Je viens de publier, dans un billet terminologique, une citation de Jules Gouffé qui explique qu'il ne devrait pas y avoir de terminologie culinaire spécifique et que les mêmes mots devrait apparaître dans le dictionnaire de cuisine et dans le dictionnaire commun. Derrière cette observation, il y a la question de savoir si la cuisine professionnelle doit différer de la cuisine domestique, ce qui justifierait que quiconque veut ouvrir un restaurant doive avoir au minimum un CAP.
Oui, en quoi un cuisinier professionnel diffère-t-il d'un cuisinier à la maison ?
Il y a d'abord la question commerciale, qui ne se pose pas, dans les foyers. Mais répondre à cette question suppose que la question technique, la question de la production, soit déjà résolue. Les techniques sont simples, même s'il y a encore beaucoup de progrès à faire... parce que les matériels n'ont pas encore assez évolué : on en reste à des casseroles, comme au Moyen-Âge ! Et les siphons ou autres sont d'apparition récente, et quand même pas d'un maniement particulier ; les fours professionnels ne sont guère mieux que les fours domestiques, et les couteaux sont dans les deux types d'endroits.
L'hygiène, avec la fameuse méthode HACCP ? Je ne vois pas pourquoi, dans un restaurant, on ferait diféremment d'à la maison : si l'on suppose que les professionnels ne doivent pas empoisonner leurs clients, on doit évidemment considérer aussi que, à la maison, on doit servir des mets sains !
Ce qui nous conduit à nous interroger : n'est-il pas étonnant que l'Ecole ne forme pas à ces précautions d'hygiène ? Jadis, il y avait des cours de cuisine, où cela était considéré, mais ces activités on été remplacées par du plus moderne : de la technologie... car il est exact qu'à la maison, on a besoin de cuisiner, mais également de changer une ampoule, des plombs, d'enfoncer des vis dans les murs, etc.
Cela dit, au 21e siècle, il y a Internet : il y a en ligne mille vidéos qui expliquent tout cela sans que l'on encombre les programmes avec ces matières ; la question du choix des matières enseignées à l'école est entièrement renouvelé.
D'ailleurs, à la réflexion, il semble avoir judicieux, au début des années 2000, quand nous avons introduit dans les écoles les Ateliers expérimentaux du goût (http://www2.agroparistech.fr/Les-Ateliers-experimentaux-du-gout.html), de raccrocher la cuisine aux arts, notamment afin de leur donner un statut qu'elle n'avait pas suffisamment, mais aussi aux sciences, tant il est vrai que la technique a toujours été une mine de phénomènes qui ont permis le développement des sciences. Il n'est pas anodin que la métallurgie, la conception de bougies, où la cuisine aient été nommés naguère des "arts chimiques".
Mes revenons à la question savoir si les techniques culinaires professionnelles ou non, différent de la technique culinaire domestique.
Pour répondre, finalement, il y a sans doute lieu de considérer que la cuisine à trois composantes : sociale, artistique et technique. La technique est simple, à ce jour, mais la question artistique, trop négligée, s'impose absolument : en ces temps d'égalitarisme naïf (je veux dire "bête"), il faut dire énergiquement, sans démagogie, que n'importe quel peintre de dimanche ne sera jamais Rembrandt, que n'importe quel violoncelliste amateur ne sera pas Paul Tortelier, qu'un sculpteur du dimanche ne sera pas Rodin, qu'un amateur de mots qui ne passe pas dix heures par jour, chaque jour, sur sa page, ne sera jamais Rabelais ou Flaubert. L'art culinaire, comme les autres arts, est le fruit de soins attentifs, d'une longue pratique. Au Conservatoire de musique, par exemple, on distingue bien des "niveaux", en mettant des barres à 4000 heures, par exemple, ou à 8000. Comptons réalistement combien nous en avons fait !
Mais je reviens à notre système national d'études culinaires, et je dois observer qu'il est conçu pour des étudiants bien différents. On doit imaginer qu'il y a, pour les divers groupes, des niveaux différents pour la partie technique, pour la partie artistique, pour la partie sociale. Le CAP correspond à un niveau élémentaire, où il faut donner les connaissances générales en plus des connaissances techniques élémentaires : on ne doit pas former de la chair à canon, de l'ouvrier à patron, mais contribuer à ce que les élèves obtiennent un faisceau de connaissances, de compétences et de savoir-être, qui leur confère une certaine adaptabilité, une certaine intelligence. En réalité, le système national ne réussit pas si mal : toute personne qui s'y forme trouve finalement un travail, le savoir-être communiqué semblant manifestement un atout pour la vie, et les connaissances techniques ou sociales sont une métaphore utile pour d'autres activités. Il y a manifestement une différence avec la simple technique culinaire domestique !
Ce blog contient: - des réflexions scientifiques - des mécanismes, des phénomènes, à partir de la cuisine - des idées sur les "études" (ce qui est fautivement nommé "enseignement" - des idées "politiques" : pour une vie en collectivité plus rationnelle et plus harmonieuse ; des relents des Lumières ! Pour me joindre par email : herve.this@inrae.fr
jeudi 30 août 2018
mercredi 29 août 2018
Des présidents à toutes les pages
Les institutions sont parfois aveugles, notamment quand leurs documents de communication montrent des photographies du président (ou du directeur, du directeur général, que sais-je) à toutes les pages : en visite en France, en visite à l'étranger, à gauche, à droite, devant, derrière, souriant, sérieux, avec quelqu'un, seul... On ne voit que lui, et cela en devient ridicule.
Ces institutions ne se rendent-elles pas compte que la répétition, disons le bégaiement, est bien faible ? Ne voient-elles pas que, voulant faire plaisir à leurs dirigeants, elles se discréditent entièrement ? Le moi est haïssable, dit-on justement, et l'étalage d'égos minables ne pallie pas l'insuffisance... révélée par cette pratique.
Bien sûr, en étant charitable, on pourrait observer que, parfois, le président (respectivement directeur, directeur général, etc.) est effectivement très actif, mais cet homme (ou cette femme !) ne serait-il (ou elle) pas plus habile de mettre en avant le groupe ? Ceux et celles qu'il a promu ne lui seraient-ils pas reconnaissants, ce qui semble plus "durable" ?
Mais je ne suis guère charitable, et je trouve en réalité honteuse, et bête, la pratique que je discute ici. Cela ne m'empêche pas de dormir, mais je propose à mes amis de s'alerter de la chose, quand les institutions nous tiennent à coeur, et de la dénoncer, en vue de mettre mieux en valeur leurs institutions.
Ces institutions ne se rendent-elles pas compte que la répétition, disons le bégaiement, est bien faible ? Ne voient-elles pas que, voulant faire plaisir à leurs dirigeants, elles se discréditent entièrement ? Le moi est haïssable, dit-on justement, et l'étalage d'égos minables ne pallie pas l'insuffisance... révélée par cette pratique.
Bien sûr, en étant charitable, on pourrait observer que, parfois, le président (respectivement directeur, directeur général, etc.) est effectivement très actif, mais cet homme (ou cette femme !) ne serait-il (ou elle) pas plus habile de mettre en avant le groupe ? Ceux et celles qu'il a promu ne lui seraient-ils pas reconnaissants, ce qui semble plus "durable" ?
Mais je ne suis guère charitable, et je trouve en réalité honteuse, et bête, la pratique que je discute ici. Cela ne m'empêche pas de dormir, mais je propose à mes amis de s'alerter de la chose, quand les institutions nous tiennent à coeur, et de la dénoncer, en vue de mettre mieux en valeur leurs institutions.
mardi 28 août 2018
Il faut parler de cuisine !
Hélas, ce que j'ai fait m'intéresse moins que ce que je fais ou ce que je vais faire... et j'en oublie de bien signaler les travaux que je fais avec mon ami Pierre Gagnaire.
Pour mémoire,il s'agit pour moi de donner à Pierre une invention par mois : je fais un texte qui décrit la chose, et Pierre publie cette description sur son site, charge à lui de faire des recettes qui utilisent l'invention.
Et là, il était en retard, mais une salve vient d'arriver : je montre la chose, en vous invitant à y aller voir de plus près.
Vive l'Art culinaire et la Gourmandise éclairée !
Pour mémoire,il s'agit pour moi de donner à Pierre une invention par mois : je fais un texte qui décrit la chose, et Pierre publie cette description sur son site, charge à lui de faire des recettes qui utilisent l'invention.
