Et l'art, au contraire, est plein de vie... tout comme la science, qu'on ne confondra pas avec ses applications.
Ici, il n'est donc en aucune façon question de gastronomie moléculaire (de la science), mais seulement de cuisine note à note
J'ai découvert vos travaux en 2001, alors que par provocation et curiosité je proposais en sujet de TIPE pour les concours d'entrée aux grandes écoles, sur le thème "Composition et décomposition" le sujet de la sauce salade. | Curiosité : merveilleux.
Provocation : j'en connais qui ont du mal à s'empêcher d'en faire... mais pour ce qui me concerne, la cuisine note à note n'en est pas. |
Ce fut une année enrichie par la découverte de l'extraordinaire complexité des émulsions, par de franches rigolades en laboratoire avec simplement des ingrédients de la cuisine de tous les jours, mais également par l'excellent sujet des Mines 2000 sur le soufflé dont vous étiez si mes souvenirs sont bons co-auteur. | Oui, il y a eu une épreuve de physique, au Concours des Mines, consacrée aux transferts thermiques dans les soufflés. Je n'y étais pour rien... d'autant que la question, intéressante en elle-même, n'avait pas de pertinence culinaire. Personnellement, j'aurais fait calculer autre chose, mais peu importe : je remercie les collègues auteurs de ce sujet d'avoir popularisé la question. |
Avance rapide à cette année ou un ami aussi mordu de cuisine que moi me parle de votre conférence sur la cuisine note à note publiée par AgroParisTech sur DailyMotion. | Je ne crois pas qu'il y ait eu une « conférence », mais il y a eu des Cours de gastronomie moléculaire consacrés à la cuisine note à note en 2012 : http://podcast.agroparistech.fr/users/gastronomiemoleculaire/weblog/706a3/Cours_de_Gastronomie_Moleculaire_2012.html |
Et me voila immédiatement malgré moi en train de vouloir brandir "Soylent Green" (Soleil Vert) vis à vis de vos propos comme d'autres ont pu par le passé brandir "Brave new world" vis à vis du clonage humain. | Je n'ai pas vu Soleil Vert, mais j'ai compris qu'il était
question de « nourriture de synthèse » (produite à
partir de cadavres humains) produite par une multinationale
Soylent, et de résistance. La « nourriture naturelle »,
dans cette histoire, est réservée aux nantis.
Oui, on m'a signalé plusieurs fois ce film... mais la proposition de la cuisine note à note n'a pas vocation d'aboutir à cette chose terrible ! Si vous me lisez bien, je propose d'abord de penser que la méthode la plus efficace de produire des nutriments est de cultiver des végétaux : d'une part, l'énergie solaire, l'humidité de l'atmosphère, le CO2, les sols... sont disponibles ; d'autre part, il a fallu des centaines de chimistes-ans pour synthétiser rien que la vitamine B12 ! C'est pourquoi je préconise fractionnement et craquage des produits végétaux : n'oublions pas le « magasin du bon dieu » qu'évoquait mon défunt ami Pierre Potier. D'autre part, dans le livre La cuisine note à note, j'explique que le projet politique de cette cuisine est d'enrichir les agriculteurs. En revanche, je discute aussi les mots « naturels » et « de synthèse », ou « artificiels ». J'invite tous ceux qui ne l'ont pas fait à lire « De la nature », par John Stuart Mills... par ces temps de sentiments pro-nature souvent insuffisamment raisonnés. |
Suis-je donc bien reactionnaire, me dis-je en mon fors intérieur. | Une réaction à la cuisine note à note ? Si l'on oublie la question de Soleil vert, et le fantasme qui est né de ce film, il demeure que j'ai été moi-même hésitant à penser l'idée. Mais mon livre explique que la cuisine note à note est une « évidence a posteriori », concept amusant, quand on y pense ! |
En vérité, je dois l'avouer, si cette conférence m'ulcère de prime abord, l'individu de pure raison qui cohabite tant bien que mal avec le concupiscent ne peut que gamberger tout azimut sur la portée et l'intelligence de vos propos. | Oui, nous tenons « viscéralement » à nos coqs au
vin, poulets rôtis, choucroute...
Et c'est sans doute du conditionnement d'enfance : pour des raisons biologiques profondes, nous ne mangeons que ce que nous connaissons (néophobie alimentaire). Et oui, je souhaite surtout susciter des réflexions : c'est la raison pour laquelle la Séance publique de l'Académie d'agriculture de France, le 19 décembre, sera une séance de questionnement ! |
Car oui, j'ose souvent défendre des propos proches du malthusianisme, souvent plus par envie de susciter la reflexion que par réelle conviction, et peut être ai-je décelé (à tort ?) une démarche similaire dans la part de votre conférence qui traite de la conservation de l'énergie et de l'entretien de notre environnement. | Je vous rejoins : avons-nous d'une démographie galopante,
un peu bestiale, ou devons-nous apprendre la raison nataliste ?
Pour ce qui concerne l'énergie, je n'ai pas d'états d'âme, parce que je serai sans doute mort en 2050, quand le pétrole sera épuisé. Mais une crise s'annonce. Pour l'environnement, la sensibilisation n'est plus à faire ! |
J'admire dans votre discours également le pragmatisme stratégique, fondé sur une expérience historique probante, et dont vous avez su faire l'eclatante démonstration de réussite à travers la gastronomie moléculaire. | Comptez sur moi : j'ai 365 jours par an, et 24 heures par jour. L'histoire de la cuisine note à note commence seulement ! |
Je me prends à rêver du jour où votre serviteur, bedonnant
car incapable de maintenir son poids même en mangeant de la soupe
et du jambon, cuisinant en fuyant la graisse (sauf quand il faut
faire plaisir, auquel cas tous les moyens sont bons), pourra via
un pianocktail se composer un repas savoureux, sain et équilibré.
De la haute diététique gastronomique sur mesure, n'est-ce pas un
rêve ? |
Le pianocktail existe, mais je crois que la question est « un
repas savoureux, sain, équilibré ».
A ce jour, il semble que la seule diététique qui tienne soit de manger de tout en quantités modérées, et en faisant de l'exercice. Ce qui est passionnant, notamment, dans la cuisine note à note, c'est qu'elle pose des questions nutritionnelles auxquelles on ne sait pas répondre. Comment se nourrir note à note au quotidien ? Voilà la question posée à nos nutritionnistes et diététiciens. A noter qu'elle s'apparente à « comment nourrir des hommes et des femmes qui iraient faire des voyages au long cours dans l'espace » (à noter que je ne suis pas certain de l'utilité de tels voyages... mais si cela amuse certains). Quant à la haute cuisine note à note, c'est ce qui se fera en premier, puisque la stratégie de développement de cette cuisine vise à l'introduire d'abord chez les chefs étoilés. |
J'ai un vertige en imaginant le nombre de possibilités culinaires envisageables avec ce genre de techniques. | Oui, c'est infini. Et c'est donc merveilleux, car il va falloir trouver des critères de choix, autre que la paresseuse stratégie qui consiste à faire ce que l'on a toujours fait (steak ou poulet grillé, pâtes ou frites...) |
Et puis vient la première question profondément humaine. Ai-je envie ? | En tant que gourmand, je réponds « oui » sans
aucune hésitation.
En tant que citoyen qui voit les 45 % de gaspillage alimentaire, entre le champ et l'assiette, je réponds également que transporter « de l'eau qui pourrit », c'est honteux... de sorte qu'il faut fractionner à la ferme, et ne transporter que des fractions dont les cuisiniers (domestiques : ce sont surtout eux que je vise, disons que j'espère) feront une « cuisine note à note pratique », à défaut d'être une « cuisine note à note pure » (n'utilisant que des composés) |
La cuisine est envie pour moi. L'imagination me vient lorsque j'ai un beau produit sous les yeux, sous la main, sur les papilles. | Cette réaction résulte d'une méconnaissance des composés et
des fractions proposés.
Je me souviens de mon ami Pierre Gagnaire, à qui j'avais soumis de la poudre de betteraves (une jolie poudre d'un rose framboise, avec un goût superbe), qui en a fait un remarquable plat, présenté lors d'une conférence commune à l'Académie culinaire de France. Et pour ce qui me concerne, j'adore les sotolons, 1-octène-3-ol, citral, etc. Mais évidemment, le rêve ne peut s'élaborer que sur la connaissance ! |
Lorsque je passe devant les produits de cuisine moléculaire grand public dans leurs emballages aseptisés, je ne vois que l'ennui, pas le merveilleux champ de pommes de terres de Parmentier gardé contre les faméliques. | Merveilleux champ de pommes de terre ? Bof... J'ai peur
qu'il y ait du fantasme !
Hier, par exemple, je pataugeais dans la boue d'un champ... de pommes de terre. Désolé, mais ça manquait de charme. Quant aux pommes de terre, pourquoi pas de temps en temps, mais ce n'est pas ce qui me fait le plus rêver. |
Ai-je envie que ma cuisine, avec ses épices, ses bons produits riches en textures et en saveurs, qui me font saliver, qui me font rêver, soit demain remplie de boites de plastique blanches et hermétiques ? | Les épices font saliver ? Amusant : nombre de
composés note à note s'apparentent absolument à des épices.
Et puis, pourquoi n'aurions-nous pas de jolis flacons, au lieu de boites plastiques blanches et hermétiques ? Personne ne vous empêche de mettre de la gélatine dans un petit pot de grès alsacien, par exemple. |
Je vous pose la question : est-ce le scientifique en vous qui s'émerveille de cette cuisine, ou bien est-ce le créateur du canard à la Brillat Savarin ? | Là, c'est très clair : de même qu'un amateur de musique veut découvrir des tas de nouvelles et belles musiques, de même qu'un amateur de peinture veut découvrir Zao Wu Ki, quand il en est resté à Rembrandt, moi, Gourmand, je veux absolument découvrir de nouveaux goûts, de nouvelles consistances, de nouvelles saveurs, des piquants et des frais originaux, des couleurs jamais mangées. |
Et vient ensuite la question de la richesse. Je vais prendre le
parallèle avec d'autres arts, si vous le voulez bien. On sait
aujourd'hui produire de la peinture avec des composés de
pigmentation et de stabilisation, des claviers electroniques et
logiciels qui imitent formidablement de vrais instruments. Malgré tout... Retrouve-t-on le charme des pigments anciens, même si ceux ci peuvent passer avec le temps ou contenir des poisons comme l'arsenic ? |
Retrouve-t-on le charme des pigments anciens ? Laissons
aux anciens les pigments anciens, et essayons de voir les couleurs
encore jamais vues.
Par exemple, en faïence, Théodore Deck avait « tiré le bleu du ciel ». Plus près de nous, Klein a réitéré, et il y a de quoi s'émerveiller. Pourquoi n'y aurait-il pas une suite à cette image ? Et puis, pourquoi avoir le charme de l'ancien et le merveilleux du nouveau SANS l'arsenic ? Pardonnez moi, mais je préfère une vie longue pleine d'art, que la même vie écourtée par les poisons, avec le seul art des siècles passés. Une remarque : en matière d'art, le nouveau s'ajoute à l'ancien, et ne le remplace pas. Imaginez le calvaire d'écouter du Bach toute la journée, ou de regarder du Durer, et seulement du Durer |
Peut-on reproduire sur un synthétiseur Yamaha la richesse du son d'une flute traversière en ébène du même fabriquant, née du sacrifice d'arbres de plus en plus rares ? | Je suis flutiste, précisément... et j'ai une flute Yamaha...
laquelle a fait hurler les puristes il y a 30 ans : amusant,
donc, que vous preniez cet exemple.
Oui, on peut reproduire sur un synthétiseur Yamaha, ou même sur n'importe quel ordinateur la richesse du son d'une flute en ébène (d'ailleurs, désolé de vous dire qu'une flute Yamaha, c'est quand même bien mieux que de l'ébène ! Et puis, abattre des essences rares ? |
... Combien d'efforts et de composés pour arriver à la richesse gustative équivalente (sans pour autant imiter) d'un pata negra ou d'une tomate de petite ferme ? | En réalité, pas beaucoup d'efforts. D'abord, évacuons le
fantasme de « pata negra », ou de tomate de petite
ferme. Oui, il y a parfois des produits remarquables... mais
parfois seulement !
