samedi 31 mai 2025

Je suis partagé

Rencontrant des étudiants brillants, je suis partagé quant au conseil à leur donner sur le choix de leur carrière : science, ou technologie ?

Hier, un de mes collègues s'est avancé à pousser un de ces étudiants à faire une carrière scientifique, et je crois que l'intention n'était pas mauvaise :  il s'agissait de recruter parmi les meilleurs pour nos laboratoires.
Mais inversement, je me dit aussi que, dans une école d'ingénieurs, les étudiants qui ont fait le choix d'y aller visent quand même le métier d'ingénieur, l'industrie, la technologie,  et c'est à ce titre, et également en considération de l'intérêt national,  que j'aurais tendance à inviter les étudiants à se diriger vers l'industrie : il faut à notre pays une industrie forte, qui résulte d'une industrie bien pensée, bien dirigée. Pensons à des Eiffel, des Jean Muller, des Armand Peugeot... 

A la réflexion, je crois qu'il n'y a pas lieu de pousser nos jeunes amis dans une direction plutôt que dans une autre ; il vaut bien mieux, plutôt,  leur exposer aussi justement que possible les attendus sur lesquels ils pourront fonder leur choix. 

Il nous faut démonter les fantasmes, montrer la réalité des travaux, inviter à connaître les aspects individuels ou les aspects collectifs,  envisager les intérêts intrinsèques, extrinsèques et concommitants associés à leur personnalité particulière. 

Pendant quelques instants, j'ai eu la tentation de dire ici qu'il fallait un engagement absolu pour faire de la bonne science, y penser sans cesse, et que cela aurait été la caractéristique de la vie scientifique, mais ne faut-il pas se retrousser également les manches pour être un bon ingénieur, y passer beaucoup de temps également ? 

Oui, on ne fait rien de bon sans engagement, et cet engagement ne doit pas nous coûter : le psychanalyste Jacques Lacan avait cette formule "Là où Ca est, je dois advenir", et elle se rapproche du  "le talent fait ce qu'il peut et le génie fait ce qu'il doit".
Et cela quelle que soit l'activité : le musiciens passionné de musique aimera faire des gammes : le chimiste passionné de chimie sera passionné de formules, d'expériences et de calcul, l'ingénieur passionné de son métier passera tous ses moments, vacances ou week ends à exercer son métier, sa passion ; le peintre fou de peinture pendra sans relâche, le médecin passionné de médecine soignera inlassablement ; le plombier passionné de plomberie fera des chefs d'oeuvre, l'administrateur cherchera sans cesse les moyens les plus intelligents d'administrer...


vendredi 30 mai 2025

Molecular cooking ?

 

Again, I am asked the same questions, and here are the answers :

Molecular and physical gastronomy = science of nature, like chemistry, physics, astronomy, biology...

Molecular cooking : the technique of cooking using hardware imported from laboratories (siphons, low temperatures, liquid nitrogen, etc.)

Molecular Cuisine : a culinary style based on molecular cooking

Synthetic cooking : the technique of making dishes from compound

Note by note cuisine: the culinary style using synthetic cooking.

jeudi 29 mai 2025

Evoluons !

Je sors d'une chaude discussion à propos de la saveur prétendument dite "umami". Je renvoie vers d'autres billets pour expliquer pourquoi je critique cette notion, mais j'en avais donné la teneur à mes interlocuteurs  qui, en outre, s'accrochaient aux prétendues quatre (ou cinq) saveurs qui auraient été de base. 

Comme mes interlocuteurs étaient de mauvaise foi, il n'étaient pas prêts à entendre le fait que la saveur du bicarbonate de sodium n'entre dans aucune des quatre ou cinq catégories auxquelles ils se raccrochaient, pas plus que la saveur de l'éthanol, ou celle de l'acide glycirrhizique (de la réglisse), par exemple. 

Ils ignoraient  tout des travaux de physiologie menés par Annick Faurion il y a plus de 50 ans, ignoraient que la réfutation de la théorie obsolète des 4 saveurs, ou des 4 saveurs de base, était déjà ancienne. 

Mais je m'intéresse ici moins à leur ignorance qu'à l'énergie avec laquelle ils s'accrochaient aux petites connaissances  -périmées donc-  qu'ils avaient. Leur mouvement était mauvais parce que, en science, nous devrions constamment être en position de réfuter nos propres théories. Nous les savons fausses, insuffisante. Nous savons que le futur est plein de bouleversements, de révolutions, et nous devons donc  accepter avec la plus grande rapidité, le plus grand enthousiasme tout ce qui vient contredire nos prétendus savoirs. 

Ce qui est pire, c'est que ses collègues réactionnaires intellectuellement étaient des enseignants et que, par conséquent, au prétexte de mauvaise foi qu'il faudrait enseigner des choses simples, ils enseigneront des choses fausses sans donner à leurs étudiants la possibilité d'imaginer que le savoir transmis est  de mauvaise qualité. 

Je trouve ces collègues très imprudents en quelque sorte,  très dogmatiques certainement et au fond très limités : limités par le peu qu'ils ont appris, par l'insuffisance du travail qu'ils font pour augmenter leurs connaissances. 

mercredi 28 mai 2025

A propos d'un commentaire et de ma réponse

A propos d'une question reçue par un internaute, je fais un billet qui me faut ce commentaire : 

Vous êtes bien brave de répondre à ce cancre qui écrit "comme même" au lieu de "quand même".

Ah, qu'importe que nos amis fassent des fautes, car nous en faisons nous-mêmes. Et puis, au fond, notre ami voulait apprendre : quoi de mieux ?

 

Un commentaire à propos de mayonnaise

 Discutant la précision culinaire fautive selon laquelle la moindre trace de blanc d'oeuf préviendrait la constitution de la sauce mayonnaise, je reçois un commentaire : 

Moi je met un œuf entier, une cuillère à café de moutarde et l' huile dans un verre doseur. Je mélange le tout au mixeur et jamais je ne loupe ma mayonnaise ! On peut augmenter la quantité de moutarde suivant qu'on l'aime plus ou moins relevée. 


Pardon de vous contredire, mais si vous mettez de la moutarde, ce n'est plus une sauce mayonnaise que vous faites, mais une sauce rémoulade ! Un autre système physico-chimique, avec un autre comportement physique.

Liquéfier une gelée sans la chauffer ?

 Je vois un commentaire ancien que je modère (= j'en accepte la publication) : 

bonjour,
je dois liquéfier une gelée de boeuf sans la chauffer, est-ce possible?
y a t'il un produit miracle?

 

La réponse est simple  : si cette gelée de boeuf est due à la gélatine, alors il suffit d'injecter très peu d'une solution contenant des enzymes nommées protéases, et cela se défera en quelques heures. 

Où trouver cela ? Du jus d'ananas frais fait l'affaire, mais aussi du jus de papaye, de figue, de cassis...

Réfutation d'un commentaire ancien

A propos de la découverte du gluten, j'avais discuté le nom du chimiste strasbourgeois qui avait proposé la technique de lixiviation expliquant qu'il y avait eu des hésitations sur le nom. 

Or je reçois un commentaire : 

Il s'agit bien de Kessel-Meyer dont la thèse traduite en Français est disponible sur le site de la BNF https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bd6t5412435r/f36.item

Mais pardon, non :  ce texte est celui venu plus tard et il est fautif. Moi, j'ai eu entre les mains la thèse de Johannes Kesselmeyer, produite par lui-même, et lui-même signe Kesselmeyer, pas Kessel-Meyer ! 

Voir à ce sujet mon article Hervé This. Who discovered the gluten and who discovered its production by lixiviation?. Notes académiques de l'Académie d'agriculture de France, 2018, 3, pp.1-11. ⟨hal-01852558⟩ 

De la potasse dans les cendres ?

Lors d'une discussion récente avec des collègues, nous avons évoqué le fait que les cendres de bois contiennent des bases. 

Et j'ai souvent dit qu'il s'agissait que les cendres de bois contenaient de la potasse, d'hydroxyde de potassium. 

 

Pourtant, récemment, alors que mon attention n'était pas complètement fixée sur les paroles d'un intervenant, je suis allé en ligne faire une recherche bibliographique parce que je voulais savoir la quantité de potasse que l'on trouvait dans les cendres...  et c'est ainsi que j'ai découvert qu'il y avait des cendres de différents types :  certaines contiennent effectivement de l'hydroxyde de potassium, mais d'autres de l'hydroxyde de sodium, ou de calcium, par exemple. 

Plus généralement, la nature des cendres dépend de la nature des matières végétales que l'on brûle. 

mardi 27 mai 2025

À propos de liaisons vers l'arrière du plan de la feuille

Ce billet-ci est un peu ésotérique mais je fais part d'une idée que j'avais trouvée il y a quelques temps et que j'ai oublié de partager. 

Il s'agit de représenter les molécules quand elles ne sont pas planes. Classiquement, pour indiquer une liaison chimique qui irait au-dessus du plan de la feuille, on représente ce cette liaison sous la forme d'un triangle noir avec la partie élargie la plus proche de l'observateur, pour donner une sensation de perspective. 