Et là, il était en retard, mais une salve vient d'arriver : je montre la chose, en vous invitant à y aller voir de plus près.
Vive l'Art culinaire et la Gourmandise éclairée !
L'Académie d'Alsace organise la Conférence nationale des académie
Conférence Nationale des Académies 2018
3 au 5 octobre
Strasbourg • Colmar • Sélestat
Sous l’égide de l’Institut de France, la Conférence nationale des Académies des Sciences, Lettres et Arts regroupe, depuis 1989, trente-deux académies en région présentant des caractéristiques communes de rayonnement local, d’ancienneté, d’objectifs et de règles de fonctionnement.
La Conférence nationale des Académies coordonne les initiatives des académies membres, chacune d’entre elles continuant à agir en pleine autonomie dans le cadre de son statut et de ses spécificités.
Elle édite la revue Akademos qui met en avant les travaux les plus signifi catifs des académies sur un thème choisi (en 2017, il s’agissait de « L’Héritage : patrimoine, mémoire, transmissions »).
A l’occasion de son assemblée générale annuelle, la Conférence organise un colloque, alternativement à Paris et dans la ville siège d’une des académies. Après Toulon en 2016, c’est l’Alsace qui reçoit en octobre 2018 les représentants des académies.
Mercredi 3 octobre
COLMAR
CREF (Chambre de commerce et d’Industrie)
Centre de rencontres, d’échange et de formation la CCI de Colmar et du Centre-Alsace, il accueille congrès et séminaires
11:00 Accueil des participants
Jean-Paul Meyrueis, président de la CNA
Christiane Roederer, vice-président de la CNA, président d’honneur de l’Académie d’Alsace Brigitte Klinkert, présidente du Conseil départemental du Haut-Rhin
12:15 Déjeuner-buffet sur place
À l’invitation de la présidente du Département du Haut-Rhin
14:00 Conférences
Introduites et animées par Bernard Reumaux, président de l’Académie d’Alsace
14:15 Deux mille ans d’histoire de l’Alsace en 45 minutes !
Georges Bischoff
Médiéviste, professeur d’histoire honoraire à l’Université de Strasbourg. Dernier ouvrage publié : Le siècle de Gutenberg
15:00
Diversité, c’est ma devise : les langues en Alsace
Jean-Marie Valentin
Professeur à l’Institut Universitaire de France,
membre de l’Académie allemande de littérature
16:00
Gastronomie, science et art
Table-ronde avec
Hervé This, Physico-chimiste à l’INRA, inventeur de la gastronomie moléculaire
et de la cuisine note-à-note
Jean-Louis Schlienger, Professeur de médecine interne à l’Université de Strasbourg,
auteur de nombreux ouvrages sur l’alimentation
Christine Ferber, Maître pâtissier-confi seur à Niedermorschwihr.
Surnommée « la fée des confi tures », ses créations sont célèbres
dans le monde entier.
18:00
Visite, puis conférence
Le Retable d’Issenheim
Pantxika De Paepe
Conservateur en chef et directrice du Musée Unterlinden
En soirée Dîner sur place « Mets et Vins d’Alsace »
Jeudi 4 octobre
STRASBOURG
CONSEIL DE L’EUROPE
Organisation intergouvernementale instituée en 1949 par le traité de Londres – totalement indépendante de l’Union européenne – elle regroupe 47 Etats membres et définit des normes juridiques dans les domaines de la protection des droits de l’homme et du renforcement de la démocratie en Europe
09:30
Visite de l’hémicycle de l’Assemblée Parlementaire
du Conseil de l’Europe
Accueil et présentation du Conseil de l’Europe
Klaus Schumann
Ancien directeur général des Affaires politiques du Conseil de l’Europe Historienne de l’art. Auteur de À l’ombre des vainqueurs
(« le roman de l’Alsace déchirée »), Grand Prix de l’Académie d’Alsace 2016
Kathrin Merkle
Chef de la Division Culture et Patrimoine culturel
11:00
Itinéraire d’une famille d’Alsace : les Debré
Jean-Louis Debré
Ancien ministre, ancien président de l’Assemblée nationale,
ancien président du Conseil constitutionnel (jusqu’en 2016), écrivain.
Très attaché aux origines alsaciennes de sa famille
Déjeuner sur place
Directrice du Centre européen du résistant déporté
(camp de concentration de Natzwiller-Struthof)
Marcel Spisser
Historien, ancien Inspecteur régional de l’Education Nationale,
président de l’Association des Amis du Mémorial d’Alsace-Moselle
PALAIS UNIVERSITAIRE
Inauguré en 1884 par l’empereur Guillaume I er , au cœur du quartier de la Neustadt créé après l’Annexion de 1871, il fut la vitrine de l’ Université impériale de Strasbourg
14:30
Accueil par Sophie Béjean, rectrice de l’Académie de Strasbourg, et Michel Deneken, président de l’Université de Strasbourg
15:00
Science, recherche, Europe
Table ronde avec deux Prix Nobel strasbourgeois
Jean-Marie Lehn
Professeur émérite à l’Université de Strasbourg, professeur honoraire au Collège de France à Paris, spécialiste de la chimie supramoléculaire, prix Nobel de chimie en 1987
Jules Hoffmann
Professeur à l’Université de Strasbourg, biologiste spécialiste en immunologie, ancien président de l’Académie des sciences, membre de l’Académie française. Prix Nobel de physiologie et médecine en 2011
16:00
Religions et société : l’Alsace terre concordataire
Table ronde avec trois anciens responsables religieux alsaciens
Joseph Doré
Ancien doyen de la faculté de théologie catholique de Paris, ancien archevêque de Strasbourg.
Marc Lienhard
Pasteur, théologien et historien, professeur émérite de l’Université de Strasbourg. Ancien président du directoire de l’Église de la Confession d’Augsbourg d’Alsace et de Lorraine.
René Gutman
Ancien Grand Rabbin de Strasbourg et du Bas-Rhin, représentant permanent de la Conférence des rabbins européens auprès du Conseil de l’Europe
17:30
La cathédrale de Strasbourg : art, histoire, symboles
Benoît Jordan
Conservateur en chef du patrimoine aux Archives municipales de Strasbourg
HÔTEL DE VILLE
Ancienne résidence des comtes de Hanau-Lichtenberg, devenue
hôtel de ville en 1806, elle témoigne de la riche architecture
française du XVIII e siècle
En soirée Dîner sur place
À l’invitation du maire de Strasbourg, Roland Ries, qui assurera l’accueil
Animation musicale par Liselotte Hamm et Jean-Marie Hummel
Vendredi 5 octobre
SCHIRMECK et SÉLESTAT
MÉMORIAL D’ALSACE-MOSELLE, SCHIRMECK
Ouvert en 2005 par les collectivités d’Alsace et de Moselle, il présente l’histoire et la mémoire des confl its franco-allemands de 1870 à 1945. Il aborde aussi les questions de la réconciliation et de la construction européenne
10:00 Accueil par Jean Rottner, président de la Région Grand Est.
Visite du Mémorial
11:00 Le centenaire du retour à la France : l’Alsace, une histoire et une mémoire bousculées
Table ronde avec
Marie-Laure de Cazotte
Historienne de l’art. Auteur de À l’ombre des vainqueurs (« le roman de l’Alsace déchirée »), Grand Prix de l’Académie d’Alsace 2016
Frédérique Neau-Dufour
Directrice du Centre européen du résistant déporté (camp de concentration de Natzwiller-Struthof)
Marcel Spisser
Historien, ancien Inspecteur régional de l’Education Nationale, président de l’Association des Amis du Mémorial d’Alsace-Moselle
Déjeuner-buffet sur place
À l’invitation du président de la Région Grand Est
BIBLIOTHÈQUE HUMANISTE, SÉLESTAT
D’une richesse exceptionnelle, son fonds Beatus Rhenanus est inscrit au registre « Mémoire du Monde Unesco ». Entièrement réaménagée en 2018
Accueil par Marcel Bauer, maire de Sélestat
15:00 Assemblée générale de la CNA (visite de la ville pour les autres participants)
16:30 La mission Patrimoine d’un Département
Frédéric Bierry
Président du Conseil départemental du Bas-Rhin
17:00
Le château du Haut-Koenigsbourg et ses imaginaires
John Howe
Illustrateur à la carrière mondiale, directeur artistique des deux trilogies de fi lms de Peter Jackson Le Seigneur des Anneaux et Le Hobbit, adaptées de l’œuvre de J.R.R. Tolkien
18:00
Visite de la Bibliothèque humaniste
Gabriel Braeuner
Président des Amis de la Bibliothèque Humaniste ; Chancelier de l’Académie d’Alsace
Apéritif de clôture de la CNA
À l’invitation du maire de Sélestat
Contact
ACADÉMIE D’ALSACE
Jean Hurstel
Secrétaire général de la CNA Alsace/2018
06 33 79 93 11
cna.alsace@gmail.com
3 au 5 octobre
Strasbourg • Colmar • Sélestat
Sous l’égide de l’Institut de France, la Conférence nationale des Académies des Sciences, Lettres et Arts regroupe, depuis 1989, trente-deux académies en région présentant des caractéristiques communes de rayonnement local, d’ancienneté, d’objectifs et de règles de fonctionnement.