D'ailleurs, nous avons eu un débat passionnant, à AgroParisTech, à propos des « beaux produits » (je crois que c'est filmé, en podcast). En gros, la conclusion, c'est qu'un beau produit est un produit adapté à l'usage culinaire que l'on veut en faire. Une viande à braiser ne vaut rien pour une grillade, mais s'impose largement devant le plus beau des filets quand il s'agit de braisage. Ensuite, les acousticiens ont montré que, au delà de sept harmoniques, on ne les entend plus. Et nos sens sont bien imparfaits. D'ailleurs... le cinéma, malgré les images successives, ne paraît pas saccadé. Et ainsi de suite : les pixels ne gagnent rien à être trop petits. Regardez les recettes servies par les chefs des Toques blanches le 20 septembre 2012, lors de la conférence de presse pour la sortie du livre La cuisine note à note. Ce n'est pas difficile... et c'était très intéressant. En tout cas, bien supérieur au buffet minable d'un très grand traiteur du 6e arrondissement. Plus généralement, il y aura d'extraordinaires oeuvres note à note comme il y a eu d'extraordinaires mets classiques. J'ai confiance... dans les artistes, puisque c'est une question artistique ! |
Peut-on seulement ? | Peut-on ? Oui. L'histoire des techniques est pleine de
questions, à propos du plus lourd que l'air, à propos des
sous-marins, à propos du gaz à tous les étages, à propos de
l'électricité dans les rues, à propos...
La vraie question, c'est Prométhée ! Et là, utilisez vous par exemple un ordinateur ? Avec quelle bonne confiance ? Et l'électricité ? Décidément, je suis bien content d'apprendre un minimum de clairvoyance en préparant mon livre sur la mauvaise foi. Non que je vous en accuse personnellement, mais je NOUS en accuse tous. Le partage humain/animal qui fait de nous des êtres humains me semble être une des causes de la chose. |
De tels aliments ne valent-ils pas qu'on s'empoisonne un peu pour un moment de merveille ? | Pas sûr. S'il y a d'autres merveilles, pourquoi voudrais je
celles qui empoisonnent ? Carricaturons : imaginons un
champignon toxique au goût délicieux, mais qui ne nous
laisserait que 10 ans à vivre. Le prendriez vous ?
D'ailleurs, ce fut le cas avec les sels de plomb dont les Romains édulcoraient leurs vins. L'Empire est tombé. Donc, non, l'alternative n'est pas alimentation triste et note à note contre merveilles empoisonnées. Depuis que mes enfants m'y ont poussé, je réponds toujours que je préfère les framboises quand on me donne le choix entre des fraises et des pommes. |
Je vous rassure, la question est ouverte, je suis dans le flou moi même, mais votre éclairage là dessus m'intéresserait. D'autant que je ne suis sans doute pas le premier à aborder le sujet avec vous :) | Et moi, je suis de moins en moins dans le flou, mais il est
vrai que je m'interroge, car je me souviens de cette phrase :
« Comment serais je insensé à croire à mes propres
certitudes ? ».
Oui, vous n'êtes pas le premier, mais je vous remercie très vivement de ce baptème du feu, car il est amical, contrairement à ce que j'attends de certains journalistes réacs, qui attaqueront bientôt avec virulence (notamment pour que je réponde, et qu'ils soient mis en lumière). |
Tant d'autres questions : - Ethique : je ne reviens pas sur le problème Soylent Green |
Moi non plus. Pas de fantasme |
- Pédagogique : vous parlez "d'imposer" le note à note pour les moins de 20 ans histoire de régler le problème sur cette génération, | Là, vous avez entièrement raison : j'ai tort de vouloir
imposer la cuisine note à note. Disons que j'y crois tant, d'un
point de vue citoyen, que j'ai une grande envie de voir la cuisine
note à note se développer rapidement.
Mais je dis aussi, souvent, que mes efforts ne sont que peu utiles. J'attends la prochaine crise de l'énergie, car elle imposera la cuisine note à note, tout comme la crise de la vache folle a imposé les gélifiants autres que la gélatine, que je proposais depuis 1980 en vain, les cuisiniers me rétorquant que j'allais empoisonner tout le monde : en 15 jours, ils ont tourné leur veste ! Donc j'attends avec patience et dynamisme, je fais de la pédagogie, je prépare le terrain, je suscite des réflexions dans des cercles variés : agronomiques, culinaires, etc. |
mais ce genre d'éducation "forcée" en gastronomie a déjà mené à une pseudo-catastrophe aujourd'hui, une dégénérescence du gout vers une culture fast food, loin du réel plaisir gustatif. N'est-ce pas risqué ? | Je me méfie des « dégénérescences du goût » :
après la Seconde Guerre mondiale, quand le jazz est arrivé, les
classiques (les « Anciens ») en disaient que ce
n'était pas de la musique. Puis, dans les années 1980, les
amateurs de jazz ont dit que le hard rock n'était pas de la
musique... Et cette querelle des Anciens et des Modernes dure
depuis toujours. Et les Modernes gagnent toujours, par disparition
des Anciens. Et puis, quelle dégénérescence du goût ? Et qui sommes nous pour critiquer le goût des autres ? La catastrophe dont vous parlez me semble double : 1) pandémie d'obésité (due à l'inactivité, principalement) ; 2) le vrai scandale alimentaire actuel, ce sont les « marchands de peur », ceux qui font croire que des résidus de pesticides (à peine dosables) sont un complot de la grande industrie/capital, et j'en passe et des OGM. C'est là l'immense scandale du XXI e siècle ! Avec un « ilchimisme » qui livre à leur griffes un public trop naïf (et je me mets dans le public, sans supériorité, sachant trop combien je suis ignorant dans les domaines techniques qui ne sont pas les miens) |
- Ne suis-je pas prêt à vivre moins longtemps en m'empoisonnant à petit feu pour vivre plus intensément ? (peut-on rire de cette question ?) | Déjà discuté, je n'y reviens pas |
- et j'en passe. | Dommage (franchement) : cela m'aurait donné la
possibilité d'exposer des réponses.
Plus généralement, je déclare sur l'honneur que je n'ai aucun intérêt financier au développement de la cuisine note à note. Je n'y ai même pas d'intérêt d'égo, et je crois seulement pouvoir m'attendre à des ennuis. N'ai je pas déjà reçu des menaces de mort lorsque j'avais proposé de supprimer les notions fausses de « cuisson par concentration » et de « cuisson par expansion », il y a une vingtaine d'années ? Cette fois, cela risque d'être pire ! |
Est-ce que je me trompe en imaginant que vous n'agissez pas en moteur universel sur ce sujet ? Outre l'engouement de chefs à expérimenter vos propositions, j'imagine que vous avez tout un entourage intellectuel modérateur n'est-ce pas ? Gastronomes traditionnalistes, diététiciens, sociologues, psychologues, philosophes ? | Je n'ai personne, mais je m'active pour avoir beaucoup de monde. C'est notamment le but de la séance du 19 décembre 2012 à l'Académie d'agriculture de France. C'est notamment la raison pour laquelle j'ai publié mon manifeste+manuel : en espérant qu'un très vaste dialogue se créera. C'est notamment la raison pour laquelle j'ai fait le Cours 2012, podcasté de surcroît : il s'agissait de poser des questions. C'est le but de mes conférences actuelles : créer un débat collectif, qui fasse intervenir des compétences variées... mais il est vrai aussi que je ne crois pas que les questions soient vraiment difficiles, en général. |
Vraiment j'aimerais connaitre la nature du groupe de réflexion sur ce sujet. | Il n'y en a pas de constitué, mais vous me donnez une idée ! |
Et savoir d'ailleurs s'il existe des espaces d'échange publics en réalité, pour suivre et participer à la reflexion dans la mesure de mes maigres moyens (que n'ai-je pas pris cette décision de suivre un cursus dans cette voie...) | Cette fois, oui : il y a mon blog, où chaque internaute
peut répondre à mes provocations, et aussi un Forum Note à Note
sur le site d'AgroParisTech.
Hélas, peu d'interventions à part les miennes, pour l'instant. |
Dans l'immédiat, je pense que je vais prendre la position d'un curieux. | Cela ne m'étonne pas de vous, que je ne connais pas mais que je découvre en vous lisant. |
Il y a matière à ce que je travaille a partir de composés, et pourquoi pas que je conçoive quelques plats à l'occasion. | N'hésitez pas à me donner vos recettes, que je publierai
immédiatement, en vous les attribuant bien sûr.
N'oubliez pas que le glucose et le gras font toujours recette ! |
Que je goute aussi ce que d'autres plus talentueux ont fait (d'ailleurs, travaillant à deux pas du renaissance de la défense, savez vous s'ils ont mis des plats à la carte ?). | C'est fait depuis une semaine |
Mais sur le propos global, le temps me le dira. | Oui. |
Je vous remercie si vous avez pris le temps de lire ma diatribe jusque ici. Et je vous serai encore plus reconnaissant si vous prenez le temps de me répondre ne serait-ce que pour m'indiquer des publications ou des endroits où je pourrais trouver des réponses à ces nombreuses questions. | C'est moi qui vous remercie, à nouveau Et pour des discussions : http://www.agroparistech.fr/forums/categories/la-cuisine-note-%C3%A0-note |
Cher Monsieur
Voici ma réponse. Je suis désolé d'être si peu hésitant, parce que je me souviens encore quand j'ai pensé la cuisine note à note pour la première fois, et cela me faisait drôle, indépendamment de toute provocation, puisque c'était dans le silence de mon cabinet, comme on dit.
Et plus le temps passe, moins j'ai de doutes et d'hésitations.
Surtout, avec le temps, je vois de mieux en mieux l'incohérence de nos comportements alimentaires, souvent au nom de la "tradition". Mais, la tradition n'est-elle pas, aussi, l'esclavage, la circoncision des petits garçons et l'excision des petites filles, et tant d'autres comportements que nous devrions rapidement éradiquer ? A propos d'empoisonnement, serions-nous prêts à manger des pissala traditionnelles, avec jusqu'à 15 g de cinabre par kilo de sel et par kilo d'anchois ? serions-nous prêts à boire des vins édulcorés aux sels de plomb ? La carricature a cela de bien qu'elle montre mieux le principe des choses.
Très cordialment, avec des remerciements appuyés pour votre message.
Surtout ne pas manquer le moindre symptôme
Surtout ne pas manquer le moindre symptôme
Parmi les phrases qui figurent sur les murs de notre laboratoire, il y a celle-ci : "Surtout ne pas manquer le moindre symptôme".
Le symptôme ? C'est un terme médical, et certains ne le comprennent pas, dans le contexte des sciences de la nature, de sorte qu'il faut commencer par l'expliquer. Un symptôme, en médecine, c'est une manifestation pathologique qui permet au médecin de remonter aux causes de la maladie, parfois à partir d'un signe limité. Par exemple, dans le temps, les médecins goûtaient les urines, et une saveur sucrée leur indiquait un diabète. La médecine cherche les causes des maladies à partir des symptômes. Les diagnostics se font à partir des symptômes.
En sciences de la nature ? Commençons par quelque chose de simple :
La suite sur :
http://www.agroparistech.fr/Surtout-ne-pas-manquer-le-moindre-symptome.html
Parmi les phrases qui figurent sur les murs de notre laboratoire, il y a celle-ci : "Surtout ne pas manquer le moindre symptôme".
Le symptôme ? C'est un terme médical, et certains ne le comprennent pas, dans le contexte des sciences de la nature, de sorte qu'il faut commencer par l'expliquer. Un symptôme, en médecine, c'est une manifestation pathologique qui permet au médecin de remonter aux causes de la maladie, parfois à partir d'un signe limité. Par exemple, dans le temps, les médecins goûtaient les urines, et une saveur sucrée leur indiquait un diabète. La médecine cherche les causes des maladies à partir des symptômes. Les diagnostics se font à partir des symptômes.
En sciences de la nature ? Commençons par quelque chose de simple :
La suite sur :
http://www.agroparistech.fr/Surtout-ne-pas-manquer-le-moindre-symptome.html
vendredi 22 juillet 2016
Certaines idées très fausses ne cessent de courir, polluant nos discussions, contaminant notre vie en collectivité, faussant les décisions de nos communautés. Il y a des fantasmes, des croyances, des opinions, des lubies…, mais les plus fausses de ces idées fausses sont celles sur lesquelles on érige des raisonnements.
