Ce blog contient: - des réflexions scientifiques - des mécanismes, des phénomènes, à partir de la cuisine - des idées sur les "études" (ce qui est fautivement nommé "enseignement" - des idées "politiques" : pour une vie en collectivité plus rationnelle et plus harmonieuse ; des relents des Lumières ! Pour me joindre par email : herve.this@inrae.fr
samedi 28 septembre 2019
Je vous présente le saccharose
Le saccharose ? Il faut d'abord et surtout dire qu'il est produit par les plantes et que son extraction, sa purification, par l’industrie du sucre conduit à ... du sucre de table. Car le sucre de table, ce produit blanc cristallisé à la saveur sucrée, c'est effectivement du saccharose à plus de 99 pour cent. C'est un produit inévitable dans l'alimentation, car il est présent dans tous les végétaux que nous consommons. Quand la sève brute monte vers les feuilles, elle permet, avec le dioxyde de carbone de l'air et l'énergie lumineuse du soleil, la synthèse du saccharose, parmi d'autres sucres tels que le fructose et le glucose. Puis ces sucres, ainsi formés dans ces usines naturelles que sont les feuilles, redescendent dans la plante, où ils servent d'énergie à la fois d'énergie à cette dernière, comme l'essence pour une voiture, mais aussi de briques pour la constitution des plantes, et de réserves pour les embryons.
Il y a donc du saccharose dans toutes les plantes, et c'est parce que les sucres, notamment le saccharose, sont dans les tiges, les racines, les tubercules ou les fruits, que nos aïeux lointains ont consommé des tissus végétaux : le sucre, c'est l'énergie dont ils avaient besoin pour vivre. Et c'est ainsi que les grands singes continuent aujourd'hui de mâcher des tiges, ou que les enfants aiment le sucre, comme les animaux.
Le sucre dans les plantes ? Il suffit de cuire doucement des oignons ou des carottes avec très peu d'eau, pour s'apercevoir que le jus récupéré est très sucre : il contient effectivement tant de sucre que l 'on peut même faire des confitures d'oignons.
Faut-il alors ajouter du sucre aux plats ? L'idée un peu bobo de lutter contre les "sucres ajoutés" revient en quelque sorte de faire un bond un siècle en arrière, pour extraire les sucres au lieu d'utiliser celui, très pur, de l'industrie du sucre.
Ici je m'arrête pour signaler que l'industrie du sucre n'est pas une industrie chimique... car il est bien impossible pour une industrie d'être chimique : la chimie est une science, et l'industrie une technique.
Donc l'industrie du sucre produit du sucre, et ses efforts consistent à extraire le sucre de végétaux, le plus souvent des betteraves ou des cannes à sucre, par des méthodes qui s'apparentent absolument à la cuisson de carottes ou d'oignons dans un bouillon ; puis il faut concentrer les liquides, évaporer l'eau. Lors de cette opération, on obtient des jus très impurs, et l'industrie utilise une technique de cristallisation pour avoir plus de pureté : quand des molécules d'une sorte s'empilent régulièrement en cristaux, les autres molécules, qui ne sont pas de la même sorte, ne sont pas acceptées dans l'édifice cristallin. C'est comme quand on empile des petits cubes : l'édifice ne se forme pas s'il y a des cubes d'une autre taille. De fait, quand on cristallise le saccharose, et que l'on obtient des grains de sucre blanc, est rejeté un liquide qui contient tous les composés qui ne sont pas du saccharose... et c'est un fait que le sucre blanc est l'une des matières les plus pures - moléculairement parlant- que l'on trouve en cuite
Evidemment, par les temps qui courent, il y aura toujours les marchands de cauchemars ou ou des trouilladds pour dire que quelque chose de très pur peut être dangereux. Et il est vrai que les huiles essentielles de basilic ou d'estragon sont à éviter. Pour le sucre aussi : si l'on en mange trop, on devient obèse et l'on a des caries. Mais, au fait, qui nous force à en manger trop ?
vendredi 27 septembre 2019
Que faire quand nos amis n'en sont pas ?
On a vu dans un autre billet que j'ai décidé de nommer "amis" ce que le reste du monde nomme "étudiants", et cela pour de bonnes raisons : à savoir que je suis moi-même étudiant, par exemple, mais aussi que nos... amis méritent notre amitié quand nous la leur donnons.
Mais arrive la dureté du monde et, par exemple, quand je vois l'étudiant le plus faible d'un groupe déclarer au dernier moment qu'il est malade, alors que l'examen arrive, ou quand je vois des étudiants répondre à côté de la question parce qu'ils ne savent pas la réponse, comme je ne suis pas fou : je m'aperçois que ces personnes cachent malhonnêtement leurs insuffisances, ce qui est la rupture d'un contrat amicale.
Puis-je encore appeler amis ces personnes-là ? Je me souviens de plusieurs personnages de Marcel Pagnol qui donnent leur confiance à d'autres afin que ces derniers en deviennent capables, je me souviens d'être devenus capables d'être rédacteur en chef d'une revue, il y a très longtemps, le jour où j'ai été nommé à cette position...
C'est bien l'état d'esprit que je veux faire régner. Je veux que les étudiants autres que moi-même soient vraiment des amis, des gens avec qui l'on discute librement, franchement, loyalement. Mais une fois la confiance brisée, que faire ? Pour des gens intransigeant comme moi, la question est d'autant plus terrible que je sais que l es associations avec des malhonnêtes nous conduisent généralement à des déboires terribles. Je veux absolument fuir ces personnes (ou les rejeter, ce qui est bien pareil).
Une seconde chance ? Regardons bien quand même l'ardoise de ces personnes, et l'on s'apercevra parfois que ces personnes l'ont déjà eue : ils n'ont pas eu une seconde, mais une deuxième chance, une troisième... Il y a un moment où il est de notre responsabilité de ne pas être complètement dupe, où il faut dire quand le roi est nu, quand des amis cessent de l'être.
Le summum de l'intelligence, c'est la bonté et la droiture.
Les projets : quel intérêt dans les études ?
Dans un autre billet, j'ai évoqué la question des stages, mais pas celle des projets, dont on dit que les étudiants les préfèrent aux cours (c'est à vérifier ; et puis, tous les étudiants ?).
Par exemple, dans une école de chimie, on donne aux étudiants la formule topologique d'un composé et on leur demande de faire tout le travail nécessaire pour arriver à proposer une synthèse industrielle, après avoir rempli un certain nombre de critères, à propos de rendement, de sécurité, etc.
Est-ce un bon système ?
Le mot "bon" est un adjectif, qui, selon nos... bons principes, doit être remplacé par la réponse à la question "Combien ?". Il y aurait lieu de faire une évaluation de la chose... à condition que cela soit possible.
Mais en attendant, j'observe que cette question des projets me fait penser à celle des stages, qui semblaient si appréciés de mes amis plus jeunes avec lesquels j'ai correspondu tout l'été, à propos des études supérieures.
Dans mon analyse, j'observais tout d'abord que les études devaient conduire à obtenir des informations, des connaissances, des notions, des concepts, des méthodes, des valeurs, des expériences, des compétences, des savoir être, des savoir vivre... Ici, avec les projets, on voit bien des connaissances transformées en compétences, mais on doit aussi observer que cette transformation ne peut s'opérer que si les connaissances ont été données. Il est hors de question de penser, comme cela a été fait, que les connaissances données par la préparation des concours aux écoles d'ingénieurs soient suffisantes, comme indiqué dans un autre billet !
Ce que je crains, c'est le temps considérable capté par un tel projet, au détriment de connaissances théoriques qui doivent emplir la valise intellectuelle de nos amis. C'est la même question qu'avec les stages : oui, ces travaux sont passionnants, et nos amis trouvent souvent grisants de voir qu'ils sont "capables", mais on ne doit pas sacrifier la théorie, que les institutions de formation doivent donner, avant que nos amis ne soient absorbés par la production.
Bref, il faut que ces projets soient parfaitement conçus pour ne pas s'arrêter à des applications, mais qu'ils conduisent nos amis à chercher des connaissances théoriques supplémentaires, et, mieux encore, qu'ils conduisent nos amis à apprendre, en situation de production, à chercher les connaissances théoriques supplémentaires. Car on n'oublie pas que les institutions de formation doivent conduire à l'autonomie.
Car, au fond, c'est cela la différence entre les études et la vie professionnelle, notamment : dans un cas, on est tout orienté vers l'obtention de nouvelles connaissances, de nouvelles compétences, de nouveaux savoir-vivre, etc., alors que dans la vie professionnelle, si cette recherche de capacités supplémentaires est importante, elle doit quand même passer après la production.
jeudi 26 septembre 2019
Pour rendre service à nos amis qui écrivent
Des décennies de travail à la revue Pour la Science, notamment
comme éditeur et comme rédacteur en chef, m’ont montré que les fautes
d’écriture sont majoritairement les suivantes.
C'est très encourageant : il suffit de les corriger pour écrire mieux que la très grande majorité de deux qui doivent prendre la plume !
Des questions de correction intellectuelle
Pas d'adjectif : c'est du baratin (remplacer par la réponse à la question "Combien?"
Idem pour les adverbes.
D'ailleurs, éviter les adverbes, c’est le commencement du style : recherche systématique de "ment", et suppression des adverbes inutiles.
Attention à la différence entre « technologie » et « technique » (et « science »).
Les chiffres sont-ils tous bien significatifs?
Les métaphores compliquent parfois plus qu'elles n'expliquent.
A-t-on annoncé la couleur : dans chaque début de paragraphe, a-t-on dit ce que l'on allait trouver dans le paragraphe ?
Avant tous les intertitres, y a-t-il une phrase disant pourquoi on passe au passage suivant ?
Ne pas craindre les répétitions naïvement
Un point suivi de "en effet" peut être avantageusement remplacé par deux points.
Des questions de grammaire qui pourrissent la lecture :
Un infinitif ou un participe présent doivent avoir le même sujet que celui de la principale. Chercher (fonction recherche) systématiquement les "ant" et les "er".
"Après que" est suivi de l'indicatif.
Des questions de mots qui sont gênants ou fautifs :
Chercher les "rendre" plus adjectif : "rendre possible" = "permettre" : recherche systématique de "rend".
Remplacer "semble probable" par "est probable" (pléonasme).
De même, « faire obstacle », c’est « gêner » ; etc.
Les "ils" impersonnels poussent à la faute : "il semble qu'il fasse" = "il semble faire" : recherche systématique de "il semble", etc.
Pas de "mais" ni de conjonction de coordination (et, ou , car ...) en début de phrase : rechercher les ".Mais", " .Car", ".Et", ".Ou" et remplacer par des ", mais", ", car", ", et", ", ou".
Attention à l’inflation des "très" ; on peut généralement les éliminer.
Rechercher le verbe pouvoir et chercher à l'éliminer. Remplacer systématiquement (ou presque) les "a pu" montrer, observer, etc. par « a montré, observé, etc » ; "pour pouvoir comparer" : pour comparer.
Attention à "impliquer" (contamination de « to imply »).
« Sophistiqué » signifie « frelaté », mais pas « complexe » ni « évolué ».
« Brutalement » n'est pas « brusquement ».
Attention à "véritable" (« véritable révolution » !).
Attention à « influer » sur et « influencer ».
Attention aux anglicismes ; les plus fréquents sont : « se baser sur », « des douzaines », « réaliser » n'est pas « comprendre » ; remplacer « contrôler » par « commander » ou « déterminer » (contrôler, c’est faire une vérification), « compléter » n'est pas « achever » ; rechercher « développer » au sens de « mettre au point » ; idem pour « développement ».
Remplacer « par contre » par « en revanche ».
Attention aux usages exagérés de « permettre ».
Rechercher « suggérer » : normalement, la suggestion, c’est l’hypnose.
Rechercher « affecter ».
Rechercher « processus » : un processus n’est une réaction, ni une série de réactions.
Rechercher " induire" parce qu'il est souvent utilisé fautivement.
Rechercher emmener/emporter.
Ne pas chercher la rallonge : "dans lequel" peut souvent devenir "où".
On ne dit pas "débute" mais "commence" (sauf au théâtre).
On ne dit pas "en dessous de ", mais "au-dessous de.
On dit plutôt "chaque fois" que "à chaque fois".
Éviter "au niveau de" et, très généralement, faire attention au mot « niveau » (recherche automatique).
Quand on rencontre "entre eux", "entre elles", vérifier que c'est utile ; de même, « les uns des autres », « les uns aux autres », etc. sont souvent inutiles.
« ceci » annonce alors que « cela » se rapporte à ce qui a déjà été énoncé (le plus souvent, on peut se débarrasser de ces mots faibles).
Des chevilles comme "en fait", "en réalité", "effectivement", "du coup" sont rarement utiles.
« plus petit » est « inférieur », « plus grand » ou "plus élevé" est « supérieur »
« très inférieur » est fautif (« bien inférieur ») ; de même pour « très supérieur".
« être différent » donne « différer » ;
Utiliser "second" (pour deux possibilités seulement) et "deuxième" pour plus de deux.
Examiner si les "simples", "compliqués", "facile" sont indispensables.
Souvent remplacer « appelé » par « nommé ».
Les verbes présenter et constituer peuvent souvent être remplacés par être ou avoir.
Attention : "plus important" doit signifier qu'il y a une importance plus grande ; souvent on doit le remplacer par supérieur.
Attention à la signification des mots (pas impact mais effet / répartition et distribution; méthode/technique).
Le mot "significatif" ne signifie pas notable (et vice versa).
La "littérature", c'est la littérature, pas des publications.
Le mot "important" est un mot assez pourri.
étalonnage n'est pas calibration, et référence n'est pas standard.
une matière séchée n'est pas une matière sèche.
Remplacer les mots "faibles" ou "convenus" par du contenu réel (le mot "introduction" est moins bien que la question posée).
Des questions de typographie :
Ne pas sauter de ligne, sauf 2 avant un intertitre, et 1 après celui-ci (pour faire simple).
Les quantités sont en italiques, ainsi que de très rares mots ou expressions (noms de bateau, titre de livre...).
Pas de souligné : c'était quand on n'avait pas d'italiques.
Quand on cite des gens, on doit citer le premier et le plus récent, pas arbitrairement au milieu.
Partout des virgules décimales, pas des points.
Cf s'écrit "cf.", pas Cf
Pas de maquette quand on écrit (ça vient après).
Dans un nom propre, seul le premier substantif est en majuscule, sauf si adjectif avant : "Seconde Guerre mondiale"
Ce ne sont là que des fautes statistiquement courantes. Bien d'autre sont signalées dans les Difficultés de la langue française, qu'il n'est pas inutile de (re)lire.
Plus généralement, celui qui écrit devrait avoir quatre outils : un ordinateur équipé d’un traitement de texte avec correction orthographique, un dictionnaire (pour le vocabulaire, les Difficultés de la langue française (pour la grammaire), le Gradus (pour la rhétorique).
Et je termine en signalant que je suis certainement imparfait. Je me soigne, mais c'est long ! Et, ici, je ne fais le censeur, mais j'essaie de rendre service à mes amis.
C'est très encourageant : il suffit de les corriger pour écrire mieux que la très grande majorité de deux qui doivent prendre la plume !
Des questions de correction intellectuelle
Pas d'adjectif : c'est du baratin (remplacer par la réponse à la question "Combien?"
Idem pour les adverbes.
D'ailleurs, éviter les adverbes, c’est le commencement du style : recherche systématique de "ment", et suppression des adverbes inutiles.
Attention à la différence entre « technologie » et « technique » (et « science »).
Les chiffres sont-ils tous bien significatifs?
Les métaphores compliquent parfois plus qu'elles n'expliquent.
A-t-on annoncé la couleur : dans chaque début de paragraphe, a-t-on dit ce que l'on allait trouver dans le paragraphe ?
Avant tous les intertitres, y a-t-il une phrase disant pourquoi on passe au passage suivant ?
Ne pas craindre les répétitions naïvement
Un point suivi de "en effet" peut être avantageusement remplacé par deux points.
Des questions de grammaire qui pourrissent la lecture :
Un infinitif ou un participe présent doivent avoir le même sujet que celui de la principale. Chercher (fonction recherche) systématiquement les "ant" et les "er".
"Après que" est suivi de l'indicatif.
Des questions de mots qui sont gênants ou fautifs :
Chercher les "rendre" plus adjectif : "rendre possible" = "permettre" : recherche systématique de "rend".
