L’Evolution biologique, en nous obligeant à manger pour vivre, nous y invite par l’appétit, et nous en récompense par le plaisir. Mais qu’est-ce que ce plaisir de manger ?
Manger est un acte agricole ? Oui, et cuisiner aussi, parce que l’on mange ce que l’on cuisine, même si l’acte culinaire consiste seulement à réchauffer un plat tout préparé dans un four à micro-ondes.
Sans oublier que nous sommes la première génération de l’histoire de l’humanité à ne pas avoir souffert de la famine (il est facile de faire la fine bouche, mais faut-il vraiment oublier cette donnée essentielle ?), examinons d’abord le cas de la viande, par exemple. Nous vivons le plus souvent dans des villes, et, de ce fait, nous allons généralement la chercher chez un boucher ou une grande surface. Les codes –discrets- qui figurent sur les paquets, panneaux, étiquetages… sont là pour nous rappeler que toute la filière est très soigneusement vérifiée, du champ à ce magasin où nous nous trouvons. Les Services vétérinaires ont œuvré, sur le terrain, à la ferme, pour que seuls des animaux en bonne santé parviennent jusqu’à notre table ; l’INRA a travaillé, afin de sélectionner des races d’animaux donnant une viande tendre, goûteuse, dont les muscles les plus intéressants alimentairement sont les plus développés ; afin, aussi, de sélectionner des animaux qui, parce qu’ils sont moins stressés, feront des viandes plus tendres ; afin… Bref, il y a eu le travail de toute la filière, avant que la viande ne soit chez le boucher. De celui-ci, aussi, dépend la qualité de la viande : a-t-il sur la faire rassir correctement ? L’a-t-il coupée comme nous l’aimons (afin de mettre en valeur sa mâche particulière, qui fait toute la différence du monde entre un onglet, un tournedos...) ?
Bref, nous achetons notre viande, et nous rentrons chez nous. Nous la faisons cuire… dans un liquide de mouillement, par exemple : vin, bouillon, que sais-je ? Souvent, la viande finit dure !
Oui, dure, parce que nous n’avons pas su la cuire ! La cuisine ayant disparu de l’Ecole, nous en sommes réduits à des livres, souvent fondés sur des traditions largement perfectibles, ou sur une transmission orale qui n’est certainement pas une garantie de qualité technique !
Cet exemple de la viande se décline à propos des légumes : si la viande ne doit pas être chauffée à des températures élevées trop longtemps, faute de durcir, les légumes, au contraire, sont désastreux quand ils sont cuits par les techniques utilisées pour la viande.
Bref, je propose mon mot d’ordre « La cuisine est le couronnement des filières »
Il en découle de nombreuses questions. Des questions de productions de connaissance, d’abord, et des questions de transmission de connaissance, d’autre part. Cela fera l’objet des billets des jours suivants.
En attentant, il faut quand même parler du bonheur d’être à table, de « plaisir » ! Oui, nous sommes heureux d’être attablés en bonne compagnie. Pourquoi ? Comment augmenter ce plaisir ? La encore, il y a lieu d’analyser la question, mais pourquoi ne pas admettre que l’espèce humaine est d’abord une espèce sociale, et que tout comportement qui nous réunit est « récompensé » par les mécanismes biologiques qui se sont progressivement installés en nous au cours de l’Evolution biologique ? Avoir du plaisir, après tout, n’est-ce pas avoir une libération de neuromédiateurs ou d’hormones, dans l’organisme, de sorte que notre cerveau traduit cette modification physiologique par « j’ai du plaisir » ?
Ce serait trop long à développer aujourd’hui, mais je propose la seconde thèse suivante : « La cuisine, comme l’alimentation en général, c’est d’abord de l’amour, ensuite de l’art, et enfin de la technique ».
Je vous donne rendez vous chaque jour pour examiner des facettes de cette seconde thèse.