Par exemple, les « carrés ronds » : sont-ils rouges ? Bleus ? Graves ? Aigus ? Sucrés ? Salés ? Bien sûr, on a le droit de s'amuser à imaginer des choses, mais il semble essentiel de bien se rappeler alors que ce sont des imaginations, des fictions. La question, d'ailleurs, n'est pas neuve, puisque l'on se moque depuis le Moyen Âge de théologiens qui discutaient à l'infini pour savoir combien d'anges pouvaient tenir sur la pointe d'une épingle. Si les anges n'existent pas, ce n'est pas la peine de faire de tels calculs idiots, d'y passer tant de temps.
En sciences de la nature, l'une de ces idées fausses est celle des « technosciences », selon laquelle il n'y aurait pas de différence entre les sciences de la nature et… on ne sais pas très bien (ça dépend des auteurs, qui agitent parfois leur plume de façon bien inconsidérée) si « techno » se rapporte à la technique ou à la technologie.
En gros, l'idée est essentiellement politique (au mauvais sens du terme, celui de la politique politicienne, le pouvoir avant le bien collectif), et elle tend à faire croire (ce qui n'est pas juste, ni vrai) que les sciences de la nature se sont alliées à l'industrie, se détournant de leur objet qui est la découverte de connaissances « pures », pour se mettre à la solde de ladite industrie. Évidemment, dans un tel discours, l'industrie est toujours quelque chose d'affreux par principe, et la notion (je le redis : c'est un fantasme, pas un objet qui existe) de technoscience est une notion qui relève d'une pensée politicienne… mais je me reprends, car je ne suis pas sûr qu'il s'agisse d'une pensée, mais plutôt d'une compulsion insuffisamment questionnée.
Tout cela étant dit, cette idée fausse de la prétendue technoscience (rien qu'écrire le mot m'arrache la plume) a des avatars, qui sont parfois portés par des amis qui n'y voient pas grand mal, puisque le déguisement qui habille alors ces erreurs (pour ne pas dire « des fautes ») ne permet plus de les reconnaître aussi facilement.
Un de ces avatars est le suivant : « la science est politique : on trouve ce que l'on cherche ».
Il y a là deux phrases qui méritent d'être discutées, avant que nous fassions la synthèse.
La science serait politique ? Bien sûr !
La science est politique ? Il y a deux mots essentiels : « science », « politique ». Précisons tout d'abord que nous ne considérerons ici que les sciences de la nature, et je renvoie vers de nombreux billets précédents pour voir ce que c'est, car l'expérience me prouve que beaucoup de ceux qui prononcent le mot « science », même dans l'acception sciences de la nature, ne savent souvent pas de quoi ils parlent. Pour faire simple, rappelons seulement que les sciences de la nature cherchent les mécanismes des phénomènes à l'aide d'une méthode très codifiée, que nous nommerons, pour faire court, méthode scientifique, ou méthode quantitative.
Les sciences de la nature seraient politiques ? Il y a le mot « politique », qui est ambigu, puisqu'il s'applique aussi bien aux activités au sein de la cité, du grec polis, la communauté humaine, ou s'il s'agit de diriger ladite cité. On comprend que, dans la critique faite à la technoscience, une notion de pouvoir est considérée… ou plutôt déconsidérée, car il est supposé que la moindre tête qui dépasse soit à couper, idée bien naïve pour mille raisons, et qui conduit à des utopies idiotes, et surtout réfutées par les faits : dans un groupe d'êtres humains, mêmes éclairés, il est plus efficace que quelques uns d'entre eux puissent orchestrer. Il y a de la place pour tous, on doit le respect à tous, mais il est bon d'éviter les cacophonies, et d'instituer des règles (oui, des règles!) pour que le fonctionnement collectif soit harmonieux.
Oui, la science est politique, au sens de son inscription dans la cité : les scientifiques n'oublient pas qu'ils sont payés par les citoyens pour aller agrandir le royaume du connu. C'est à ce titre qu'ils ne font pas n'importe quoi, et qu'ils ont l'obligation d'être très « efficaces », au point que certains sont même malheureux quand ils ne font pas de découverte. J'ai discuté la chose mille fois et je n'y reviens pas : oui, les scientifiques sont des gens responsables, dont l'activité est parfaitement politique, au sens de sa place dans la communauté humaine. On observera, pour terminer sur ce point, que je fais une différence entre la science et les scientifiques. La science est une activité que font les scientifique, de sorte que ce n'est pas la science qui est politique, mais les scientifiques eux-mêmes, et je crois que toute discussion qui partirait de mots fautifs serait condamnée, minée, sapée. Faisons donc bien la différence, soyons un peu précis, même si l'exposition semble compliquer un peu : en réalité, c'est de la clarté pour tous.
La science trouverait ce qu'elle cherche ? Ce ne serait pas de la science !
Mais passons à la deuxième moitié de la phrase : on ne trouverait que ce que l'on cherche ? Cette fois, l'erreur est flagrante.
Il y a tout d'abord cet a priori qu'il suffit de chercher pour trouver. Un exemple s'impose, outré, avant d'arriver à une exemple moins évident. L'exemple outré, donc : si un ou une scientifique cherche une clé sous un lampadaire où il n'y a pas de clé, il aura beau chercher, mais il ne trouvera pas. Autrement dit, ce n'est pas parce que la science cherche qu'elle trouve... ce qu'elle cherche.
L'exemple plus élaboré, maintenant, m'a été donné par un ami, dans une discussion récente, et l'on ne peut donc pas le repousser d'un revers de main aussi rapidement que le premier. C'est celui de la « recherche de gènes de l'homosexualité ». Il y aurait des individus qui chercheraient les gènes de l'homosexualité ? Pourquoi pas. D'une part, pourquoi n'y aurait-il pas de tels individus, et, d'autre part, pourquoi n'y aurait-il pas de tels gènes ? Pour la première question, on trouve de tout dans le monde des êtres humains. Pour la seconde question, c'est plus épineux, car, même sans que je prenne parti, je sais que le simple fait d'envisager la possibilité de l'existence de gènes de l'homosexualité est quelque chose de terrible, que certains reprocheront. J'insiste : je n'ai pas dit, pourtant, que je crois à cette existence, mais surtout, il y a deux réponses à donner à cette critique.
La première, c'est que la science n'est pas la morale. Bien sûr, les scientifiques doivent, eux, se livrer à une activité moralement digne, mais il n'est pas indigne de poser des questions, et, d'ailleurs, les scientifiques ne font que cela... ce qui a toujours gêné beaucoup de nos concitoyens. Que l'on pense au système copernicien, qui s'opposait à la Bible en mettant la Terre autour du Soleil plutôt que l'inverse : à l'époque, c'était considéré comme terrible, alors que nous le supportons facilement aujourd'hui. Que l'on pense à la mécanique quantique, dont une interprétation entièrement probabiliste suscitait la fureur de certains, qui auraient voulu plus de déterminisme. Que l'on pense à la possibilité du clonage humain (je n'ai pas dit que j'y étais favorable), qui fait trembler aujourd'hui.
Je maintiens qu'une activité scientifique de bon aloi doit pouvoir poser des questions, discuter ! Je ne dis pas que nous pouvons faire n'importe quelle recherche, mais je dis que la discussion est possible, sans quoi on tombe dans le dogmatisme le plus étriqué.
Bref, continuons la discussion sur ces gènes prétendus de l'homosexualité, en supposant pour les besoins de la discussion que l'homosexualité existe, soit un "phénomène" suffisamment circonscrit pour pouvoir être étudié ; je ne sais pas s'il y a de tels gènes, je ne sais pas s'il n'y en a pas, mais, de toute façon, la science n'est pas là pour espérer les trouver ou espérer ne pas les trouver (on a compris que le mot "espérer" ne s'applique pas à la science, mais aux scientifiques).
Surtout, pour bien comprendre pourquoi, sur cet exemple, il y a une confusion entre science et technologie, ou une méconnaissance de la science, c'est maintenant le moment de rappeler la méthode des sciences de la nature. On identifie d'abord un phénomène, puis on le quantifie ; on réunit les mesures en lois quantitatives, c'est-à-dire en équations, puis on cherche des mécanismes nouveaux, assortis de notions nouvelles, quantitativement compatibles avec les équations, et l'on cherche ensuite à réfuter ce groupe de mécanismes et de notions, cette "théorie", par des expériences toujours quantitatives.
Revenons donc aux différentes étapes à propos de ces prétendus gènes de l'homosexualité. La première étape consiste donc à identifier un phénomène. Comme dit précédemment, ce phénomène doit exister, sans quoi on tombe la mauvaise scolastiques des anges sur les épingles. Les gènes ? Ce sont des objets biologiques apparus anciennement (il y a plusieurs décennies), et la connaissance de la biologie moléculaire montre que les choses se sont considérablement compliqué depuis, de sorte que le mot « gènes » semble déjà un peu hâtif. L'homosexualité, d'autre part ? De quoi s'agit-il ? Entre l'effleurement et la pénétration, il y a une gamme de comportements sexuels considérables, et, sans être spécialiste de la chose, je vois que la notion est bien trop large pour être explorée simplement, et je sais aussi que les comportements humains ont une relation extraordinairement compliquée avec les gènes. De sorte qu'un bon scientifique ne posera pas la question initiale, mais une question bien plus réduite.. au point que l'on a critiqué la science pour son réductionnisme (mais les critiques contre "la science" sont comme les aboiements des chiens : la caravane passe).
Passons rapidement sur la mesure quantitative du phénomène exploré, dans ce cas particulier, et arrivons à la modélisation. Supposons que les mesures effectuées aient conduit à un groupe d'équations. La vraie science ne se limite pas à une telle caractérisation (sinon, ce n'est que de la mesure, pas de la science), et elle cherche des notions nouvelles. Il ne s'agit pas de rester sur le phénomène initial, mais de trouver des mécanismes nouveaux, des notions nouvelles, et cela est quelque chose d'imprévu.
Je le répète : la science n'est pas la vérification ! Elle est la découverte de « montagnes » complètement imprévues… Oui, imprévues, sans quoi il n'y aurait pas de "découverte", et l'on n'aurait pas agrandi le royaume du savoir ! Autrement dit, si l'on part de l'exploration d'un phénomène, on ne sait absolument pas ce que l'on va découvrir, et, à la limite, on pourrait dire que le phénomène initial n'est qu'une excuse pour arriver à quelque chose de nouveau.
Dans nombre de discussions à propos de la science, et notamment dans les discussions à propos de cette prétendue technoscience (qui n'existe pas, je le répète de façon lancinante), il y a cette confusion néfaste, qu'il faut dénoncer entre la science et la technologie. Quand je dis "confusion", je ne dis pas que la science se confond avec la technologie, mais bien plutôt que des individus ne sont pas capables de voir la différence. C'est une confusion terrible, pour nos choix collectifs, parce qu'elle mine également bien des discussions à propos des sciences de la nature.
On sait qu'il y a une volonté industrielle, politique, etc., que la science « serve à quelque chose », mais Louis Pasteur, qui fut pourtant l'un des plus remarquables scientifiques capables de trouver des applications, avait bien dit que l'arbre n'est pas le fruit. La science n'est pas la technologie, et il n'y a pas ce que certains "science appliquée" en raison d'une réflexion insuffisante : il y a la science, et les applications de la science. "Science appliquée" est aussi chimérique que "carré rond", et l'on ne doit pas s'étonner de retrouver ce type d'erreur dans cette discussion, car, une fois de plus, elle est fondée sur une méconnaissance de ce qu'est la science. Oui, la science n'est pas la recherche de solutions, d'applications, et il faut dire avec beaucoup de force que c'est seulement la recherche de découvertes : il s'agit d'agrandir le royaume du connu.
Et voilà pourquoi je peux maintenant conclure à propos de la seconde idée énoncée, selon laquelle on trouverait ce que l'on cherche : non, mille fois non ! Les scientifiques "ne trouvent jamais ce qu'ils cherchent", parce qu'ils n'ont pas cet espoir ce "trouver ce qu'ils cherchent". Au contraire, ils ne cherchent que ce dont ils n'ont pas idée ! Leur espoir, c'est de faire des découvertes, c'est-à-dire de trouver des choses dont ils n'ont pas idée a priori, et qui bouleverseront nos connaissances.