Remplacer "semble probable" par "est probable" (pléonasme).
De même, « faire obstacle », c’est « gêner » ; etc.
Les "ils" impersonnels poussent à la faute : "il semble qu'il fasse" = "il semble faire" : recherche systématique de "il semble", etc.
Pas de "mais" ni de conjonction de coordination (et, ou , car ...) en début de phrase : rechercher les ".Mais", " .Car", ".Et", ".Ou" et remplacer par des ", mais", ", car", ", et", ", ou".
Attention à l’inflation des "très" ; on peut généralement les éliminer.
Rechercher le verbe pouvoir et chercher à l'éliminer. Remplacer systématiquement (ou presque) les "a pu" montrer, observer, etc. par « a montré, observé, etc » ; "pour pouvoir comparer" : pour comparer.
Attention à "impliquer" (contamination de « to imply »).
« Sophistiqué » signifie « frelaté », mais pas « complexe » ni « évolué ».
« Brutalement » n'est pas « brusquement ».
Attention à "véritable" (« véritable révolution » !).
Attention à « influer » sur et « influencer ».
Attention aux anglicismes ; les plus fréquents sont : « se baser sur », « des douzaines », « réaliser » n'est pas « comprendre » ; remplacer « contrôler » par « commander » ou « déterminer » (contrôler, c’est faire une vérification), « compléter » n'est pas « achever » ; rechercher « développer » au sens de « mettre au point » ; idem pour « développement ».
Remplacer « par contre » par « en revanche ».
Attention aux usages exagérés de « permettre ».
Rechercher « suggérer » : normalement, la suggestion, c’est l’hypnose.
Rechercher « affecter ».
Rechercher « processus » : un processus n’est une réaction, ni une série de réactions.
Rechercher " induire" parce qu'il est souvent utilisé fautivement.
Rechercher emmener/emporter.
Ne pas chercher la rallonge : "dans lequel" peut souvent devenir "où".
On ne dit pas "débute" mais "commence" (sauf au théâtre).
On ne dit pas "en dessous de ", mais "au-dessous de.
On dit plutôt "chaque fois" que "à chaque fois".
Éviter "au niveau de" et, très généralement, faire attention au mot « niveau » (recherche automatique).
Quand on rencontre "entre eux", "entre elles", vérifier que c'est utile ; de même, « les uns des autres », « les uns aux autres », etc. sont souvent inutiles.
« ceci » annonce alors que « cela » se rapporte à ce qui a déjà été énoncé (le plus souvent, on peut se débarrasser de ces mots faibles).
Des chevilles comme "en fait", "en réalité", "effectivement", "du coup" sont rarement utiles.
« plus petit » est « inférieur », « plus grand » ou "plus élevé" est « supérieur »
« très inférieur » est fautif (« bien inférieur ») ; de même pour « très supérieur".
« être différent » donne « différer » ;
Utiliser "second" (pour deux possibilités seulement) et "deuxième" pour plus de deux.
Examiner si les "simples", "compliqués", "facile" sont indispensables.
Souvent remplacer « appelé » par « nommé ».
Les verbes présenter et constituer peuvent souvent être remplacés par être ou avoir.
Attention : "plus important" doit signifier qu'il y a une importance plus grande ; souvent on doit le remplacer par supérieur.
Attention à la signification des mots (pas impact mais effet / répartition et distribution; méthode/technique).
Le mot "significatif" ne signifie pas notable (et vice versa).
La "littérature", c'est la littérature, pas des publications.
Le mot "important" est un mot assez pourri.
étalonnage n'est pas calibration, et référence n'est pas standard.
une matière séchée n'est pas une matière sèche.
Remplacer les mots "faibles" ou "convenus" par du contenu réel (le mot "introduction" est moins bien que la question posée).
Des questions de typographie :
Ne pas sauter de ligne, sauf 2 avant un intertitre, et 1 après celui-ci (pour faire simple).
Les quantités sont en italiques, ainsi que de très rares mots ou expressions (noms de bateau, titre de livre...).
Pas de souligné : c'était quand on n'avait pas d'italiques.
Quand on cite des gens, on doit citer le premier et le plus récent, pas arbitrairement au milieu.
Partout des virgules décimales, pas des points.
Cf s'écrit "cf.", pas Cf
Pas de maquette quand on écrit (ça vient après).
Dans un nom propre, seul le premier substantif est en majuscule, sauf si adjectif avant : "Seconde Guerre mondiale"
Ce ne sont là que des fautes statistiquement courantes. Bien d'autre sont signalées dans les Difficultés de la langue française, qu'il n'est pas inutile de (re)lire.
Plus généralement, celui qui écrit devrait avoir quatre outils : un ordinateur équipé d’un traitement de texte avec correction orthographique, un dictionnaire (pour le vocabulaire, les Difficultés de la langue française (pour la grammaire), le Gradus (pour la rhétorique).
Et je termine en signalant que je suis certainement imparfait. Je me soigne, mais c'est long ! Et, ici, je ne fais le censeur, mais j'essaie de rendre service à mes amis.
mercredi 25 septembre 2019
L'effet pastis
Lors d'une récente discussion avec des collègues, ils m'ennuyaient à me parler d'institution, de programmes, d'administration, d'organisation... de sorte que je leur ai répondu que là n'était pas la question ! La question, c'est l'émerveillement pour des phénomènes extraordinaires, pour des questions posées, pour des mesures, pour des calculs, pour des concepts, pour des théories...
Par exemple, partons d'un simple verre d'eau, et, d'autre part, d'une goutte d'huile. Si nous la déposons sur l'eau, elle flotte à la surface, mais si nous la diluons dans de l'alcool, alors la solution d'huile dans l'éthanol, versée sur l'eau, forme un trouble blanc, parce que l'éthanol va sans doute se diluer dans l'eau, laissant des myriades de gouttelettes de taille à peine supérieure à la longueur d'onde de la lumière visible.
De l'éthanol reste-t-il dans les gouttelettes ? Comment est l'interface eau-huile ? De l'éthanol s'y trouve-t-il ?
Et mieux encore : quand on attend un peu, le trouble blanc descend... alors que la densité de l'huile est inférieure à celle de l'eau, et que la densité de l'éthanol est encore inférieure à celle de l'huile.
Quel merveilleux phénomène, qui mérite bien que nous nous y interessions... plus qu'aux questions administratives, n'est-ce pas ?
mardi 24 septembre 2019
Des amis !
Encore un changement
Dans des billets de ces dernières semaines, j'utilisais le mot "collègue" pour désigner cette partie des étudiants qui est inscrite dans les institutions qui délivrent de la formation. Cette dénomination me semblait s'imposer, parce que le mot "étudiant" ne convient pas pour les désigner : moi aussi, puisque j'étudie, je suis, comme de nombreux "professeurs" ou "professionnels", un étudiant. Et surtout, je maintiens qu'une personne qui a les mêmes intérêts que moi est un collègue (mon intérêt n'est pas de professer, mais de réfléchir, et, plus spécifiquement, de réfléchir à des questions de sciences de la nature).
Mais le mot "collègue" est bien froid, et cette froideur ne tient pas compte du fait que c'est par amitié (je ne suis pas payé pour le faire) pour nos jeunes "collègues" que je consens à prendre du temps pour partager des enthousiasmes que j'ai. Des enthousiasmes pour des informations, pour des concepts, pour des méthodes, pour des valeurs, pour des anecdotes... Bref, pour professer.
Par amitié ? Alors les jeunes "collègues" sont d'abord des amis. Et voici le mot que je vais désormais utiliser : "amis" !
Dans des billets de ces dernières semaines, j'utilisais le mot "collègue" pour désigner cette partie des étudiants qui est inscrite dans les institutions qui délivrent de la formation. Cette dénomination me semblait s'imposer, parce que le mot "étudiant" ne convient pas pour les désigner : moi aussi, puisque j'étudie, je suis, comme de nombreux "professeurs" ou "professionnels", un étudiant. Et surtout, je maintiens qu'une personne qui a les mêmes intérêts que moi est un collègue (mon intérêt n'est pas de professer, mais de réfléchir, et, plus spécifiquement, de réfléchir à des questions de sciences de la nature).
Mais le mot "collègue" est bien froid, et cette froideur ne tient pas compte du fait que c'est par amitié (je ne suis pas payé pour le faire) pour nos jeunes "collègues" que je consens à prendre du temps pour partager des enthousiasmes que j'ai. Des enthousiasmes pour des informations, pour des concepts, pour des méthodes, pour des valeurs, pour des anecdotes... Bref, pour professer.
Par amitié ? Alors les jeunes "collègues" sont d'abord des amis. Et voici le mot que je vais désormais utiliser : "amis" !
lundi 23 septembre 2019
"Si je mets trop de protéine, est-ce que je fais une catastrophe alimentaire ?"
Un ami qui veut cuisiner note à note s'interroge : "si je mets trop de protéine, est-ce que je fais une catastrophe alimentaire ?".
Il faut lui répondre rapidement, en expliquant le mieux que je peux.
D'abord, j'observe que le mot "protéine" est au singulier, alors que je l'attendrais plutôt au pluriel. En effet, les tissus végétaux ou animaux contiennent "des protéines", et plus exactement de très nombreuses molécules de très nombreuses sortes de protéines.
Mais tout cela est abstrait, et je préfère toujours dire les choses "expérimentalement". Partons d'un blanc d'oeuf : c'est un liquide transparent et jaune tirant sur le vert. Mettons-le dans un bol, et laissons-le à l'air, pendant une bonne semaine : il ne pourrit (généralement) pas, mais se résume finalement à un résidu solide d'un jaune quasi poussin, transparent. Avec un très gros microscope, on verrait que ce solide est fait d'un enchevêtrement de très nombreux "fils" : ce sont des molécules de protéines. Et si l'on regarde bien, on voit qu'il y une vingtaine de sortes de "fils" : on dit une vingtaine de protéines particulières (mais on se souvient : des milliards et des milliards de molécules pour chaque sorte de protéines).
Les viandes, les poissons, les oeufs, mais aussi les plantes de la famille des légumineuses, contiennent beaucoup de protéines : environ 20 grammes de protéines pour 100 grammes de viande ou de poisson, environ 25 grammes de protéines pour 100 grammes de lentilles cuites, par exemple.
Est-ce grave de consommer trop de protéines ? L'Agence française de sécurité des aliments, l'Anses, dit ne pas avoir de données suffisantes pour répondre à la question... Preuve que s'il y a un inconvénient, ce dernier n'est pas particulièrement visible.
Donc, non, ce n'est pas grave, surtout pour un repas, d'avoir beaucoup de protéines dans sa ration. Et j'ajoute que je ne réponds pas en nutritionniste ni en diététicien, puisque je ne suis ni l'un ni l'autre et que je me suis engagé à ne parler ni de nutrition ni de toxicologie.
Apprenons à discuter !
Hier, j'ai discuté les manières de se comporter aimablement dans une discussion, et j'avais notamment stigmatisé l'ego, la prétention.
Mais je m'aperçois ce matin que jamais on ne m'a renseigné autrement que par l'exemple qu'il fallait éviter de parler de soi dans une conversation.
Certes, j'ai appris par hasard cette formule "Le moi est haïssable", dans les Pensées de Blaise Pascal, mais à propos de discussion, j'en étais réduit à deux idées explicites : d'une part, ne jamais parler de politique, de religion ou d'armée ; et, d'autre part, j'ai appris l'existence de ces manuels de conversation où figuraient des espèce de clichés pour être à l'aise en toutes circonstances.
Mais jamais on m'a dit explicitement comment contribuer à une discussion. Et je viens de vérifier auprès de jeunes amis qu'il en avait été de même pour eux.
Car il ne s'agit pas seulement éviter de parler de soi, mais aussi de savoir quoi dire. Et c'est là où il y a une difficulté : le "quoi dire" se fonde sur tout le travail qu'on aura fait avant la discussion, dans les heures, jours, mois, années... Et je retrouve ici mon concept des belles personnes, celles que nous connaissons parfaitement mais qui nous surprennent à chaque discussion, avec de nouvelles idées. Celles qui savent apporter sur la table du festin intellectuel les mets les plus délicats, les mieux choisis. Autre chose que des sandwichs vite faits. Non, des produits leur travail, de leur réflexion, de leurs soins, de leur intelligence. Ces personnes ne se laissent pas aller à délivrer des pensées immédiates, médiocres, qui montreraient leur médiocrité, mais elles veulent au contraire délivrer des objets bien finis, fignolés...
Oui, décidément, je crois que tous les parents et l'école devraient enseigner aux enfants comment participer à une discussion.
dimanche 22 septembre 2019
Des discussions passionnantes, parce que sans ego
Je sors d'une discussion pénible : mes interlocuteurs ne cessaient de parler d'eux, de ce qu'ils avaient fait, de qui ils connaissaient de connu, de la taille de leur voiture, de leurs maisons, de leur succès...
Bien sûr, on sait qu' "un égoïste, c'est quelqu'un qui ne pense pas à moi", mais, quand même, si l'on dépasse cela, il n'en reste pas moins que la discussion était sans intérêt, parce que mes interlocuteurs ne cherchaient pas à faire grandir notre petite communauté, mais à s'établir prétentieusement, comme des coqs.
Plus positivement, cette discussion pénible permet de mieux comprendre comment nous devons nous comporter dans une discussion : éviter le moi, qui est haïssable, éviter le moi qui est haïssable, etc. et, surtout, apporter sur la table du festin intellectuel les plus beaux mets. Ces émerveillements qui nous illuminent le coeur et l'esprit, ces idées puissantes qui ont été glanées auprès des plus grands esprits. C'est dans cet esprit que je partageais, il y a peu, ces idées de Marcel Mule, à propos de l'apprentissage de la musique, en renvoyant vers une merveilleuse vidéo où ce monsieur âgé était si dérangé qu'on lui parle de lui qu'il bottait en touche, minimisait modestement ses apports.
Tiens, cela me fait penser que, un jour, j'ai retrouvé dans la rue un de mes amis qui lisait : interrogé, il me dit qu'il apprenait une poésie qu'il apporterait à ses amis avec lesquels il avait prévu une marche en forêt. Voilà ce que j'aime !
Oui, évertuons-nous, efforçons-nous de contribuer à l'éclairement de nos amis !
Les réactions les plus importantes en cuisine ? Pourquoi pas la beta élimination des pectines et la coagulation des protéines
Les enfants sont souvent fautifs par manichéisme : "Tu préfères quoi : les fraises ou les framboises ?" ; à quoi je réponds "les cassis". Sans compter que les choix sont changeants, et souvent non transitifs : on peut parfaitement préférer les framboises aux fraises, les cassis aux framboises, mais les fraises aux cassis !
Mais récemment, ce sont des adultes qui m'ont posée une de ces questions pas toujours judicieuses : "Quelles sont les réactions les plus importantes en cuisine ?". Et là, mon petit "radar interne" m'alerte aussitôt, à entendre le mot "important". D'abord, c'est un adjectif, et, d'autre part, il y a ce sens du mot qui veut faire croire qu'il y a quelque chose d'essentiel... mais de quel point de vue ? Important : fréquent ? par ses conséquences ? par son histoire ? Dans mon laboratoire, nous avons l'interdiction d'utiliser les adjectifs, et nous devons répondre à la question "combien ?".
Mais tout cela étant dit, cela n'est pas inutile de signaler que, puisque nous consommons principalement des tissus animaux ou végétaux, les modifications de ces tissus sont les plus fréquentes. Or, quand on cuit une viande, les protéines de l'intérieur des fibres musculaires coagulent, puis le tissu collagénique se dégrade. Et quand on cuit une carotte, elle s'amollit parce que les pectines sont "hydrolysées", dégradées, ce qui amollit le tissu végétal. Cette hydrolyse particulière a pour nom "bêta élimination".
Bref, la coagulation des protéines et la dégradation des pectines seraient les réactions les plus "importantes, en cuisine.
Et là, c 'est assez pour aujourd'hui, car à haute dose, comme disait mon ami Jean Jacques, la chimie devient... empoisonnante (pour certains, seulement pour certains).