La Conférence nationale des Académies coordonne les initiatives des académies membres, chacune d’entre elles continuant à agir en pleine autonomie dans le cadre de son statut et de ses spécificités.
Elle édite la revue Akademos qui met en avant les travaux les plus signifi catifs des académies sur un thème choisi (en 2017, il s’agissait de « L’Héritage : patrimoine, mémoire, transmissions »).
A l’occasion de son assemblée générale annuelle, la Conférence organise un colloque, alternativement à Paris et dans la ville siège d’une des académies. Après Toulon en 2016, c’est l’Alsace qui reçoit en octobre 2018 les représentants des académies.
Mercredi 3 octobre
COLMAR
CREF (Chambre de commerce et d’Industrie)
Centre de rencontres, d’échange et de formation la CCI de Colmar et du Centre-Alsace, il accueille congrès et séminaires
11:00 Accueil des participants
Jean-Paul Meyrueis, président de la CNA
Christiane Roederer, vice-président de la CNA, président d’honneur de l’Académie d’Alsace Brigitte Klinkert, présidente du Conseil départemental du Haut-Rhin
12:15 Déjeuner-buffet sur place
À l’invitation de la présidente du Département du Haut-Rhin
14:00 Conférences
Introduites et animées par Bernard Reumaux, président de l’Académie d’Alsace
14:15 Deux mille ans d’histoire de l’Alsace en 45 minutes !
Georges Bischoff
Médiéviste, professeur d’histoire honoraire à l’Université de Strasbourg. Dernier ouvrage publié : Le siècle de Gutenberg
15:00
Diversité, c’est ma devise : les langues en Alsace
Jean-Marie Valentin
Professeur à l’Institut Universitaire de France,
membre de l’Académie allemande de littérature
16:00
Gastronomie, science et art
Table-ronde avec
Hervé This, Physico-chimiste à l’INRA, inventeur de la gastronomie moléculaire
et de la cuisine note-à-note
Jean-Louis Schlienger, Professeur de médecine interne à l’Université de Strasbourg,
auteur de nombreux ouvrages sur l’alimentation
Christine Ferber, Maître pâtissier-confi seur à Niedermorschwihr.
Surnommée « la fée des confi tures », ses créations sont célèbres
dans le monde entier.
18:00
Visite, puis conférence
Le Retable d’Issenheim
Pantxika De Paepe
Conservateur en chef et directrice du Musée Unterlinden
En soirée Dîner sur place « Mets et Vins d’Alsace »
Jeudi 4 octobre
STRASBOURG
CONSEIL DE L’EUROPE
Organisation intergouvernementale instituée en 1949 par le traité de Londres – totalement indépendante de l’Union européenne – elle regroupe 47 Etats membres et définit des normes juridiques dans les domaines de la protection des droits de l’homme et du renforcement de la démocratie en Europe
09:30
Visite de l’hémicycle de l’Assemblée Parlementaire
du Conseil de l’Europe
Accueil et présentation du Conseil de l’Europe
Klaus Schumann
Ancien directeur général des Affaires politiques du Conseil de l’Europe Historienne de l’art. Auteur de À l’ombre des vainqueurs
(« le roman de l’Alsace déchirée »), Grand Prix de l’Académie d’Alsace 2016
Kathrin Merkle
Chef de la Division Culture et Patrimoine culturel
11:00
Itinéraire d’une famille d’Alsace : les Debré
Jean-Louis Debré
Ancien ministre, ancien président de l’Assemblée nationale,
ancien président du Conseil constitutionnel (jusqu’en 2016), écrivain.
Très attaché aux origines alsaciennes de sa famille
Déjeuner sur place
Directrice du Centre européen du résistant déporté
(camp de concentration de Natzwiller-Struthof)
Marcel Spisser
Historien, ancien Inspecteur régional de l’Education Nationale,
président de l’Association des Amis du Mémorial d’Alsace-Moselle
PALAIS UNIVERSITAIRE
Inauguré en 1884 par l’empereur Guillaume I er , au cœur du quartier de la Neustadt créé après l’Annexion de 1871, il fut la vitrine de l’ Université impériale de Strasbourg
14:30
Accueil par Sophie Béjean, rectrice de l’Académie de Strasbourg, et Michel Deneken, président de l’Université de Strasbourg
15:00
Science, recherche, Europe
Table ronde avec deux Prix Nobel strasbourgeois
Jean-Marie Lehn
Professeur émérite à l’Université de Strasbourg, professeur honoraire au Collège de France à Paris, spécialiste de la chimie supramoléculaire, prix Nobel de chimie en 1987
Jules Hoffmann
Professeur à l’Université de Strasbourg, biologiste spécialiste en immunologie, ancien président de l’Académie des sciences, membre de l’Académie française. Prix Nobel de physiologie et médecine en 2011
16:00
Religions et société : l’Alsace terre concordataire
Table ronde avec trois anciens responsables religieux alsaciens
Joseph Doré
Ancien doyen de la faculté de théologie catholique de Paris, ancien archevêque de Strasbourg.
Marc Lienhard
Pasteur, théologien et historien, professeur émérite de l’Université de Strasbourg. Ancien président du directoire de l’Église de la Confession d’Augsbourg d’Alsace et de Lorraine.
René Gutman
Ancien Grand Rabbin de Strasbourg et du Bas-Rhin, représentant permanent de la Conférence des rabbins européens auprès du Conseil de l’Europe
17:30
La cathédrale de Strasbourg : art, histoire, symboles
Benoît Jordan
Conservateur en chef du patrimoine aux Archives municipales de Strasbourg
HÔTEL DE VILLE
Ancienne résidence des comtes de Hanau-Lichtenberg, devenue
hôtel de ville en 1806, elle témoigne de la riche architecture
française du XVIII e siècle
En soirée Dîner sur place
À l’invitation du maire de Strasbourg, Roland Ries, qui assurera l’accueil
Animation musicale par Liselotte Hamm et Jean-Marie Hummel
Vendredi 5 octobre
SCHIRMECK et SÉLESTAT
MÉMORIAL D’ALSACE-MOSELLE, SCHIRMECK
Ouvert en 2005 par les collectivités d’Alsace et de Moselle, il présente l’histoire et la mémoire des confl its franco-allemands de 1870 à 1945. Il aborde aussi les questions de la réconciliation et de la construction européenne
10:00 Accueil par Jean Rottner, président de la Région Grand Est.
Visite du Mémorial
11:00 Le centenaire du retour à la France : l’Alsace, une histoire et une mémoire bousculées
Table ronde avec
Marie-Laure de Cazotte
Historienne de l’art. Auteur de À l’ombre des vainqueurs (« le roman de l’Alsace déchirée »), Grand Prix de l’Académie d’Alsace 2016
Frédérique Neau-Dufour
Directrice du Centre européen du résistant déporté (camp de concentration de Natzwiller-Struthof)
Marcel Spisser
Historien, ancien Inspecteur régional de l’Education Nationale, président de l’Association des Amis du Mémorial d’Alsace-Moselle
Déjeuner-buffet sur place
À l’invitation du président de la Région Grand Est
BIBLIOTHÈQUE HUMANISTE, SÉLESTAT
D’une richesse exceptionnelle, son fonds Beatus Rhenanus est inscrit au registre « Mémoire du Monde Unesco ». Entièrement réaménagée en 2018
Accueil par Marcel Bauer, maire de Sélestat
15:00 Assemblée générale de la CNA (visite de la ville pour les autres participants)
16:30 La mission Patrimoine d’un Département
Frédéric Bierry
Président du Conseil départemental du Bas-Rhin
17:00
Le château du Haut-Koenigsbourg et ses imaginaires
John Howe
Illustrateur à la carrière mondiale, directeur artistique des deux trilogies de fi lms de Peter Jackson Le Seigneur des Anneaux et Le Hobbit, adaptées de l’œuvre de J.R.R. Tolkien
18:00
Visite de la Bibliothèque humaniste
Gabriel Braeuner
Président des Amis de la Bibliothèque Humaniste ; Chancelier de l’Académie d’Alsace
Apéritif de clôture de la CNA
À l’invitation du maire de Sélestat
Contact
ACADÉMIE D’ALSACE
Jean Hurstel
Secrétaire général de la CNA Alsace/2018
06 33 79 93 11
cna.alsace@gmail.com
L'Académie d'agriculture de France ? Une institution essentielle pour notre pays !