Un bon exemple est la découverte de la théorie de la relativité, où l'on s'interrogeait simplement sur la notion d'inertie : comment l'état de mouvement d'un objet peut-il changer ? Qu'est-ce que le "mouvement" ? Il n'y avait absolument aucune idée d'application, et il a fallu des décennies avant que l'on ne trouve ces applications… qui sont partout maintenant : par exemple, la géolocalisation par satellites ! Autrement dit, c'est une grande ignorance de la nature de la science que cette phrase dont nous sommes partis.
J'ajoute, pour bien faire comprendre ce qu'est la science, que cette dernière veut "réfuter" les théories : il s'agit principalement de montrer en quoi les théories que l'on a sont fausses (disons "insuffisantes"), afin de les améliorer. Autrement dit, une "vérification", au sens d'une confirmation, serait exactement l'inverse du travail scientifique !
Vive la connaissance !
Concluons, en discutant sur les explications que l'on peut donner de la science. Pendant longtemps, j'ai eu la stratégie de donner les arguments précédents (et d'autres) en les assortissant d'hésitations (feintes), de questionnements, afin que mes amis ne reçoivent pas ces arguments de façon péremptoire, ce qui les aurait conduit à les rejeter. Aujourd'hui, j'ai le sentiment que ça suffit, et je crois qu'il est temps de dénoncer très vigoureusement, sans ménagement, les fantasmes, les lubies qui pénalisent notre bon fonctionnement collectif. Il faut combattre les idées fausses.
Toutefois il ne faut pas être "défensif", mais bien plutôt très positif, enthousiastes, et c'est pourquoi je maintiens très énergétiquement l'idée suivante : les scientifiques sont politiquement très responsables ; il sont politiquement engagés, non pas dans la gestion des groupes humains, mais dans leur activité de recherche scientifique, et les découvertes, les vraies, sont toujours imprévues.
Vive la connaissance !
Par exemple, les « carrés ronds » : sont-ils rouges ? Bleus ? Graves ? Aigus ? Sucrés ? Salés ? Bien sûr, on a le droit de s'amuser à imaginer des choses, mais il semble essentiel de bien se rappeler alors que ce sont des imaginations, des fictions. La question, d'ailleurs, n'est pas neuve, puisque l'on se moque depuis le Moyen Âge de théologiens qui discutaient à l'infini pour savoir combien d'anges pouvaient tenir sur la pointe d'une épingle. Si les anges n'existent pas, ce n'est pas la peine de faire de tels calculs idiots, d'y passer tant de temps.
En sciences de la nature, l'une de ces idées fausses est celle des « technosciences », selon laquelle il n'y aurait pas de différence entre les sciences de la nature et… on ne sais pas très bien (ça dépend des auteurs, qui agitent parfois leur plume de façon bien inconsidérée) si « techno » se rapporte à la technique ou à la technologie.
En gros, l'idée est essentiellement politique (au mauvais sens du terme, celui de la politique politicienne, le pouvoir avant le bien collectif), et elle tend à faire croire (ce qui n'est pas juste, ni vrai) que les sciences de la nature se sont alliées à l'industrie, se détournant de leur objet qui est la découverte de connaissances « pures », pour se mettre à la solde de ladite industrie. Évidemment, dans un tel discours, l'industrie est toujours quelque chose d'affreux par principe, et la notion (je le redis : c'est un fantasme, pas un objet qui existe) de technoscience est une notion qui relève d'une pensée politicienne… mais je me reprends, car je ne suis pas sûr qu'il s'agisse d'une pensée, mais plutôt d'une compulsion insuffisamment questionnée.
Tout cela étant dit, cette idée fausse de la prétendue technoscience (rien qu'écrire le mot m'arrache la plume) a des avatars, qui sont parfois portés par des amis qui n'y voient pas grand mal, puisque le déguisement qui habille alors ces erreurs (pour ne pas dire « des fautes ») ne permet plus de les reconnaître aussi facilement.
Un de ces avatars est le suivant : « la science est politique : on trouve ce que l'on cherche ».
Il y a là deux phrases qui méritent d'être discutées, avant que nous fassions la synthèse.
La science serait politique ? Bien sûr !
La science est politique ? Il y a deux mots essentiels : « science », « politique ». Précisons tout d'abord que nous ne considérerons ici que les sciences de la nature, et je renvoie vers de nombreux billets précédents pour voir ce que c'est, car l'expérience me prouve que beaucoup de ceux qui prononcent le mot « science », même dans l'acception sciences de la nature, ne savent souvent pas de quoi ils parlent. Pour faire simple, rappelons seulement que les sciences de la nature cherchent les mécanismes des phénomènes à l'aide d'une méthode très codifiée, que nous nommerons, pour faire court, méthode scientifique, ou méthode quantitative.
Les sciences de la nature seraient politiques ? Il y a le mot « politique », qui est ambigu, puisqu'il s'applique aussi bien aux activités au sein de la cité, du grec polis, la communauté humaine, ou s'il s'agit de diriger ladite cité. On comprend que, dans la critique faite à la technoscience, une notion de pouvoir est considérée… ou plutôt déconsidérée, car il est supposé que la moindre tête qui dépasse soit à couper, idée bien naïve pour mille raisons, et qui conduit à des utopies idiotes, et surtout réfutées par les faits : dans un groupe d'êtres humains, mêmes éclairés, il est plus efficace que quelques uns d'entre eux puissent orchestrer. Il y a de la place pour tous, on doit le respect à tous, mais il est bon d'éviter les cacophonies, et d'instituer des règles (oui, des règles!) pour que le fonctionnement collectif soit harmonieux.
Oui, la science est politique, au sens de son inscription dans la cité : les scientifiques n'oublient pas qu'ils sont payés par les citoyens pour aller agrandir le royaume du connu. C'est à ce titre qu'ils ne font pas n'importe quoi, et qu'ils ont l'obligation d'être très « efficaces », au point que certains sont même malheureux quand ils ne font pas de découverte. J'ai discuté la chose mille fois et je n'y reviens pas : oui, les scientifiques sont des gens responsables, dont l'activité est parfaitement politique, au sens de sa place dans la communauté humaine. On observera, pour terminer sur ce point, que je fais une différence entre la science et les scientifiques. La science est une activité que font les scientifique, de sorte que ce n'est pas la science qui est politique, mais les scientifiques eux-mêmes, et je crois que toute discussion qui partirait de mots fautifs serait condamnée, minée, sapée. Faisons donc bien la différence, soyons un peu précis, même si l'exposition semble compliquer un peu : en réalité, c'est de la clarté pour tous.
La science trouverait ce qu'elle cherche ? Ce ne serait pas de la science !
Mais passons à la deuxième moitié de la phrase : on ne trouverait que ce que l'on cherche ? Cette fois, l'erreur est flagrante.
Il y a tout d'abord cet a priori qu'il suffit de chercher pour trouver. Un exemple s'impose, outré, avant d'arriver à une exemple moins évident. L'exemple outré, donc : si un ou une scientifique cherche une clé sous un lampadaire où il n'y a pas de clé, il aura beau chercher, mais il ne trouvera pas. Autrement dit, ce n'est pas parce que la science cherche qu'elle trouve... ce qu'elle cherche.
L'exemple plus élaboré, maintenant, m'a été donné par un ami, dans une discussion récente, et l'on ne peut donc pas le repousser d'un revers de main aussi rapidement que le premier. C'est celui de la « recherche de gènes de l'homosexualité ». Il y aurait des individus qui chercheraient les gènes de l'homosexualité ? Pourquoi pas. D'une part, pourquoi n'y aurait-il pas de tels individus, et, d'autre part, pourquoi n'y aurait-il pas de tels gènes ? Pour la première question, on trouve de tout dans le monde des êtres humains. Pour la seconde question, c'est plus épineux, car, même sans que je prenne parti, je sais que le simple fait d'envisager la possibilité de l'existence de gènes de l'homosexualité est quelque chose de terrible, que certains reprocheront. J'insiste : je n'ai pas dit, pourtant, que je crois à cette existence, mais surtout, il y a deux réponses à donner à cette critique.
La première, c'est que la science n'est pas la morale. Bien sûr, les scientifiques doivent, eux, se livrer à une activité moralement digne, mais il n'est pas indigne de poser des questions, et, d'ailleurs, les scientifiques ne font que cela... ce qui a toujours gêné beaucoup de nos concitoyens. Que l'on pense au système copernicien, qui s'opposait à la Bible en mettant la Terre autour du Soleil plutôt que l'inverse : à l'époque, c'était considéré comme terrible, alors que nous le supportons facilement aujourd'hui. Que l'on pense à la mécanique quantique, dont une interprétation entièrement probabiliste suscitait la fureur de certains, qui auraient voulu plus de déterminisme. Que l'on pense à la possibilité du clonage humain (je n'ai pas dit que j'y étais favorable), qui fait trembler aujourd'hui.
Je maintiens qu'une activité scientifique de bon aloi doit pouvoir poser des questions, discuter ! Je ne dis pas que nous pouvons faire n'importe quelle recherche, mais je dis que la discussion est possible, sans quoi on tombe dans le dogmatisme le plus étriqué.
Bref, continuons la discussion sur ces gènes prétendus de l'homosexualité, en supposant pour les besoins de la discussion que l'homosexualité existe, soit un "phénomène" suffisamment circonscrit pour pouvoir être étudié ; je ne sais pas s'il y a de tels gènes, je ne sais pas s'il n'y en a pas, mais, de toute façon, la science n'est pas là pour espérer les trouver ou espérer ne pas les trouver (on a compris que le mot "espérer" ne s'applique pas à la science, mais aux scientifiques).
Surtout, pour bien comprendre pourquoi, sur cet exemple, il y a une confusion entre science et technologie, ou une méconnaissance de la science, c'est maintenant le moment de rappeler la méthode des sciences de la nature. On identifie d'abord un phénomène, puis on le quantifie ; on réunit les mesures en lois quantitatives, c'est-à-dire en équations, puis on cherche des mécanismes nouveaux, assortis de notions nouvelles, quantitativement compatibles avec les équations, et l'on cherche ensuite à réfuter ce groupe de mécanismes et de notions, cette "théorie", par des expériences toujours quantitatives.
Revenons donc aux différentes étapes à propos de ces prétendus gènes de l'homosexualité. La première étape consiste donc à identifier un phénomène. Comme dit précédemment, ce phénomène doit exister, sans quoi on tombe la mauvaise scolastiques des anges sur les épingles. Les gènes ? Ce sont des objets biologiques apparus anciennement (il y a plusieurs décennies), et la connaissance de la biologie moléculaire montre que les choses se sont considérablement compliqué depuis, de sorte que le mot « gènes » semble déjà un peu hâtif. L'homosexualité, d'autre part ? De quoi s'agit-il ? Entre l'effleurement et la pénétration, il y a une gamme de comportements sexuels considérables, et, sans être spécialiste de la chose, je vois que la notion est bien trop large pour être explorée simplement, et je sais aussi que les comportements humains ont une relation extraordinairement compliquée avec les gènes. De sorte qu'un bon scientifique ne posera pas la question initiale, mais une question bien plus réduite.. au point que l'on a critiqué la science pour son réductionnisme (mais les critiques contre "la science" sont comme les aboiements des chiens : la caravane passe).
Passons rapidement sur la mesure quantitative du phénomène exploré, dans ce cas particulier, et arrivons à la modélisation. Supposons que les mesures effectuées aient conduit à un groupe d'équations. La vraie science ne se limite pas à une telle caractérisation (sinon, ce n'est que de la mesure, pas de la science), et elle cherche des notions nouvelles. Il ne s'agit pas de rester sur le phénomène initial, mais de trouver des mécanismes nouveaux, des notions nouvelles, et cela est quelque chose d'imprévu.
Je le répète : la science n'est pas la vérification ! Elle est la découverte de « montagnes » complètement imprévues… Oui, imprévues, sans quoi il n'y aurait pas de "découverte", et l'on n'aurait pas agrandi le royaume du savoir ! Autrement dit, si l'on part de l'exploration d'un phénomène, on ne sait absolument pas ce que l'on va découvrir, et, à la limite, on pourrait dire que le phénomène initial n'est qu'une excuse pour arriver à quelque chose de nouveau.