Mais récemment, ce sont des adultes qui m'ont posée une de ces questions pas toujours judicieuses : "Quelles sont les réactions les plus importantes en cuisine ?". Et là, mon petit "radar interne" m'alerte aussitôt, à entendre le mot "important". D'abord, c'est un adjectif, et, d'autre part, il y a ce sens du mot qui veut faire croire qu'il y a quelque chose d'essentiel... mais de quel point de vue ? Important : fréquent ? par ses conséquences ? par son histoire ? Dans mon laboratoire, nous avons l'interdiction d'utiliser les adjectifs, et nous devons répondre à la question "combien ?".
Mais tout cela étant dit, cela n'est pas inutile de signaler que, puisque nous consommons principalement des tissus animaux ou végétaux, les modifications de ces tissus sont les plus fréquentes. Or, quand on cuit une viande, les protéines de l'intérieur des fibres musculaires coagulent, puis le tissu collagénique se dégrade. Et quand on cuit une carotte, elle s'amollit parce que les pectines sont "hydrolysées", dégradées, ce qui amollit le tissu végétal. Cette hydrolyse particulière a pour nom "bêta élimination".
Bref, la coagulation des protéines et la dégradation des pectines seraient les réactions les plus "importantes, en cuisine.
Et là, c 'est assez pour aujourd'hui, car à haute dose, comme disait mon ami Jean Jacques, la chimie devient... empoisonnante (pour certains, seulement pour certains).
samedi 21 septembre 2019
Pourquoi ne peut-on plus parler de réactions de Maillard ?
Mais si, bien sûr, on a le droit de parler de réactions de Maillard, mais quand même, il vaudrait mieux savoir de quoi on parle, non ? Et ne pas dire n'importe quoi !
Je suis un peu responsable - et fautif- du fait que le monde culinaire parle à tort et à travers de ces réactions, parce que, naguère, dans mon enthousiasme communicatif, avec ma volonté contagieuse de faire comprendre que la cuisine met en œuvre des réactions intermoléculaires (plutôt que "chimiques"), j'ai largement milité pour faire connaître la réaction de Maillard, que l'on devrait d'ailleurs nommer "les" réactions de Maillard.
De quoi s'agit-il ? De réactions qui ont lieu entre certains sucres et des protéines. Elles conduisent à des composés qui donnent de la couleur et du goût aux aliments, et il est exact qu'elles sont fréquentes en cuisine. Cela étant, dire que les réactions de Maillard font la croûte brune et savoureuse des viandes grillées est faux, et je crois avoir plutôt dit que les réactions de Maillard contribuent à la couleur et au goût des viandes grillées. Disons que j'espère avoir été ainsi prudent, car en réalité, mille réactions différentes se conjuguent pour faire la couleur brune et le goût des viandes.
D'ailleurs, dans les sciences et technologies des aliments, on parle de "brunissement non enzymatique", et les réactions de Maillard ne sont qu'une sorte de réactions parmi mille. D'ailleurs, tout composé "organique" (disons : provenant des êtres vivants, animaux ou végétaux) que l'on chauffe brunit !
Plus sur les réactions de Maillard : le chimiste français (né à Pont-à-Mousson) Louis Camille Maillard a découvert en 1912 que des sucres "réducteurs" (les plus fréquents, en cuisine, sont le glucose et le fructose) réagissent avec des protéines, pour faire des composés bruns, qui avaient d'ailleurs été nommés "mélanoïdines" avant qu'il fasse sa découverte. D'ailleurs, sa découverte est venue bien après que le chimiste allemand Emil Fischer avait découvert que ces sucres réducteurs réagissent avec les acides aminés, ces composés dont l'enchaînement fait les protéines : si l'on devait parler d'une réaction essentielle en cuisine, on devrait parler de réaction de Fischer !
Mais en réalité, j'y reviens : il y a mille réactions différentes qui font du brunissement en cuisine. Maintenant que Maillard est connu, passons à autre chose !
Je vous présente les celluloses
Aujourd'hui je vous présente les celluloses. Parmi les additifs, dans cette liste positive de composés tous testés et finalement approuvés par les autorités sanitaires des aliments, il y a diverses formes de la cellulose. Mais des dérivés de la cellulose ne sont pas de la cellulose.
Cellulose ? C'est d'abord un mot, comme "lipide", "protéine", "acide acétique"... Le plus souvent, dans les discussions publiques, les entités qui sont ainsi désignées sont singulièrement absentes de l’esprit de ceux qui en prononcent le nom ! Mais je ne suis pas ici pour dénoncer à nouveau l' "achimisme", mais, au contraire, pour expliquer.
Et rien de mieux que l'expérience pour bien fixer les idées : mettons des carottes dans un extracteur à jus, une "centrifugeuse" de cuisine. Les carottes broyées sont transformées en un jus orange et épais, et il reste dans la machine un résidu solide, légèrement orange.. que l'on jette le plus souvent (erreur, comme nous le verrons !). Conservons ce résidu et faisons le bouillir à grande eau. Même après un très long moment de "cuisson", il reste une matière solide, blanche que nous allons filtrer : dans le temps, j'aurais été fautif en disant que ce résidu était de la cellulose, mais on se souvient que je cherche à être de plus en plus précis, afin de ne pas laisser de place aux confusions dont le diable (les Tyrans, aurait dit Denis Diderot) s'empare.
Regardons ce résidu solide au microscope : on le voit constitué de fibres. Et avec un microscope qui montrerait les molécules, on verrait des molécules linéaires, plutôt d'ailleurs des chaînes que des fils, puisque l'oeil du chimiste reconnaît que les "maillons" ressemblent tous à la molécule de glucose. Ces enchaînements sont des molécules de cellulose. Et comme il y a des molécules plus ou moins longues, je propose de parler plutôt de celluloses au pluriel que de cellulose au singulier.
Or il y a ces molécules dans les végétaux, auxquels elle assure de la rigidité, avec ces autres composé que sont la lignine, les hémicelluloses, les pectines, etc. Beaucoup de ces derniers sont lessivés au cours de notre expérience, quand on fait bouillir dans l'eau, mais les molécules de cellulose, elles, sont très résistantes chimiquement, au point que nous puissions laver nos chemises en coton à l'eau bouillante des milliers de fois, sans qu'elle ne disparaissent dans les eaux de lavage. Le coton, c'est de la cellulose, en grande majorité, et le coton hydrophile est quasiment exclusivement fait de celluloses.
Comment les celluloses sont-elles fabriquées ? Dans les végétaux, la sève brute, faite essentiellement d'eau et de sels minéraux, monte vers les feuilles ; là, l'énergie de la lumière permet aux feuilles, à partir de l'eau et du dioxyde de carbone qui est dans l'air, de synthétiser -j'ai bien dit synthétiser- des sucres que sont le glucose, le fructose, le saccharose, mais aussi des tas d'autres composés comme les acides aminés. Ces composés fabriqués par la plante dans les feuilles sont alors redescendus par des canaux vers les autres organes des plantes : tige, racines, tubercules... Et notamment, le sucres sont utilisés par les plantes pour synthétiser les celluloses.
En cuisine, je crois qu'il faut surtout se souvenir que les celluloses dont des molécules qui donnent de la rigidité aux plantes. Ce qui signifient qu'elles peuvent aussi donner de la rigidité aux plats. Cela ne signifie pas nécessairement dureté, mais changement de consistance, et c'est ainsi que j'ai proposé, il y a plusieurs années, d'ajouter des celluloses dans des gelées ou des confitures, afin de faire plus intéressant que de mornes gelées.
Morne gelée, morne plaine : il nous faut des vallons, des collines, de montagnes, pour ce qui concerne la consistance de nos mets, et les celluloses sont des composés bien utiles pour ces travaux culinaires.
jeudi 19 septembre 2019
La question du risque pour la partie expérimentale de la chimie
Pour la partie expérimentale de la science nommée chimie (ce n'est ni une technique ni une technologie), la question principale me semble être de savoir quelle est la question à laquelle on pense pas. Je m'explique ici.
Lors des travaux de chimie, qui explorent une partie inconnue du monde moléculaire, la mise en œuvre de réactions moléculaires encore jamais pratiquées conduit parfois à synthétiser des produits instables, qui peuvent conduire à des accidents, ou à des produits toxiques. Et c'est ce que nous allons donc d'abord considérer, parce que, dans les deux cas, il y a des risques de catastrophes.
Commençons par les produits instables. Au début d'une réaction effectuée par un chimiste, il y a des composés que l'on désigne sous le nom de "réactifs". La chimie étant la "science du feu", elle chauffe ces réactifs. C'est ainsi que l'alchimie procédait, mais en réalité, c'est encore souvent ainsi que l'on procède aujourd'hui. C'est par une telle méthode, par exemple, que Hennig Brandt découvrit le phosphore en 1669, par calcination d'urine. C'est ainsi que l'on produit de la chaux vive à partir de carbonate de calcium (le calcaire)...
Les produits formés sont un peu comme des masses auxquelles on a donné de l'énergie pour les porter en haut d'une montagne. Pour peu qu'elles puissent retomber, elles peuvent faire des dégâts terribles. Bien sûr, il y a une différence entre puissance et énergie : on sait bien que la même masse ne fera pas les mêmes dégâts si elle tombe verticalement ou si elle roule lentement sur une pente douce, avec des frottements. Et oui, la rapidité d'une décomposition (les produits formés relâchant l'énergie que le feu leur a donnée) est un facteur important d'explosion, parce que des changements de volume peuvent créer une onde de choc, comme le bang d'un avion supersonique.
D'autre part, oui, le "feu" donné à des réactifs réorganise les atomes qui composent ces composés : les atomes sont liés par des forces que l'on peut casser, mais ils se réarrangent alors, et c'est ainsi que partant de bleu de Prusse, on a produit de l'acide cyanhydrique, qui est un produit mortel. Là, les exemples sont innombrables.
Bref, il y a donc du danger en chimie... et cela est inévitable pour qui explore le monde moléculaire. Mais la question est moins le danger que le risque. Un produit toxique est dangereux, donc, mais enfermé dans un coffre, il ne présente pas de risque. Encore un exemple : il y a du danger à traverser certaines routes, et le risque est grand si je ne regarde pas à gauche et à droite. Avec des routes de campagne peu fréquentées, le danger est moindre qu'avec des autoroutes, mais qu'importe : si je passe quand il n'y a pas de voiture, le risque est faible dans les deux cas.
La question, toutefois, c'est de savoir quand il y a du danger, pour minimiser les risques. Dans l'histoire de la chimie, on a rapidement su qu'il y avait du danger, au point même que, il y a seulement 50 ans, les chimistes se reconnaissaient dans la vie civile au fait qu'il leur manquait un œil ou une main. Aujourd'hui, les chimistes se sont dotés de méthodes pour essayer d'envisager les dangers, et, surtout, ils se fondent sur les expériences du passé... et sur des techniques progressivement mises au point pour éviter les accidents. L'une des plus essentielle est de réduire les quantités que l'on manipule
Mais la question demeure : pour une nouvelle expérience, quel est le danger ? Et c'est là où je retrouve ma question, posée naguère par le philosophe Alain : quelle est la question à laquelle je ne pense pas ? Sans informations particulières, j'ai bien du mal à imaginer les dangers.
Mais l'ignorance n'est pas notre seul handicap. Nous aurions également intérêt à ne pas oublier que nous sommes nous-mêmes causes de danger : si notre tête est troublée, alors nous risquons de faire mal. Et j'ai de nombreux cas en mémoire, sans qu'il y ait eu -heureusement- d'autres conséquences que matérielles. Par exemple, je me souviens d'un doctorant qui, troublé par des manifestations sous nos fenêtres, avait cassé de la verrerie, puis avait fait des erreurs dans ses calculs. Un calcul faux, on le refait, mais la vie humaine est précieuse, n'est-ce pas ?
Restons avec cette phrase : quelle est la question à laquelle je ne pense pas ? quel est le danger que je m'imagine pas ?
mercredi 18 septembre 2019
Pommes de terre soufflées
On me demande les liens pour les études de la pomme de terre soufflées, mais connaissez vous cette vidéo :
https://www.youtube.com/watch?v=gOI8KDk8mOg
https://www.youtube.com/watch?v=gOI8KDk8mOg
A propos des examens : et si nous faisions fausse route ?
À propos des examens, je me dis qu'un étudiant qui a bien travaillé, suffisamment, qui a bien étudié, ne doit avoir aucune difficulté à passer l'examen.
Bien sur, il aura fallu qu'il obtienne les connaissances nécessaires, et qu'ils transforme ensuite ses connaissances en compétences, par des exercices ou par des problèmes , mais cet étudiant qui aura fait ce travail n'aura aucune difficulté à passer l'examen, et il ne doit donc avoir aucun stress : après tout, il s'est déjà fait à lui-même son propre examen. Pourtant, on voit bien que, dans la très très grande majorité des cas, les étudiants craignent l'examen... et l'on en sait la raison : ils ne sont pas prêts. D'ailleurs, ne soyons pas naïf : il suffit de rester quelques minutes dans un groupe d'étudiants pour s'apercevoir que, effectivement, les impasses sont nombreuses, les "distractions" n'ayant pas laissé assez de temps pour l'étude.
Nous arrivons finalement à cette situation constante que le temps d'étude est insuffisant, et que l'examen reste toujours une sanction.
Or ce n'est pas l'objectif des examens : ces derniers sont simplement là pour vérifier un niveau. Il y a une barre à sauter, et le diplôme est accordé à un étudiant quand il parvient à franchir la barre. Mais, en corollaire, on comprend que la question est moins d'imposer des examens que de s'assurer que le niveau est atteint, ce qui conditionne l'attribution du diplôme (par l'institution de formation, d'ailleurs, et non par le professeur).
Dans cette perspective, qu'il y ait des examens ou un contrôle continu, peu importe. Il n'y a qu'une chose à vérifier, c'est que le niveau est atteint.
Et une fois de plus, on vérifie bien que c'est l'objectif -et non pas un chemin décidé un peu aléatoirement pour y conduire- qu'il faut considérer tout d'abord. Si l'on veut tester une compétence (parce qu'elle était affiché -contractuellement- dans un référentiel), alors cette compétence doit être présente et sa vérification doit se faire localement. Aucune raison que la vérification de cette compétence particulière se fasse en même temps que la vérification d'autres compétences.
Et l'on voit ainsi, surtout à l'heure du numérique, que nous aurions raison d'introduire des systèmes qui permettent à chacun le valider des connaissances, ou des compétences, ou des savoir-vivre, ou des savoir être, à un rythme qui lui est propre, à un moment où cela lui convient.
Dit autrement : si je me sens capable, moi étudiant, de déclarer à l'institution que j'ai une compétence particulière, alors je doit pouvoir "rencontrer" l'institution sur un site, afin de pouvoir montrer que j'ai effectivement cette compétence.
J'entends immédiatement des collègues me dire que ces examens à la carte sont difficiles à mettre en oeuvre, que cela demande plus de temps de professeur, que cela coûte cher, que cela prend du temps, et ainsi de suite. Je ne suis pas prêt à entendre ces arguments de ceux qui traînent les pieds. Plus exactement, e ne suis jamais prêt à entendre les arguments qui traînent les pieds surtout à l'heure où nous disposons d'un outil nouveau, merveilleux, le numérique, qui nous donne des possibilités extraordinaires. En réalité, je crains la paresse chez ceux qui ne veulent pas changer leurs pratiques, leurs habitudes... et qui, le plus souvent, se plaignent ensuite de la routine !
Ma proposition est de toujours tout changer pour le mieux. Renouvelons, testons, explorons, amusons-nous à faire des choses passionnantes !
Bien sur, il aura fallu qu'il obtienne les connaissances nécessaires, et qu'ils transforme ensuite ses connaissances en compétences, par des exercices ou par des problèmes , mais cet étudiant qui aura fait ce travail n'aura aucune difficulté à passer l'examen, et il ne doit donc avoir aucun stress : après tout, il s'est déjà fait à lui-même son propre examen. Pourtant, on voit bien que, dans la très très grande majorité des cas, les étudiants craignent l'examen... et l'on en sait la raison : ils ne sont pas prêts. D'ailleurs, ne soyons pas naïf : il suffit de rester quelques minutes dans un groupe d'étudiants pour s'apercevoir que, effectivement, les impasses sont nombreuses, les "distractions" n'ayant pas laissé assez de temps pour l'étude.
Nous arrivons finalement à cette situation constante que le temps d'étude est insuffisant, et que l'examen reste toujours une sanction.