Certains, qui ne regardent pas bien loin, ne voient dans les académies que des assemblées de vieux rassis, inactifs, dolents… Ils ont peut-être leurs raisons, mais je me demande si la première n'est pas une certaine paresse, la catégorisation hâtive étant un bon moyen de penser peu, d'éviter de se remettre en question. Cela dit, il y a tous les autres, plus ouverts, qui, me semble-t-il, méritent des explications.
Si l'Académie d'agriculture existe, sous la protection du président de la république, c'est bien que la collectivité nationale l'a missionnée pour un rôle national important, pour une utilisé sociale et politique très particulière. Notamment les académiciens sont des personnalités très sélectionnées pour leur engagement en faveur du public, et qui ont accepté la responsabilité de travailler en vue d'éclairer les débats publics.
On sait que l'on ne peut guère faire confiance à la presse ou au politique, non pas que tel journaliste ou tel homme politique soit critiquable en particulier (il y a sans doute la même proportion de gens bien que dans les autres groupes humains), mais surtout qu'une certaine cacophonie règne, laissant les citoyens bien désemparés.
C'est notamment le cas à propos de l'alimentation, et, ces derniers temps, on a vu un grand nombre de revues reprendre dans la hâte, dans la précipitation, dans la … presse, des informations relatives à un article excessivement médiocre sur la consommation d'alcool et les risques qu'elle ferait courir ; on aurait attendu quelques jours que l'on aurait eu cette analyse statistique bien sentie que l'article ne valait pas tripette, et qu'il y avait lieu de s'interroger sur les raisons pour lesquelles les auteurs l'avaient publié.
En tout cas, pour les consommateurs d'alcool modérés, il n'y a pas lieu de s'inquiéter, comme le laissait penser cette presse hâtive que j'ai dénoncée précédemment. Pour le politique, certains ont des comportements du même type que cette presse dénoncée, à savoir qu'ils utilisent des informations gauchies pour arriver à des fins idéologiques.
L’académie d'agriculture de France est là pour donner une voie raisonnable, raisonnée, argumentée. Elle est là pour rappeler des faits, parce qu'elle est constituée de personnalités qui travaillent à bien connaître ces derniers. Elle est là pour donner des informations fiables aux citoyens, afin que ces derniers ne soient pas les girouettes des démagogues.
Elle est là non pas seulement pour les citoyens individuels, mais aussi pour les groupes, que sont les industries, les agences nationales… L’Académie d'agriculture s'auto-saisit, et, contrairement à ce corps important et utile également qu'est le CGAAER, elle n'est pas là pour répondre à la commande du ministre de l'agriculture. Elle est là pour la prospective, identifiant les questions de société, les questions politiques, les questions techniques qui vont se poser. Par exemple : le froid est-il durable ? L'Académie a organisé une séance publique pour en discuter ; en discuter du fond, sans arrière pensée corporatiste.
Bref, l’Académie d'agriculture a une fonction très essentielle, reconnue depuis longtemps par le roi, quand il s'agissait de la Société royale d'agriculture, puis par l'état depuis la révolution.
Et elle marche activement dans le chemin qui lui est dévolu !
Si l'Académie d'agriculture existe, sous la protection du président de la république, c'est bien que la collectivité nationale l'a missionnée pour un rôle national important, pour une utilisé sociale et politique très particulière. Notamment les académiciens sont des personnalités très sélectionnées pour leur engagement en faveur du public, et qui ont accepté la responsabilité de travailler en vue d'éclairer les débats publics.
On sait que l'on ne peut guère faire confiance à la presse ou au politique, non pas que tel journaliste ou tel homme politique soit critiquable en particulier (il y a sans doute la même proportion de gens bien que dans les autres groupes humains), mais surtout qu'une certaine cacophonie règne, laissant les citoyens bien désemparés.
C'est notamment le cas à propos de l'alimentation, et, ces derniers temps, on a vu un grand nombre de revues reprendre dans la hâte, dans la précipitation, dans la … presse, des informations relatives à un article excessivement médiocre sur la consommation d'alcool et les risques qu'elle ferait courir ; on aurait attendu quelques jours que l'on aurait eu cette analyse statistique bien sentie que l'article ne valait pas tripette, et qu'il y avait lieu de s'interroger sur les raisons pour lesquelles les auteurs l'avaient publié.
En tout cas, pour les consommateurs d'alcool modérés, il n'y a pas lieu de s'inquiéter, comme le laissait penser cette presse hâtive que j'ai dénoncée précédemment. Pour le politique, certains ont des comportements du même type que cette presse dénoncée, à savoir qu'ils utilisent des informations gauchies pour arriver à des fins idéologiques.
L’académie d'agriculture de France est là pour donner une voie raisonnable, raisonnée, argumentée. Elle est là pour rappeler des faits, parce qu'elle est constituée de personnalités qui travaillent à bien connaître ces derniers. Elle est là pour donner des informations fiables aux citoyens, afin que ces derniers ne soient pas les girouettes des démagogues.
Elle est là non pas seulement pour les citoyens individuels, mais aussi pour les groupes, que sont les industries, les agences nationales… L’Académie d'agriculture s'auto-saisit, et, contrairement à ce corps important et utile également qu'est le CGAAER, elle n'est pas là pour répondre à la commande du ministre de l'agriculture. Elle est là pour la prospective, identifiant les questions de société, les questions politiques, les questions techniques qui vont se poser. Par exemple : le froid est-il durable ? L'Académie a organisé une séance publique pour en discuter ; en discuter du fond, sans arrière pensée corporatiste.
Bref, l’Académie d'agriculture a une fonction très essentielle, reconnue depuis longtemps par le roi, quand il s'agissait de la Société royale d'agriculture, puis par l'état depuis la révolution.
Et elle marche activement dans le chemin qui lui est dévolu !
lundi 27 août 2018
A propos de pédagogie inversée… ou pas
Dans un billet précédent, je parlais de pédagogie inversée, que je citais comme un des exemples du fait que l' « enseignement » a changé. Il faudra discuter les termes de cette phrase, mais, auparavant, j'en reviens au fait : à signaler qu'un ami internaute, à l'expression « pédagogie inversée », commente « Pas vous ! », en 'assortissant toutefois cette remarque d'éloges. Il y a lieu de lui répondre ici.
Commençons par cette question terminologique que j'ai vaguement esquissée, en utilisant notamment le mot « enseignement », un terme auquel fait écho le mot « pédagogie ». Ce mot-là ne me convient pas quand il s'agit d'études supérieures, parce que la pédagogie concerne les enfants ; or nos étudiants sont souvent majeurs, et ce ne sont plus des enfants. Enseignement ? Le mot ne me convient pas non plus, car il fait l'hypothèse que l'on peut enseigner, et le mot « instruire » qu'il fait également l’hypothèse que l'on peut transmettre quelque chose à quelqu'un. Je crois cela bien impossible, et je crois surtout à la vertu des « études », avec des « étudiants » qui se procurent leur propre savoir ; pour comprendre quelque chose, pour l'apprendre, il ne peut y avoir autrui, qui vous l'apprend ou vous le fait comprendre, mais un travail, un effort personnel, qui, seul, permet l'apprentissage ou la compréhension. Aristophane disait bien que, dans ces relations particulières, le professeur n'est pas en train d'emplir des cruches. Et la question terminologique est terrible, parce que si le mot « étude » me convient bien, je ne sais pas nommer en français le travail d'accompagnement que font les professeurs. Certes, ils professent, ils « parlent devant ». Professorat ? J'ai peur de mettre cet acte-là avant l'étude, ou, plutôt, non, je n'ai pas peur mais je récuse absolument l'idée qu'il y ait un professeur, un maître, un tuteur… avant l'étudiant. Dans le mot « étude », il y a les études en toute première place, et cela me convient. Et c'est ainsi que j'accepte bien volontiers de parler d'études élémentaires, d'études supérieures…
Mais revenons à la « pédagogie inversée » en oubliant cette histoire d'enfants qui figure dans l’étymologie du mot. Il y a des débats didactiques sans fin à propos des rénovations de l' « enseignement » (on devrait dire « des études »), et je sais parfaitement que la terminologie « pédagogie inversée » correspond à un type particulier d'activités qui est peut-être même breveté, comme l'a été il y a quelques années la « culinologie » : il y en a toujours qui cherchent à faire de l'argent. Mais comme je ne vends rien et que je refuse l'appropriation indue de terminologie, je vais continuer ici de parler de « pédagogie inversée » en prenant une acception un peu large qui n'entre pas dans les détails… pédagogiques. En réalité, je me moque de la pédagogie inversée, et mon discours tient tout entier dans cette idée que je mets au centre des études : l'étudiant, son activité de compréhension, d'apprentissage de savoirs, d'acquisitions de compétences, de travaux en vue d'obtenir de nouveaux « savoir-être ».
