Une discussion avec l'équipe de cuisine de Taillevent, aujourd'hui, m'a fait comprendre qu'il vaut mieux poser des questions qu'apporter des réponses.
La question est la suivante, à propos de la cuisine note à note :
Sachant que :
1. je n'ai aucun argent à gagner dans le développement de cette cuisine
2. je n'ai aucune notoriété à gagner dans le développement de cette cuisine, moi qui suis à l'origine de la gastronomie moléculaire, puis de la cuisine moléculaire, et aussi de la cuisine abstraite, du constructivisme culinaire
3. je suis "vieux", culinairement parlant, puisque j'ai été éduqué au coq au riesling, au feuilleté au munster, à la choucroute, au kougelhopf, de sorte que tout met "nouveau" ne peut pas m'apparaître comme vraiment bon
4. je reçois des menaces quand je twitte des informations sur la cuisine note à note
5. il faut que je dépense des trésors de temps, d'énergie et d'intelligence (si l'on peut dire, pour ce dernier terme) à expliquer ce qu'est la cuisine note à note
6. la cuisine note à note se développera de toute façon, quand les conditions (surtout financières) seront favorables, de sorte que les efforts actuels sont inutile
7. le public veut des "aliments naturels" (même si une terminologie est idiote, parce que chimérique : un aliment est par définition du dictionnaire toujours artificiel)
8. les mets nouveaux sont toujours rejetés par les vieux
9. on ne peut guère espérer le développement de la cuisine note à note avant une dizaine d'années
10. je dois stratégiquement positionner la cuisine note à note comme une cuisine pour riches, afin de la faire adopter par le peuple (dont je suis), ce dernier refusant ce qui lui serait utile
Oui, sachant tout cela, que voyez vous comme raison pour que je développe la cuisine note à note ?
Bref, si je me décarcasse, à votre avis, pourquoi ?
...car la passion prend souvent le dessus sur la raison !
RépondreSupprimer1 – quand on ne perd pas d'argent en suivant son chemin, pourquoi en suivre un autre ? La connaissance est comme une roue à cliquets, lorsque on l'a fait tourner, elle ne peut revenir en arrière. Elle continue à tourner et la connaissance augmente... Il n'aurait pas fallu commencer !
RépondreSupprimer2 – des auteurs marginaux (qui ont donc une probabilité plus grande d'approcher la réalité) ont présenté l'humain comme un être engagé dans une démarche qui sert un objectif : assurer à ses gènes, ou à ses descendants les meilleures chances de se maintenir dans la population globale. Si vous êtes « vieux » (sic) vous n'avez plus besoin de vous « différencier » pour attirer l'attention de votre partenaire... La notoriété pourra être utile pour vos descendants (par le sang ou par l'esprit ) : il n'y a donc pas d'urgence à la déployer.
3 – est il établi qu'il est un âge où les goûts ne peuvent plus évoluer ?
4 – un autre auteur marginal imagine que tout organisme, tout système, toute société... constitué tend à mettre en œuvre toutes les actions possibles pour préserver son intégrité. Les menaces sont le signe que les tenants du système en place sont à bout d'arguments...
5 – il de votre intérêt de ne pas vous ennuyer
6 – Jean Marie Bigart nous propose : « c'est quand on est au pied du mur qu'on voit le mieux le mur ». Sans doute l'humanité a t elle pris la plupart de ses grandes décisions alors que la situation de crise l'y obligeait. Mais j'ai envie de croire que de la palabre conduite par un grand nombre d'individus brassant une grande masse d'information puisse émerger des tendances
7 – le public dont je fais partie utilise des mots valises qui se répandent comme traînée de mauvaise poudre... peut être qu'il faut entendre par nourriture naturelle, une nourriture qui permettrait à l'assemblage de cellules qui nous constituent la jouissance d'une homéostase qui se nomme la santé ?.
8 – seulement par ceux qui sont vieux dans leur tête ?
9 – bon. Peut être un peu rapide ? Encore que je pense également que l'optimisme est condiment qui rend la journée plus éclatante
10 – existe t il un exemple d'une évolution majeure de nos sociétés dont l'origine serait à rechercher dans le « peuple » ? Dans une structure de société où le pouvoir est un enjeu si motivant que quasiment personne n'y échappe n'y a t il pas peu de chances que ceux qui en sont le moins dotés puissent être des moteurs du changement ? Mais c'est là un autre débat !
Voilà ce qui me vient à l'esprit lorsque je lis votre inquiétante question. J'espère qu'il ne s'agit que d'une petite déprime passagère, une fatigue bien compréhensible lorsqu'on rame à contre courant ! L'alimentation est la façon utilisée par nos organismes pour se construire, la sélection naturelle et l'évolution sont à l’œuvre depuis des centaines de milliers d'années pour façonner des équilibres qui mettent en œuvre les lois physiques de notre univers. Je trouve passionnante l'idée que la science nous permette d'envisager pouvoir comprendre un peu mieux ce qui favorise l’homéostasie.
En conclusion donc, lorsque vous vous décarcassez, vous participez à augmenter l'optimisme avec lequel j'aborde mes journées !
Alors qu'une problématique n'est pas encore clairement établie, tout questionnement anticipatif souleve non seulement complexité mais également adversité. Sans cela, comment le consommateur habituel pourrait-il manifester sa PEUR face a l'univers infini de créations que révele la cuisine note a note? Or, il doit d'abord exprimer ses craintes avant de les apprivoiser ... un jour.
Revenant au modele (que je connais bien), celui-ci s'articule autour de deux plans paralleles. L'un couvrant toute la dispersion possible de la cuisine note a note a travers la restauration hors-foyer et ses differentes niches de Luxe, puis une ultime pénétration dans les foyers.
L'autre plan étant celui des producteurs auxquels le systeme se veut rémunérateur par l'adoption d'un procédé spéficique de filtration. Entre les deux plans, une sphere immense de questions tant logistiques que toxicologiques soutenues par la stratégie commerciale encore bien floue.
Quand on parle des producteurs, il me paraît essentiel de parler de revenus alternatifs leur permettant de se décarcasser au même titre. La proposition la plus méritoire ne setait-elle pas l’économie de fonctionnalité précisément? Avec l’idée sous-jacente que la valeur d’une fraction réside dans les bénéfices apportés et non dans sa réalisation.
Ces bénéfices évidents sont perçus par le plus grand nombre. Mais lorsque nous superposons
les deux plans, les tractions apparaissent comme antagonistes. L'unité de vente, la "fraction"
s'exprimant avec un prix et un volume inférieur au produit original, sans garantie actuelle de
régénérer le différentiel en bout de cycle. Pourtant des systemes bien plus complexes
ont vu le jour dans l'alimentaire.
Cela passe souvent par une profonde convergence entre plusieurs partenaires de secteurs tres différents. Et a ma connaissance, ni le constructivisme culinaire, ni la gastronomie ou cuisine abstraite ne nécessitaient une telle structure collective. Etre évangeliste et physico-chimiste, parce que cela vaut bien de se décarcasser ... a plusieurs.