Or ce n'est pas l'objectif des examens : ces derniers sont simplement là pour vérifier un niveau. Il y a une barre à sauter, et le diplôme est accordé à un étudiant quand il parvient à franchir la barre. Mais, en corollaire, on comprend que la question est moins d'imposer des examens que de s'assurer que le niveau est atteint, ce qui conditionne l'attribution du diplôme (par l'institution de formation, d'ailleurs, et non par le professeur).
Dans cette perspective, qu'il y ait des examens ou un contrôle continu, peu importe. Il n'y a qu'une chose à vérifier, c'est que le niveau est atteint.
Et une fois de plus, on vérifie bien que c'est l'objectif -et non pas un chemin décidé un peu aléatoirement pour y conduire- qu'il faut considérer tout d'abord. Si l'on veut tester une compétence (parce qu'elle était affiché -contractuellement- dans un référentiel), alors cette compétence doit être présente et sa vérification doit se faire localement. Aucune raison que la vérification de cette compétence particulière se fasse en même temps que la vérification d'autres compétences.
Et l'on voit ainsi, surtout à l'heure du numérique, que nous aurions raison d'introduire des systèmes qui permettent à chacun le valider des connaissances, ou des compétences, ou des savoir-vivre, ou des savoir être, à un rythme qui lui est propre, à un moment où cela lui convient.
Dit autrement : si je me sens capable, moi étudiant, de déclarer à l'institution que j'ai une compétence particulière, alors je doit pouvoir "rencontrer" l'institution sur un site, afin de pouvoir montrer que j'ai effectivement cette compétence.
J'entends immédiatement des collègues me dire que ces examens à la carte sont difficiles à mettre en oeuvre, que cela demande plus de temps de professeur, que cela coûte cher, que cela prend du temps, et ainsi de suite. Je ne suis pas prêt à entendre ces arguments de ceux qui traînent les pieds. Plus exactement, e ne suis jamais prêt à entendre les arguments qui traînent les pieds surtout à l'heure où nous disposons d'un outil nouveau, merveilleux, le numérique, qui nous donne des possibilités extraordinaires. En réalité, je crains la paresse chez ceux qui ne veulent pas changer leurs pratiques, leurs habitudes... et qui, le plus souvent, se plaignent ensuite de la routine !
Ma proposition est de toujours tout changer pour le mieux. Renouvelons, testons, explorons, amusons-nous à faire des choses passionnantes !
mardi 17 septembre 2019
La question des questions : étincelle ou pas ?
Un collègue qui prépare ses enseignements imagine, sur mes conseils, d'attirer ses élèves par des expériences qui leur donneront ensuite l'envie d'aller plus loin dans sa discipline. Les expériences sont déterminées, sur la base de la surprise, de la gourmandise, que sais-je, et la question est donc maintenant, par des questions, de les inciter à aller plus loin, à partir du tremplin expérimental/culinaire initial.
Je le vois qui cherche des séries de questions pour conduire les élèves dans des directions qu'il souhaite, et l'on comprend que son questionnement vaut pour toutes les sciences de la nature que sont la chimie, la physique, la biologie...
Bref, la question se pose donc de savoir quelles questions poser.
Bien sûr, on peut décrire les phénomènes que l'on observe quand on fait les expériences et s'interroger sur tous les termes qui apparaissent lors de ces description : cela correspond environ à ce que j'avais proposé dans la "méthode du soliloque".
Mais je me souviens aussi avoir proposé une classification des questions en questions étouffoir et questions étincelle, les noms de ces deux types de questions étant choisis évidemment pour montrer que certaines questions sont plus fructueuse que d'autres. Des questions étouffoir : on étouffe l'intérêt. Des questions étincelles : on allume un brasier de connaissance !
Et c'est ainsi que j'ai les deux exemples suivants. Si je demande à quelqu'un l'heure qu'il est et qu'il me répond, la discussion s'arrête ; c'était là une question étouffoir. En revanche, si je fais observer que l'estomac, fait de viande, digère la viande, et si je demande alors pourquoi l'estomac ne se digère pas lui-même, alors j'ai posé une question qui ouvre la discussion, une question étincelle.
La question que je pose maintenant est de savoir comment produire de telles questions fructueuses.
Observons que les paradoxes ont un rapport avec les questions étincelles. D'ailleurs, l'exemple de l'estomac était paradoxal. Tout comme le paradoxe d'Olbers, à propos de l'obscurité du ciel nocturne. Toutefois la vie ne se réduit pas aux paradoxes, et il y a mille questions intéressantes sans être paradoxales : pourquoi le ciel est-il bleu ? Pourquoi les pommes tombent-elles, au lieu de quitter l'arbre vers le haut ?
Mon problème, avec cette question que je me pose sur les questions étincelles, c'est que je vois des questions merveilleuses partout. Par exemple, à la fin de l'été, les feuilles qui étaient vertes jaunissent ; pourquoi ? Je vois le soleil se lever chaque matin du même côté de ma maison ; pourquoi ? Et pourquoi de ce côté-là ? Je vois des trous dans les feuilles de mes plantes ; pourquoi ?
On a compris que les phénomènes naturels sont une source inépuisable de questions, qui, toutes, peuvent me conduire vers les études scientifiques. Bien sûr, on peut discuter de savoir si la science est dans le pourquoi ou dans le comment, mais c'est là une subtilité qui m'intéresse moins que d'observer l'enfant interagir avec l'adulte, à ce jeu des questions qui s'enchaînent à l'infini: "Et pourquoi... Et pourquoi... Et pourquoi...". Ici, l'art de l'adulte consiste à aider l'enfant à se lancer lui-même dans des explorations... ce qui est difficile, car précisément, la question n'est pas le pourquoi, mais l'interaction avec l'adulte.
Oui, il y a une difficulté à savoir ne pas tuer la curiosité, mais se préserver un peu, et, si possible, conduire l'enfant à de l'autonomie, à l'apprentissage de l'activité solitaire de l'étude.
Cette analyse peut nous être utiles, pour notre réflexion sur les questions étincelles : et si la question était moins la question, étincelle ou étouffoir, que la question des relations entre le professeur et les élèves ? On l'a vu, toute question est rapidement étincelle... même jusqu'à la question que je prenais comme exemple pour les questions étouffoir. Car quelle heure est-il ? Midi. Oui, mais midi exactement ? Et puis, un midi légal ou un midi solaire ? Et puis, avec quelle certitude sait-on qu'il serait midi ? Et ainsi de suite. Il n'y a de question étouffoir que si l'un des deux protagonistes refuse la relation, et l'on en arrive à conclure que c'est la relation qui est à construire, avec les questions !
Une fois de plus, je suis heureux de voir un symptôme me conduire à la maladie. Le symptôme n'a pas d'autre intérêt que d'être un symptôme, et c'est à moi de m'en saisir pour arriver à mieux. Au fond, la question des études est celle-là : ne pas étudier avec désinvolture, mais, au contraire, avec l'envie d'étudier. Sans cette envie, les études sont du gaspillage de temps et d'énergie, pris à des relations de qualités.
Chérissons ces dernières.
Je le vois qui cherche des séries de questions pour conduire les élèves dans des directions qu'il souhaite, et l'on comprend que son questionnement vaut pour toutes les sciences de la nature que sont la chimie, la physique, la biologie...
Bref, la question se pose donc de savoir quelles questions poser.
Bien sûr, on peut décrire les phénomènes que l'on observe quand on fait les expériences et s'interroger sur tous les termes qui apparaissent lors de ces description : cela correspond environ à ce que j'avais proposé dans la "méthode du soliloque".
Mais je me souviens aussi avoir proposé une classification des questions en questions étouffoir et questions étincelle, les noms de ces deux types de questions étant choisis évidemment pour montrer que certaines questions sont plus fructueuse que d'autres. Des questions étouffoir : on étouffe l'intérêt. Des questions étincelles : on allume un brasier de connaissance !
Et c'est ainsi que j'ai les deux exemples suivants. Si je demande à quelqu'un l'heure qu'il est et qu'il me répond, la discussion s'arrête ; c'était là une question étouffoir. En revanche, si je fais observer que l'estomac, fait de viande, digère la viande, et si je demande alors pourquoi l'estomac ne se digère pas lui-même, alors j'ai posé une question qui ouvre la discussion, une question étincelle.
La question que je pose maintenant est de savoir comment produire de telles questions fructueuses.
Observons que les paradoxes ont un rapport avec les questions étincelles. D'ailleurs, l'exemple de l'estomac était paradoxal. Tout comme le paradoxe d'Olbers, à propos de l'obscurité du ciel nocturne. Toutefois la vie ne se réduit pas aux paradoxes, et il y a mille questions intéressantes sans être paradoxales : pourquoi le ciel est-il bleu ? Pourquoi les pommes tombent-elles, au lieu de quitter l'arbre vers le haut ?
Mon problème, avec cette question que je me pose sur les questions étincelles, c'est que je vois des questions merveilleuses partout. Par exemple, à la fin de l'été, les feuilles qui étaient vertes jaunissent ; pourquoi ? Je vois le soleil se lever chaque matin du même côté de ma maison ; pourquoi ? Et pourquoi de ce côté-là ? Je vois des trous dans les feuilles de mes plantes ; pourquoi ?
On a compris que les phénomènes naturels sont une source inépuisable de questions, qui, toutes, peuvent me conduire vers les études scientifiques. Bien sûr, on peut discuter de savoir si la science est dans le pourquoi ou dans le comment, mais c'est là une subtilité qui m'intéresse moins que d'observer l'enfant interagir avec l'adulte, à ce jeu des questions qui s'enchaînent à l'infini: "Et pourquoi... Et pourquoi... Et pourquoi...". Ici, l'art de l'adulte consiste à aider l'enfant à se lancer lui-même dans des explorations... ce qui est difficile, car précisément, la question n'est pas le pourquoi, mais l'interaction avec l'adulte.
Oui, il y a une difficulté à savoir ne pas tuer la curiosité, mais se préserver un peu, et, si possible, conduire l'enfant à de l'autonomie, à l'apprentissage de l'activité solitaire de l'étude.
Cette analyse peut nous être utiles, pour notre réflexion sur les questions étincelles : et si la question était moins la question, étincelle ou étouffoir, que la question des relations entre le professeur et les élèves ? On l'a vu, toute question est rapidement étincelle... même jusqu'à la question que je prenais comme exemple pour les questions étouffoir. Car quelle heure est-il ? Midi. Oui, mais midi exactement ? Et puis, un midi légal ou un midi solaire ? Et puis, avec quelle certitude sait-on qu'il serait midi ? Et ainsi de suite. Il n'y a de question étouffoir que si l'un des deux protagonistes refuse la relation, et l'on en arrive à conclure que c'est la relation qui est à construire, avec les questions !
Une fois de plus, je suis heureux de voir un symptôme me conduire à la maladie. Le symptôme n'a pas d'autre intérêt que d'être un symptôme, et c'est à moi de m'en saisir pour arriver à mieux. Au fond, la question des études est celle-là : ne pas étudier avec désinvolture, mais, au contraire, avec l'envie d'étudier. Sans cette envie, les études sont du gaspillage de temps et d'énergie, pris à des relations de qualités.
Chérissons ces dernières.
lundi 16 septembre 2019
A propos de pommes dauphine
A propos de pommes dauphine
Ce matin, je reçois la question suivante :
Mon entreprise produit des pommes dauphines et la mission qui m’a été donnée est en partie de comprendre le rôle de chacun des ingrédients et les mécanismes chimiques de la pâte à choux.
J’ai lu avec beaucoup d’intérêt une partie de vos écrits, notamment sur le soufflé, qui m’ont bien aidé à comprendre le rôle de la vapeur d’eau dans le gonflement des choux. Cependant, j’ai encore du mal à saisir ce qu’il se passe chimiquement lors de la fabrication du roux puis de l’incorporation des œufs dans la pâte : y a-t-il une dextrinisation de l’amidon ? Y a-t-il la formation d’un gel ? D’une émulsion ?
J'ai répondu que soit l'entreprise payait le laboratoire pour disposer spécifiquement d'une expertise, soit je donnais publiquement la réponse à la question... ce que je fais maintenant.
Commençons par les "pommes dauphine" : dans notre Glossaire des métiers du goût (http://www2.agroparistech.fr/Glossaire-Lettre-P.html), je vois la définition suivante, tirée de ce merveilleux dictionnaire (public, gratuit, en ligne) qu'est le Trésor de la langue française informatisé : "Appareil de pommes duchesse (...) mêlé de pâte à chou et façonné en boules, que l'on cuit à grande friture".
Quant au Guide culinaire, il indique, pour des pommes de terre à la dauphine, que "l'appareil de croquettes de pommes de terre est additionné, au kilo, de 300 grammes de pâte à choux commune et ferme, sans sucre. Forme bouchon du poids de 50 grammes, et panage à l'anglaise".
Les croquettes, elles, sont obtenues ainsi : "Pommes pelées, coupées en quartiers, cuites vivement à l'eau salée, et tenues un peu fermes. Egoutter, sécher à l'entrée du four, et passer au tamis. Dessécher la purée avec 100 grammes de beurre, assaisonner et ajouter, hors du feu, 1 oeuf entier et 4 jaunes au kilo de purée. Forme facultative, soit bouchon, poire, abricot, etc. – Paner à l'anglaise, et plonger à friture chaude au moment."
Cela étant, on sait que je ne fais que très peu confiance au Guide culinaire, qui est plein d'erreurs, et je préfère utiliser plus ancien, tel Urbain Dubois (L'école des cuisinières) :
870. Pommes de terre à la Dauphine. — Préparez une purée de pommes de terre, déposez-la dans une casserole, assaisonnez avec sel, muscade et une pointe de sucre, incorporez-lui peu à peu, le tiers de son volume de pâte à chou finie, mais non sucrée ; prenez alors l'appareil par parties de la grosseur d'un petit œuf; roulez-les sur la table farinée, en leur donnant la forme méplate ou en bouchon, plongez-les dans la friture chaude; quand elles sont de belle couleur, égouttez-les sur un linge, et dressez.
Cette fois-ci, nous y sommes : de la pomme de terre cuite et écrasée, et la pâte à choux, laquelle s'obtient par cuisson d'eau ou de lait, de farine et de beurre, puis ajout d'oeuf entier.
Sans attendre, j'observe que l'on obtient un système "pâteux", ce que les physico-chimistes nomment une "suspension", avec une phase continue aqueuse, dans laquelle sont dispersés des cellules de pommes de terre, de l'amidon empesé, qui laisse d'ailleurs passer une partie de son amylose en solution, et de la matière grasse (qui est émulsionnée si elle est chaude, parce que, alors, elle est liquide).
Trempé dans de l'oeuf battu, puis frite, cette pâte s'entoure d'une croûte croustillante parce que sèche (selon un des "commandements" donnés dans mon livre Mon histoire de cuisine, éditions Belin).
Evidemment, lors de la friture, la chaleur entre dans les pommes à la dauphine, et l'oeuf coagule, contribuant à la fermeté de l'ensemble. Mais, de surcroît, la chaleur évapore de l'eau, et la vapeur formée peut faire souffler la préparation.
Finalement, on obtient donc la croûte, autour d'une pâte prise, avec des bulles de gaz, des gouttelettes de matière grasse, des cellules de pommes de terre dont l'amidon interne est empesé (l'intérieur de chaque cellule est fait d'un "gel" d'amylopectine, avec l'amylose en solution dans l'eau du gel), et une dispersion de gels d'amylopectine, l'amylose provenant de l'amidon de la farine étant dissous dans la phase aqueuse totale.
Au refroidissement, tout cela va durcir pour de nombreuses raisons, notamment parce que la matière grasse va figer (se solidifier), mais aussi parce qu'il y aura le phénomène de "rétrogradation"... mais cela est une autre histoire.
Ce matin, je reçois la question suivante :
Mon entreprise produit des pommes dauphines et la mission qui m’a été donnée est en partie de comprendre le rôle de chacun des ingrédients et les mécanismes chimiques de la pâte à choux.
J’ai lu avec beaucoup d’intérêt une partie de vos écrits, notamment sur le soufflé, qui m’ont bien aidé à comprendre le rôle de la vapeur d’eau dans le gonflement des choux. Cependant, j’ai encore du mal à saisir ce qu’il se passe chimiquement lors de la fabrication du roux puis de l’incorporation des œufs dans la pâte : y a-t-il une dextrinisation de l’amidon ? Y a-t-il la formation d’un gel ? D’une émulsion ?