Avec ce mot « études », pas besoin d'aller très loin dans la didactique jargonnante : il suffit de penser que les étudiants sont au centre du dispositifs et que nous sommes à leur service pour les aider à obtenir connaissances, compétentes, savoir-être… Je rappelle que, naguère, mes « cours » étaient des exercices d'enthousiasme partagé où l'on discutait la question des informations (sans beaucoup d'intérêt puisqu'elles sont en ligne), des notions et concepts (qui sont des joyaux forgés par nos prédécesseurs les plus admirables), les méthodes, qui sont essentielles, les valeurs (qui sont une des principales raison d'être des professeurs) et, enfin, des anecdotes, qui font la vie plus douce, plus souriante. Rien de tout cela ne servait directement à « enseigner », mais ce professorat (au sens littéral de « parler devant ») avait pour principal objectif de donner à nos amis étudiants le goût, l'envie, l'énergie d'étudier.
On voit que mes amis internautes peuvent être rassurés : je ne verse pas dans les vétilles, mais, au contraire, je reste très proche des noyaux durs de cette activité qui revient entièrement aux étudiants : étudier !
dimanche 26 août 2018
Cessons de parler d'enseignant-chercheur; parlons de professeur-chercheur
Enseignant ? Avant d'analyser la fonction, parlons du mot... qui est abominable ; et, le pire, c'est qu'on ne s'en aperçoit presque plus. Pourtant, prononçons "apprenant" ou "sachant", et l'on comprend bien qu'il faut s'indigner face aux mots "enseignant" ou "enseignant-chercheur". Comment est-on venu à supporter le mot "enseignant" ? Comment a-t-on oublié la juste indignation de cet écrivain français, qui, il y a seulement quelques décennies, dénonçait avec justesse les trois maux de la langue française : le pullulement des adverbes, les excès de passif et l'inflation du participe présent ? Je crains que la Pesante Administration n'ait hélas sévi, écrasant l'élégance en même temps que la pensée.
Car la pensée va de pair avec la langue, comme le disaient justement Condillac ou Lavoisier, qui citait le premier : "Nous ne pensons qu'avec le secours des mots. L'art de raisonner se réduit à une langue bien faite ", disait Condillac ; "Comme ce sont les mots qui conservent les idées, et qui les transmettent, il en résulte qu'on ne peut perfectionner les langues sans perfectionner la science, ni la science sans le langage", ajoutait Lavoisier.
Voilà pour la forme, mais le fond est plus grave. Par définition, un "enseignant" (décidément, le mot m'arrache la plume) enseigne. Enseigne ? Je ne discute pas ici l'étymologie du mot, mais j'observe seulement qu'il s'agit de faire connaître un savoir, de le transmettre. Comme si cela était possible ! Je déteste en réalité cette idée d'un étudiant qui serait une oie que l'on gave, au gré de... l'enseignant, et j'ai assez discuté le fait qu'enseigner est bien impossible, alors que la question est l'étude, pas l'enseignement. Notre siècle, par chance, commence à comprendre cela, avec des tas de dispositifs de style "classe inversée", par exemple.
Et cela est bon, car si l'on jette aux horties cette idée d'enseignement au profit des idées d'études, nous sommes sur la bonne voie. Il restera à nommer différemment les personnes qui aident les étudiants à apprendre : pourquoi pas "tuteurs" ou "professeurs" ? En tout cas, pour trouver le bon mot, nous serons enfin mis devant la tâche de bien analyser cette fonction qui consister nos étudiants à se constituer du savoir, des compétences, des savoir-être... Et cela est bon.
Car la pensée va de pair avec la langue, comme le disaient justement Condillac ou Lavoisier, qui citait le premier : "Nous ne pensons qu'avec le secours des mots. L'art de raisonner se réduit à une langue bien faite ", disait Condillac ; "Comme ce sont les mots qui conservent les idées, et qui les transmettent, il en résulte qu'on ne peut perfectionner les langues sans perfectionner la science, ni la science sans le langage", ajoutait Lavoisier.
Voilà pour la forme, mais le fond est plus grave. Par définition, un "enseignant" (décidément, le mot m'arrache la plume) enseigne. Enseigne ? Je ne discute pas ici l'étymologie du mot, mais j'observe seulement qu'il s'agit de faire connaître un savoir, de le transmettre. Comme si cela était possible ! Je déteste en réalité cette idée d'un étudiant qui serait une oie que l'on gave, au gré de... l'enseignant, et j'ai assez discuté le fait qu'enseigner est bien impossible, alors que la question est l'étude, pas l'enseignement. Notre siècle, par chance, commence à comprendre cela, avec des tas de dispositifs de style "classe inversée", par exemple.
Et cela est bon, car si l'on jette aux horties cette idée d'enseignement au profit des idées d'études, nous sommes sur la bonne voie. Il restera à nommer différemment les personnes qui aident les étudiants à apprendre : pourquoi pas "tuteurs" ou "professeurs" ? En tout cas, pour trouver le bon mot, nous serons enfin mis devant la tâche de bien analyser cette fonction qui consister nos étudiants à se constituer du savoir, des compétences, des savoir-être... Et cela est bon.
samedi 25 août 2018
Quelle direction donner à la recherche d'AgroParisTech ?
Quelle recherche notre bel Institut des sciences et technologies du vivant et de l'environnement peut-il avoir l'ambition d'encourager, de promouvoir, de montrer au monde ? Pour une école d'ingénieur, la preuve est dans le gâteau, comme disent nos amis anglais, à savoir que la recherche scientifique et technologique montre mieux sa pertinence quand elle est le socle de réalisations industrielles : n'est-il pas souhaitable d’orienter les recherches de façon à favoriser ce type de succès industriels ?
Évidemment ce serait une naïveté inconcevable que de prétendre connaître les moyens de promouvoir le développement d'une bonne recherche scientifique et technologique, mais il semble raisonnable de penser que la question du recrutement des personnels de recherche est essentielle : on peut imaginer que les succès passés soient une indication de succès futurs, de sorte que l'on serait tenté de voler au secours du succès, afin d'en profiter. Ce n'est bien sûr pas une attitude suffisante, car on n'oubliera pas que certains individus éclosent de façon inopinée, posant les bases de théories fécondes, de développements fructueux. Qui aurait jamais pensé qu'un obscur ingénieur de l'office des brevets, en Suisse, serait à l'origine de la théorie de la relativité, de l'effet photoélectrique, etc. ? Qui aurait pensé qu'après quatre ans d'isolement, chez lui, sans venir au laboratoire, un mathématicien sans titre de gloire exagéré parviendrait à démontrer la conjecture de Fermat, pour la transformer en théorème de Wiles ? Qui aurait imaginé qu'un mathématicien de plus de soixante ans - Roger Apéry- produirait un résultat d'une importance si grande qu'on donnerait son nom à une constante, alors qu'il est largement dit que l'on ne produit de mathématiques que jeune ?
A défaut d’avoir des certitudes sur les conditions de développement scientifique, on peut au moins s'assurer que les scientifiques auront un environnement propice, stimulant. Cela passe des moyens qu'on leur donne ; cela passe par la réduction de la charge administrative qui pèse sur eux ; cela passe par une animation scientifique aussi énergique et efficace (pas de réunionnite) que possible ; cela passe par de nombreux contacts entre les scientifiques, des échanges d'idées, beaucoup d'encouragement, et certainement pas de coercition.