Pour décrire maintenant une liaison qui serait à l'arrière de la feuille, on utilise encore un triangle, mais hachuré. 

Bien souvent, des chimistes représente ces dernières liaisons vers l'arrière avec la partie étroite vers l'atome du plan de la feuille, mais il y a un certain illogisme, car la perspective n'y trouve plus son compte. 

Dans le Journal of chemical education, un collègue a fait justement observer que l'on ferait mieux de le représenter la partie large sur l'atome du plan de la feuille avec le triangle s'amincissant vers l'arrière. C'est devenu ma pratique. 


 

Pourquoi les pommes dauphines gonflent-elles dans de l'huile alors que les gnocchis ne gonflent pas dans l'eau ?

Pourquoi les pommes dauphines gonflent-elles dans de l'huile alors que les gnocchis ne gonflent pas dans l'eau ?

Quand il y a un gonflement, en cuisine, c'est principalement parce que de l'eau s'évapore : on  conservera à l'idée qu'un petit gramme d'eau liquide (soit un volume égal à un cube de un centimètre de côté)  fait  un litre et demie de vapeur.  

Or les aliments sont fait essentiellement d'eau, et notamment la purée de pommes de terre éventuellement mêlée à de l'œuf pour un appareil de pommes de terre dauphines. 

Plongé dans l'huile à 170 degrés, ce appareil à pommes Dauphine est chauffé par l'extérieur, ce qui évapore son eau externe (on voit une abondance de bulles) et conduit à la formation d'une croûte. 

Mais bientôt l'intérieur de la croûte se trouve à 170 degrés, et l'eau de l'appareil qui n'a pas encore croûté s'évapore. Cette fois cette vapeur n'est plus libre de partir dans l'huile, puisqu'il y a la croûte, et elle repousse la croûte, avant que davantage de croûte ne soit formé. Le phénomène est le même qu'avec de petits choux : on doit le gonflement, puis le croûtage externe, puis la fissuration de la croûte formée, puis de nouveau la fissuration. 

Avec des échaudés (pâtes, gnocchis, etc.) placés dans l'eau chaude, il en va très différemment, parce que, en présence d'eau, il ne peut pas y avoir de croûtage : l'amidon présente se limite à s'empeser. Et des bulles de vapeur pourraient alors parfaitement s'échapper... si elles se formaient parce que en réalité, il s'établit une variation de température entre les 100 degrés de l'extérieur et les 20 degrés initiaux de l'intérieur. Avec des températures toujours inférieures à 100 degrés, donc, pas d'évaporation,  pas de gonflement.  

Cinq pour cent de phase continue dans les émulsions

Oui, il faut environ 5 de phase continue pour former une dispersion telle qu'une émulsion. 

Les dispersions colloïdales sont fréquences en cuisine : ce sont les mousses, les suspensions, les émulsions... Dans tous ces cas, il y a une phase dispersée dans une phase continue. Une phase continue, cela signifie que l'on peut aller du haut en bas, de droite à gauche et d'avant en arrière en restant toujours dans la même phase :  cette phase peut-être un gaz, un liquide, un solide. 

Les phases dispersées, elles, sont... dispersées, c'est-à-dire discontinue. Par exemple, dans une émulsion,  il y a des gouttelettes d'huile dispersées dans une solution aqueuse ou l'inverse. 

Pour commencer,  pensons que les structures dispersées sont comme  des sphères dans une boîte, ou des oranges sur un étal de marchand des quatre saisons. Avec des sphères qui seraient toutes de la même taille, la détermination de l'empilement le plus compact est un vieux problème mathématique et l'on sait calculer qu'il faut un minimum d'environ  30 pour cent de phase continue, entre les sphères. C'est ce que l'on nomle l'empilement compact. 

Mais pour des émulsions telles que la mayonnaise, par exemple, d'une part les gouttelettes d'huile ne sont pas des sphères, et, d'autre part elles ne sont pas toutes de la même taille. 

Or on comprend facilement que l'on puisse mettre plus de sphères s'il y en a de grosses et de petites : avec les grosses, faisons un empilement compact, puis plaçons les petites dans les espaces laissés par les grosses sphères. Mathématiquement, si l'on dispose de sphères de toutes les tailles voulues on peut emplir l'espace entièrement  : c'est le problème de la baderne d'Apollonius, du nom d'un mathématicien de la Grèce antique. 

De même, avec des objets dispersés qui peuvent se déformer on comprend, en caricaturant, que s'ils forment des cubes, l'empilement est complet. 

 

Toutefois en pratique, on comprend qu'il faille une certaine épaisseur de phase continue entre des sphères voisines ou même entre des sphères déformées. Par exemple, si deux gouttes d'huile venaient au contact, elles fusionneraient. Au minimum, il faut une couche de molécule qui sépare les gouttes d'huile. Ce serait très instable. Pensons à environ 5 pour cent de phase continue.

Cela a des conséquences culinaires, et notamment pour des sauces émulsionnées chaudes, pour lesquelles la solution aqueuse s'évapore progressivement, quand elles restent sur le coin du fourneau avant le service : une cause de ratage des hollandaises, béarnaises, par exemple (certes, ce sont plutôt des suspensions que des émulsions, mais il faut quand même que la matière grasse y soit émulsionnée).

De l'huile dans de l'eau ou de l'eau dans de l'huile : questions d'émulsions

On m'interroge : "Pourquoi les émulsions eau dans huile sont-elles moins stables que les émulsions huile dans eau  ?"

Avant de poser cette question, il faut s'assurer de se base : est-il vraiment certain que les émulsions eau dans huile sont moins stables que les émulsions huile dans eau ? 

Mais il faut commencer par expliquer ce que sont les unes et les autres. 

Les émulsions, tout d'abord, sont des dispersions de gouttelettes d'un liquide dans un autre liquide, sans qu'il y ait mélange. Par exemple, quand on fouette un peu d'huile avec beaucoup d'eau, on voit le fouet qui divise l'huile en gouttelettes (d'huile, donc), ces dernières étant dispersées dans l'eau. Si les gouttelettes sont suffisamment petites, on obtient un système dit "colloïdal" qui est une émulsion, puisque ces systèmes sont : 

A fluid colloidal system in which liquid droplets and/or liquid crystals are dispersed in a liquid. The droplets often exceed the usual limits for colloids in size. An emulsion is denoted by the symbol O/W if the continuous phase is an aqueous solution and by W/O if the continuous phase is an organic liquid (an 'oil'). More complicated emulsions such as O/W/O (i.e. oil droplets contained within aqueous droplets dispersed in a continuous oil phase) are also possible. Photographic emulsions, although colloidal systems, are not emulsions in the sense of this nomenclature.

Source:  PAC, 1972, 31, 577. (Manual of Symbols and Terminology for Physicochemical Quantities and Units, Appendix II: Definitions, Terminology and Symbols in Colloid and Surface Chemistry) on page 606 [Terms] [Paper]


Cela tant, un tel système n'est pas stable, parce que les gouttelettes d'huile viennent "crémer", et fusionner, reformant rapidement une couche continue à la surface de l'eau. 

Quand on produit une émulsion, on ajoute généralement un troisième élément, à savoir des molécules dites "tensioactives" qui :
1.  réduisent l'énergie nécessaire à la dispersion des gouttes d'huile dans l'eau, pour les émulsions de type huile dans eau,
2. tapissent la surface des gouttes dispersées, prévenant leur association, leur fusion, leur "coalescence". 

Ces molécules ont des parties "hydrophobes", qui vont dans l'huile, et des parties "hydrophiles", qui vont dans l'eau. Et elles agissent alors de diverses manières  :
- d'une part, il y a ce que l'on nomme l' "encombrement stérique", qui correspond à la place que prennent les atomes, les molécules,
- mais il y a surtout des forces de répulsion électrique entre des parties électriquement chargées des molécules (par exemple, des charges négatives pour des groupes phosphate de lécithines, ou des charges portées par les protéines).

Or les parties moléculaires électriquement chargées sont celles qui vont dans l'eau, alors que ce sont des parties moléculaires non chargées qui vont dans l'huile, et qui au contraire s'associent par des liaisons chimiques faibles nommées notamment forces de van der Waals. 

De sorte que, avec une émulsions de type eau dans huile, il y a peu de répulsion entre les gouttes d'eau, alors que pour une émulsion huile dans eau, les parties chargées des molécules tensioactives se font face et se repoussent. 

Ajoutons de surcroît que l'interface eau-huile se courbe naturellement de façon à mettre l'huile à l'intérieur, comme on le voit par le raisonnement suivant : supposons un interface plane, avec les molécules tensioactives placées comme des clous entre la phase huile, au dessus, et la phase eau par dessous : les parties chargées des molécules tensioactives seraient donc par dessous... mais, se repoussant elles incurveraient l'interface vers le haut, pour former des gouttelettes d'huile.
 

Des oeufs mollets au four ?