J'ai répondu que soit l'entreprise payait le laboratoire pour disposer spécifiquement d'une expertise, soit je donnais publiquement la réponse à la question... ce que je fais maintenant.
Commençons par les "pommes dauphine" : dans notre Glossaire des métiers du goût (http://www2.agroparistech.fr/Glossaire-Lettre-P.html), je vois la définition suivante, tirée de ce merveilleux dictionnaire (public, gratuit, en ligne) qu'est le Trésor de la langue française informatisé : "Appareil de pommes duchesse (...) mêlé de pâte à chou et façonné en boules, que l'on cuit à grande friture".
Quant au Guide culinaire, il indique, pour des pommes de terre à la dauphine, que "l'appareil de croquettes de pommes de terre est additionné, au kilo, de 300 grammes de pâte à choux commune et ferme, sans sucre. Forme bouchon du poids de 50 grammes, et panage à l'anglaise".
Les croquettes, elles, sont obtenues ainsi : "Pommes pelées, coupées en quartiers, cuites vivement à l'eau salée, et tenues un peu fermes. Egoutter, sécher à l'entrée du four, et passer au tamis. Dessécher la purée avec 100 grammes de beurre, assaisonner et ajouter, hors du feu, 1 oeuf entier et 4 jaunes au kilo de purée. Forme facultative, soit bouchon, poire, abricot, etc. – Paner à l'anglaise, et plonger à friture chaude au moment."
Cela étant, on sait que je ne fais que très peu confiance au Guide culinaire, qui est plein d'erreurs, et je préfère utiliser plus ancien, tel Urbain Dubois (L'école des cuisinières) :
870. Pommes de terre à la Dauphine. — Préparez une purée de pommes de terre, déposez-la dans une casserole, assaisonnez avec sel, muscade et une pointe de sucre, incorporez-lui peu à peu, le tiers de son volume de pâte à chou finie, mais non sucrée ; prenez alors l'appareil par parties de la grosseur d'un petit œuf; roulez-les sur la table farinée, en leur donnant la forme méplate ou en bouchon, plongez-les dans la friture chaude; quand elles sont de belle couleur, égouttez-les sur un linge, et dressez.
Cette fois-ci, nous y sommes : de la pomme de terre cuite et écrasée, et la pâte à choux, laquelle s'obtient par cuisson d'eau ou de lait, de farine et de beurre, puis ajout d'oeuf entier.
Sans attendre, j'observe que l'on obtient un système "pâteux", ce que les physico-chimistes nomment une "suspension", avec une phase continue aqueuse, dans laquelle sont dispersés des cellules de pommes de terre, de l'amidon empesé, qui laisse d'ailleurs passer une partie de son amylose en solution, et de la matière grasse (qui est émulsionnée si elle est chaude, parce que, alors, elle est liquide).
Trempé dans de l'oeuf battu, puis frite, cette pâte s'entoure d'une croûte croustillante parce que sèche (selon un des "commandements" donnés dans mon livre Mon histoire de cuisine, éditions Belin).
Evidemment, lors de la friture, la chaleur entre dans les pommes à la dauphine, et l'oeuf coagule, contribuant à la fermeté de l'ensemble. Mais, de surcroît, la chaleur évapore de l'eau, et la vapeur formée peut faire souffler la préparation.
Finalement, on obtient donc la croûte, autour d'une pâte prise, avec des bulles de gaz, des gouttelettes de matière grasse, des cellules de pommes de terre dont l'amidon interne est empesé (l'intérieur de chaque cellule est fait d'un "gel" d'amylopectine, avec l'amylose en solution dans l'eau du gel), et une dispersion de gels d'amylopectine, l'amylose provenant de l'amidon de la farine étant dissous dans la phase aqueuse totale.
Au refroidissement, tout cela va durcir pour de nombreuses raisons, notamment parce que la matière grasse va figer (se solidifier), mais aussi parce qu'il y aura le phénomène de "rétrogradation"... mais cela est une autre histoire.
dimanche 15 septembre 2019
Chaleur tombante ?
Il y a quelque temps, j'avais discuté la recette des financiers, et j'ai reçu plusieurs propositions de cuisson, notamment celle-ci :
Ma recette de financiers est à four tombant pendant 15 mn : 5 mn à 240, puis baisser à 200 pdt 5 mn, puis éteindre le four et laisser 5 mn.
Qu’en pensez-vous ? Un avantage scientifique aux différentes températures ?
J'observe que "chaleur tombante" est un terme qui désigne le plus souvent une pratique de boulangers : on enfourne le pain, puis il cuit quand on a éteint le four et que, en conséquence, la température diminue. L'ennui, c'est que cette façon de cuire est extrêmement imprécise : sauf à disposer d'un four dont on pourrait régler la température pour la ramener de façon connue jusqu'à la température ambiante, on subit l'inertie du four. Un four aux parois épaisses, très inerte thermiquement, se refroidit bien plus lentement qu'un four plus léger.
D'autre part, je sais assez que les fours ne sont pas capables -précisément en raison de leur inertie thermique- de changer de température dès que l'on change la consigne, et, de surcroît, les indications que l'on pourrait donner ne conduisent pas à des pratiques reproductibles par tous.
D'ailleurs, je retrouve ici une question qui se posait naguère à propos des oeufs, quand les recettes stipulaient de les placer dans de l'eau froide que l'on portait ensuite à ébullition pendant un certain temps : selon la quantité d'eau présente dans la casserole, selon l'énergie de chauffage, etc., on obtenait des cuissons très différentes.
Évidemment, je n'ai rien contre les gradients de températures : les variations de température peuvent effectivement avoir leur intérêt dans certains cas, mais c'est l'indication que je récuse car elle me signifie rien sauf pour celui ou celle qui utilise toujours la même four et toujours la même condition de cuisson.
Ma recette de financiers est à four tombant pendant 15 mn : 5 mn à 240, puis baisser à 200 pdt 5 mn, puis éteindre le four et laisser 5 mn.
Qu’en pensez-vous ? Un avantage scientifique aux différentes températures ?
J'observe que "chaleur tombante" est un terme qui désigne le plus souvent une pratique de boulangers : on enfourne le pain, puis il cuit quand on a éteint le four et que, en conséquence, la température diminue. L'ennui, c'est que cette façon de cuire est extrêmement imprécise : sauf à disposer d'un four dont on pourrait régler la température pour la ramener de façon connue jusqu'à la température ambiante, on subit l'inertie du four. Un four aux parois épaisses, très inerte thermiquement, se refroidit bien plus lentement qu'un four plus léger.
D'autre part, je sais assez que les fours ne sont pas capables -précisément en raison de leur inertie thermique- de changer de température dès que l'on change la consigne, et, de surcroît, les indications que l'on pourrait donner ne conduisent pas à des pratiques reproductibles par tous.
D'ailleurs, je retrouve ici une question qui se posait naguère à propos des oeufs, quand les recettes stipulaient de les placer dans de l'eau froide que l'on portait ensuite à ébullition pendant un certain temps : selon la quantité d'eau présente dans la casserole, selon l'énergie de chauffage, etc., on obtenait des cuissons très différentes.
Évidemment, je n'ai rien contre les gradients de températures : les variations de température peuvent effectivement avoir leur intérêt dans certains cas, mais c'est l'indication que je récuse car elle me signifie rien sauf pour celui ou celle qui utilise toujours la même four et toujours la même condition de cuisson.
samedi 14 septembre 2019
Qui êtes-vous, et si vous n'êtes pas cuisinier, quel est votre métier, et pourquoi osez-vous parler de cuisine ?
Un journaliste coréen me demande qui je suis, quel est mon métier, et si je ne suis pas cuisinier, pourquoi j'ose parler de cuisine.
La question est intéressante, parce que c'est une question de légitimité, de territoire en quelque sorte, et l'on sait combien ces questions-là sont essentielles chez les primates, et d'ailleurs également dans les autres espèces animales.
Qui je suis ? Sans faire de pirouette, j'ai immédiatement envie de répondre que nous sommes ce que nous faisons, de sorte qu'il faudrait maintenant que je livre mon agenda des jours écoulés pour que mon interlocuteur puisse comprendre qui je suis vraiment.
Mais il s'attend plutôt à ce que je lui donne mon nom, et mon nom Hervé This. Souvent, j'écris plutôt Hervé This, vo Kientza, tant je suis malheureux d'être en exil à Paris alors que mon cœur est resté dans cette ville merveilleuse d'Alsace qui a pour nom Kientzheim en français, et Kientza en alsacien.
Aussitôt, j'ajoute que je suis physico-chimiste. En effet, c'est cela qui m'anime, c'est cela qui me fait lever le matin sans traîner au lit, tant je émerveillé, depuis l'âge de six ans, par les sciences de la nature, et notamment la chimie. Chimie, physique, physico-chimie... Peu importe, mais il est essentiel, pour moi, que la chimie soit en premier. Et j'insiste un peu : on ne confondra pas la chimie avec ses applications, et l'on restera avec l'idée juste que la chimie est une science de la nature, nature se disant physis, physique en grec.
Oui, je suis émerveillé que des calculs, ce que d'aucuns nommeraient des mathématiques, puissent s'appliquer si bien aux phénomènes que nous observons. Je suis émerveillé que le monde s'interprète si bien en termes moléculaires et atomiques, mais je suis également épaté que ces connaissances scientifiques aient des applications si extraordinaires en terme de médicaments, cosmétiques, aliments...
Mais je ne suis pas animé par un émerveillement naïf et passif. Non, au contraire, j'ai l'ambition de contribuer activement à explorer le monde, de contribuer à apporter ma pierre à la chimie, à la physique-chimie, à la chimie physique...
Le rapport avec la cuisine ? Depuis le 16 mars 1980, j'ai compris que les phénomènes culinaires sont en réalité des transformations physiques et chimiques, de sorte qu'il y a la possibilité de les considérer en vue de produire des résultats scientifiques. Autrement dit, en étudiant scientifiquement la cuisine, on peut tout à la fois comprendre les transformations que l'on observe et agrandir le domaine scientifique, ce second objectif étant en réalité le premier pour moi.
Autrement dit, je passe mes journées à considérer les phénomènes culinaire, de sorte que je les comprends assez bien et que je crois pouvoir dire sans trop de prétention que je connais bien les théories actuelles qui décrivent les phénomènes culinaires.
Est-ce suffisant pour parler de cuisine avec légitimité ? Ici, je propose de revenir à des analyses que j'avais faites et oubliées dans mon livre La cuisine, c'est de l'amour, de l'art, de la technique pour appeler que l'activité culinaire à en réalité trois composantes : une composante sociale, une composante artistique et une composante technique. Ce que j'ai exposé précédemment me permets de dire que très légitimement, je connais bien la composante technique de l'activité culinaire, au point même que, quand je veux sourire un peu, je dis que mes amis cuisinier sont bien moins bon techniquement que moi qui sait produire un mètre cube de blanc de blanc en neige à partir d'un seul blanc d'oeuf. Évidemment, du point de vue artistique, je suis assez mauvais, même si je crois être le premier à avoir produit un traité d'esthétique culinaire, à avoir théorisé le bon en cuisine, c'est-à-dire le beau à manger.
Enfin, pour ce qui est de la composante sociale, je suis bien en retard, du point de vue théorique comme du point de vue pratique.
Voilà, je crois avoir répondu honnêtement à la question posée, mais je reste à la disposition de mes amis pour donner d'autres éclaircissements.
La question est intéressante, parce que c'est une question de légitimité, de territoire en quelque sorte, et l'on sait combien ces questions-là sont essentielles chez les primates, et d'ailleurs également dans les autres espèces animales.
Qui je suis ? Sans faire de pirouette, j'ai immédiatement envie de répondre que nous sommes ce que nous faisons, de sorte qu'il faudrait maintenant que je livre mon agenda des jours écoulés pour que mon interlocuteur puisse comprendre qui je suis vraiment.
Mais il s'attend plutôt à ce que je lui donne mon nom, et mon nom Hervé This. Souvent, j'écris plutôt Hervé This, vo Kientza, tant je suis malheureux d'être en exil à Paris alors que mon cœur est resté dans cette ville merveilleuse d'Alsace qui a pour nom Kientzheim en français, et Kientza en alsacien.
Aussitôt, j'ajoute que je suis physico-chimiste. En effet, c'est cela qui m'anime, c'est cela qui me fait lever le matin sans traîner au lit, tant je émerveillé, depuis l'âge de six ans, par les sciences de la nature, et notamment la chimie. Chimie, physique, physico-chimie... Peu importe, mais il est essentiel, pour moi, que la chimie soit en premier. Et j'insiste un peu : on ne confondra pas la chimie avec ses applications, et l'on restera avec l'idée juste que la chimie est une science de la nature, nature se disant physis, physique en grec.
Oui, je suis émerveillé que des calculs, ce que d'aucuns nommeraient des mathématiques, puissent s'appliquer si bien aux phénomènes que nous observons. Je suis émerveillé que le monde s'interprète si bien en termes moléculaires et atomiques, mais je suis également épaté que ces connaissances scientifiques aient des applications si extraordinaires en terme de médicaments, cosmétiques, aliments...
Mais je ne suis pas animé par un émerveillement naïf et passif. Non, au contraire, j'ai l'ambition de contribuer activement à explorer le monde, de contribuer à apporter ma pierre à la chimie, à la physique-chimie, à la chimie physique...
Le rapport avec la cuisine ? Depuis le 16 mars 1980, j'ai compris que les phénomènes culinaires sont en réalité des transformations physiques et chimiques, de sorte qu'il y a la possibilité de les considérer en vue de produire des résultats scientifiques. Autrement dit, en étudiant scientifiquement la cuisine, on peut tout à la fois comprendre les transformations que l'on observe et agrandir le domaine scientifique, ce second objectif étant en réalité le premier pour moi.
Autrement dit, je passe mes journées à considérer les phénomènes culinaire, de sorte que je les comprends assez bien et que je crois pouvoir dire sans trop de prétention que je connais bien les théories actuelles qui décrivent les phénomènes culinaires.
Est-ce suffisant pour parler de cuisine avec légitimité ? Ici, je propose de revenir à des analyses que j'avais faites et oubliées dans mon livre La cuisine, c'est de l'amour, de l'art, de la technique pour appeler que l'activité culinaire à en réalité trois composantes : une composante sociale, une composante artistique et une composante technique. Ce que j'ai exposé précédemment me permets de dire que très légitimement, je connais bien la composante technique de l'activité culinaire, au point même que, quand je veux sourire un peu, je dis que mes amis cuisinier sont bien moins bon techniquement que moi qui sait produire un mètre cube de blanc de blanc en neige à partir d'un seul blanc d'oeuf. Évidemment, du point de vue artistique, je suis assez mauvais, même si je crois être le premier à avoir produit un traité d'esthétique culinaire, à avoir théorisé le bon en cuisine, c'est-à-dire le beau à manger.
Enfin, pour ce qui est de la composante sociale, je suis bien en retard, du point de vue théorique comme du point de vue pratique.
Voilà, je crois avoir répondu honnêtement à la question posée, mais je reste à la disposition de mes amis pour donner d'autres éclaircissements.
vendredi 13 septembre 2019
Answering a question
The 10th of September 2019, thanks to the FIPDES friends, a new "obvious" idea arose abour answering questions and making exercises.
This idea did not come immediately, but after we spent some time discussing the following exercises of Course #3 :
Exercise 1. Select an "interesting" recipe from your own culture. Tell the group why it is "interesting" (but of course think of what it can be). Guess why this excercise was proposed. And try to know why this would be useful for your carreer in the "food innovation and product design".
For some years, this exercise was the opportunity to discuss what "interesting" means, and this is why the word was between quotes. Indeed there are wheels within wheels with this exercise, and the two last questions give only a superficial hint toward some of them. The fact that this exercise was the first meant that in the past years, we spent a lot of time on it, because it was showing the way for the next exercices.
But this year, because we arrived to the exercise when we had discussed the idea that in science, adjectives and adverbs are forbidden, and have to be replaced by the answer to the question "how much?", it came suddenly to my mind that I did not do what I should: it is useless to try to "define" the word "interesting", as we did, but the only thing to do was to design a quantitative index... or many, because any definition should be associated with one such quantitative information.