A ce dernier propos, je ne veux pas dire par là que les scientifiques ne doivent pas être encadrés ou évalués, mais je propose de faire savoir que la dose est déjà considérable... et que tout ce temps d'évaluation est pris sur le temps de recherche. Et l'on se souviendra en souriant de la nouvelle rédigée par le physicien Leo Szilard, où il est raconté avec humour que les scientifiques sont des gens dangereux (puisqu'ils ont fait la bombe atomique) et qu'il faut trouver des moyens de limiter leur activité : avec des évaluations et des appels d’offres, les meilleurs perdent leur temps dans les jurys, et les autres sont occupés à préparer les dossiers.
Plus positivement, je crois à des évaluations bienveillantes, et, surtout, qui considèrent en profondeur les contenus et non les formes. De bons évaluateurs doivent poser des questions de fond pour s'assurer que ces questions ont été considérées lors des décisions stratégiques des équipes de recherche. Il ne s'agit pas de noter, mais d'interroger et de dialoguer, en vue d'une meilleure définition stratégique des recherches, et, par là, de leur meilleure mise en œuvre. Il doit y avoir un dialogue, et ce dialogue doit être profond.
Mais revenons aux types de recherches effectuées par AgroParisTech. Si l’institut, pour sa partie d'enseignement, est bien défini, alors s’impose de montrer aux étudiants les notions les plus modernes de notre temps à propos des sujets qui ont été retenus : il y a donc lieu de favoriser les recherches à ce propos, afin que les enseignants chercheurs soient à l'avant du mouvement. Les champs de recherche ? Dans un billet précédente, j'ai évoqué de la biologie moléculaire, de l'analyse de systèmes complexes, de la chimie et de la physique...
Et je maintiens la différence entre science et technologie, qui ne cherche pas à mettre l'un plus haut que l'autre ou l'autre plus haut que l'un, mais qui permet de bien distinguer les types de travaux recevables. Tout d'abord, il me semble important de bien distinguer les deux activités, tant il est vrai que c'est par une claire distinction que l'on pourra distinguer des stratégies pertinentes. Ce n'est pas faire de la philosophie à la petite semaine que de discuter ces questions, mais c'est au contraire une discussion parfaitement pratique que je propose. Et cela conduit à s'interroger : dans une école d'ingénieur, n'est-il pas recevable de produire des travaux scientifiques qui seront la base de développements technologiques utiles ? Ne doit-on pas, aussi, encourager des travaux technologiques, qui pourront ensuite faire l'objet de la création de start-up, par exemple ?
J'espère vivement que le collègues répondront à ma question : quelles sont les sciences et technologies de base qu'AgroParisTech doit encourager ?
Évidemment ce serait une naïveté inconcevable que de prétendre connaître les moyens de promouvoir le développement d'une bonne recherche scientifique et technologique, mais il semble raisonnable de penser que la question du recrutement des personnels de recherche est essentielle : on peut imaginer que les succès passés soient une indication de succès futurs, de sorte que l'on serait tenté de voler au secours du succès, afin d'en profiter. Ce n'est bien sûr pas une attitude suffisante, car on n'oubliera pas que certains individus éclosent de façon inopinée, posant les bases de théories fécondes, de développements fructueux. Qui aurait jamais pensé qu'un obscur ingénieur de l'office des brevets, en Suisse, serait à l'origine de la théorie de la relativité, de l'effet photoélectrique, etc. ? Qui aurait pensé qu'après quatre ans d'isolement, chez lui, sans venir au laboratoire, un mathématicien sans titre de gloire exagéré parviendrait à démontrer la conjecture de Fermat, pour la transformer en théorème de Wiles ? Qui aurait imaginé qu'un mathématicien de plus de soixante ans - Roger Apéry- produirait un résultat d'une importance si grande qu'on donnerait son nom à une constante, alors qu'il est largement dit que l'on ne produit de mathématiques que jeune ?
A défaut d’avoir des certitudes sur les conditions de développement scientifique, on peut au moins s'assurer que les scientifiques auront un environnement propice, stimulant. Cela passe des moyens qu'on leur donne ; cela passe par la réduction de la charge administrative qui pèse sur eux ; cela passe par une animation scientifique aussi énergique et efficace (pas de réunionnite) que possible ; cela passe par de nombreux contacts entre les scientifiques, des échanges d'idées, beaucoup d'encouragement, et certainement pas de coercition.
A ce dernier propos, je ne veux pas dire par là que les scientifiques ne doivent pas être encadrés ou évalués, mais je propose de faire savoir que la dose est déjà considérable... et que tout ce temps d'évaluation est pris sur le temps de recherche. Et l'on se souviendra en souriant de la nouvelle rédigée par le physicien Leo Szilard, où il est raconté avec humour que les scientifiques sont des gens dangereux (puisqu'ils ont fait la bombe atomique) et qu'il faut trouver des moyens de limiter leur activité : avec des évaluations et des appels d’offres, les meilleurs perdent leur temps dans les jurys, et les autres sont occupés à préparer les dossiers.
Plus positivement, je crois à des évaluations bienveillantes, et, surtout, qui considèrent en profondeur les contenus et non les formes. De bons évaluateurs doivent poser des questions de fond pour s'assurer que ces questions ont été considérées lors des décisions stratégiques des équipes de recherche. Il ne s'agit pas de noter, mais d'interroger et de dialoguer, en vue d'une meilleure définition stratégique des recherches, et, par là, de leur meilleure mise en œuvre. Il doit y avoir un dialogue, et ce dialogue doit être profond.
Mais revenons aux types de recherches effectuées par AgroParisTech. Si l’institut, pour sa partie d'enseignement, est bien défini, alors s’impose de montrer aux étudiants les notions les plus modernes de notre temps à propos des sujets qui ont été retenus : il y a donc lieu de favoriser les recherches à ce propos, afin que les enseignants chercheurs soient à l'avant du mouvement. Les champs de recherche ? Dans un billet précédente, j'ai évoqué de la biologie moléculaire, de l'analyse de systèmes complexes, de la chimie et de la physique...
Et je maintiens la différence entre science et technologie, qui ne cherche pas à mettre l'un plus haut que l'autre ou l'autre plus haut que l'un, mais qui permet de bien distinguer les types de travaux recevables. Tout d'abord, il me semble important de bien distinguer les deux activités, tant il est vrai que c'est par une claire distinction que l'on pourra distinguer des stratégies pertinentes. Ce n'est pas faire de la philosophie à la petite semaine que de discuter ces questions, mais c'est au contraire une discussion parfaitement pratique que je propose. Et cela conduit à s'interroger : dans une école d'ingénieur, n'est-il pas recevable de produire des travaux scientifiques qui seront la base de développements technologiques utiles ? Ne doit-on pas, aussi, encourager des travaux technologiques, qui pourront ensuite faire l'objet de la création de start-up, par exemple ?
J'espère vivement que le collègues répondront à ma question : quelles sont les sciences et technologies de base qu'AgroParisTech doit encourager ?
vendredi 24 août 2018
Quelle ambition pour AgroParisTech ?
Alors que l'AgroParisTech s'agite à propos du déménagement de certaines de ses composantes vers Saclay, du regroupement de certains laboratoires, de demandes ministérielles d'accueillir plus d'étudiants, alors que la rentrée des étudiants approche, il n'est pas interdit de penser que les questions de forme ne valent pas les questions de contenu, et, quand je lève le nez de ma paillasse de chimiste (façon de parler : je suis sans cesse en train de calculer ou de rédiger), je me souviens que les deux question essentielles pour une école d'ingénieur sont les suivantes : (1) quel enseignement dispense-t-on ? (2) quelle recherche scientifique et technologique fait-on ? Comment suis-je à ma place ou pas dans cette école ? Ma présence est-elle légitime ? Bien sûr, cette question ne m'est pas réservée : elle se pose à toute personne qui contribue à faire progresser ce superbe "Institut des sciences et industries du vivant et de l'environnement", qui a résulté de la fusion de plusieurs écoles, avec des objectifs communs et des spécificités.
Pour une école d'ingénieurs telle qu'AgroParisTech, il y a des études (je me refuse, on le sait, à parler d'enseignement) et de la recherche. Et comme nous sommes dans une école d'ingénieur, cette recherche peut légitimement être scientifique ou technologique. Il y a là deux piliers, qui font l'école, et j'ai l'impression que tout le reste est accessoire. Pour mieux faire ma mission, je me propose, jour après jour, de réfléchir publiquement à ces questions, dans l'espoir que mes réflexions susciteront de fructueuses discussions amicales : la construction du savoir, la transmission... Cela ne fait-il pas un enthousiasmant projet ?