Dans nombre de discussions à propos de la science, et notamment dans les discussions à propos de cette prétendue technoscience (qui n'existe pas, je le répète de façon lancinante), il y a cette confusion néfaste, qu'il faut dénoncer entre la science et la technologie. Quand je dis "confusion", je ne dis pas que la science se confond avec la technologie, mais bien plutôt que des individus ne sont pas capables de voir la différence. C'est une confusion terrible, pour nos choix collectifs, parce qu'elle mine également bien des discussions à propos des sciences de la nature.
On sait qu'il y a une volonté industrielle, politique, etc., que la science « serve à quelque chose », mais Louis Pasteur, qui fut pourtant l'un des plus remarquables scientifiques capables de trouver des applications, avait bien dit que l'arbre n'est pas le fruit. La science n'est pas la technologie, et il n'y a pas ce que certains "science appliquée" en raison d'une réflexion insuffisante : il y a la science, et les applications de la science. "Science appliquée" est aussi chimérique que "carré rond", et l'on ne doit pas s'étonner de retrouver ce type d'erreur dans cette discussion, car, une fois de plus, elle est fondée sur une méconnaissance de ce qu'est la science. Oui, la science n'est pas la recherche de solutions, d'applications, et il faut dire avec beaucoup de force que c'est seulement la recherche de découvertes : il s'agit d'agrandir le royaume du connu.
Et voilà pourquoi je peux maintenant conclure à propos de la seconde idée énoncée, selon laquelle on trouverait ce que l'on cherche : non, mille fois non ! Les scientifiques "ne trouvent jamais ce qu'ils cherchent", parce qu'ils n'ont pas cet espoir ce "trouver ce qu'ils cherchent". Au contraire, ils ne cherchent que ce dont ils n'ont pas idée ! Leur espoir, c'est de faire des découvertes, c'est-à-dire de trouver des choses dont ils n'ont pas idée a priori, et qui bouleverseront nos connaissances.
Un bon exemple est la découverte de la théorie de la relativité, où l'on s'interrogeait simplement sur la notion d'inertie : comment l'état de mouvement d'un objet peut-il changer ? Qu'est-ce que le "mouvement" ? Il n'y avait absolument aucune idée d'application, et il a fallu des décennies avant que l'on ne trouve ces applications… qui sont partout maintenant : par exemple, la géolocalisation par satellites ! Autrement dit, c'est une grande ignorance de la nature de la science que cette phrase dont nous sommes partis.
J'ajoute, pour bien faire comprendre ce qu'est la science, que cette dernière veut "réfuter" les théories : il s'agit principalement de montrer en quoi les théories que l'on a sont fausses (disons "insuffisantes"), afin de les améliorer. Autrement dit, une "vérification", au sens d'une confirmation, serait exactement l'inverse du travail scientifique !
Vive la connaissance !
Concluons, en discutant sur les explications que l'on peut donner de la science. Pendant longtemps, j'ai eu la stratégie de donner les arguments précédents (et d'autres) en les assortissant d'hésitations (feintes), de questionnements, afin que mes amis ne reçoivent pas ces arguments de façon péremptoire, ce qui les aurait conduit à les rejeter. Aujourd'hui, j'ai le sentiment que ça suffit, et je crois qu'il est temps de dénoncer très vigoureusement, sans ménagement, les fantasmes, les lubies qui pénalisent notre bon fonctionnement collectif. Il faut combattre les idées fausses.
Toutefois il ne faut pas être "défensif", mais bien plutôt très positif, enthousiastes, et c'est pourquoi je maintiens très énergétiquement l'idée suivante : les scientifiques sont politiquement très responsables ; il sont politiquement engagés, non pas dans la gestion des groupes humains, mais dans leur activité de recherche scientifique, et les découvertes, les vraies, sont toujours imprévues.
Vive la connaissance !
mercredi 20 juillet 2016
Comment être simple sans être simpliste : question de démocratie
J'ai déjà largement discuté la question du simple et du simpliste. Mon ami qui m'a mis sur cette piste me pousse aujourd'hui à examiner la question, dans le cadre d'une communication particulière, à savoir la communication "publique" (prise de parole devant des individus, réponse à des journalistes, par exemple).
Des contraintes particulières : un atout pour être entendu
Cette fois, les contraintes particulières imposent la réponse que je crois pouvoir donner, et pour laquelle -que l'on me pardonne- je suis obligé de rappeler des faits passés qui m'ont concerné.
La première observation est la suivante : en trente secondes, on n'a de temps que pour faire passer une idée... dont on espère qu'elle sera entendue ; ou plutôt, non, dont on souhaite, dont on veut qu'elle soit entendue. Le discours qui doit être tenu, doit être tout entier tendu vers cet objectif, sans quoi, au lieu d'obtenir un peu, on n'a rien, ou l'inverse de ce que l'on souhaitait. Bref, il s'agit d'être très clair.
Commençons par observer qu'en trente secondes, on a juste le temps de dire environ une phrase : je compte dans cette dernière le sujet, le verbe, le complément d'objet direct, mais je suis obligé de donner des compléments circonstanciels. De toute façon, nous nous comprenons : une phrase, deux phrases... Qu'importe : ce que je crois que nous devons admettre, c'est que le nombre de phrases est très petit.
Cette solution de limiter le nombre de phrases que l'on dit, et de focaliser sur une seule idée, à plusieurs avantages. Si l'on jargonne, on dira que l'on "pitche", et que cela est efficace, mais qu'importe la langue anglaise, alors que nous avons le français, qui est une langue bien plus belle, subtile... Plus sérieusement, la limitation du nombre de phrases que l'on énonce a aussi l'avantage que, quand on doit répondre à des questions, il est plus facile de peser quelques mots que d'en peser beaucoup. Et puis, une phrase simple se comprend simplement, n'est-ce pas ?
On peut d'ailleurs parfaitement s'arrêter à cette phrase, avec le sentiment du devoir accompli, laissant l'interlocuteur assez désemparé quand il verra que, ayant répondu, nous sommes silencieux (son métier, c'est de nous faire parler).
Il y a lieu de considérer que nos interlocuteurs qui nous donnent trente secondes veulent trente secondes, et que la phrase est peut-être trop courte quand même, volontairement ou pas. Pour envisager les secondes disponibles, je propose maintenant de tenir compte de conditions supplémentaires : parfois, la question n'est pas seulement la durée trop courte qui nous est accordée, mais il y a aussi le risque que nos interlocuteurs ne fassent ensuite de la manipulation du texte, avec des couper, des coller, des rabouter, etc.
J'ai le devoir de témoigner qu'il m'est arrivé de me voir à la télévision, sur une grande chaîne nationale, répondre à un journaliste que je n'avais jamais rencontré : on voyait le journaliste poser des question, on me voyait répondre, et l' "interview" durait ainsi cinq bonnes minutes. Tout cet interview avait été composé, questions et réponses, à partir d'archives audiovisuelles que des monteurs habiles avaient triturées.
Dans cette circonstance particulière, mes propos n'ont pas été déformés, et mes réponses étaient prises en totalité, sans doute parce que cela aurait été trop de travail, et donc trop d'argent, de faire de la dentelle, mais j'ai eu bien d'autres occasions, toujours pour des chaînes de télévision nationales (ce qui est d'autant plus scandaleux), de voir mes réponses manipulées dans un sens qui était entièrement déterminé a priori par le rédacteur en chef ; les journalistes n'étaient là que pour me faire délivrer suffisamment de message pour qu'ils puissent ensuite faire leur bidouillages malhonnêtes.
Dans de longs tournages, qui auraient pu se conclure en quelques minutes, sous prétexte d'avoir assez d'images, les journalistes me répétaient inlassablement les mêmes questions, espérant que je donnerais des réponses différentes. Il y a bien longtemps, je répondais naïvement en variant mes réponses, mais quelle erreur ! Aujourd'hui, je suis fixé : premièrement, je commence par m'assurer par contrat du message qui sera finalement donné à l'isue de l'entretien, puis je répète inlassablement le même message : un message pensé, et, mieux, un message pensé pour ne pas être découpable, pas être manipulable, sauf à faire bien pire que ce que certains se donnent le droit de faire. Je résiste au questionnement, et je reste sur une ligne absolue. Surtout, je fais très atttention que les messages soient justes, simples... et pas simplistes.
A contrario, je me souviens d'un individu qui se parait du titre de journaliste (dans un grand hebdomadaire français), et qui, face à moi dans un entretien radio, disait des choses fausses avec un aplomb incroyable (Marie Curie aurait découvert la mécanique quantique, Faraday aurait découvert le magnétisme...). Quand je lui faisais remarquer, toujours à la radio en direct, que ce qu'il disait était faux, il continuait, sur la même ligne, imperturbable, sans doute conforme à l'hypothèse de Lewis Carroll, ce Charles Dodgson qui écrivit notamment Alice au pays des merveilles, selon qui "Ce que je dis trois fois est vrai".
Oui, il y a une force dans ce qui est dit, juste ou faux, et la répétition permet d'augmenter cette force. Avec les exemples qui précèdent, on voit que cette idée permet de dire des choses justes, simples et pas simplistes, pour le bien de ceux à qui l'on s'adresse, mais il y a aussi une possibilité pour des malhonnêtes de faire passer des idées fausses.
Dans toute cette affaire, je vois qu'il faut absolument résister à nos réflexes, notamment notre volonté de répondre à des questions que l'on nous pose. Et là, je dois prendre l'exemple d'une expérience que je fais parfois avec les étudiants : je me dirige vers l'un d'entre eux, et lui tends un stylo ; le résultat ne manque jamais, à savoir que l'étudiant prend le stylo. Pourquoi le fait-il ? Il n'a en réalité aucune raison de le faire, et même quand on le fait remarquer, on constate que les individus ont le plus grand mal à résister à ce stylo tendu.
De même, dans une discussion, on a parfois le plus grand mal à ne pas répondre à cette nouvelle question que l'on nous tend et qui voudrait nous faire dire autre chose que ce que nous avons décidé de dire. On observera aussi que se limiter à une phrase permet d'y penser un peu et de la délivrer rapidement. Il y a mille façons rhétoriques de meubler le silence qui precède et de ne pas paraître hésitant.
Communication non verbale
Car il y a lieu de considérer par avance non seulement l'effet du message délivré sur nos interlocuteurs, mais aussi l'effet de notre façon d'être. Il y a ainsi des individus qui ont une autorité, un charisme, et, un message qui est porté par celui qui l'énonce a plus de chances de se faire entendre qu'un message qui n'est pas "habité". Bien sûr, il convient sans doute d'apprendre à construire les messages avant d'apprendre à les porter, et de faire la synthèse ensuite, tout comme, au piano, il est plus facile de mettre en place la main gauche, puis la main droite, puis les deux ensemble. D'autres conseils (qui doivent donc donner lieu à des apprentissages) s'imposent, comme regarder les gens dans les yeux : l'effet est immanquable. Se tenir droit : là encore, il y a une force qui est donnée aux mots. Savoir bouger les mains : je me souviens de conférences merveilleuses de Pierre-Gilles de Gennes, prix Nobel de physique en 1991, qui avait un usage tout à fait extraordinaire de ses gestes, impérieux, professoraux...
Mais ne compliquons pas tout quand il s'agit d'apprendre, et revenons à la question de la phrase ou des phrases énoncées. Pour le langage, il y a l'orthographe, puis la grammaire, puis la rhétorique, et enfin l'éloquence. J'ai dit les choses dans l'ordre inverse de leur importance, et, dans la conception d'un discours qui ne se limite pas à une phrase, la construction semble devoir se faire à l'inverse : le gros d'abord, puis le détail.
Je passe sur l'intonation, que je range du côté du langage corporel, et je vois que, pour un entraînement, il est sans doute plus facile de le faire par écrit, puisqu'il y a une lenteur qui permet mieux l'analyse. J'ajoute que je suis de ceux qui préfèrent toujours des idées justes, des phrases bien construites, des mots judicieusement choisis.