And because we are now on the right scientific track, let's remember that science means quantitative + references ! So that the mistake of the past years was double: the quantitative treatment was missing, but as well the references!
And this is why, suddenly, the second exercise improved as well.
This exercise is:
Exercise 2 : please try to write a 1500 characters piece on what is art. Guess why this excercise was proposed. And find out why this would be useful for your carreer in the "food innovation and product design".
Last year, for example, my FIPDES friends wrote pieces about 1500 characters, using what they had found on internet. Of course, going to Wikipedia is not enough, and one can guess that someone like me needs much more. I am not saying that Wikipedia is bad (and I even contribute frequently to improving it), but I say that this is not strict enough in science and technology, with a poor impact in communication. For sure, a treaty of "aesthetics", such as the one by Shitao, is much better. Or the Poetic by Aristoteles. Or some theoretical works by Jorge Luis Borges, or by Umberto Eco. Remember that culture (I mean the right one: the pieces produced by intelligent people) is important for innovation!
And this why this particular piece to be produced should be more than a poor personal feeling being expressed! It has to include references... and if you are smart, why not try to incoroporate quantitative information as well? After all, now that we have these two ideas, quantitative and references, let's apply them always!
Now, a question: how to make it quantitative? Let's look at the next exercise:
Exercise 3: find a Roman recipe on line, and show how it is similar or different from today's recipes. Guess why this excercise was proposed.
And find out why this would be useful for your carreer in the "food innovation and product design".
It is easy to find the references... and if you go online, you will probably find recipes by "Apicius" (guess why I put quotes here?).
Now, is it "original" to find such a recipe? Let's define quantitatively originality as the contrary to what is frequent.
Let's imagine that 1 recipe is not from Apicius. Then the ratio of 1 over N (number of friends in our group) would be small, because N is larger than 1. And if two of us have a recipe outside Apicius, the 2/N ratio would increase... in spite that it is less original being 2 rather than 1 outside a group.
But we are looking for an index that increases with originality, not that decreases! Why not deciding for the N/k ratio instead, where k is the number outside Apicius? Or course, now this ratio would be infinite in the particular case when all recipes are from Apicius: this means that being original would be infinite. And on the other side of the scale, we would have 1.
Do you want instead an intervalle between 1 and 0? It is easy to change a scale, using a function.
For the next exercise, it was easy to find something quantitative... apparently:
Exercise 4 : try to find how many people are undernourished in your country?
Guess why this excercise was proposed.
And find out why this would be useful for your carreer in the "food innovation and product design".
Yes, you will probably easily find the number that you are looking for. But the question here is hidden: the idea is not to make this research, because it does not call for much intelligence, and you remember that I praise intelligence (and work), not making simple and silly things.
Here, again, there are many ideas behind the exercise, but in particular the question of "significant" figures. I know that some say that in their country, the figures are manipulated by the government, etc. But anyway, if you look well, you will find estimations.
Now, for all, the question of significant figures is in front of you:
1. do you know WELL what it is (I mean: so well that you can define it precisely, and apply this knowledge)?
2. could you say how much it is for a balance with 1 g precision? for a balance with 0.000001 g precision (beware, there is a trap here)? for the figures that you found here?
And now you know enough for the next exercise:
Exercise 5: identify an "original" culinary practice from your country.
Guess why this excercise was proposed.
And find out why this would be useful for your carreer in the "food innovation and product design".
And for the next one:
Exercise 6:
(a) find something that you eat daily and is disgusting for others ;
(b) find something that you consider disgusting in the country of a member of the cohort. Guess why this excercise was proposed.
And find out why this would be useful for your carreer in the "food innovation and product design".
And even for the next one.
Exercise 7: select a recipe and extract the parts of it when the goal is to achieve (1) safety ; (2) flavour. Guess why this exercise was proposed.
And find out why this would be useful for your carreer in the "food innovation and product design".
Finally, please remember :
1. quantitative
2. good references !
This idea did not come immediately, but after we spent some time discussing the following exercises of Course #3 :
Exercise 1. Select an "interesting" recipe from your own culture. Tell the group why it is "interesting" (but of course think of what it can be). Guess why this excercise was proposed. And try to know why this would be useful for your carreer in the "food innovation and product design".
For some years, this exercise was the opportunity to discuss what "interesting" means, and this is why the word was between quotes. Indeed there are wheels within wheels with this exercise, and the two last questions give only a superficial hint toward some of them. The fact that this exercise was the first meant that in the past years, we spent a lot of time on it, because it was showing the way for the next exercices.
But this year, because we arrived to the exercise when we had discussed the idea that in science, adjectives and adverbs are forbidden, and have to be replaced by the answer to the question "how much?", it came suddenly to my mind that I did not do what I should: it is useless to try to "define" the word "interesting", as we did, but the only thing to do was to design a quantitative index... or many, because any definition should be associated with one such quantitative information.
And because we are now on the right scientific track, let's remember that science means quantitative + references ! So that the mistake of the past years was double: the quantitative treatment was missing, but as well the references!
And this is why, suddenly, the second exercise improved as well.
This exercise is:
Exercise 2 : please try to write a 1500 characters piece on what is art. Guess why this excercise was proposed. And find out why this would be useful for your carreer in the "food innovation and product design".
Last year, for example, my FIPDES friends wrote pieces about 1500 characters, using what they had found on internet. Of course, going to Wikipedia is not enough, and one can guess that someone like me needs much more. I am not saying that Wikipedia is bad (and I even contribute frequently to improving it), but I say that this is not strict enough in science and technology, with a poor impact in communication. For sure, a treaty of "aesthetics", such as the one by Shitao, is much better. Or the Poetic by Aristoteles. Or some theoretical works by Jorge Luis Borges, or by Umberto Eco. Remember that culture (I mean the right one: the pieces produced by intelligent people) is important for innovation!
And this why this particular piece to be produced should be more than a poor personal feeling being expressed! It has to include references... and if you are smart, why not try to incoroporate quantitative information as well? After all, now that we have these two ideas, quantitative and references, let's apply them always!
Now, a question: how to make it quantitative? Let's look at the next exercise:
Exercise 3: find a Roman recipe on line, and show how it is similar or different from today's recipes. Guess why this excercise was proposed.
And find out why this would be useful for your carreer in the "food innovation and product design".
It is easy to find the references... and if you go online, you will probably find recipes by "Apicius" (guess why I put quotes here?).
Now, is it "original" to find such a recipe? Let's define quantitatively originality as the contrary to what is frequent.
Let's imagine that 1 recipe is not from Apicius. Then the ratio of 1 over N (number of friends in our group) would be small, because N is larger than 1. And if two of us have a recipe outside Apicius, the 2/N ratio would increase... in spite that it is less original being 2 rather than 1 outside a group.
But we are looking for an index that increases with originality, not that decreases! Why not deciding for the N/k ratio instead, where k is the number outside Apicius? Or course, now this ratio would be infinite in the particular case when all recipes are from Apicius: this means that being original would be infinite. And on the other side of the scale, we would have 1.
Do you want instead an intervalle between 1 and 0? It is easy to change a scale, using a function.
For the next exercise, it was easy to find something quantitative... apparently:
Exercise 4 : try to find how many people are undernourished in your country?
Guess why this excercise was proposed.
And find out why this would be useful for your carreer in the "food innovation and product design".
Yes, you will probably easily find the number that you are looking for. But the question here is hidden: the idea is not to make this research, because it does not call for much intelligence, and you remember that I praise intelligence (and work), not making simple and silly things.
Here, again, there are many ideas behind the exercise, but in particular the question of "significant" figures. I know that some say that in their country, the figures are manipulated by the government, etc. But anyway, if you look well, you will find estimations.
Now, for all, the question of significant figures is in front of you:
1. do you know WELL what it is (I mean: so well that you can define it precisely, and apply this knowledge)?
2. could you say how much it is for a balance with 1 g precision? for a balance with 0.000001 g precision (beware, there is a trap here)? for the figures that you found here?
And now you know enough for the next exercise:
Exercise 5: identify an "original" culinary practice from your country.
Guess why this excercise was proposed.
And find out why this would be useful for your carreer in the "food innovation and product design".
And for the next one:
Exercise 6:
(a) find something that you eat daily and is disgusting for others ;
(b) find something that you consider disgusting in the country of a member of the cohort. Guess why this excercise was proposed.
And find out why this would be useful for your carreer in the "food innovation and product design".
And even for the next one.
Exercise 7: select a recipe and extract the parts of it when the goal is to achieve (1) safety ; (2) flavour. Guess why this exercise was proposed.
And find out why this would be useful for your carreer in the "food innovation and product design".
Finally, please remember :
1. quantitative
2. good references !
Qu'est ce que la cuisine ?
Qu'est-ce que la cuisine, me demande-t-on ? La question mérite une réponse en ces temps d'évolution rapide du paysage culinaire, alors notamment que la cuisine note à note bouscule les mentalités.
Jadis, quand l'espère humaine ne l'était pas encore, qu'il n'y avait pas le feu, on mangeait directement les végétaux ou des animaux, sans apprêt, sans cuisine. Puis il y eut des évolutions : certains primates non humains sont ainsi capables de laver des tubercules avant de les consommer : c'est le début d'une transformation des ingrédients en aliments. Puis le feu et la fermentation se sont introduits, avec des effets importants sur la digestibilité des ingrédients, et du temps laisser pour autre chose que seulement se nourrir. Ce fut un moment essentiel, et le feu fit la cuisine. L'aliment se distingua plus nettement de l'ingrédient.
Et, progressivement, la cuisine s'est emparée des fruits, des légumes, des viande, des poissons et de quelques autres ingrédients pour leur appliquer des opérations unitaires, telles que la division, le broyage, la cuisson...
Et c'est ainsi que l'on en est arrivé à ce stade où la cuisine est une activité de préparation des mets à partir des ingrédients culinaires.
Si l'on analyse cette activité, on observe qu'il y a trois composantes : une composante technique, une composante artistique et une composante sociale. La composante sociale, tout d'abord, consiste à établir une relation de confiance avec ceux que l'on nourrit, au point qu'ils acceptent d'absorber les produits que nous avons préparés. La composante artistique consiste à faire bon, c'est-à-dire beau à manger, tout comme le musicien c'est beau à entendre, le peintre fait beau à voir, l'écrivain fait beau à lire... Enfin, la composante technique est la plus élémentaire, elle est à la base de l'artisanat comme de l'art culinaire. Il s'agit simplement de produire les mets, techniquement, physiquement.
La cuisine note à note vient bouleverser tout cela, au point que j'ai rencontré des cuisiniers, notamment professionnels, pour qui la cuisine note à note n'est pas de la "vraie cuisine". Pourtant il s'agit bien de préparer des plats, de donner à manger, de faire du beau, avec une activité technique, une activité artistique, une activité sociale.
Avec la cuisine note à note, il ne s'agit pas de changer les ustensiles, mais de changer les ingrédients : il s'agit d'utiliser les composés constitutifs des ingrédients classiques plutôt que les ingrédients classiques eux-mêmes. Au lieu d'utiliser des carottes ou des viandes, on utilisera des protéines, de la cellulose, de l'eau, des lipides.
Et c'est là que la discussion devient intéressante : nos amis apeurés ont-ils le droit de vouloir confisquer le mot "cuisine" pour le réserver à la transformation des ingrédients culinaires classique en aliment ? Après tout, l'utilisation de farine n'est pas l'utilisation de blé, et l'utilisation du beurre n'est pas celle du lait : on a fractionné, et le cuisinier a utilisé des fractions. Pourquoi ne pas prolonger le fractionnement et l'utilisation de fractions ?
Je pourrais volontiers admettre que c'est moi qui abuse de la terminologie "cuisine", mais la considération de l'histoire de la cuisine montre que, en réalité, la cuisine n'a pas toujours été comme aujourd'hui. Cicéron disait bien qu'un homme qui ne connaît que sa génération est un enfant. Le fait que la cuisine ait évolué fait penser qu'elle évoluera encore.
Considérons donc que la cuisine note à note est de la vraie cuisine, et cherchons ce qu'il y aura après ;-)
jeudi 12 septembre 2019
Un travail de votre laboratoire ? Quel rapport avec la cuisine ?
On me demande souvent un exemple de travail fait dans mon laboratoire, afin de mieux comprendre les relations entre la gastronomie moléculaire et la cuisine.
Je commence par rappeler la définition : la gastronomie moléculaire est la science (physique chimique, biologie...) qui explore les phénomènes qui ont lieu lors des transformations culinaires.
C'est une activité scientifique, et non pas une activité culinaire, puisque la cuisine est définie comme la préparation des aliments à partir des ingrédients alimentaires.
Mais j'arrive maintenant à l'exemple que l'on me demande : un exemple que je crois avoir soigneusement choisi pour montrer les rapports compliqué entre la science et la cuisine.
Cet exemple, c'est l'étude de la torréfaction du café.
On pourra me faire observer que la torréfaction du café ne se fait guère chez les particuliers, qui, aujourd'hui, achètent le plus souvent du café en poudre, moulu dans des sacs tout préparés. C'est oublier que naguère, on achetait des grains de café torréfiés, et pas de la poudre. Il fallait faire soi-même la poudre... mais, peu avant, on ne se limitait pas à moudre : il fallait torréfier, et l'on trouve d'ailleurs encore des systèmes spéciaux, pour ceux qui ne se contentaient pas d'une poêle.
Mais, de toute façon, même si la torréfaction du café n'est plus une activité culinaire, qu'importe, car on va voir que le cas particulier la torréfaction de café n'est pas ce qui nous intéresse. La torréfaction du café n'est, en effet, qu'un exemple de traitement thermique d'un tissu végétal. Quand on cuit une carotte, que fait-on ? Un traitement thermique de tissu végétal. Quand on fait des frites, que fait-on ? Un traitement thermique de tissu végétal. Et ainsi de suite : on a compris que la cuisine, quand elle fait usage de tissus végétaux, fait en réalité des traitements thermique de ces tissus, à des températures différentes, et avec des résultats différents.
Ces différents traitements s'accompagnent de modifications de la structure physique et de la composition chimique des tissus végétaux. Par exemple, l'amidon à l'intérieur des cellules de pomme de terre s'empèse quand on fait une purée ou des frites ; les carottes s'amollissent quand on les cuit à l'anglaise ; des lamelles de divers végétaux cuits au four se mettent à brunir...
Il y a donc là des phénomènes, et le but de la science est d'explorer les mécanismes de ces phénomènes. Ce que l'on pourrait formuler autrement en disant : qu'est-ce qui a lieu quand on fait ces différentes transformations, qui provoque les différents phénomènes ?
Et c'est ainsi que la torréfaction du café m'intéresse peu en elle-même, mais m'intéresse plutôt pour la généralité des phénomènes que nous allons explorer, et des mécanismes que nous espérons découvrir, des théories que nous espérons produire.
Lors de nos études, il y a bien sûr un volet un peu technologique, quand le doctorant en charge des travaux est en contrat avec une société industrielle qui a besoin de résultats pratiques, mais il y a surtout des explorations purement scientifiques, comme on va le voir.
Analysons que le café est fait d'eau, de celluloses, de pectines, de différent autres polysaccharides, de caféine, de trigonelline... Pour explorer la torréfaction, nos études nous conduisent à traiter thermiquement ces divers composés un à un pour voir comment ils réagissent, afin que la connaissance de toutes les réactions individuelles puisse nous permettre de comprendre la transformation totale de l'ensemble nommé café.
Or le chauffage de beaucoup des composés du café se retrouve lors de nombre de cuisson de légumes ou de fruits, et la connaissance que nous aurons en étudiant le café vaudra donc pour l'ensemble des cuissons de légumes.
Et c'est ainsi que nous arrivons souvent sur des idées utiles pour la cuisine, alors que nous ne les cherchions pas spécifiquement. Je prends l'exemple de ces bouillon de carottes dont la couleur changeait, et à propos desquels nous avons découvert que la cuisson se faisait différemment en présence et en l'absence de lumière.
Si l'on veut un bouillon de carottes orange, on le fait en l'absence de lumière, mais si on le veut ambré, alors il faut éclairer. On voit aussitôt une conséquence utile pour les cuisiniers : il n'est pas nécessaire d'ajouter des oignons brunis pour donner une couleur brune au bouillon, ce qui risquerait d'ailleurs de lui donner de l'âcreté.