Une question m'arrive ce matin : est-il possible de faire des œufs mollets (blanc prix mais jaune coulant) par une cuisson au four ? 

 

On peut répondre de nombres façon à cette question mais je propose d'aller plus simple au plus compliqué. 

Le plus simple c'est oui... et non.

 

Un peu plus en détail : je réponds en évoquant les "œufs parfaits" que j'ai introduits il y a plusieurs décennies, et qui consistent  à cuire des oeufs à 65 degrés. On peut le faire dans de l'eau ou dans un four, mais aussi dans un lave-vaisselle, par exemple. 

Et j'ajoute que, dans la foulée, j'avais proposé des œufs à 62, 63, 64, 65, etc. degrés. L'oeuf  à 65 degrés a un blanc pris très délicatement, et un jaune coulant. A des températures inférieures (mais plus de 62 degrés), le blanc est plus laiteux, plus délicat, et le jaune est inchangé. 

A des températures supérieures, il y a des changements. Par exemple, à 67  degrés,   le blanc est pris, mais le jaune prend  une consistance de pommade. 

A quelle température serait produit l'oeuf mollet ? Je crois qu'il est particulier et qu'on ne l'obtient que dans l'eau, si l'on est un peu précis. L'oeuf mollet  ? Il lui faut 5 minutes et 15 secondes de cuisson dans l'eau bouillante. Dans un four on pourrait mettre un oeuf pendant 5 minutes et 15 secondes à 100 degrés, mais le résultat serait un peu différent. 

 

Enfin, plus compliqué encore, on s'interrogera sur ce que la question  signifie vraiment, on cherchera à comprendre les phénomènes. 
 

Le blanc et le jaune d'oeufs coagulent en raison des protéines qu'ils contiennent. Pour le blanc, il y en a environ 300 (je dis bien 300 c'est-à-dire 300 sortes de molécules différentes non pas 300 molécules différentes : il y a des milliards de milliards de chaque sorte), et chaque protéine coagule à une température particulière. 

Pour le blanc d'oeuf, la première coagulation d'une protéine s'effectue vers 62 degrés. Plus il y a de protéines coagulées et plus le blanc est pris, opaque et blanc. 

Pour le jaune, c'est un peu la même chose mais il y a ce phénomène étonnant que la première des protéines qui coagule le fait vers 61 degrés, étant toutefois en quantité trop faible pour faire prendre le jaune. Il faut donc attendre que d'autres protéines coagulent pour que la consistance se mette à changer

dimanche 25 mai 2025

De l'air !

Nous sommes bien d'accord que tout ce qui doit être fait doit être bien fait... et notamment lors de la rédaction des articles ou des documents PowerPoint, par exemple. 

Tout compte pour faire la qualité d'un texte,  de l'orthographe à la rhétorique, en passant par la grammaire, la typographie, la mise en page...

 

La typographie ? De même que l'on doit mettre une espace entre 25 et g quand on écrit en abrégé "25 g",  on doit mettre une espace entre un nombre et le symbole du pourcentage qui le suit. 

Les indications de ce genre se trouve dans le Code de la typographie de l'Imprimerie nationale, pour la langue française. 

Pour l'anglais ? J'ai cherché, la règle des espaces est la même, contrairement à ce que font beaucoup de mes collègues.  

vendredi 23 mai 2025

A propos de sel et de blancs d'oeufs

On me dit que le sel permettrait d'éliminer des traces de graisses sur les parois des récipients ce qui permettrait mieux aux blancs d'oeufs de monter en neige...

 

MAIS : 

 

Non, le sel ne permet pas d'éliminer la matière grasse, et seuls de détergents "tensioactifs" y parviennent. De même pour le vinaigre, qui est inutile.  Pour bien nettoyer, rien ne vaut d'y penser en termes de chimie : 

1. de l'eau froide pour enlever le plus gros

2. de l'eau chaude pour enlever ce qui ne part par à l'eau froide, dans le lot des composés hydrosolubles

3. en laboratoire de l'acétone pour dissoudre les graisses, mais en cuisine, on sera limité à du savon et de l'eau chaude

4. de nouveau de l'eau chaude pour finir d'enlever les traces de savon

5. et de l'eau froid pour terminer (en laboratoire, on termine avec de l'eau distillée). 

Astringence et amertume

Alors que je sors de discussion avec des étudiants, je m'aperçois que la différence entre astringence et amertume n'est pas toujours connue. 

L'amertume est une sensation gustative, une saveur et il y en a d'ailleurs de très nombreuses qui sont différentes. Par exemple le Schweppes est sucré, certes, mais également amer. Un oignon rôti, également a de l'amertume, et la bière, parmi les saveurs différentes qui font son intérêt à de l'amertume. 

Le remarquable artiste culinaire qui était Édouard Nignon a bien discutéla question dans un chapitre entièrement consacré aux amers. Cet homme intelligent avait bien repéré qu'il n'y a pas l'amertume mais des amertume et  des amertumes très différentes.

Pour l'astringence, ce n'est pas une perception du même type mais plutôt l'impression de resserrement de la bouche. 

On a par exemple cette sensation quand on boit un vin tannique un peu jeune. D'ailleurs, quand on fait l'expérience de boire une gorgée d'un tel vin, de la mâcher, puis de la recracher, on voit bien des précipités parce que des tanins du vin se sont liés aux protéines de la salive,  et c'est parce que la bouche n'est plus lubrifiée par ses protéines salivaires que l'on sent cette sensation d'assèchement, de resserrement de la bouche. 

Bien sûr, dans les aliments réels, il y a souvent de l'amertume associée à de l'astringence et vice versa mais ce n'est pas obligatoire.  Par exemple le Schweppes est amer mais il n'est pas astringent tandis que certains vins sont astringents mais pas amers.

jeudi 22 mai 2025

Bon pour la santé

Lors de notre dernier workshop de gastronomie moléculaire,  un exposé  vantait les mérites de certains ingrédients. À entendre l'intervenant, ces ingrédients étaient parfaitement bons pour la santé... de tous les points de vue. 

Une panacée donc... Pourtant, pendant son intervention, je suis allé sur Google scholar pour taper le nom de l'ingrédient et le mot toxicité,  et j'ai trouvé un très grand nombre de pages décrivant des toxicités associées à cet ingrédient. 

En réalité, si un aliment ou un ingrédient alimentaire contient des composés bioactifs, alors il n'y a pas de raison qu'il soit parfaitement sain car, à minima, il y a déjà le fait que c'est la dose qui fait le poison : tout est poison, rien n'est poison et c'est la dose qui compte. 

D'où l'intérêt, en toxicologie de la notion de dose journalière admissible. 

Mais il y a mieux : certains composés qui ont un effet favorable en se liant à certains récepteurs de l'organisme peuvent avoir un effet défavorable en se liant à d'autres récepteurs, ailleurs dans l'organisme. 

Et c'est ainsi que les cancérologues ont été parfaitement déçus par les SERM, ces composés qui devaient à la fois se lier à des récepteurs du sein et à d'autres récepteurs dans les ovaires et qui n'ont pas donné l'effet escompté malgré l'intelligence du concept. 

 

Bref, méfions-nous si nous prononçons l'expression  "bon pour la santé" et méfions-nous des exposés qui nous disent cela.

mercredi 21 mai 2025

Ce sont des phénols, pas des polyphénols !

 
Militons pour plus de clarté terminologique.

Alors que notre workshop de gastronomie moléculaire et physique se termine, c'est l'occasion de revenir sur une discussion à propos du mot "polyphénol". 

Plusieurs ouvrages ont déjà dénoncé l'emploi un peu fautif de ce terme pour désigner les composés qui donnent de la couleur aux fruits et aux fleurs par exemple, ou pour désigner   d'autres composés du même type. 

Le monde, quand il est insuffisamment précis, parle de polyphénols, mais l'Union internationale de chimie pure et appliquée parle plus justement de phénols ou de composés phénoliques. Ce n'est pas la même chose ! 

 

La définition est claire : un phénol ou composé phénolique est un composé dont les molécules contiennent notamment un groupe de 6 atomes de carbone formant un cycle  hexagonal, avec au moins un groupe hydroxyle lié à un des atomes de carbone. Un groupe hydroxyle :  cela signifie un atome d'oxygène lié à un atome d'hydrogène. 

Quand il y a un seul groupe hydroxyle lié à un cycle hexagonal carbonée, alors le composé est un monophénol ;  quand il y en a deux, c'est à diphénol et ainsi de suite. 

Ces composés sont des oligophénols parce que le nombre de groupes hydroxyle est inférieur à 10 ou 20 environ.
Il y a la même terminologie que pour les peptides, qui sont des enchaînements de résidus d'acides aminé. À moins de 10 ou 20 résidus, on parle d'oligopeptide et au-delà de ce nombre, on parle plutôt de polypeptide. 

Bref, les anthocyanines, ces composés qui donnent de la couleur aux fruits aux fleurs, ne prends pas  des polyphénols mais plutôt des oligophénols. 