Par exemple, pour les idées justes, je crois qu'il est plus facile d'en montrer d'injustes, tels que "carré rond" ou "Père Noël"... , afin de mieux comprendre les possibilités de faute. Pour les constructions justes, il y a trop à dire... mais il faut s'interroger, car je ne suis pas sûr que les constructions "justes" soient les plus efficaces. Personnellement je suis hélas affligé de cette faiblesse qui consiste à vouloir proposer à mes amis un habillage un peu propre, et non des haillons négligés. Les mots justes, enfin : quand un individu prononce devant moi "rutilant" pour dire "brillant", je ne peux m'empêcher de penser qu'il ignore que ce mot signifie "rouge" (la couleur de ce mineral qu'est le rutile: un dioxyde de titane avec des traces de fer, de tantale, de niobium, de chrome, de vanadium et d'étain) et, comme je ne suis pas entièrement charitable, il m'arrive hélas fréquemment de faire remarquer à mon interlocuteur qu'il ne sait pas le sens des mots et que sa pensée est en conséquence pourrie. Évidemment, cela m'oblige à travailler dur pour être exempt de ce défaut que je reproche aux autres, mais, en contrepartie, j'espère bénéficier d'une précision de langage qui, d'après Condillac et au moins Lavoisier, permet une pensée plus fine. Mais je renvoie à des discussions nombreuses sur les rapports entre la pensée et les mots, évoquées dans nombre de billets précédents.
Intéresser ?
Mon ami qui me pousse sur la voie de ces discussions signale que les phrases énoncées dans un court laps de temps doivent "intéresser".
Evidemment, si l'on doit tenir la distance, il ne faut pas perdre en route ceux qui nous entendent... mais si le temps imparti est très court, a-t-on ce risque ? Pas toujours. De ce fait, faut-il intéresser ou dire les choses de façon solide ? Et "intéresser"... A vouloir jouer à ce jeu, on en arrive vite à manier le paradoxe... et l'on devient incompréhensible.
J'en prends pour indication que ceux qui n'ont jamais rencontré le paradoxe du menteur (si je dis "je mens", suis-je en train de mentir, auquel cas je dis la vérité ?) sont toujours bien lents avant de le comprendre : avec notre contrainte du temps court, de la nécessaire "répartie", nous sommes dans les choux, si je puis dire. Je me demande -mais c'est peut-être une idiosyncrasie que je ferais mieux de questionner- si des questionnements ne sont pas plus efficaces ? Une question simple n'évite-t-elle pas d'asséner une vérité qui serait refusée ? Ne permet-elle pas de conduire à la réflexion (on voit que je joue ici au jeu que je suis en train de décrire ;-)) ?
Une question simple se dit en quelques mots, et, la question étant posée, elle manque rarement d'être considérée par nos interlocuteurs, de sorte que nous pouvons alors leur donner des éléments afin qu'ils se forgent une réponse. Appâtés par la question, comme le stylo tendu évoqué précédemment, ils accepteront les arguments que nous leur donnerons, sans en discuter trop la validité, de sorte que nous les conduirons peut-être à la conclusion que nous souhaitions.
C'est une méthode dont je ne dis pas qu'elle est la bonne, mais j'attends de mes amis qu'ils m'en donnent d'autres. Discutons, afin de choisir notre... argumentation. A ce dernier mot, je ne saurais trop répéter la phrase de Cicéron selon laquelle tout homme qui ne connaît que sa génération est un enfant. De même, l'argumentation a été considérée par de beaux esprits depuis des siècles, des millénaires, et il y a donc lieu de se reporter à leurs productions, au lieu de réinventer la poudre comme je le fais ici... pour les besoins de la réponse à mon ami.
Après tout, je sais qu'il ne me pousse pas à répondre à la question de la simplicité et du simplisme pour en faire des montages malhonnêtes, mais, bien au contraire, parce que nous avons en commun le souci de la saine transmission. Merci !
Des contraintes particulières : un atout pour être entendu
Cette fois, les contraintes particulières imposent la réponse que je crois pouvoir donner, et pour laquelle -que l'on me pardonne- je suis obligé de rappeler des faits passés qui m'ont concerné.
La première observation est la suivante : en trente secondes, on n'a de temps que pour faire passer une idée... dont on espère qu'elle sera entendue ; ou plutôt, non, dont on souhaite, dont on veut qu'elle soit entendue. Le discours qui doit être tenu, doit être tout entier tendu vers cet objectif, sans quoi, au lieu d'obtenir un peu, on n'a rien, ou l'inverse de ce que l'on souhaitait. Bref, il s'agit d'être très clair.
Commençons par observer qu'en trente secondes, on a juste le temps de dire environ une phrase : je compte dans cette dernière le sujet, le verbe, le complément d'objet direct, mais je suis obligé de donner des compléments circonstanciels. De toute façon, nous nous comprenons : une phrase, deux phrases... Qu'importe : ce que je crois que nous devons admettre, c'est que le nombre de phrases est très petit.
Cette solution de limiter le nombre de phrases que l'on dit, et de focaliser sur une seule idée, à plusieurs avantages. Si l'on jargonne, on dira que l'on "pitche", et que cela est efficace, mais qu'importe la langue anglaise, alors que nous avons le français, qui est une langue bien plus belle, subtile... Plus sérieusement, la limitation du nombre de phrases que l'on énonce a aussi l'avantage que, quand on doit répondre à des questions, il est plus facile de peser quelques mots que d'en peser beaucoup. Et puis, une phrase simple se comprend simplement, n'est-ce pas ?
On peut d'ailleurs parfaitement s'arrêter à cette phrase, avec le sentiment du devoir accompli, laissant l'interlocuteur assez désemparé quand il verra que, ayant répondu, nous sommes silencieux (son métier, c'est de nous faire parler).
Il y a lieu de considérer que nos interlocuteurs qui nous donnent trente secondes veulent trente secondes, et que la phrase est peut-être trop courte quand même, volontairement ou pas. Pour envisager les secondes disponibles, je propose maintenant de tenir compte de conditions supplémentaires : parfois, la question n'est pas seulement la durée trop courte qui nous est accordée, mais il y a aussi le risque que nos interlocuteurs ne fassent ensuite de la manipulation du texte, avec des couper, des coller, des rabouter, etc.
J'ai le devoir de témoigner qu'il m'est arrivé de me voir à la télévision, sur une grande chaîne nationale, répondre à un journaliste que je n'avais jamais rencontré : on voyait le journaliste poser des question, on me voyait répondre, et l' "interview" durait ainsi cinq bonnes minutes. Tout cet interview avait été composé, questions et réponses, à partir d'archives audiovisuelles que des monteurs habiles avaient triturées.
Dans cette circonstance particulière, mes propos n'ont pas été déformés, et mes réponses étaient prises en totalité, sans doute parce que cela aurait été trop de travail, et donc trop d'argent, de faire de la dentelle, mais j'ai eu bien d'autres occasions, toujours pour des chaînes de télévision nationales (ce qui est d'autant plus scandaleux), de voir mes réponses manipulées dans un sens qui était entièrement déterminé a priori par le rédacteur en chef ; les journalistes n'étaient là que pour me faire délivrer suffisamment de message pour qu'ils puissent ensuite faire leur bidouillages malhonnêtes.
Dans de longs tournages, qui auraient pu se conclure en quelques minutes, sous prétexte d'avoir assez d'images, les journalistes me répétaient inlassablement les mêmes questions, espérant que je donnerais des réponses différentes. Il y a bien longtemps, je répondais naïvement en variant mes réponses, mais quelle erreur ! Aujourd'hui, je suis fixé : premièrement, je commence par m'assurer par contrat du message qui sera finalement donné à l'isue de l'entretien, puis je répète inlassablement le même message : un message pensé, et, mieux, un message pensé pour ne pas être découpable, pas être manipulable, sauf à faire bien pire que ce que certains se donnent le droit de faire. Je résiste au questionnement, et je reste sur une ligne absolue. Surtout, je fais très atttention que les messages soient justes, simples... et pas simplistes.
A contrario, je me souviens d'un individu qui se parait du titre de journaliste (dans un grand hebdomadaire français), et qui, face à moi dans un entretien radio, disait des choses fausses avec un aplomb incroyable (Marie Curie aurait découvert la mécanique quantique, Faraday aurait découvert le magnétisme...). Quand je lui faisais remarquer, toujours à la radio en direct, que ce qu'il disait était faux, il continuait, sur la même ligne, imperturbable, sans doute conforme à l'hypothèse de Lewis Carroll, ce Charles Dodgson qui écrivit notamment Alice au pays des merveilles, selon qui "Ce que je dis trois fois est vrai".
Oui, il y a une force dans ce qui est dit, juste ou faux, et la répétition permet d'augmenter cette force. Avec les exemples qui précèdent, on voit que cette idée permet de dire des choses justes, simples et pas simplistes, pour le bien de ceux à qui l'on s'adresse, mais il y a aussi une possibilité pour des malhonnêtes de faire passer des idées fausses.
Dans toute cette affaire, je vois qu'il faut absolument résister à nos réflexes, notamment notre volonté de répondre à des questions que l'on nous pose. Et là, je dois prendre l'exemple d'une expérience que je fais parfois avec les étudiants : je me dirige vers l'un d'entre eux, et lui tends un stylo ; le résultat ne manque jamais, à savoir que l'étudiant prend le stylo. Pourquoi le fait-il ? Il n'a en réalité aucune raison de le faire, et même quand on le fait remarquer, on constate que les individus ont le plus grand mal à résister à ce stylo tendu.
De même, dans une discussion, on a parfois le plus grand mal à ne pas répondre à cette nouvelle question que l'on nous tend et qui voudrait nous faire dire autre chose que ce que nous avons décidé de dire. On observera aussi que se limiter à une phrase permet d'y penser un peu et de la délivrer rapidement. Il y a mille façons rhétoriques de meubler le silence qui precède et de ne pas paraître hésitant.
Communication non verbale
Car il y a lieu de considérer par avance non seulement l'effet du message délivré sur nos interlocuteurs, mais aussi l'effet de notre façon d'être. Il y a ainsi des individus qui ont une autorité, un charisme, et, un message qui est porté par celui qui l'énonce a plus de chances de se faire entendre qu'un message qui n'est pas "habité". Bien sûr, il convient sans doute d'apprendre à construire les messages avant d'apprendre à les porter, et de faire la synthèse ensuite, tout comme, au piano, il est plus facile de mettre en place la main gauche, puis la main droite, puis les deux ensemble. D'autres conseils (qui doivent donc donner lieu à des apprentissages) s'imposent, comme regarder les gens dans les yeux : l'effet est immanquable. Se tenir droit : là encore, il y a une force qui est donnée aux mots. Savoir bouger les mains : je me souviens de conférences merveilleuses de Pierre-Gilles de Gennes, prix Nobel de physique en 1991, qui avait un usage tout à fait extraordinaire de ses gestes, impérieux, professoraux...
Mais ne compliquons pas tout quand il s'agit d'apprendre, et revenons à la question de la phrase ou des phrases énoncées. Pour le langage, il y a l'orthographe, puis la grammaire, puis la rhétorique, et enfin l'éloquence. J'ai dit les choses dans l'ordre inverse de leur importance, et, dans la conception d'un discours qui ne se limite pas à une phrase, la construction semble devoir se faire à l'inverse : le gros d'abord, puis le détail.
Je passe sur l'intonation, que je range du côté du langage corporel, et je vois que, pour un entraînement, il est sans doute plus facile de le faire par écrit, puisqu'il y a une lenteur qui permet mieux l'analyse. J'ajoute que je suis de ceux qui préfèrent toujours des idées justes, des phrases bien construites, des mots judicieusement choisis.
Par exemple, pour les idées justes, je crois qu'il est plus facile d'en montrer d'injustes, tels que "carré rond" ou "Père Noël"... , afin de mieux comprendre les possibilités de faute. Pour les constructions justes, il y a trop à dire... mais il faut s'interroger, car je ne suis pas sûr que les constructions "justes" soient les plus efficaces. Personnellement je suis hélas affligé de cette faiblesse qui consiste à vouloir proposer à mes amis un habillage un peu propre, et non des haillons négligés. Les mots justes, enfin : quand un individu prononce devant moi "rutilant" pour dire "brillant", je ne peux m'empêcher de penser qu'il ignore que ce mot signifie "rouge" (la couleur de ce mineral qu'est le rutile: un dioxyde de titane avec des traces de fer, de tantale, de niobium, de chrome, de vanadium et d'étain) et, comme je ne suis pas entièrement charitable, il m'arrive hélas fréquemment de faire remarquer à mon interlocuteur qu'il ne sait pas le sens des mots et que sa pensée est en conséquence pourrie. Évidemment, cela m'oblige à travailler dur pour être exempt de ce défaut que je reproche aux autres, mais, en contrepartie, j'espère bénéficier d'une précision de langage qui, d'après Condillac et au moins Lavoisier, permet une pensée plus fine. Mais je renvoie à des discussions nombreuses sur les rapports entre la pensée et les mots, évoquées dans nombre de billets précédents.