Bref, je maintiens absolument, très énergiquement, que ce n'est pas en cherchant les applications qu'on les trouve le mieux, mais en ayant une activité scientifique, sans but apparent... sauf la découverte bien sûr ! Les applications viendront de surcroît, pour peu qu'on cherche à utiliser les connaissances scientifiques produites.
Je commence par rappeler la définition : la gastronomie moléculaire est la science (physique chimique, biologie...) qui explore les phénomènes qui ont lieu lors des transformations culinaires.
C'est une activité scientifique, et non pas une activité culinaire, puisque la cuisine est définie comme la préparation des aliments à partir des ingrédients alimentaires.
Mais j'arrive maintenant à l'exemple que l'on me demande : un exemple que je crois avoir soigneusement choisi pour montrer les rapports compliqué entre la science et la cuisine.
Cet exemple, c'est l'étude de la torréfaction du café.
On pourra me faire observer que la torréfaction du café ne se fait guère chez les particuliers, qui, aujourd'hui, achètent le plus souvent du café en poudre, moulu dans des sacs tout préparés. C'est oublier que naguère, on achetait des grains de café torréfiés, et pas de la poudre. Il fallait faire soi-même la poudre... mais, peu avant, on ne se limitait pas à moudre : il fallait torréfier, et l'on trouve d'ailleurs encore des systèmes spéciaux, pour ceux qui ne se contentaient pas d'une poêle.
Mais, de toute façon, même si la torréfaction du café n'est plus une activité culinaire, qu'importe, car on va voir que le cas particulier la torréfaction de café n'est pas ce qui nous intéresse. La torréfaction du café n'est, en effet, qu'un exemple de traitement thermique d'un tissu végétal. Quand on cuit une carotte, que fait-on ? Un traitement thermique de tissu végétal. Quand on fait des frites, que fait-on ? Un traitement thermique de tissu végétal. Et ainsi de suite : on a compris que la cuisine, quand elle fait usage de tissus végétaux, fait en réalité des traitements thermique de ces tissus, à des températures différentes, et avec des résultats différents.
Ces différents traitements s'accompagnent de modifications de la structure physique et de la composition chimique des tissus végétaux. Par exemple, l'amidon à l'intérieur des cellules de pomme de terre s'empèse quand on fait une purée ou des frites ; les carottes s'amollissent quand on les cuit à l'anglaise ; des lamelles de divers végétaux cuits au four se mettent à brunir...
Il y a donc là des phénomènes, et le but de la science est d'explorer les mécanismes de ces phénomènes. Ce que l'on pourrait formuler autrement en disant : qu'est-ce qui a lieu quand on fait ces différentes transformations, qui provoque les différents phénomènes ?
Et c'est ainsi que la torréfaction du café m'intéresse peu en elle-même, mais m'intéresse plutôt pour la généralité des phénomènes que nous allons explorer, et des mécanismes que nous espérons découvrir, des théories que nous espérons produire.
Lors de nos études, il y a bien sûr un volet un peu technologique, quand le doctorant en charge des travaux est en contrat avec une société industrielle qui a besoin de résultats pratiques, mais il y a surtout des explorations purement scientifiques, comme on va le voir.
Analysons que le café est fait d'eau, de celluloses, de pectines, de différent autres polysaccharides, de caféine, de trigonelline... Pour explorer la torréfaction, nos études nous conduisent à traiter thermiquement ces divers composés un à un pour voir comment ils réagissent, afin que la connaissance de toutes les réactions individuelles puisse nous permettre de comprendre la transformation totale de l'ensemble nommé café.
Or le chauffage de beaucoup des composés du café se retrouve lors de nombre de cuisson de légumes ou de fruits, et la connaissance que nous aurons en étudiant le café vaudra donc pour l'ensemble des cuissons de légumes.
Et c'est ainsi que nous arrivons souvent sur des idées utiles pour la cuisine, alors que nous ne les cherchions pas spécifiquement. Je prends l'exemple de ces bouillon de carottes dont la couleur changeait, et à propos desquels nous avons découvert que la cuisson se faisait différemment en présence et en l'absence de lumière.
Si l'on veut un bouillon de carottes orange, on le fait en l'absence de lumière, mais si on le veut ambré, alors il faut éclairer. On voit aussitôt une conséquence utile pour les cuisiniers : il n'est pas nécessaire d'ajouter des oignons brunis pour donner une couleur brune au bouillon, ce qui risquerait d'ailleurs de lui donner de l'âcreté.
Bref, je maintiens absolument, très énergiquement, que ce n'est pas en cherchant les applications qu'on les trouve le mieux, mais en ayant une activité scientifique, sans but apparent... sauf la découverte bien sûr ! Les applications viendront de surcroît, pour peu qu'on cherche à utiliser les connaissances scientifiques produites.
mercredi 11 septembre 2019
Trois fonctions de la cuisine.
Puisque l'on m'interroge sur la "cuisine", il faut que je dise que j'ai analysé, il y a déjà longtemps, que la cuisine avait trois composantes : une composante technique, une composante artistique, et une composante sociale.
La composante sociale, c'est ce qu'on peut appeler l'amour, mais en réalité cela dépasse cette notion d'amour, et je préfère évoquer la confiance que l'on fait au cuisinier ou à la cuisinière quand on introduit dans notre organisme des aliments qu'ils ont préparés.
On sait, dans l'histoire, combien les puissants ont été soucieux de ne pas être empoisonnés, et il y a effectivement ce risque avec l'aliment ; tout ce que nous mangeons doit être parfaitement comestible, et cela à court et à long terme.
À court terme, il s'agit de ne pas être malade juste après avoir mangé, mais à long terme aussi, notre alimentation doit nous garder en bonne santé. Et je prends ici l'exemple de l'aristoloche dont l'agence européenne de sécurité sanitaire des aliments a montré que, si elle était sans danger à court terme, elle causait des cancers quelques années ou décennies plus tard. L'individu, le cuisinier intuitif, est très mal placé pour savoir ce qui est bon et ce qui est mauvais, ce qui devrait nous faire considérer avec prudence les cuisines à base de fleurs ou plus généralement de plantes. Quelle preuve avons-nous de la sécurité sanitaire de ces ingrédients ? Cela, c'est pour le mauvais côté de la chose, mais il y a le bon côté, qui est celui de faire des efforts pour les autres, de chercher à faire beau, mais non pas bon pour soi, bon pour eux ! Là il y a véritablement une fonction sociale très importante.
La composante artistique en découle : il s'agit de faire bon, c'est-à-dire en réalité beau à manger.
De même que le musicien doit moins être bien habillé que faire de la jolie musique, de la belle musique, belle à entendre, de même que l'écrivain doit faire des textes beaux à lire, de même que le peintre doit faire beau à voir, le cuisinier ou la cuisinière doivent faire beau à manger c'est-à-dire bon.
Et c'est pour cette raison que j'avais produit ce traité d'esthétique culinaire intitulé La cuisine, c'est de l'amour, de l'art, de la technique. Par esthétique, il ne s'agissait pas de parler du beau à voir, bien évidemment, mais du bon, car on se souvient que l'esthétique est une branche de la philosophie qui considère précisément le beau.
La composante technique, enfin, c'est l'activité pratique, au piano, de préparation des ingrédients pour en faire des mets. Je reprends un peu cette formulation : l'objectif est effectivement de partir d'ingrédients (souvent des tissus végétaux ou animaux) pour les transformer en aliments, en mets.
En effet, un ingrédient n'est pas un aliment, car un aliment est ce que l'on mange. Or l'ingrédient ne se mange pas : il doit être lavé, paré, détaillé, transformé, assaini, cuit... C"est la cuisine qui transforme les ingrédients en aliments, et cette cuisine effectue des opérations techniques, qui mettent évidemment en œuvre des phénomènes qui sont explorés par les chimistes, par les physiciens ou par les (micro)biologistes.
Mais une question se pose aujourd'hui : j'ai annoncé trois composantes, mais y en aurait-il d'autres ?
mardi 10 septembre 2019
À propos de cuisson
Lors de discussions, notamment à propos de la cuisson des financiers, l'un de mes interlocuteurs a évoqué sa pratique personnelle qui consiste à faire une double cuisson. Pourquoi pas, mais pourquoi ?
En réalité, cela me rappelle un très ancien souvenir, quand, au cours de mes premiers travaux, dans les années 1980, j'avais exploré la cuisson des frites, et l'intérêt éventuel de bains successifs.
J'avais commencé par mesurer la température dans les frites au cours d'un ou de plusieurs bains et j'avais obtenu des courbes correspondant aux échauffements dans ces divers cas, sans voir (hélas) de véritable phénomène nouveau, surprenant : je n'observais que ce que la théorie classique de la chaleur pouvait prédire.
Toutefois la fréquentation des milieux culinaire m'avait fait connaître alors la pratique, réelle ou prétendue, d'un chef réputé, qui cuisait - disait-on- dans 6 bains successifs et qui aurait reconnu la parfaite cuisson des frites à l'oreille. Pourquoi pas, mais en tout cas, la mesure des températures ne me montra alors aucun phénomène particulier. J'ajoute que plus tard, j'ai fini par comprendre que plus on sort les frites de fois de l'huile, plus on les charge d'huile. Si c'est l'objectif que d'emplir les frites, autant y aller à la seringue, cela sera plus facile.
Car en réalité, une frite est un objet assez simple avec un cœur de pommes de terre en purée, si l'on peut dire, à l'intérieur d'une croûte qui donne le croustillant. Evidemment, plus la durée de cuisson est longue, plus le croustillant et épais. Et j'ajoute immédiatement qu'il n'y a pas de cuisson idéale puisque le meilleur, c'est ce que j'aime hic et nunc, ici et maintenant ; ce meilleur n'existe qu'à l'instant, car il changera probablement d'un jour à l'autre, d'une heure à l'autre, et je ne suis pas prêt à entendre que le meilleur d'autrui doive être le mien. J'ai mon meilleur, qui change tout le temps et je me le garde.
Oui, le "bon", le meilleur" sont des questions artistiques, de goût, et non des questions technique. J'ajoute cette remarque, car la confusion a souvent fait bien du mal aux débats culinaires, avec des notions néfastes comme le point de succulence par exemple.
Mais finalement, cette question des cuissons me fait comprendre qu'il y a lieu de bien expliquer la théorie de la chaleur, extrêmement classique, car elle permet de mieux se comporter techniquement en cuisine. Une fois l'objectif choisi, on saura alors décider du barème de température que l'on voudra appliquer, en utilisant la classique théorie de la chaleur, née notamment avec le physicien français Jean-Baptiste Fourier. Cette théorie, valide dans les cas culinaires habituels, permet de comprendre pourquoi des notions comme le choc thermique sont parfois complètement hors sujet et pourquoi les entailles faites dans l'épaisseur de certains produits que l'on cuit ne permet certainement pas de faire entrer à la chaleur plus vite.
Bref, une fois de plus, j'observe qu'il y a lieu de comprendre ce que l'on fait, et, en cuisine, cette compréhension passe part de la chimie, de la physique, de la biologie. Finalement, si vous nous voulons être bon cuisinier, ouvrons les oreilles au collège pendant que les cours nous sont dispensés, sans quoi nous devons nous y recoller plus tard. Et j'ajoute que "s'y recoller" est une expression un peu péjorative, personnellement, je vois plutôt cela comme du bonheur. Le bonheur d'apprendre, le bonheur de comprendre !
En réalité, cela me rappelle un très ancien souvenir, quand, au cours de mes premiers travaux, dans les années 1980, j'avais exploré la cuisson des frites, et l'intérêt éventuel de bains successifs.
J'avais commencé par mesurer la température dans les frites au cours d'un ou de plusieurs bains et j'avais obtenu des courbes correspondant aux échauffements dans ces divers cas, sans voir (hélas) de véritable phénomène nouveau, surprenant : je n'observais que ce que la théorie classique de la chaleur pouvait prédire.
Toutefois la fréquentation des milieux culinaire m'avait fait connaître alors la pratique, réelle ou prétendue, d'un chef réputé, qui cuisait - disait-on- dans 6 bains successifs et qui aurait reconnu la parfaite cuisson des frites à l'oreille. Pourquoi pas, mais en tout cas, la mesure des températures ne me montra alors aucun phénomène particulier. J'ajoute que plus tard, j'ai fini par comprendre que plus on sort les frites de fois de l'huile, plus on les charge d'huile. Si c'est l'objectif que d'emplir les frites, autant y aller à la seringue, cela sera plus facile.
Car en réalité, une frite est un objet assez simple avec un cœur de pommes de terre en purée, si l'on peut dire, à l'intérieur d'une croûte qui donne le croustillant. Evidemment, plus la durée de cuisson est longue, plus le croustillant et épais. Et j'ajoute immédiatement qu'il n'y a pas de cuisson idéale puisque le meilleur, c'est ce que j'aime hic et nunc, ici et maintenant ; ce meilleur n'existe qu'à l'instant, car il changera probablement d'un jour à l'autre, d'une heure à l'autre, et je ne suis pas prêt à entendre que le meilleur d'autrui doive être le mien. J'ai mon meilleur, qui change tout le temps et je me le garde.
Oui, le "bon", le meilleur" sont des questions artistiques, de goût, et non des questions technique. J'ajoute cette remarque, car la confusion a souvent fait bien du mal aux débats culinaires, avec des notions néfastes comme le point de succulence par exemple.
Mais finalement, cette question des cuissons me fait comprendre qu'il y a lieu de bien expliquer la théorie de la chaleur, extrêmement classique, car elle permet de mieux se comporter techniquement en cuisine. Une fois l'objectif choisi, on saura alors décider du barème de température que l'on voudra appliquer, en utilisant la classique théorie de la chaleur, née notamment avec le physicien français Jean-Baptiste Fourier. Cette théorie, valide dans les cas culinaires habituels, permet de comprendre pourquoi des notions comme le choc thermique sont parfois complètement hors sujet et pourquoi les entailles faites dans l'épaisseur de certains produits que l'on cuit ne permet certainement pas de faire entrer à la chaleur plus vite.
Bref, une fois de plus, j'observe qu'il y a lieu de comprendre ce que l'on fait, et, en cuisine, cette compréhension passe part de la chimie, de la physique, de la biologie. Finalement, si vous nous voulons être bon cuisinier, ouvrons les oreilles au collège pendant que les cours nous sont dispensés, sans quoi nous devons nous y recoller plus tard. Et j'ajoute que "s'y recoller" est une expression un peu péjorative, personnellement, je vois plutôt cela comme du bonheur. Le bonheur d'apprendre, le bonheur de comprendre !
lundi 9 septembre 2019
Une question d'envie
Dans une discussion avec un professeur, je m'aperçois que nous ne sommes pas sur la même planète : alors qu'il agite devant moi des questions d'évaluation, je ne pense qu'aux moyens de donner envie d'étudier aux jeunes collègues.
Ne pourrions-nous pas évoquer la beauté des sujets ? En mathématiques, il est vrai qu'il y a quelques démonstrations superbes de subtilité, d'intelligence. En physique, des méthodes comme les variations, ou les calculs ab initio sont vraiment merveilleux, mais la thermodynamique statistique, aussi, est extraordinaire. En chimie ? Il y a des synthèse qui sont d'extraordinaires chemins dans une sorte d'espace de la synthèse organique. En analyse ? La spectroscopie de résonance magnétique est extraordinaire : elle montre les atomes !
Bien sûr, pour d'autres, plus pragmatiques parce que clairement destinés à une carrière d'ingénieur, il y a une question essentielle d'utilité, d'efficacité. Je suis moins bon pour vous en donner des exemples, mais cela court les matières, de même.
Quoi d'autres ? L'actualité est clairement un moteur important, pour une partie de nos collègues. Cela tombe bien, car c'est une partie de notre mission que de montrer des théories modernes. Et là, c'est l'abondance, puisque chaque article récemment publié donne un exemple supplémentaire.
D'autres possibilités ?
dimanche 8 septembre 2019
Un projet professionnel est un projet personnel ; comment se déterminer ?
J'ai l'impression que nous aurions tout intérêt à aider les étudiants à se déterminer quand leur projet professionnel n'est pas fixé. D'ailleurs, je dis "projet professionnel", mais je ferais mieux de dire "projet personnel", car je ne vois pas les possibilités durables de mener une vie professionnelle si elle n'est pas intimement et harmonieusement intégrée à la vie personnelle.