Les polyphénols sont plus rares. Il y a par exemple des lignines, ou des mélanoïdines... 

 

Bref, n'allongeons pas les terminologies pour paraître savant : la plupart du temps, il suffit de parler de phénols plutôt que de polyphénols.

A propos de soupe à l'oignon

 Soupe à l'oignon ? Potage à l'oignon ? 

Le potage est liquide, et la "soupe" est une tranche de pain, mais il est vrai que, souvent, on voit des potages à l'oignon avec, dedans, du pain (frotté d'ail, par exemple) gratiné. On a alors une soupe à l'oignon. 

Brunir les oignons ? Chacun fait comme il veut, mais il est vrai que suer les oignons dans de la matière grasse y fait passer des composés variés qui augmentent le goût. D'autre part, l'ajout de sel, lors de cette opération, contribue au brunissement. 

Quel liquide ajouter ? On peut naturellement utiliser de l'eau, mais aussi du vin blanc, un bouillon de volaille, un fond de veau : chacun fait comme il aime, parce qu'il y a là une question "artistique", et non pas une question technique.

Dans la série des réponses aux commentaires

Est publié aujourd'hui un commentaire sur un billet ancien, à propos du sel glace, que j'ai inventé il y a des décennies. 

A-t-il été commercialisé ? Non, parce que je ne vends rien : je distribue mes (faibles) connaissances à tous, librement. 

Et je vous invite ainsi à consulter : 

- les comptes rendus des séminaires de gastronomie moléculaire : https://icmpg.hub.inrae.fr/travaux-en-francais/seminaires

- le glossaire des métiers du goût  : https://icmpg.hub.inrae.fr/travaux-en-francais/glossaire 

- les articles des revues Notes Académiques de l'Académie d'agriculture de France et International Journal of Molecular and Physical Gstronomy :  https://icmpg.hub.inrae.fr/international-activities-of-the-international-centre-of-molecular-gastronomy

mardi 20 mai 2025

Manger ? Nous ne sommes pas des animaux

Naguère, il y avait des mots et des phrases  que l'on ne devait pas utiliser à propos des aliments et, par exemple, le juriste Jean Anthelme Brillat-Savarin, qui popularisa l'usage du mot gastronomie en français, écrivit en 1825  : "les animaux se repaissent, l'homme mange mais seul l'homme d'esprit sait manger". 

Je n'aime guère cette différence entre les hommes et les hommes d'esprit, et je regrette aussi que les femmes ne soient pas évoquées, mais je conserve de cet aphorisme l'idée que l'être humain fait plus que simplement mastiquer des aliments et récupérer des nutriments. 

Savoir manger, c'est un acte de culture : il s'agit de penser à celle ou à celui qui a préparé le mets (on verra pourquoi je ne dis pas "aliment"), à celle ou celui qui l'a apporté jusqu'à nous, qui nous l'a servi ;  savoir manger, c'est être capable d'une appréciation gustative, le goût étant cette sensation synthétique qui inclut jusqu'au mot.

 Savoir manger, cela signifie savoir reconnaître des codes de préparation des mets, mais surtout savoir comprendre qu'il y a une différence essentielle entre les aliments et les mets. 

Nous ne mangeons pas des ingrédients, nous ne mangeons pas des nutriments,  et l'alimentation humaine diffère de l'alimentation animale par la préparation culinaire. Et cela fait la différence avec l'animal. 

C'est pour ces raisons (et d'autres) qu'il était  naguère considéré comme vulgaire de parler de manger : on parlait de déjeuner, de dîner, de souper. On  ne souhaitait pas un "bon appétit", et si le "bonne dégustation" que l'on entend aujourd'hui échappe à cette vulgarité stomacale, elle a toutefois la prétention de laisser penser on que ce qu'on nous présente mérite beaucoup de considération, une façon de pêcher des compliments. 

Dans la catégorie des affreuses expressions, je me souviens de collègues à New York qui, vers midi, m'ont dit "let's grad food",  allons ramasser de quoi bouffer. Bien sûr, ma traduction est exagérée, mais l'idée y est quand même. 

Je me souviens également, dans un pays étranger, pour le déjeuner au cours d'une réunion qui durait une journée entière, avoir vu entasser d'abominables sandwichs, sans goût, avec du fromage insipide, un pain tout mou... Manifestement, nos collègues organisateurs n'étaient pas des gourmands et encore moins des gastronomes. D'ailleurs, les mêmes, le soir, se bâfraient  de bière,  ignorant que notre Brillat-Savarin avait un autre aphorisme : quiconque s'indigère ou s'enivre ne  sait ni boire ni manger. 

Manifestement, il y a lieu d'enseigner à manger, dès le plus jeune âge, dès l'école si les parents sont défaillants, et même ensuite, car nous mangeons trop vite. 

Nous ne cherchons pas suffisamment   la culture derrière les mets  ; nous négligeons trop la communion intellectuelle avec l'équipe qui a préparé les mets, ou avec nos commensaux. 

Le diable, c'est de manger des ingrédients, des nutriments... Le paradis, c'est le mets, préparé avec soin, dégusté en  bonne compagnie. 

D'un côté l'animalité et de l'autre l'amour !

Nous venons de terminer : tristes mais heureux

 

Nous venons de terminer le 14e rencontre de gastronomie moléculaire et physique et il fut un succès humain et scientifique. 

Non seulement l'ambiance était extrêmement amicale, de sorte que nous avons pu discuter vraiment de science, au lieu d'écouter des présentations un peu convenues, comme dans nombre de congrès. 

Mais surtout, nous avons réussi à faire parler de nombreux jeunes collègues de tous les pays  :  23 pays étaient représentés soit physiquement, soit en visioconférence. 

Les présentations ont été de belle qualité scientifique, sur le thème de la nourriture du futur, et il y a eu à la fois des présentations techniques, des présentations qui prenaient plus de recul, des présentations expérimentales, des présentations conceptuelles. 

Celles et ceux qui étaient présents avaient le bonheur de déjeuner et de dîner ensemble... et aussi, puisque c'est une caractéristique de ces workshops, de partager régulièrement un verre de crémant d'Alsace autour de la gastronomie moléculaire et physique. 

Quel bonheur !

lundi 19 mai 2025

Pas de double liaison dans les groupes aromatiques !

 Nous sommes bien d'accord que nous devons aider nos amis  à grandir. 

Quand nous sommes professeurs,  alors cette amabilité doit devenir une obligation absolue et c'est pour cette raison que j'ai contesté, lors du dernier workshop de gastronomie moléculaire, la présence de doubles liaisons dans les formules des composés aromatiques. 

Ces composés aromatiques ont dans leur molécule au minimum un groupe de 6 atomes de carbone liés entre eux par des liaisons d'un type spécial : non seulement il y a des liaisons simples, dites sigma, mais il y a aussi des électrons délocalisés, partagés en quelque sorte sur l'ensemble des atomes de carbone (c'est un peu différent de cela, mais ne compliquons pas pour commencer).

C'est ce partage d'électrons qui fait précisément l'aromaticité. Dans la représentation moléculaire de tels composés, il n'y a pas  de simples et de doubles liaisons alternées, et ce fut une découverte essentielle, dans l'histoire de la chimie, que de comprendre précisément qu'il n'y avait pas de simples et de doubles liaisons dans le benzème. 

De sorte que je ne peux m'empêcher de reprendre mes amis quand ils se laissent aller à afficher ses alternances de doubles et simples liaisons pour les composés aromatiques. 


Ainsi ne représentons pas  ceci : 


Mais plutôt ceci : 



De nouvelles fiches encyclopédiques

Cette semaine, deux nouvelles Question sur,

Par Hervé THIS :

 

Et six actualisations de Question sur :

Par Nadine VIVIER :

·         04.02.Q02 : Que sont les communs aujourd'hui ?

Par Pierre DONADIEU :

Par Hervé THIS :

·         08.01.Q08 : Les aliments sont souvent des "systèmes colloïdaux"

 

     Nous sommes donc, cette semaine, à 712 documents (561 Question sur, dont les fiches réactualisées, + 64 Repères + 87 vidéos) en ligne dans notre Encyclopédie, fruits du travail de 159 membres de l'Académie et de 77 experts extérieurs.


Je prends date

On me demande comment faire une boule de miel qui se déferais à chaud ?

Et la réponse est simplement : utiliser de la gélatine.

samedi 17 mai 2025

Apprendre la "chimie culinaire" ? Ou bien apprendre de la chimie pour faire la cuisine ?

A un jeune pâtissier qui veut apprendre, je réponds : 

 


1. Le Glossaire des métiers du goût est un dictionnaire en ligne des termes des métiers de cuisine, pâtisserie, charcuterie etc.
La différence avec d'autres dictionnaires, c'est que c'est un dictionnaire en constante progression, et, surtout, REFERENCE, et fondé sur des recherches historiques sérieuses, dans les livres de cuisine française du passé.
Je pense surtout aux jeunes qui veulent apprendre, et, aussi, je cherche à faire grandir le métier, sans les confusions habituelles de mousses/émulsions, mayonnaise/rémoulade etc.