Commençons par la question de l'enseignement. AgroParisTech se nomme en réalité « Institut des sciences et industries du vivant et de l'ennvironnement ». Certes, j'aurais préféré « Institut des sciences et technologies du vivant et de l'environnement », mais c'est un détail, et il y a surtout lieu de s'interroger sur les compétences que les ingénieurs (AgroParisTech est une école d'ingénieurs!) doivent avoir dans ces champs du vivant et de l'environnement, ce qui se dit autrement : alimentation, agronomie, environnement.
Ces compétences que nos élèves doivent obtenir, lors de leur passage dans l'école, doivent être modernes, et si, effectivement, des connaissances classiques du vivant méritent d'être connues (faunes, flore, micro-organismes…), par exemple, ce ne sont sans doute pas elles qui conduiront principalement vers l'innovation industrielle, si importante pour notre pays... comme on l'observe à l'envi.
D'autre part, j'ai une fâcheuse tendance à penser que la question de l'alimentation est centrale : s'il y a de l'agriculture, c'est parce que l'on doit produire des ingrédients ; et l'agriculture et l'élevage posent des questions d'environenement. Bien sûr, je n'oublie pas les valorisations non alimentaires de l'agriculture (le bois des forêts, la production de biocarburants, la chimie verte...) ni les questions non alimentaires de l'environnement, mais je vois quand même que, depuis sa création, l'Institut d'agronomie qui est devenu à ce jour AgroParisTech s'est toujours préoccupé d'alimentation, du point de vue de l'enseignement et du point de vue de la recherche.
Plus généralement, je nous vois une mission de former des ingénieurs bien équipés pour gérer les problèmes de leur temps. Les solutions qui peuvent être apportées, soit en termes de science, soit en termes de technologie, sont toujours des solutions qui reposent sur les avancées les plus récentes des sciences. Or je me souviens d'une conclusion que j'avais publiée il y a plusieurs années : pour former des ingénieurs, j'ai proposé que nous les rendions capables de (1) chercher l'information scientifique la plus récente et la plus pertinente, puis (2) de conmprendre à fond ces avancées, (3) avant de les transférer soit dans l'industrie, soit dans la science. Bien sûr nos élèves ingénieurs devront recevoir des notions d'éthique, d'économie, de gestion, d'administration, etc. sans oublier qu'ils devront maîtiriser des langues (anglais, chinois, espagnol…). Mais le fond demeure : il faut des connaissances scientifiques solides, à jour.
Se pose donc une question de méthode : comment rendre nos élèves capables au mieux d'assurer ces trois tâches de recherche de l'information, de sélection de cette information et de transfert scientifique ou technologique ? Et se pose en corollaire une question d'identification des champs scientifiques modernes.
En matière de biologie, il est devenu certain que les avancées sont de nature « moléculaire ». En nutrition, par exemple, la révolution du microbiote est venue du séquencage génétique. En matière de technologies du vivant, les techniques de découpe précise de l'ADN ont fait une révolution, aussi bien dans le domaine animal que dans le domaine végétal. Dans tous les champs, on observe que la biologie, qui donc est devenue moléculaire, s'est rapprochée de la chimie et de la physique. Mais pas de la chimie ou de la physique du 19e siècle, non ! De la chimie et de la physique modernes.
Que sont ces dernières ? En physique, la question de la matière molle a été une vague de fond qui n'est pas éteinte. En chimie, la mécanique quantique et le numérique se sont imposés, au point qu'IBM propose depuis quelques jours un site gratuit où chacun peut tester des réactions chimiques in silico : on est loin de cette méthode chimique du « lasso » que j'ai subie au début de mes études et qui consistait à entourer un atome d'oxygène et deux atomes d'hydrogène dans des molécules voisines, afin de prévoir (en se trompant généralement) la production d'une molécule d'eau et la condensation des molécules privées de ces atomes partis sous la forme d'eau. Non, l'ordinateur a considérablement modifié les choses, dans tous ces champs. Se sont imposées des modélisations, de la dynamique moléculaire, des calculs orbitalaires...
On observera aussi que, dans beaucoup de travaux effectués dans les champs qui concernent notre école, l'analyse chimique est prépondérante, ce qui nous fait retrouver une vision proposée par Charles Adolphe Würtz, un des créateurs d'AgroParisTech : ce dernier avait bien compris que la chimie était la question essentielle de l'agronomie, à son époque où les engrais étaient le nerf de la guerre. Aujourd'hui, alors que l'on cherche à réduire les intrants pour des questions de durabilité et d'environnement, il y a lieu de sélectionner des plantes capables de produire des aliments qui consomment le moins d'eau possible, qui supportent le réchauffement climatique, qui ont besoin de peu d'engrais, qui résistent aux agresseurs sans imposer l'emploi de trop de pesticides… Mais il ne faut pas non plus tomber dans de l'écologisme naïf : il y a également lieu de chercher des méthodes modernes de lutte chimique, par exemple, avec des pesticides aussi sélectifs que possible, sans oublier les méthodes de biocontrôle, par exemple… ce qui impose encore la bonne connaissance des réseaux hormonaux, par exemple.
Bref, il faut des connaissances fondamentales solides, à partir desquelles nos élèves bâtiront leur socle unique… et utile à la collectivité.
Pour une école d'ingénieurs telle qu'AgroParisTech, il y a des études (je me refuse, on le sait, à parler d'enseignement) et de la recherche. Et comme nous sommes dans une école d'ingénieur, cette recherche peut légitimement être scientifique ou technologique. Il y a là deux piliers, qui font l'école, et j'ai l'impression que tout le reste est accessoire. Pour mieux faire ma mission, je me propose, jour après jour, de réfléchir publiquement à ces questions, dans l'espoir que mes réflexions susciteront de fructueuses discussions amicales : la construction du savoir, la transmission... Cela ne fait-il pas un enthousiasmant projet ?
Commençons par la question de l'enseignement. AgroParisTech se nomme en réalité « Institut des sciences et industries du vivant et de l'ennvironnement ». Certes, j'aurais préféré « Institut des sciences et technologies du vivant et de l'environnement », mais c'est un détail, et il y a surtout lieu de s'interroger sur les compétences que les ingénieurs (AgroParisTech est une école d'ingénieurs!) doivent avoir dans ces champs du vivant et de l'environnement, ce qui se dit autrement : alimentation, agronomie, environnement.
Ces compétences que nos élèves doivent obtenir, lors de leur passage dans l'école, doivent être modernes, et si, effectivement, des connaissances classiques du vivant méritent d'être connues (faunes, flore, micro-organismes…), par exemple, ce ne sont sans doute pas elles qui conduiront principalement vers l'innovation industrielle, si importante pour notre pays... comme on l'observe à l'envi.
D'autre part, j'ai une fâcheuse tendance à penser que la question de l'alimentation est centrale : s'il y a de l'agriculture, c'est parce que l'on doit produire des ingrédients ; et l'agriculture et l'élevage posent des questions d'environenement. Bien sûr, je n'oublie pas les valorisations non alimentaires de l'agriculture (le bois des forêts, la production de biocarburants, la chimie verte...) ni les questions non alimentaires de l'environnement, mais je vois quand même que, depuis sa création, l'Institut d'agronomie qui est devenu à ce jour AgroParisTech s'est toujours préoccupé d'alimentation, du point de vue de l'enseignement et du point de vue de la recherche.
Plus généralement, je nous vois une mission de former des ingénieurs bien équipés pour gérer les problèmes de leur temps. Les solutions qui peuvent être apportées, soit en termes de science, soit en termes de technologie, sont toujours des solutions qui reposent sur les avancées les plus récentes des sciences. Or je me souviens d'une conclusion que j'avais publiée il y a plusieurs années : pour former des ingénieurs, j'ai proposé que nous les rendions capables de (1) chercher l'information scientifique la plus récente et la plus pertinente, puis (2) de conmprendre à fond ces avancées, (3) avant de les transférer soit dans l'industrie, soit dans la science. Bien sûr nos élèves ingénieurs devront recevoir des notions d'éthique, d'économie, de gestion, d'administration, etc. sans oublier qu'ils devront maîtiriser des langues (anglais, chinois, espagnol…). Mais le fond demeure : il faut des connaissances scientifiques solides, à jour.