En conséquence, nous aurions intérêt à bien suivre cette question au cours des études : au début, au milieu, plusieurs fois, en fin de parcours. Comment aider nos amis ? Je crois que nous aurions intérêt à rappeler l'exemple de Francis Crick, qui, physicien, s'aperçut un jour qu'il parlait de biologie à ses amis. Il décida donc de changer de discipline... et c'est ainsi qu'il reçu le prix Nobel quelques années plus tard pour la découverte de la structure en double hélice de l'ADN. Chercher de quoi l'on parle avec le plus d'intérêt (à ses amis) : c'est ce qu'il a nommé le test du bavardage.
On aura aussi intérêt à donner des outils pour comparer les différentes activités, et notamment les critères d'intérêt intrinsèque, à savoir combien le métier nous intéresse, d'intérêt extrinsèque, à savoir combien on gagne, et d' intérêt concomitant, qui regroupe des tas d'intérêts, comme celui de la place dans la société, par exemple. Pour chaque activité, chaque personne en particulier peut faire une estimation particulière, ce qui conduit à un bilan, surtout si l'on assortit c'est évaluation d'un tableau où il l'on fait apparaître les avantages et les inconvénients que l'on pressent : c'est un tel tableau que l'on peut alors discuter de façon plus raisonnée.
Tout cela étant dit, et sans que mon exemple ne soit exemplaire, je propose de raconter ici que, quand je me suis retrouvée inscrit en faculté de lettres, j'avais des tas de matière qui ne m'intéressaient pas a priori. C'était là un état d'esprit d'enfant, car les études de ces matières, notamment avec des professeurs aussi merveilleux que Danielle Régnier-Bohler et Claude Gaignebet, m'ont montré que mes a priori étaient complètement idiots. Puis, quand j'ai été embauché par la revue Pour la science, je l'ai été, faute de place, pour le secteur de la médecine, que, pour des raisons familiales, j'avais toujours voulu éviter. Je ne sais pas comment cela s'est fait (si, je le sais, comme on le verra plus tard), mais ce secteur est vite devenu passionnant, au point car qu'un collègue que nous avions embauché peu après a voulu me le reprendre. Il en a été de même pour la rubrique de Critique de livres, que personne ne voulait : je l'ai reprise et transformée, au point que c'est devenu une des rubriques les plus lues du journal.
Ces deux derniers exemples montrent que c'est nous qui éventuellement créons la poussière du monde où, au contraire, qui rendons les choses passionnantes. Dire "j'aime" ou "je n'aime pas" est sans doute une attitude d'enfant, et nos jeunes amis doivent savoir tout cela en tête quand ils discuteront de façon intime ou explicite des possibilités qui s'ouvre à eux.
Et je terminerais en conseillant de rechercher ce qui nous passionnait quand nous étions enfants ou adolescents, car le passé nous rattrape souvent, et nous aurions intérêt à ne pas perdre de temps dans des secteurs qui ne sont pas ceux que nous aimons vraiment. Pour moi, sans que je regrette rien, je dois quand même avouer que mon bonheur est parfait depuis que je suis dans mon laboratoire de recherche scientifique, après ce passage pendant 20 ans dans l'édition scientifique, activité qui me forçait à faire ma recherche scientifique dans mon laboratoire personnel et seulement pendant les vacances.
Aujourd'hui, le poulain est lâché dans le pré... et l'herbe est plus verte dans mon propre pré que dans celui du voisin. C'est ce que je souhaite à tous !
samedi 7 septembre 2019
Pas d'acides gras dans l'huile, mais des triglycérides
Vraiment, je m'étonne : alors que je venais de twitter que l'huile ne contient pas d'acides gras, mais des triglycérides, un collègue m'interroge, parce qu'il ne comprend pas. Certes, ce n'est pas un chimiste... mais qu'importe : je vois surtout qu'il y a lieu d'expliquer (merci de me dire ensuite si j'ai été clair).
Partons donc d'une bouteille d'huile : dans le récipient en verre ou en plastique, on voit un liquide jaune, un peu visqueux, transparent.
Si nous l'observons à l'aide d'une loupe, nous continuons de voir la même chose. Et également avec un microscope classique.
En revanche, si nous regardons avec un microscope bien plus puissant, nous voyons l'huile faite d'objets analogues à des peignes à trois dents souples. Plein, qui grouillent... Ce sont des molécules, et ces molécules sont toutes comme des peignes à trois dents souples, de la catégorie que les chimistes nomment des triglycérides.
Dans les organismes vivants qui en synthétisent, ces composés sont obtenus par assemblage d'un composé nommé glycérol-3-phosphate et d'acide gras. Mais une fois que les atomes sont assemblés en molécules de triglycérides, il n'y a plus de glycérol ni d'acides gras.
Bien sûr, on sait aussi décomposer les triglycérides, afin de former, à partir d'eux, du glycérol et des acides gras, mais on sait aussi décomposer les molécules de triglycérides de mille autres manières. Et une huile décomposée, parce qu'elle a été exposée à la chaleur, ou à la lumière, ou à l'oxygène, est assez malsaine, rance, et la présence d'acides gras en abondance ne serait vraiment pas bon signe !
Donc voilà : pour ceux qui en avaient besoin, pas d'acides gras dans l'huile !
PS. A propos de ce billet, je reçois un remerciement d'un correspondant, qui me dit "Et concernant les oméga 3 (et autres AGPI) ce sont aussi des triglycérides ?".
Ici, la question est l'usage généralisé d'un terme galvaudé par les réclames. "Oméga 3" est une abréviation d'acide gras oméga 3. Et, en vertu de ce que j'ai expliqué plus haut, il n'y a donc pas d'acides gras oméga 3 dans les huiles, puisque les huiles ne sont faites que de triglycérides.
Mais certains triglycérides, surtout dans l'huile d'olive ou dans des graisses de poissons, ont des résidus d'acides gras (j'insiste, comme dit plus haut, sur l'expression résidus d'acides gras) qui sont des résidus d'acides gras oméga 3.
Mais, à ce stade, il faut considérer les résidus d'acides gras plus en détail. On trouvera, dans le Grand livre de notre alimentation, un chapitre bien détaillé sur ce point, mais disons ici, simplement, que les résidus d'acides gras sont des enchaînements d'atomes de carbone, avec des atomes d'hydrogènes attachés à ces atomes de carbone.
A l'exception de l'atome de carbone de l'extrémité libre de la chaîne (l'autre extrémité est liée à un résidu de glycérol, le manche du peigne), chaque atome de carbone est lié à deux atomes d'hydrogène, dans les résidus d'acides gras saturés. En revanche, pour les résidus d'acides gras insaturés, deux atomes de carbone voisins ne sont liés chacun qu'à un seul atome d'hydrogène, tandis que ces deux atomes de carbone sont doublement liés : c'est ce que l'on nomme une "insaturation", car on peut chimiquement ajouter de l'hydrogène, auquel cas le résidu d'acide gras, d'insaturé, devient saturé.
Finalement, on aura raison de dire : il existe des triglycérides dont un ou plusieurs résidus d'acides gras sont insaturés, et, notamment, avec une insaturation de type oméga 3 (je n'explique pas plus en détail, voir le livre cité plus haut)
Organiser des études
Note préliminaire : j'ai résolu de considérer les étudiants comme de jeunes collègues, ou, mieux, comme des collègues, mais pour les besoins de clarté, dans ces billets consacrés aux études, j'utilise l'expression "jeunes collègues" pour désigner les étudiants, et professeurs pour désigner les "professeurs", sans distinction de grade.
Les institutions de formation supérieure doivent être réalistes : elles ne peuvent pas emplir les emplois du temps avec de la présence obligatoire de jeunes collègues et leur demander de travailler par eux-mêmes !
Je rappelle que la courbe de l'autonomie est la suivante :
La solution qui consiste à apprendre lentement, au début, est bonne (on ne peut pas être rapidement autonome). La solution qui consiste à être lâché autonome alors qu'on l'est déjà l'est aussi (ce serait une erreur de nous laisser autonome tout d'un coup. Comme quand on freine, en voiture, toute rupture est mauvaise... de sorte que seule la courbe verte est admissible.
Cela étant dit, quel peut être le temps de cours et le temps d'études ? Il faut d'abord savoir de quel total l'institution de formation dispose. Et on peut faire l'hypothèse d'un maximum de 10 heures par jour, plus 5 à 10 heures pendant le week-end, soit un raisonnable 55 heures au total (inutile de dire que certains peuvent faire bien plus que ce petit minimum... dont on me dit qu'il est excessif, et que le volume maximum serait plutôt 45).
Si l'on est en Master 2, à combien doit-on limiter le volume d'heures professées ?
Utilisons une fonction sigmoïdale :
f := t -> 1/(1 + exp(-1/2*t + 5));
f := proc (t) options operator, arrow; 1/(1+exp(-(1/2)*t+5))
end proc
plot(f(t), t = -10 .. 25);
On calcule :
55*evalf(f(23));
54.91743498
On a bien lu : il faudrait 54,9 heures de travail personnel !
En Master 1, on pourrait calculer :
55*evalf(f(22));
54.86400574
Peu différent !
Vous souhaitez une sigmoïde moins plate à l'arrivée, parce que vous pensez qu'il faut plus de cours à ce moment ? Pourquoi pas :
f := t -> 1/(1 + exp(-1/5*t + 2));
f := proc (t) options operator, arrow; 1/(1+exp(-(1/5)*t+2))
end proc
plot(f(t), t = -10 .. 25);
55*evalf(f(22));
50.42550170
Cette fois, on admet 5 heures d'amphithéâtre avec cours magistral, et le reste doit être passé à étudier.
Ces études peuvent se faire de façon totalement personnelle (cas d'un tutorat, par exemple), ou bien avec des séances de travaux dirigés... ce qui me conduit à observer que j'ai très peu analysé ces derniers. Dans la mesure où j'en organise, c'est une erreur de ma part, qu'il faut corriger : partir d'"attendus", en tirer les conclusions, me déterminer sur des pratiques.
A moins que les collègues n'aient des propositions ?
Les institutions de formation supérieure doivent être réalistes : elles ne peuvent pas emplir les emplois du temps avec de la présence obligatoire de jeunes collègues et leur demander de travailler par eux-mêmes !
Je rappelle que la courbe de l'autonomie est la suivante :
La solution qui consiste à apprendre lentement, au début, est bonne (on ne peut pas être rapidement autonome). La solution qui consiste à être lâché autonome alors qu'on l'est déjà l'est aussi (ce serait une erreur de nous laisser autonome tout d'un coup. Comme quand on freine, en voiture, toute rupture est mauvaise... de sorte que seule la courbe verte est admissible.
Cela étant dit, quel peut être le temps de cours et le temps d'études ? Il faut d'abord savoir de quel total l'institution de formation dispose. Et on peut faire l'hypothèse d'un maximum de 10 heures par jour, plus 5 à 10 heures pendant le week-end, soit un raisonnable 55 heures au total (inutile de dire que certains peuvent faire bien plus que ce petit minimum... dont on me dit qu'il est excessif, et que le volume maximum serait plutôt 45).
Si l'on est en Master 2, à combien doit-on limiter le volume d'heures professées ?
Utilisons une fonction sigmoïdale :
f := t -> 1/(1 + exp(-1/2*t + 5));
f := proc (t) options operator, arrow; 1/(1+exp(-(1/2)*t+5))
end proc
plot(f(t), t = -10 .. 25);
On calcule :
55*evalf(f(23));
54.91743498
On a bien lu : il faudrait 54,9 heures de travail personnel !
En Master 1, on pourrait calculer :
55*evalf(f(22));
54.86400574
Peu différent !
Vous souhaitez une sigmoïde moins plate à l'arrivée, parce que vous pensez qu'il faut plus de cours à ce moment ? Pourquoi pas :
f := t -> 1/(1 + exp(-1/5*t + 2));
f := proc (t) options operator, arrow; 1/(1+exp(-(1/5)*t+2))
end proc
plot(f(t), t = -10 .. 25);
55*evalf(f(22));
50.42550170
Cette fois, on admet 5 heures d'amphithéâtre avec cours magistral, et le reste doit être passé à étudier.
Ces études peuvent se faire de façon totalement personnelle (cas d'un tutorat, par exemple), ou bien avec des séances de travaux dirigés... ce qui me conduit à observer que j'ai très peu analysé ces derniers. Dans la mesure où j'en organise, c'est une erreur de ma part, qu'il faut corriger : partir d'"attendus", en tirer les conclusions, me déterminer sur des pratiques.
A moins que les collègues n'aient des propositions ?
vendredi 6 septembre 2019
Pour cadrer ses études
Note préliminaire : j'ai résolu de considérer les étudiants comme de jeunes collègues, ou, mieux, comme des collègues, mais pour les besoins de clarté, dans ces billets consacrés aux études, j'utilise l'expression "jeunes collègues" pour désigner les étudiants, et professeurs pour désigner les "professeurs", sans distinction de grade.
De jeunes collègues discutent la formation qu'ils reçoivent, et ils ont raison de le faire : il faut prendre son destin en mains.
Cela étant, on aurait intérêt à se fonder sur des bases claires, et, par exemple, de bien savoir que la formation conduit à :
- des connaissances
- des compétences
-des savoir faire
- des savoir vivre
- des savoir être
Sur les diverses matières étudiées, pour ce qui concerne les connaissances, je crois que l'on peut distinguer
- des informations (on sait que cela existe, on peut toujours le retrouver facilement, notamment en ligne)
- des notions et concepts (ce sont des outils intellectuels essentiels, et il faut en avoir la compétence)
- des méthodes (les connaître ne suffit pas, il faut en avoir la compétence)
- des valeurs (cela correspond à des savoir vivre et des savoir être, mais pas seulement)
- des anecdotes (c'est de la chair autour de l'os, cela donne un peu d'air, entre des segments plus arides, et cela met du sourire dans des parcours qui, autrement, pourraient sembler austères ; mais il y a aussi une fonction de contribuer à la mémorisation).
Tout cela étant posé, on peut se lancer !
jeudi 5 septembre 2019
Est-ce bien de tout formaliser ?
Est-ce bien de tout formaliser ? Je ne sais pas pourquoi, je ne sais plus pourquoi je pose cette question ici, mais je crois me souvenir qu'elle est née lors de discussion avec de jeunes collègues, qui s'étonnait que je me livre sans cette à cette activité. Et je vois une parenté avec cette question qui m'avait été posée par Laure Adler dans une émission du France 2, à propos de la connaissance de la cuisine pour ceux qui mangent. À l'époque, j'avais répondu essentiellement que le but n'était pas de manger en animal, mais en humain, c'est-à-dire en culture, avec des connaissances littéraires, philosophiques, historiques, géographiques... et physico-chimiques. Était venu alors la seconde question, qui était de savoir si la connaissance physico-chimique n'allait pas affaiblir le plaisir de manger en démystifiant la cuisine. J'avais répondu immédiatement que si je vais au clair de lune avec mon amoureuse, l'amour ne perds rien au fait que je comprenne pourquoi la lune brille.
Il s'agit là d'une réponse métaphorique que je crois pouvoir appliquer à tout, dans la vie. Dois-je craindre à quelque chose a vouloir me conduire intelligemment ? Bien sûr, de la naïveté et perdue, mais, à la réflexion, naïveté n'est-il pas synonyme d'animalité ? Propose-t-on vraiment de rester ignorant, c'est-à-dire animal ?
Oui, il y a des individus détestables capables d'écrire " "Seuls les instants où nos critiques et nos jugements se taisent sont des instants de connaissance", mais ce sont des démagogues obscurantistes, honteux.
Pour plus de Lumière, au contraire, je propose de l'analyse, de la formalisation, un examen soigneux du monde.
Il s'agit là d'une réponse métaphorique que je crois pouvoir appliquer à tout, dans la vie. Dois-je craindre à quelque chose a vouloir me conduire intelligemment ? Bien sûr, de la naïveté et perdue, mais, à la réflexion, naïveté n'est-il pas synonyme d'animalité ? Propose-t-on vraiment de rester ignorant, c'est-à-dire animal ?
Oui, il y a des individus détestables capables d'écrire " "Seuls les instants où nos critiques et nos jugements se taisent sont des instants de connaissance", mais ce sont des démagogues obscurantistes, honteux.
Pour plus de Lumière, au contraire, je propose de l'analyse, de la formalisation, un examen soigneux du monde.