2. Pour les Séminaires de gastronomie moléculaire, qui sont ici :
Il s'agit de réunions publiques pour les professionnels : nous testons des idées techniques, souvent classiques... et nous avons presque autant de surprises que de séminaires. Ces travaux devraient être suivis par tous les enseignants (et ils le sont déjà beaucoup).

J'ajoute que TOUT est gratuit, puisque je suis un agent au service de l'état, et engagé au service de la profession depuis des décennies. Et c'est ainsi que j'ai des chroniques gratuites dans les journaux des charcutiers, des TBI, etc.

3. Pour des livres pas entièrement idiots :
La cuisine, c'est de l'amour, de l'art, de la technique, Editions Odile Jacob
Mon histoire de cuisine (Ed Belin) : un peu ce que vous cherchiez initialement

 

vendredi 16 mai 2025

Oh !

 On me montre un article dans une revue nommée "applied sciences", du groupe MDMI. 


1. Attention aux journaux de ce groupe

2. Les "sciences appliquées" n'existent pas ; il n'y a que des application des sciences, en tout cas pour les sciences de la nature. Et cela ne m'étonne pas, parce que (1). 

Un message à propos des séminaires de gastronomie moléculaire

Ce matin, je reçois un message : 

Bonjour,
je viens de lire un excellent article de "The conversation", où M. Hervé  THIS nous expliquait, outre les techniques physico-chimiques du soufflé,  que nous pouvions solliciter de votre part les compte-rendus des  Séminaires de gastronomie moléculaire.
Ainsi, je me permets de vous en demander communication. je suis un cuisinier amateur, plutôt "bec salé" que sucré. je m'en remets à vous pour dimensionner le nombre et la nature des  compte-rendus que vous aurez la gentillesse de me communiquer.
d'avance, un GRAND merci à vous !

 

Et voici  ma réponse : 

 

Merci de votre message.
Pour les comptes rendus des séminaires de gastronomie moléculaire, les voici tous : https://icmpg.hub.inrae.fr/travaux-en-francais/seminaires/resultats
Il y a notamment un tableau excel qui évite de balayer toute la liste.
Et les comptes rendus sont "rédigés"
bonne journée

jeudi 15 mai 2025

The day after the Sonning Prize ceremony

The day after the Sonning Prize ceremony, I was invited by my colleagues of the Food Science Department of the University of Copenhagen (thanks to them), and Bettina Illeman Larsen recorded this : https://www.instagram.com/p/DJrRsHFAmAk/  


Happy to share, and thanks to her

Arôme ? Non, aromatisant

Aujourd'hui, une question m'est posée : 

Pourriez-vous  nous expliquer  ce que recouvre comme additifs le terme «  arômes «  sans qualificatif d’une liste d’ingrédients alimentaires? 

 

La réponse est... que si le mot arôme apparaît sur un produit commercialisé, il doit être défini par la réglementation, et, en conséquence, doit être recherché sur economie.gouv.fr. 

 De fait, la recherche est rapide : https://www.economie.gouv.fr/dgccrf/les-fiches-pratiques/etiquetage-des-denrees-aromatisees. Et on lit "Lorsque vous voyez la mention "arôme" sur un produit alimentaire, cela signifie qu'une substance est ajoutée pour lui donner une odeur ou un goût spécifique."

Puis on trouve, l'explication du mot "arôme" :  

"Il s’agit d’un produit non destiné à être consommé en l’état, qui est ajouté aux denrées alimentaires pour leur conférer une odeur et/ou un goût ou modifier ceux-ci.
Les arômes peuvent être constitués notamment de substances aromatisantes (molécules, telles que la vanilline ou le menthol) et/ou de préparations aromatisantes (extraits, huiles essentielles, etc.).
Des additifs ou d’autres ingrédients peuvent être ajoutés aux arômes comme support : ils permettent de dissoudre, diluer ou disperser l’arôme.
"

En l'occurrence, les "arômes" ne sont pas des additifs ; ils relèvent d'une autre catégorie. 

MAIS SURTOUT : 

Je combats absolument cet usage du mot "arôme", parce que, en bon français, un arôme est l'odeur d'une plante aromatique. Non, ces aromatisants sont des ... aromatisants, qu'ils soient des composés ou des préparations. 

D'ailleurs, le texte réglementaire est également  fautif en ce qu'il confond un composé, une molécule, une substance. 


Vite, écrire au ministre pour qu'il ordonne des changements !



Conseil à des doctorants qui vont soutenir leur thèse

Quand une soutenance de thèse est planifiée, c'est que les rapporteurs ont été mis un avis favorable et que, en réalité, l'affaire est déjà faite, que la thèse est acceptée en toute probabilité. 

Il y a donc lieu de savourer ce moment de la présentation et non pas de le redouter. Il n'y a pas besoin de stresser puisque cela ne sert à rien, que tout est joué. Et il vaut bien mieux savourer ce moment-là,  un moment de science et comme un repas qu'on servirait à nos amis. 

J'ajoute que les membres du jury, scientifiques, sont comme des taureaux devant qui nous avons intérêt à agiter le torchon rouge des mécanismes. Ils sont avides de venir discuter de sciences, avec le doctorant et entre eux. 

Bien sûr, le doctorant doit s'adresser à tous puisque la soutenance est en réalité une façon de montrer que l'on est capable de travailler dans l'enseignement supérieur, c'est-à-dire de faire cours. D'ailleurs, les questions du jury sont de ce type de : elles s'apparentent aux questions que les étudiants pourraient poser si l'on faisait un cours à l'université.
Mais il n'y a pas de doute qu'un doctorat qui a bien travaillé pendant 3 ans sera parfaitement répondre aux questions puisqu'il les aura envisagées pendant ces trois années. Et d'ailleurs, il n'est pas dit que le professeur puisse répondre à toutes les questions au sens de donner la réponse à cette question ; ce qu'il doit donner, c'est une réponse, et même peut-être qu'il ne sait pas. Il n'y a pas de honte à ne pas savoir, et, dans un tel cas, il s'agit surtout d'envisager comment on pourrait avec plus de temps répondre à la question ou comment, si un travail n'a pas été fait on pourrait le faire... 

Bref il n'y a pas à stresser mais à savourer ce moment. Le doctorant ayant invité son jury, il doit lui donner du bonheur comme quand on invite des amis à dîner ; il doit avoir mis les petits plats dans les grands, ce qui signifie avoir préparé correctement le powerpoint qu'il va utiliser. Et de même que l'on met une nappe propre sur la table, on évitera évidemment les fautes d'orthographe dans les textes, par exemple. Mais ensuite, il y aura lieu de servir des mets délicat, de montrer des idées intéressantes... 

Si on en est capable, on peut évidemment faire mieux, par exemple organiser un discours parfaitement élaboré, faire une sorte d'événement mais cela est en plus et en vérité la soutenance est l'occasion de pouvoir se mettre en position de faire cela. 

Il faut en profiter, il faut en profiter pour grandir, il faut en profiter pour s'amuser... Bref la soutenance d'une thèse doit être un moment merveilleux

mercredi 14 mai 2025

Le gros avant le détail

Je viens d'être consulté par deux étudiants, l'un à propos d'un document powerpoint qu'il doit présenter bientôt et l'autre à propos d'un poster. Dans les deux cas, ma réponse est "Dites-moi en une phrase ce que vous voulez que vos interlocuteurs entendent". 

Dans le cas du document PowerPoint, par exemple, la dernière diapositive était consacrée aux conclusions et aux perspectives :  il y avait toute une liste qui était donnée... mais on ne retient pas une liste.  Dans l'autre cas, le poster, il y avait toute une série de boîtes correspondant à l'introduction, le matériel, les méthodes, etc., et, noyé dans tout cela, il y avait un "take home message"... mais c'est justement ce qu'il ne faut pas faire : noyer la chose importante dans le reste. 

Dans les deux cas, il faut prendre beaucoup de recul et commencer par faire l'important ,car c'est ensuite seulement que l'on fera le détail. 

Par exemple dans le cas du poster, notre ami aurait pu placer le "take home message" en plein milieu, bien souligné par de la couleur, ou bien à la fin puisque c'est cela que l'on retient le plus. En tout cas, dans les deux cas, il fallait voir le plus important très aisément. 

Dans le cas du PowerPoint, il y a la constitution générale mais aussi la constitution de chaque page : pour chaque page, le titre doit être court, concis, frappant et aussi visible que possible. 

Ensuite il doit y avoir une image et une seule, très énergique, et le moins de texte possible parce que le texte sera dit par l'orateur, et qu'il ne faut pas être redondant sous peine que nos amis se sentent considérés comme des imbéciles. 

Bien sûr, il y a des détails "importants " et notamment toutes les conditions expérimentales qui doivent être aussi précises que possible : cela s'écrit et ne se dit pas, car dans un discours, soit on insiste sur ces conditions expérimentales parce qu'elles sont essentielles, soit on les indique seulement en passant, pour que nos auditeurs voient le sérieux du travail. Mais il y a un choix à faire. 