Intéresser ?
Mon ami qui me pousse sur la voie de ces discussions signale que les phrases énoncées dans un court laps de temps doivent "intéresser".
Evidemment, si l'on doit tenir la distance, il ne faut pas perdre en route ceux qui nous entendent... mais si le temps imparti est très court, a-t-on ce risque ? Pas toujours. De ce fait, faut-il intéresser ou dire les choses de façon solide ? Et "intéresser"... A vouloir jouer à ce jeu, on en arrive vite à manier le paradoxe... et l'on devient incompréhensible.
J'en prends pour indication que ceux qui n'ont jamais rencontré le paradoxe du menteur (si je dis "je mens", suis-je en train de mentir, auquel cas je dis la vérité ?) sont toujours bien lents avant de le comprendre : avec notre contrainte du temps court, de la nécessaire "répartie", nous sommes dans les choux, si je puis dire. Je me demande -mais c'est peut-être une idiosyncrasie que je ferais mieux de questionner- si des questionnements ne sont pas plus efficaces ? Une question simple n'évite-t-elle pas d'asséner une vérité qui serait refusée ? Ne permet-elle pas de conduire à la réflexion (on voit que je joue ici au jeu que je suis en train de décrire ;-)) ?
Une question simple se dit en quelques mots, et, la question étant posée, elle manque rarement d'être considérée par nos interlocuteurs, de sorte que nous pouvons alors leur donner des éléments afin qu'ils se forgent une réponse. Appâtés par la question, comme le stylo tendu évoqué précédemment, ils accepteront les arguments que nous leur donnerons, sans en discuter trop la validité, de sorte que nous les conduirons peut-être à la conclusion que nous souhaitions.
C'est une méthode dont je ne dis pas qu'elle est la bonne, mais j'attends de mes amis qu'ils m'en donnent d'autres. Discutons, afin de choisir notre... argumentation. A ce dernier mot, je ne saurais trop répéter la phrase de Cicéron selon laquelle tout homme qui ne connaît que sa génération est un enfant. De même, l'argumentation a été considérée par de beaux esprits depuis des siècles, des millénaires, et il y a donc lieu de se reporter à leurs productions, au lieu de réinventer la poudre comme je le fais ici... pour les besoins de la réponse à mon ami.
Après tout, je sais qu'il ne me pousse pas à répondre à la question de la simplicité et du simplisme pour en faire des montages malhonnêtes, mais, bien au contraire, parce que nous avons en commun le souci de la saine transmission. Merci !
Simplisme et soliloque
A propos de simplicité, mon ami qui me pousse à discuter la question m'a en réalité permis de comprendre que la question n'est pas simple : plus je l'évoque, plus j'y vois des complications.
Aujourd'hui, c'est la question du simplisme que je discute surtout.
J'ai dit que j'y voyais une sorte de faute, ou d'ignorance. Quelque chose de simpliste est faux, soit par décision (par "volonté"), soit par absence de décision (inadvertance, ignorance...). Dire quelque chose de faux par volonté, c'est quand même malhonnête (il y a donc une "faute")... ou de l'humour, puisque l'on se reportera à un autre billet où j'évoquais la question de l'ironie. Dire quelque chose de faux sans le vouloir, ce n'est plus une faute, mais en tout cas au moins une erreur.
A ces mots, je ne peux m'empêcher de penser à cette phrase de l'écrivain français Paul Valéry, selon qui tout ce qui est simple est faux, et tout ce qui n'est pas simple est inutilisable. Mouais... Je me méfie des formules, qui ont l'air d'établir de façon définitive des idées que l'on gagne quand même à discuter en détail.
C'est un fait qu'il y a des mélodies simples, et qu'elles sont belles dans leur simplicité : pas trop de note, un mouvement mélodique. C'est un fait qu'il y a, en sciences de la nature, des idées remarquables de simplicité. Par exemple le calcul du volume d'une cloche, ou ce que l'on nomme le "changement de variable", trouvé par ce génie qu'était le physicien allemand Ludwig Boltzmann, pour résoudre l'équation de diffusion (pensons à une goutte de colorant déposée dans un verre d'eau, et qui finit par disparaître, au hasard des chocs entre les molécules), ou encore cette idée merveilleuse selon laquelle une différence de produits en croix peut correspondre à un objet nommé déterminant, lequel peut s'interpréter de façon géométrique... Les exemples sont innombrables, et ils fascinent certains, au point qu'ils se lèvent le matin pour aller parcourir ce monde du calcul.
Donc la formule de Valéry n'est pas juste, et je ne vois pas d'excuse à ne pas chercher la simplicité, à défaut de la trouver. Bien sûr, je ne suis pas certain d'être moi-même sans tâche, puisque je suis "baroque", comme dit précédemment, mais l'intention compte aussi. Et puis, il y a la simplicité "locale", et la simplicité "globale" : dans un discours, un cours, une explication, les phrases peuvent être individuellement simples, mais la construction finale, globale, peut être compliquée, parce que le chemin est long, avec beaucoup de phrases qui s'enchaînent, ou parce qu'il faut expliquer beaucoup de notions, afin que le raisonnement puisse s'ériger jusqu'au point voulu. Mais quand même, déjà si chaque étape élémentaire est simple, on pressent l'effort.
Mais, là, je commence à verser dans une théorisation de l'explication simple, et je me sais bien incapable d'aller plus loin. C'est une piste qui risque de nous conduire... vers des contrées compliquées parce que mal connues.
Je termine donc en considérant cette enfilade de trois billets sur la simplicité : ce que je vois en action, c'est cette méthode du "soliloque", exposée dans des billets précédents, et qui secrète des idées par l'examen des mots. Pardonnez-moi d'en venir à penser (il faut se comporter en scientifique, et non pas en tant que scientifique) que, pour les sciences de la nature, la question des mots est moins intéressante que celle des calculs, des équations... de sorte que, au détour de ces discussions sur la simplicité, j'entrevois la possibilité de "soliloques de calcul". Cette idée m'éblouit tant que je ne peux plus fixer mon esprit sur la simplicité. Je m'arrête donc... pour me mettre à penser à cette nouvelle idée que je sens merveilleuse.
Aujourd'hui, c'est la question du simplisme que je discute surtout.
J'ai dit que j'y voyais une sorte de faute, ou d'ignorance. Quelque chose de simpliste est faux, soit par décision (par "volonté"), soit par absence de décision (inadvertance, ignorance...). Dire quelque chose de faux par volonté, c'est quand même malhonnête (il y a donc une "faute")... ou de l'humour, puisque l'on se reportera à un autre billet où j'évoquais la question de l'ironie. Dire quelque chose de faux sans le vouloir, ce n'est plus une faute, mais en tout cas au moins une erreur.
A ces mots, je ne peux m'empêcher de penser à cette phrase de l'écrivain français Paul Valéry, selon qui tout ce qui est simple est faux, et tout ce qui n'est pas simple est inutilisable. Mouais... Je me méfie des formules, qui ont l'air d'établir de façon définitive des idées que l'on gagne quand même à discuter en détail.
C'est un fait qu'il y a des mélodies simples, et qu'elles sont belles dans leur simplicité : pas trop de note, un mouvement mélodique. C'est un fait qu'il y a, en sciences de la nature, des idées remarquables de simplicité. Par exemple le calcul du volume d'une cloche, ou ce que l'on nomme le "changement de variable", trouvé par ce génie qu'était le physicien allemand Ludwig Boltzmann, pour résoudre l'équation de diffusion (pensons à une goutte de colorant déposée dans un verre d'eau, et qui finit par disparaître, au hasard des chocs entre les molécules), ou encore cette idée merveilleuse selon laquelle une différence de produits en croix peut correspondre à un objet nommé déterminant, lequel peut s'interpréter de façon géométrique... Les exemples sont innombrables, et ils fascinent certains, au point qu'ils se lèvent le matin pour aller parcourir ce monde du calcul.
Donc la formule de Valéry n'est pas juste, et je ne vois pas d'excuse à ne pas chercher la simplicité, à défaut de la trouver. Bien sûr, je ne suis pas certain d'être moi-même sans tâche, puisque je suis "baroque", comme dit précédemment, mais l'intention compte aussi. Et puis, il y a la simplicité "locale", et la simplicité "globale" : dans un discours, un cours, une explication, les phrases peuvent être individuellement simples, mais la construction finale, globale, peut être compliquée, parce que le chemin est long, avec beaucoup de phrases qui s'enchaînent, ou parce qu'il faut expliquer beaucoup de notions, afin que le raisonnement puisse s'ériger jusqu'au point voulu. Mais quand même, déjà si chaque étape élémentaire est simple, on pressent l'effort.
Mais, là, je commence à verser dans une théorisation de l'explication simple, et je me sais bien incapable d'aller plus loin. C'est une piste qui risque de nous conduire... vers des contrées compliquées parce que mal connues.
Je termine donc en considérant cette enfilade de trois billets sur la simplicité : ce que je vois en action, c'est cette méthode du "soliloque", exposée dans des billets précédents, et qui secrète des idées par l'examen des mots. Pardonnez-moi d'en venir à penser (il faut se comporter en scientifique, et non pas en tant que scientifique) que, pour les sciences de la nature, la question des mots est moins intéressante que celle des calculs, des équations... de sorte que, au détour de ces discussions sur la simplicité, j'entrevois la possibilité de "soliloques de calcul". Cette idée m'éblouit tant que je ne peux plus fixer mon esprit sur la simplicité. Je m'arrête donc... pour me mettre à penser à cette nouvelle idée que je sens merveilleuse.
mardi 19 juillet 2016
Une idée dans un tiroir n'est pas une idée
Une idée dans un tiroir n'est pas une idée...
On a évidemment compris ce dont il s'agit. Bien sûr, une idée, c'est une idée, mais ce que cette phrase signifie, c'est qu'une idée doit être partagée.
Pourquoi ? Pour de nombreuses raisons, mais tout d'abord parce que la présentation de nos idées à nos amis nous oblige à des formulations plus claires… pour nous mêmes et pour les autres. Cela force à satisfaire des conditions particulières de communication, à éviter les coqs à l'âne, à préparer l'exposition, à utiliser des mots parfaitement clairs... Mais tout cela est en réalité un atout et une garantie. Une garantie que l'idée est parfaitement valide, car il arrive que l'examen soigneux des idées vagues que nous avons conduit finalement à leur réfutation. Un atout, parce que, alors, les idées sont affinées, prennent plus de force.
En sciences de la nature, cette phrase « une idée dans un tiroir n'est pas une idée » fait écho à cette règle que le physico-chimiste britannique Michael Faraday s'était donnée : travailler, publier. Nous devons effectivement publier les résultats que nous obtenons, qu'ils soient d'ailleurs négatifs ou positifs. Faire une expérience et obtenir un résultat négatif, c'est d'ailleurs en réalité très positif, puisque cela nous conduit observer que notre théorie est contredite par les faits. Ainsi, nous pouvons progresser, chercher en quoi notre théorie est fautive, proposer une théorie améliorée : tel est précisément l'objectif des sciences de la nature.
# Bien sûr, cette réfutation nous conduit à d'autres travaux, et il faut savoir où s'arrêter pour la publication, mais quand même, il y a quelque chose de sain dans l'affaire. Et, finalement, ce sera une question de travail que d'arriver à un manuscrit publiable.
Une idée dans un tiroir n'est pas une idée : cela signifie aussi que, dans notre monde, nombre de personnes prétendent avoir beaucoup d'idées, mais ils les montrent peu. Je propose de considérer que ces idées cachées n'existent pas.
Il y a notamment, avec l'industrie et son secret industriel, cette incertitude constante à propos de ce qui est su et de ce qui est ignoré : je déteste cette prétention qui consiste à dire que l'on aurait des idées qu'on n'a pas publiées. Disons que ces idées n'existent pas.
Je me souviens ainsi d'un épisode amusant : alors que j'avais réussi à « décuire » des œufs, en 1997, un capitaine d'industrie à qui je racontais la chose m'avait dit que cela était connu depuis longtemps de ses services… mais qui, deux semaines après, alors que je faisais une conférence où je présentais le résultat, il avait envoyé des ingénieurs pour apprendre comment j'avais fait !