Dans les deux cas, il faut des références, et, mieux, le plus de références possible. Des références bien choisies avec éthique : chaque phrase, chaque idée, chaque fait doit être indiqué par une référence primaire et j'insiste sur les références primaires en renvoyant vers un billet d'il y a quelques jours.

Pour terminer, je reviens sur l'idée forte que je veux transmettre : il faut faire le gros avant le détail et le gros doit être gros tandis que le détail doit être de détail.

Intelligente ardeur, ou ardente intelligence ?

Ce matin, alors que je décris la vie de Louis Joseph Gay-Lussac, j'évoque Nicolas Vauquelin, et j'indique le zèle dont il faisait preuve et qui lui valut l'amitié de Claude Geoffroy.

Mais j'hésite à parler d'ardente intelligence ou d'intelligente ardeur. 

On comprend bien que dans un cas, il y a d'abord de l'intelligence, tandis qu'il y a de l'ardeur dans le second. 

L'ardeur, je sais bien ce dont il s'agit mais l'intelligence ? Je suis de ceux qui considèrent que labor improbus omnia vincit,  un travail acharné vient à bout de tout ; je suis de ce qu'ils veulent encourager des étudiants à penser que leur intelligence résultera de leur travail et qu'il y a donc beaucoup d'espoir. Je suis de ceux qui aiment le labeur, même si le mot parait pesant. 

Inversement, je n'aime guère la mousse qui, en matière d'intelligence s'apparente plutôt à une écume (en bon français : une mousse faites d'impuretés). 

Bref, je suis de ce qui maintiennent que l'on est ce que l'on fait et que nos prétentions à l'intelligence n'ont guère d'intérêt. Je suis de ceux pour qui ce qui est intrinsèque est essentiel dans les activités, et ce qui est extrinsèque parfaitement secondaire, voire nul. 

Pour en revenir à Vauquelin, je ne sais pas s'il était un enfant intelligent, mais je sais qu'il eut l'intelligence d'être travailleur et, mieux encore, d'être intéressé par la chimie et par l'étude en général. 

N'ayant pas eu de formation initiale en latin, à une époque où cette langue s'imposait, Vauquelin l'apprenait, emportant avec lui les pages de mots qu'il apprenait par coeur tandis qu'il était chargé de diverses commissions, comme si nos actuels livreurs d'Amazon  délivraient leurs colis en lisant des livres de mécanique quantique. 

Vauquelin fit mentir les idées de classe,  et ce fils de petit paysan, par son intelligente ardeur, devint un des grands chimistes de son temps.

La recherche bibliographique : insistons !

Plus le temps passe et plus je me rends compte que, pour les sujets qui nous intéressent, nous avons bien raison de faire une recherche bibliographique soutenue. 
 
Je viens d'avoir le cas à propos de points d'histoire des sciences, plus précisément de la physique, où même des collègues "avancés" restaient dans le flou où je me trouvais moi-même, faute de ce travail de recherche bibliographique.
C'était à propos d'une expérience historique de Benjamin Franklin , et  l'utilisation d'Internet m'a montré, après une journée de recherche, que beaucoup de faux avait été dit à ce propos. 
En outre, par le passé, des travaux universitaires avaient été faits et publiés, mais, certes,  parfois dans des revues un peu confidentielles. 
En revanche, il aurait été dommage de tout refaire ! Au contraire, ayant identifié ces travaux, nous avons maintenant la possibilité de les vérifier et de les prolonger. 
 
Les vérifier tout d'abord  puisque l'expérience montre qu'il n'y a pas que du bon dans ce qui a été produit par le passé (pas plus que ce qui est produit aujourd'hui, mais pas moins). Il y a donc lieu de publier a minima des évaluations des travaux anciens,  et des rectifications des erreurs que nous trouvons. 
 
Les prolonger, parce que si nous explorons bien,  il est à parier que nous trouverons de quoi faire un bouquet nouveau à partir de fleurs anciennes. 
 
En tout cas, l'utilisation d'Internet nous met aujpurd'hui dans une position inédite dans l'histoire de la recherche scientifique. Jamais autant qu'aujourd'hui il devient inexcusable de ne pas citer les sources primaires. 
 
Mieux encore, pour chaque sujet que nous explorons, nous pouvons embrasser d'un coup la totalité des production sur un thème particulier :  il y a là de l'historiographie, certes, mais à nous de faire des synthèses plus intéressantes que les collections de papillon.

mardi 13 mai 2025

Des excuses à toutes celles et tous ceux qui ont laissé des commentaires... auxquels je n'ai pas répondu

Chers Amis

Pardonnez mes insuffisances informatiques : je viens de découvrir tout une série de commentaires à mes billets, et j'ignorais leur existence ! 

Là, je viens de cocher une case qui me le signalera, à l'avenir, mais, dès que le 14e International Workshop on Molecular and Physical Gastronomy sera passé (jusqu'à 16 mai), je répondrai à tous les messages ! 

 

Avec mes excuses. 

Validation de méthodes

Hier, lors d'une discussion avec un étudiant, je me suis aperçu qu'il manquait de connaissances pour faire bien, malgré son envie de faire bien, et cela me semble très intéressant : pouvons-nous vraiment réclamer à des étudiants ce dont ils ne sont pas capables ? Je crois que ce serait injuste. 

En l'occurrence, alors que nous discutions présentation orale, il s'agissait d'indiquer les méthodes qu'il avait utilisées. 
Par exemple, il avait utilisé des méthodes microscopiques, mais aussi gravimétriques, et granulométriques. Dans sa présentation, il ne voyait qu'un manque, à savoir la marque de l'appareil employé et les conditions utilisées lors de la mise en oeuvre... mais je lui ai fait remarquer qu'il manquait SURTOUT des références à  la validation de la méthode employée : on n'utilise pas un matériel simplement en appuyant sur des boutons ; on doit mettre en oeuvre une méthode rationnelle, et, surtout, validée. Soit validée par soi-même, soit validée par d'autres. 

Notre jeune ami ignorait l'existence de telles méthodes, ignorait  l'existence des répertoires officiel de méthodes validées, internationalement reconnues, telles qu'indiquées dans les document de l'AOAC, l'Association of Official Agricultural Chemists

Il faut donc dire ici que toute méthode doit être mise en œuvre selon un protocole qui a été exploré, étudié, caractérisé, validé... Mettre en œuvre un appareil, une méthode, cela signifie soit montrer soi-même que cette méthode est bonne, soit se fonder sur le travail d'un collègue qui antérieurement aura fait ce travail là. 

Cela vaut pour tous les gestes expérimentaux,  d'une simple pesée jusqu'à la mise en œuvre d'une méthode spectroscopique compliquée. Pour la pesée, par exemple il s'agit de savoir qu'il y a des règles sur l'utilisation d'une balance et notamment un consensus international à propos de la masse minimale que l'on peut peser avec une balance donnée, de la masse maximale que l'on peut poser aussi avec cette même balance. 

Et je conclurai en observant combien mes discussions avec les étudiants sont utiles, dans la mesure où elles me montrent l'étendue de ce qu'il faut leur transmettre avec bienveillance, clarté, rigueur...  et un peu de charme car on n'oubliera pas que les fleurs forment de jolis bouquet quand elles sont réunis avec art. 



PS. SI l'on est dans le cas de l'étudiant discuté ici, on voit que la question qui s'impose est "Quelle est la question à laquelle je ne pense pas ?"


lundi 12 mai 2025

Un exemple ? Aie !

 Hier, lors d'un échange avec un jeune scientifique chinois, celui-ci m'écrit  que je suis un exemple pour sa génération... et je me demande bien en quoi. 

Ce que je comprends,  d'abord, c'est qu'il y a cette passion réelle et affichée pour la science, que je distingue bien de la technologie. 

Je l'ai exprimée dans un texte intitulé Le château de la science  : il est certain que ma quasi dévotion pour la chimie peut donner à certains un élan, une possibilité de comprendre les beautés de la chimie, et de la science en général.  

D'autre part, dans cette même journée d'hier, la discussion avec une étudiante m'a montré qu'il y avait lieu de ne pas faire les choses au hasard, qu'il fallait étudier pour devenir capable de travailler avec rigueur, structure  : est-ce un exemple à donner? 

Et encore une autre discussion m'a fait comprendre ce que j'ai exprimé dans un billet précédent, à savoir que nos travaux devaient être fondés sur un sol aussi ferme que possible, je veux dire par là que nous devons faire des recherches bibliographiques extraordinairement rigoureuse, fouillée. 

Derrière tout cela, il y a la question de la rationalité, la question de la méthode, de la rigueur et le temps passé à vouloir faire bien. 

Au fond , c'est peut-être cela que mon jeune collègue entendait ?

samedi 10 mai 2025

A propos de "vinaigrette"

 Je reçois un message : 

C'est quoi le principe de la tenue de la vinaigrette ?
car je cherche toujours les proportions parfaite pour qu'elle tienne bien ferme
moutarde ancienne
eau
vinaigre
huile olive
huile d'arachide

 

Je vais commencer par discuter le mot vinaigrette, avant de répondre à la question. 

 

Qu'est-ce que la vinaigrette ?

Nous sommes bien d’accord : la dénomination des mets doit revenir à ceux qui l’on initialement utilisée, n'est-ce pas ? C'est, en effet, une question d'éthique, que de reconnaître la paternité des inventions, des idées, des découvertes. 

De ce fait, pour savoir ce qu’est une vinaigrette, il faut donc remonter dans le temps.

Commençons au Larousse gastronomique, qui dit simplement, et sans référence, que la vinaigrette est une émulsion d’un corps gras et d’un produit acide. Définition idiote, puisque l'on pourrait faire une émulsion de jus de citron (acide) et d'huile : sans le mot "vinaigre" présent, ce n'est manifestement pas une vinaigrette ! D'ailleurs le Larousse gastronomique confond tout, puisqu’il admet aussi bien de la crème et du jus de citron, que du vinaigre et de l’huile. Décidément, oublions un texte aussi peu éclairant.

Le Guide culinaire ? Ce n’est guère mieux, puisqu’il confond la « Ravigote (ou Vinaigrette) », pour une sauce qui réunit de l’huile, du vinaigre, des câpres, du persil, cerfeuil, estragon et ciboulettes, oignon, sel et poivre.
Oui, la présence des herbes fait la ravigote, et le seul mérite que l’on puisse reconnaître ici, c’est de ne pas avoir confondu avec la rémoulade, qui, elle, contient de la moutarde.
Remontons donc dans le temps, pour voir si nous trouvons mieux que ce livre que je n’aime pas, parce qu’il a donné l’apparence d’un livre savant, en entérinant des définitions fautives.

Au 19e siècle, le cuisinier Urbain Dubois, par exemple, écrit ainsi : « Vinaigrette : Délayez dans une terrine, une cuillerée de moutarde, avec de l'huile et du vinaigre; ajoutez sel et poivre, oignon, échalote, persil, cerfeuil et estragon hachés; ajoutez quelques câpres entières. » Pas terrible : cela, c’est une rémoulade en ravigote !

Allons, montons plus loin encore, avec le Ménagier de Paris, publié vers 1393… qui dit ainsi que la vinaigrette est une « sauce faite d'huile, de vinaigre et de divers condiments » (Ménagier de Paris, II, p. 108).
Voici qui est plus clair… à cela près que l’on trouve aussi « Prenez la menue-haste d’un porc, laquelle soit bien lavé et eschaudée, puis rostie comme à demy sur le greil : puis minciez par morceaux, puis les metez en un pot de terre, du sain et des oignons coupés par rouelles, et mettez le pot sur le charbon, et hochiez souvent. Et quand tout sera bien frit ou cuit, si y mettez du boullon de beuf, et faites tout boulir, puis broiez pain halé, gingembre, graine, saffran, etc., et deffaites de vin et de vinaigre, et taites tout bouilir, et dit être brune. »
En traduisant, il s’agit de prendre de la viande de porc rôtie, avec de la graisse, des oignons ; on cuit, on ajoute du bouillon, puis du pain grillé, des épices, et du vin et du vinaigre, avant de faire bouillir : rien à voir avec ce que nous disons aujourd’hui être une vinaigrette.

Cette recette est-elle une particularité exceptionnelle ? Non, car c’est presque la même que celle du Viandier, de Guillaume Tirel. C’est si l’on peut dire la véritable recette ! Et notre vague mélange moderne de vinaigre et d’huile, parfois agrémenté de moutarde, n’est qu’une piètre préparation… qui mérite d'être améliorée.

 

Comment cela tient-il ?

Partons de la recette qui a été donnée par mon correspondant, et qui est donc plutôt une rémoulade, puisqu'il y a de la moutarde et de la matière grasse.

La moutarde est faite de graines, donc de tissus végétaux, qui contiennent notamment des phospholipides et des protéines, de sorte que la broyer finement avec de l'huile permet la dispersion de l'huile sous la forme de gouttelettes, ce qui est une "émulsion".

Plus on mélange énergiquement, plus les gouttelettes sont petites, et plus l'émulsion est stable. Simultanément, la couleur s'éclaircit, comme on le voit en faisant l'expérience de préparer une mayonnaise (jaune d'oeuf, vinaigre et huile) à la fourchette, puis en passant un coup de mixer plongeant dedans : à l'endroit mixé, la sauce est bien plus ferme, et bien plus blanche.

Plus ferme : cela signifie d'autre part que les gouttelettes d'huile bougent plus difficilement... et donc que la sauce est stabilisée.

A propos de tarte au citron meringuée

 Une étudiante m'interroge, et voici ma réponse : 



Bonjour et merci de votre message.
Pour vous répondre efficacement, je le lis, et je commente au fur et à mesure :

Je me permets de vous écrire dans le cadre de la préparation de mon Grand Oral, que je présenterai en fin d’année. Je suis élève en classe de Terminale avec la spécialité Physique-Chimie, matière que j’apprécie tout particulièrement.
Vous avez bien raison, la chimie est merveilleuse !

Le sujet que j’ai choisi s’intitule : « En quoi les sciences physiques permettent-elles d’expliquer la réussite de la tarte au citron meringuée ? »
Je crois que le titre doit être changé : ce serait plutôt "Comment les sciences de la nature permettent-elles de bien réussir des tartes au citron meringuées", n'est ce pas ?

Ce projet se découpe en trois parties :
        1.        Le gel citronné, où je traite de l’arôme de citron (notamment la possibilité de le synthétiser par estérification), ainsi que de la gélification par l’agar-agar.
Attention : plutôt que d'arôme, vous devriez parler de goût, parce que l'arôme, en français, c'est l'odeur d'une plante aromatique. Et, d'autre part, ce que vous proposez de synthétiser, c'est sans doute un composé particulier de l'odeur de citron  (lequel ?). Je suppose donc que vous imaginez un ester... mais le gout de citron semble principalement venir du limonène ou du citral ?
D'autre part, dans les recettes classiques, la gélification de la crème citronnée résulte d'une crème citron, par de l'emploi d'agar-agar ; pas de problème, mais c'est juste pour bien situer (et le phénomène de gélification est passionnant dans les deux cas).

        2.        La pâte sablée, sur laquelle porte ma demande.
        3.        La meringue, avec un focus sur l’hydrolyse du saccharose.
L'hydrolyse du saccharose : elle me semble très minoritaire dans cette affaire.

Concernant la deuxième partie, je m’intéresse aux phénomènes physiques qui interviennent lors de la cuisson de la pâte sablée, et notamment à l’utilité de piquer la pâte avec une fourchette avant cuisson. J’ai tenté de formuler une explication basée sur mes connaissances, mais j’aimerais avoir votre avis pour valider ou corriger mes hypothèses.
Attention : baser sur est un anglicisme

Voici ce que j’ai envisagé :
        •        Lors de la cuisson, l’eau présente dans la pâte se transforme en vapeur. Si la pâte n’est pas piquée, cette vapeur pourrait s’accumuler localement, ne trouvant pas d’issue. Cela créerait des bulles de gaz sous la surface, faisant gonfler la pâte, étant donné l’important volume occupé par l’eau sous forme gazeuse.
Oui, l'eau de la pâte s'évapore : il suffit de peser une pâte avant et après cuisson pour voir la masse d'eau perdue, d'où le volume de vapeur produit.
En faisant le calcul, vous verrez qu'une large proportion de vapeur est perdue (ce qui réfute votre "ne trouvant pas d'issue").

        •        J’ai alors pensé qu’une fois que toute l’eau est passée sous forme de vapeur, certaines « bulles résiduelles » continueraient d’augmenter, mais cette fois, simplement par la loi des gaz parfaits auxquels on peut assimiler l’eau dans certaines conditions.
Votre phrase ne va pas : vous voulez dire sans doute que les bulles piégées pourraient gonfler davantage. Et oui, vous pouvez utiliser la loi des gaz parfaits... mais comment allez vous choisir la pression ? Si les bulles ne sortent pas, cela signifie que la pâte résiste.

En effet, je pensais que ces petites bulles résiduelles augmenteraient en volume sous l’action de la température : augmentation de la température T, ferait augmenter le produit PV pression x volume.
 A condition que la résistance de la pâte cuite le permette. 

      •        Cependant, en consultant certains articles, notamment les vôtres, j’ai lu des explications faisant intervenir la formation de feuillets de pâte séparés par de la vapeur, mais cela semblait concerner plutôt la pâte feuilletée.
Oui, c'est pour la pâte feuilletée, et seulement celle-là. Dans votre cas (pâte à foncer, brisée, pas le même phénomène).