Ce cas n'est pas isolé : je l'ai rencontré souvent, et ma religion est maintenant faite : sauf à voir le fruit d'idées que ces gens prétendent avoir, je considère qu'ils n'ont pas les idées dont ils ont la prétention.
A l'inverse, on voit parfois des résultats extraordinaires, qui correspondent à des idées qui n'ont pas été présentées. Par exemple, je me souviens de biscuit d'apéritifs apparemment anodins… qui étaient comme de petits ballons creux. Des petits ballons ? On peut obtenir de tels soufflement par « cuisson extrusion », avec la brusque détente d'une pâte (farine et eau) que l'on pousse dans un cylindre, à l'aide d'une vis d'Archimède. Mais des ballons percés ? Essayez donc de souffler dans un ballon de baudruche, et vous verrez que c'est très difficile ! Je ne sais absolument pas comment ces biscuits ont été produits, mais je propose d'admirer le tour ce force.
Il y a de nombreuses façons de sortir une idée d'un tiroir, de la publication à la matérialisation, en passant par l'évocation orale, et, tout cela permet que nos idées ne restent pas dans les tiroirs.
On a évidemment compris ce dont il s'agit. Bien sûr, une idée, c'est une idée, mais ce que cette phrase signifie, c'est qu'une idée doit être partagée.
Pourquoi ? Pour de nombreuses raisons, mais tout d'abord parce que la présentation de nos idées à nos amis nous oblige à des formulations plus claires… pour nous mêmes et pour les autres. Cela force à satisfaire des conditions particulières de communication, à éviter les coqs à l'âne, à préparer l'exposition, à utiliser des mots parfaitement clairs... Mais tout cela est en réalité un atout et une garantie. Une garantie que l'idée est parfaitement valide, car il arrive que l'examen soigneux des idées vagues que nous avons conduit finalement à leur réfutation. Un atout, parce que, alors, les idées sont affinées, prennent plus de force.
En sciences de la nature, cette phrase « une idée dans un tiroir n'est pas une idée » fait écho à cette règle que le physico-chimiste britannique Michael Faraday s'était donnée : travailler, publier. Nous devons effectivement publier les résultats que nous obtenons, qu'ils soient d'ailleurs négatifs ou positifs. Faire une expérience et obtenir un résultat négatif, c'est d'ailleurs en réalité très positif, puisque cela nous conduit observer que notre théorie est contredite par les faits. Ainsi, nous pouvons progresser, chercher en quoi notre théorie est fautive, proposer une théorie améliorée : tel est précisément l'objectif des sciences de la nature.
# Bien sûr, cette réfutation nous conduit à d'autres travaux, et il faut savoir où s'arrêter pour la publication, mais quand même, il y a quelque chose de sain dans l'affaire. Et, finalement, ce sera une question de travail que d'arriver à un manuscrit publiable.
Une idée dans un tiroir n'est pas une idée : cela signifie aussi que, dans notre monde, nombre de personnes prétendent avoir beaucoup d'idées, mais ils les montrent peu. Je propose de considérer que ces idées cachées n'existent pas.
Il y a notamment, avec l'industrie et son secret industriel, cette incertitude constante à propos de ce qui est su et de ce qui est ignoré : je déteste cette prétention qui consiste à dire que l'on aurait des idées qu'on n'a pas publiées. Disons que ces idées n'existent pas.
Je me souviens ainsi d'un épisode amusant : alors que j'avais réussi à « décuire » des œufs, en 1997, un capitaine d'industrie à qui je racontais la chose m'avait dit que cela était connu depuis longtemps de ses services… mais qui, deux semaines après, alors que je faisais une conférence où je présentais le résultat, il avait envoyé des ingénieurs pour apprendre comment j'avais fait !
Ce cas n'est pas isolé : je l'ai rencontré souvent, et ma religion est maintenant faite : sauf à voir le fruit d'idées que ces gens prétendent avoir, je considère qu'ils n'ont pas les idées dont ils ont la prétention.
A l'inverse, on voit parfois des résultats extraordinaires, qui correspondent à des idées qui n'ont pas été présentées. Par exemple, je me souviens de biscuit d'apéritifs apparemment anodins… qui étaient comme de petits ballons creux. Des petits ballons ? On peut obtenir de tels soufflement par « cuisson extrusion », avec la brusque détente d'une pâte (farine et eau) que l'on pousse dans un cylindre, à l'aide d'une vis d'Archimède. Mais des ballons percés ? Essayez donc de souffler dans un ballon de baudruche, et vous verrez que c'est très difficile ! Je ne sais absolument pas comment ces biscuits ont été produits, mais je propose d'admirer le tour ce force.
Il y a de nombreuses façons de sortir une idée d'un tiroir, de la publication à la matérialisation, en passant par l'évocation orale, et, tout cela permet que nos idées ne restent pas dans les tiroirs.
Une idée dans un tiroir n'est pas une idée
Une idée dans un tiroir n'est pas une idée
On a évidemment compris ce dont il s'agit. Bien sûr, une idée, c'est une idée, mais ce que cette phrase signifie, c'est qu'une idée doit être partagée.
Pourquoi ? Pour de nombreuses raisons, mais tout d'abord parce que la présentation de nos idées à nos amis nous oblige à des formulations plus claires… pour nous mêmes et pour les autres. Cela force à satisfaire des conditions particulières de communication, à éviter les coqs à l'âne, à préparer l'exposition, à utiliser des mots parfaitement clairs... Mais tout cela est en réalité un atout et une garantie. Une garantie que l'idée est parfaitement valide, car il arrive que l'examen soigneux des idées vagues que nous avons conduit finalement à leur réfutation. Un atout, parce que, alors, les idées sont affinées, prennent plus de force.
En sciences de la nature, cette phrase « une idée dans un tiroir n'est pas une idée » fait écho à cette règle que le physico-chimiste britannique Michael Faraday s'était donnée : travailler, publier. Nous devons effectivement publier les résultats que nous obtenons, qu'ils soient d'ailleurs négatifs ou positifs. Faire une expérience et obtenir un résultat négatif, c'est d'ailleurs en réalité très positif, puisque cela nous conduit observer que notre théorie est contredite par les faits. Ainsi, nous pouvons progresser, chercher en quoi notre théorie est fautive, proposer une théorie améliorée : tel est précisément l'objectif des sciences de la nature.
# Bien sûr, cette réfutation nous conduit à d'autres travaux, et il faut savoir où s'arrêter pour la publication, mais quand même, il y a quelque chose de sain dans l'affaire. Et, finalement, ce sera une question de travail que d'arriver à un manuscrit publiable.
Une idée dans un tiroir n'est pas une idée : cela signifie aussi que, dans notre monde, nombre de personnes prétendent avoir beaucoup d'idées, mais ils les montrent peu. Je propose de considérer que ces idées cachées n'existent pas.
Il y a notamment, avec l'industrie et son secret industriel, cette incertitude constante à propos de ce qui est su et de ce qui est ignoré : je déteste cette prétention qui consiste à dire que l'on aurait des idées qu'on n'a pas publiées. Disons que ces idées n'existent pas.
Je me souviens ainsi d'un épisode amusant : alors que j'avais réussi à « décuire » des œufs, en 1997, un capitaine d'industrie à qui je racontais la chose m'avait dit que cela était connu depuis longtemps de ses services… mais qui, deux semaines après, alors que je faisais une conférence où je présentais le résultat, il avait envoyé des ingénieurs pour apprendre comment j'avais fait !
Ce cas n'est pas isolé : je l'ai rencontré souvent, et ma religion est maintenant faite : sauf à voir le fruit d'idées que ces gens prétendent avoir, je considère qu'ils n'ont pas les idées dont ils ont la prétention.
A l'inverse, on voit parfois des résultats extraordinaires, qui correspondent à des idées qui n'ont pas été présentées. Par exemple, je me souviens de biscuit d'apéritifs apparemment anodins… qui étaient comme de petits ballons creux. Des petits ballons ? On peut obtenir de tels soufflement par « cuisson extrusion », avec la brusque détente d'une pâte (farine et eau) que l'on pousse dans un cylindre, à l'aide d'une vis d'Archimède. Mais des ballons percés ? Essayez donc de souffler dans un ballon de baudruche, et vous verrez que c'est très difficile ! Je ne sais absolument pas comment ces biscuits ont été produits, mais je propose d'admirer le tour ce force.
Il y a de nombreuses façons de sortir une idée d'un tiroir, de la publication à la matérialisation, en passant par l'évocation orale, et, tout cela permet que nos idées ne restent pas dans les tiroirs.
On a évidemment compris ce dont il s'agit. Bien sûr, une idée, c'est une idée, mais ce que cette phrase signifie, c'est qu'une idée doit être partagée.
Pourquoi ? Pour de nombreuses raisons, mais tout d'abord parce que la présentation de nos idées à nos amis nous oblige à des formulations plus claires… pour nous mêmes et pour les autres. Cela force à satisfaire des conditions particulières de communication, à éviter les coqs à l'âne, à préparer l'exposition, à utiliser des mots parfaitement clairs... Mais tout cela est en réalité un atout et une garantie. Une garantie que l'idée est parfaitement valide, car il arrive que l'examen soigneux des idées vagues que nous avons conduit finalement à leur réfutation. Un atout, parce que, alors, les idées sont affinées, prennent plus de force.
En sciences de la nature, cette phrase « une idée dans un tiroir n'est pas une idée » fait écho à cette règle que le physico-chimiste britannique Michael Faraday s'était donnée : travailler, publier. Nous devons effectivement publier les résultats que nous obtenons, qu'ils soient d'ailleurs négatifs ou positifs. Faire une expérience et obtenir un résultat négatif, c'est d'ailleurs en réalité très positif, puisque cela nous conduit observer que notre théorie est contredite par les faits. Ainsi, nous pouvons progresser, chercher en quoi notre théorie est fautive, proposer une théorie améliorée : tel est précisément l'objectif des sciences de la nature.
# Bien sûr, cette réfutation nous conduit à d'autres travaux, et il faut savoir où s'arrêter pour la publication, mais quand même, il y a quelque chose de sain dans l'affaire. Et, finalement, ce sera une question de travail que d'arriver à un manuscrit publiable.
Une idée dans un tiroir n'est pas une idée : cela signifie aussi que, dans notre monde, nombre de personnes prétendent avoir beaucoup d'idées, mais ils les montrent peu. Je propose de considérer que ces idées cachées n'existent pas.
Il y a notamment, avec l'industrie et son secret industriel, cette incertitude constante à propos de ce qui est su et de ce qui est ignoré : je déteste cette prétention qui consiste à dire que l'on aurait des idées qu'on n'a pas publiées. Disons que ces idées n'existent pas.
Je me souviens ainsi d'un épisode amusant : alors que j'avais réussi à « décuire » des œufs, en 1997, un capitaine d'industrie à qui je racontais la chose m'avait dit que cela était connu depuis longtemps de ses services… mais qui, deux semaines après, alors que je faisais une conférence où je présentais le résultat, il avait envoyé des ingénieurs pour apprendre comment j'avais fait !
Ce cas n'est pas isolé : je l'ai rencontré souvent, et ma religion est maintenant faite : sauf à voir le fruit d'idées que ces gens prétendent avoir, je considère qu'ils n'ont pas les idées dont ils ont la prétention.
A l'inverse, on voit parfois des résultats extraordinaires, qui correspondent à des idées qui n'ont pas été présentées. Par exemple, je me souviens de biscuit d'apéritifs apparemment anodins… qui étaient comme de petits ballons creux. Des petits ballons ? On peut obtenir de tels soufflement par « cuisson extrusion », avec la brusque détente d'une pâte (farine et eau) que l'on pousse dans un cylindre, à l'aide d'une vis d'Archimède. Mais des ballons percés ? Essayez donc de souffler dans un ballon de baudruche, et vous verrez que c'est très difficile ! Je ne sais absolument pas comment ces biscuits ont été produits, mais je propose d'admirer le tour ce force.
Il y a de nombreuses façons de sortir une idée d'un tiroir, de la publication à la matérialisation, en passant par l'évocation orale, et, tout cela permet que nos idées ne restent pas dans les tiroirs.