Ma question est donc la suivante :
Dans le cas spécifique de la pâte sablée, l’augmentation de volume que l’on observe si l’on ne pique pas la pâte est-elle uniquement due au changement d’état de l’eau (et à l’importante différence de volume entre l’eau liquide et gazeuse), ou bien la loi des gaz parfaits peut-elle aussi être mobilisée pour expliquer certaines bulles persistantes durant la cuisson ?
Voir les comptes rendus du séminaire de gastronomie moléculaire (https://icmpg.hub.inrae.fr/travaux-en-francais/seminaires) pour voir pourquoi il est peu judicieux de parler de pâte sablée. Je crois me souvenir que c'est pendant le covid que nous avons eu ces études.
Pour le soufflé, le texte suivant répond : https://seafile.agroparistech.fr/f/436e3640fb0c4c42b329/?dl=1

Par ailleurs, parle-t-on bien de bulles, ou peut-il aussi être question de feuillets emprisonnant la vapeur, même dans le cas d’une pâte sablée ?
Je crois qu'il faut parler de bulles, ce que montre une microscopie.

Je vous serais très reconnaissante si vous pouviez m’apporter un éclairage clair sur ces points. J’ai passé beaucoup de temps à chercher des explications, mais j’ai du mal à trouver une réponse précise et consensuelle.
Consensuelle ? Le consensus n'a rien à faire en sciences. Il faut des évaluations quantitatives des phénomènes, et c'est cela qui fait que les sciences de la nature sont si merveilleuses : l'expérience réfute toute autorité, d'une part, et, d'autre part, le monde est écrit en langue mathématique, disait justement Galilée.
Je crois avoir précisément montré que quand différentes hypothèses sont possibles, c'est bien l'évaluation quantitative qui s'impose. Si je me souviens bien, c'est ici : https://seafile.agroparistech.fr/f/ac4bb8000ebc406da82e/?dl=1
https://seafile.agroparistech.fr/f/ac4bb8000ebc406da82e/?dl=1
 


En espérant vous avoir apporté suffisamment d'aide.


vendredi 9 mai 2025

Rissoles et ravioles

 

Un texte publié récemment dans un journal culinaire indique que les ravioles et les rissoles seraient des préparations identiques, mais cela mérite d'être discuté.
 
En effet, les « rissole » sont des pâtisseries déjà présentes en France au 12e siècle, aujourd’hui souvent faite de pâte feuilletée contenant une farce de viande, de poisson, cuite en friture profonde. Et le mot « rissole » vient de roux, rouge, puisque la surface brunit un peu.
En 1934, le pâtissier Pierre Lacam désigne sous le nom de « rissoles à l’anglaise » de la pâte feuilletée accompagnée de confiture d’abricot, mais c’est un pâtissier.
En 1906, le Guide culinaire est plus explicite :
« Rissoles. — Nom générique d'un Hors-d'œuvre chaud qui comporte essentiellement : 1° un salpicon, lié exactement comme un appareil à croquettes et bien refroidi, dont l'élément principal, soit : volaille, gibier, foie gras, etc., détermine la dénomination; 2° Une enveloppe de pâte, soit pâte à foncer fine, demi-feuilletage ou rognures, ou pâte à brioche commune sans sucre.
Les rissoles se traitent invariablement par la friture et se dressent sur serviette, avec persil frit bien vert, sans accompagnement. Chaque genre de rissoles prend une forme différente. »
Pourquoi pas, mais on sait que le Guide culinaire est plein d'erreurs, et, en tout cas, il ne donne aucune référence, avec, en outre, des auteurs qui se contredisent. Mieux vaut le Dictionnaire universel de cuisine pratique de Joseph Favre, antérieur de quelques années. Et là, on trouve que le mot viendrait de roussoler, même sens que brésole, brésoler, faire prendre une couleur dorée : ce qui est juste !
La définition ? De la viande hachée et saucée, enveloppée dans de la pâte et frite. Favre ajoute même que « La différence qui existe entre les ravioles et les rissoles consiste dans l'enveloppe, la forme et la cuisson : les ravioles se distinguent par une enveloppe à pâte ferme (nouilles) par sa forme carrée et par sa cuisson à l'eau, tandis que les rissoles comportent une enveloppe de pâte délicate, le plus souvent de feuilletage de forme ovale ou demi-cercle, panées et frites. Quant à la garniture, elle est absolument facultative et c'est elle qui en détermine le nom. Les rissoles diffèrent des cromesquis en ce sens que l'enveloppe de ces derniers est du pannequet ou de l'hostie, de forme carré-long, également panés et frits. »
C’est donc bien mieux, mais la mention (1889) reste récente. Pour Urbain Dubois, en 1876, il y a des rissoles de pâte fine (pas nécessairement feuilletée), et une panure à l’anglaise (œuf, farine, friture). Pour André Viard, au début du 19e siècle, c’est à nouveau du feuilletage, et une forme de chausson, avec une simple friture. Encore avant, le Dictionnaire des aliments et des boissons, en 1750, est réputé pour avoir colligé des informations anciennes, antérieures à lui. Et l’on y trouve finalement :
« Sorte de pâtisserie faite de viande hachée & épicée, enveloppée dans de la pâte & frite dans du sain-doux ; on fait d'abord de petites abaisses en forme de petite pâte ovale, on les remplit d'un godiveau fait de blanc de chapon, moëlle de boeuf, sel & poivre, le tout bien haché ; les rissoles faites, on les confit dans le sain-doux. On peut en faire en maigre avec de la farce de poisson bien hachée, & même des mousserons ; on les fait cuire auparavant avec beurre, fines herbes & épices, si c'est aux épinards ; si c'est aux mousserons on les fait cuire à l'ordinaire, on les hache bien menu, on les assaisonne d'un peu de sel, sucre, écorce de citron pilée ou râpée, & on les sert cuites au four avec sucre & eau de fleur d'oranger en servant. On appelle aussi les rissoles "oreilles de Parisien", parce qu'elles sont faites en forme d'oreille. »
Ici, on voit que la cuisson n’est pas nécessairement la friture ; le four est possible. En revanche, la forme semble bien déterminée, ainsi que le type de cuisson. 
Et, en tout cas, de bonnes rissoles sont un régal, tout comme de bonnes ravioles, mais les deux préparations sont clairement différentes.

jeudi 8 mai 2025

Preuves et démonstrations

La preuve, nous dit cet excellent Trésor de la langue française informatisé (TLFi, gratuit, en ligne), c'est "ce qui est susceptible d'établir la vérité, la réalité de quelque chose". 

Et l'on voit immédiatement la difficulté. La question de la vérité étant très difficile (et celle de la Vérité serait pire), on pourrait vouloir se poser d'abord la question de la réalité, de l'existence. 

Mais même là, les choses sont bien difficiles : l’illusionnisme nous montre bien combien nos sens les plus fondamentaux peuvent nous tromper. Certes, je sens le mur quand je fonce dedans, mais, en colère ou dans des états de conscience modifiée, je ne sens plus la douleur. Or quand sais-je que ma conscience n'est pas modifiée ? Au fond, les prestidigitateurs rendent aux scientifiques un service immense, parce qu'ils font bien comprendre que, parfois, nous sommes abusés par nos sens : nous voyons des phénomènes qui n'existent pas, des pièces de monnaie qui disparaissent, ou, au contraire, des colombes qui sortent de chapeaux. Tout cela doit nous rendre extrêmement prudents quand nous discutons de "preuves" ou de "démonstrations". 

En matière criminelle, on nous parle des preuves, mais les a-t-on jamais vraiment ? S'agit-il de preuves absolues, ou bien simplement d'indications ? 

J'observe en passant que l'expression "preuve absolue" me semble bien périssologique. De manière juridique aussi quand on demande des preuves de la possession d'un bien d'une identité, la question des preuves se pose, et l'on n'a souvent que des indications plus ou moins probables. Et même les méthodes les plus modernes, à savoir les tests ADN, peuvent se tromper. 

Toute la question repose sur le fait que nos sens sont faillibles, que nos instruments de mesure sont imprécis : tout cela anéantit la possibilité de preuve ailleurs qu'en mathématiques. 

 

Reste à savoir maintenant si l'on peut faire une démonstration, en sciences de la nature. 

Là, il faut considérer que le mot "démonstration" désigne d'abord l'action de montrer, avant d'avoir le sens (approché) de preuve mathématique. 

D'ailleurs, cette observation, assortie de l'idée qu'il ne doit pas exister de synonymes, laisse penser que la démonstration mathématique n'est pas la preuve. 

Plus généralement, nous arrivons à cette question terminologique : soit on définit la preuve comme une justification irréfutable, parfaite absolument rigoureuse ; soit on considère qu'il s'agit simplement d'arguments. 

Dans la première acception, la preuve n'est qu'en mathématiques, et pas en sciences de la nature. Mais dans la seconde acception, on doit évidemment admettre qu'il y a des preuves. 

Bref, on aurait donc bien un intérêt à se situer soi-même dans un discours qui utilise le mot "preuve" ou à demander à nos interlocuteurs de se situer de même, sans quoi nous risquons l'incompréhension mutuelle. 

Quant à la "vérité"... Je la laisse à ceux qui pourront me la définir correctement !