Se pose donc une question de méthode : comment rendre nos élèves capables au mieux d'assurer ces trois tâches de recherche de l'information, de sélection de cette information et de transfert scientifique ou technologique ? Et se pose en corollaire une question d'identification des champs scientifiques modernes.
En matière de biologie, il est devenu certain que les avancées sont de nature « moléculaire ». En nutrition, par exemple, la révolution du microbiote est venue du séquencage génétique. En matière de technologies du vivant, les techniques de découpe précise de l'ADN ont fait une révolution, aussi bien dans le domaine animal que dans le domaine végétal. Dans tous les champs, on observe que la biologie, qui donc est devenue moléculaire, s'est rapprochée de la chimie et de la physique. Mais pas de la chimie ou de la physique du 19e siècle, non ! De la chimie et de la physique modernes.
Que sont ces dernières ? En physique, la question de la matière molle a été une vague de fond qui n'est pas éteinte. En chimie, la mécanique quantique et le numérique se sont imposés, au point qu'IBM propose depuis quelques jours un site gratuit où chacun peut tester des réactions chimiques in silico : on est loin de cette méthode chimique du « lasso » que j'ai subie au début de mes études et qui consistait à entourer un atome d'oxygène et deux atomes d'hydrogène dans des molécules voisines, afin de prévoir (en se trompant généralement) la production d'une molécule d'eau et la condensation des molécules privées de ces atomes partis sous la forme d'eau. Non, l'ordinateur a considérablement modifié les choses, dans tous ces champs. Se sont imposées des modélisations, de la dynamique moléculaire, des calculs orbitalaires...
On observera aussi que, dans beaucoup de travaux effectués dans les champs qui concernent notre école, l'analyse chimique est prépondérante, ce qui nous fait retrouver une vision proposée par Charles Adolphe Würtz, un des créateurs d'AgroParisTech : ce dernier avait bien compris que la chimie était la question essentielle de l'agronomie, à son époque où les engrais étaient le nerf de la guerre. Aujourd'hui, alors que l'on cherche à réduire les intrants pour des questions de durabilité et d'environnement, il y a lieu de sélectionner des plantes capables de produire des aliments qui consomment le moins d'eau possible, qui supportent le réchauffement climatique, qui ont besoin de peu d'engrais, qui résistent aux agresseurs sans imposer l'emploi de trop de pesticides… Mais il ne faut pas non plus tomber dans de l'écologisme naïf : il y a également lieu de chercher des méthodes modernes de lutte chimique, par exemple, avec des pesticides aussi sélectifs que possible, sans oublier les méthodes de biocontrôle, par exemple… ce qui impose encore la bonne connaissance des réseaux hormonaux, par exemple.
Bref, il faut des connaissances fondamentales solides, à partir desquelles nos élèves bâtiront leur socle unique… et utile à la collectivité.
jeudi 23 août 2018
Quelle chance ! Quelle responsabilité !
A la réflexion, il est très enthousiasmant de travailler dans une école comme AgroParisTech et cela pour deux raisons principales. Premièrement il y a une responsabilité essentielle à y faire de la recherche, et, deuxièmement, il y a tous les étudiants, et la possibilité de contribuer à les aider à développer des compétences utiles pour nos collectivités.
J'ai énoncé les deux activités dans l'ordre précédent parce que je suis payé par l'Inra pour être chercheur, et non d'abord professeur-chercheur (on observe que je m'interdis de parler d' "enseignant-chercheur", comme je le dirai dans un billet suivant), ce qui serait le cas si j'étais payé par AgroParisTech. Toutefois je ne mets pas une activité au dessus de l'autre, et c'est seulement l'énonciation qui m'impose un ordre.
Faire une recherche dans ce cadre particulier ? On pourrait observer que ma recherche scientifique n'a pas dévié depuis le temps où je la faisais dans mon laboratoire à la maison, pas plus qu'elle n'avait changé quand mon laboratoire était venu au Collège de France. Je fais ce que je dois, c'est-à-dire de la recherche scientifique de qualité dans ce champ de la gastronomie moléculaire qui est très essentiel pour nos collectivités. Mais il y a une logique certaine à ce que ma recherche soit précisément dans le cadre d'AgroParisTech, et rétrospectivement je remercie ceux qui m'ont conduit ici, puisque c'est sans doute l'endroit où je suis le plus à ma place.
En effet, AgroParisTech étant un institut des sciences et industries du vivant et de l'environnement, l'alimentation est un des trois champs essentiels de l'école (comme pour l'Académie d'agriculture de France), de sorte que je ne pense pas avoir à gauchir ma recherche pour mieux l'inscrire dans le cadre général des recherches de l'école, et, au contraire, je crois tout à fait bon qu'AgroParisTech affiche des travaux de gastronomie moléculaire.
Bien sûr, je ne suis pas en train de dire que la recherche à AgroParisTech doive se résumer à la gastronomie moléculaire, car nous devons former aussi des ingénieurs pour l'industrie alimentaire, ce qui passe notamment par une connaissance des procédés industriels, de la nutrition, etc. Toutefois je maintiens que la science est un socle indispensable au développement de la technologie, et la gastronomie moléculaire, à ce titre, trouve absolument sa place, comme elle trouve sa place dans le master européen «Food innovation and product design » (FIPDES), où nos étudiants ont des cours de théorie de la chaleur, de génie génétique, de sciences de la consommation, d'emballage, de statistiques et de mathématiques…
Tout cela concerne l'alimentation, alors qu'AgroParisTech a un intérêt plus large, avec de l'agronomie, des préoccupations d'environnement… Je fais confiance à mes collègues de ces champs-là pour bien identifier les recherches particulières qui permettent d'élaborer des enseignements modernes, lesquels feront un socle pour les développements scientifiques et technologiques de nos étudiants.
Car je rappelle quand même ma métaphore de la montagne du savoir. Quand la science moderne a été créée, disons pour simplifier par Galilée à la fin du 16e siècle, le savoir scientifique s'est enrichi d'une couche : l'inertie, la mécanique… Puis Newton a contribué à déposer une couche supplémentaire, avec la gravitation universelle, et la mécanique s'est développée davantage, tandis que la chimie commençait à se constituer, avec la chimie pneumatique, la découverte d'éléments tels que le phosphore... Puis, au siècle suivant, des couches supplémentaires se sont ajoutées, et ainsi de suite jusqu'à aujourd'hui.
Pour faire progresser les sciences, d'une part, nos étudiants doivent connaître les idées et concepts anciens quand ils sont justes, pour en trouver des prolongements. Ils ont donc à gravir cette montagne pour atteindre le sommet, afin, de là, de faire croître la montagne. Et les professeurs ont le devoir de les aider à ne pas perdre de temps avec toutes les idées erronées du passé. Mais le fait reste : c'est à partir des idées actuelles, les plus modernes, que nos étudiants pourront trouver ds prolongements, ce qui impose que les études que nous leurs proposons fassent état des théories les plus actuelles.
D'autre part, en matière de technologie, j'ai l'impression qu'il n'est pas faux de proposer que l'innovation se fonde sur les résultats les plus modernes des sciences, car les innovateurs du passé ont déjà largement utilisé les idées plus anciennes. De sorte que, là encore, nos étudiants doivent recevoir le savoir le plus moderne. Et cela justifie que les professeurs-chercheurs fassent de la recherche, afin de bien connaître, en profondeur, ce savoir moderne, en vue d'en faciliter la transmission. On observe que je n'ai pas écrit « en vue de l'enseigner », et je renvoie vers des billets précédents pour expliquer pourquoi je partage les avis d'Albert Einstein et de Feynman, qui n'étaient pas les premiers imbéciles venus.
Du premier, je retiens notamment : "Je n’enseigne rien à mes élèves, j’essaie seulement de créer des conditions dans lesquelles ils peuvent apprendre ".
Et du second : " The question, of course, is how well this experiment has succeeded. My own point of view which however does not seem to be shared by most of the people who worked with the students- is pessimistic. I don't think I did very well by the students. When I look at the way the majority of the students handled the problems on the examinations, I think that the system is a failure. Of course, my friends point out to me that there were one or two dozens of students who -very surprisingly- understood almost everything in all of the lectures, and who were very active in working with the material and worrying about the many points in an excited and interested way. These people have now, I believe, a first-rate background in physics and they are, after all, the ones that I was trying to get at. But then, "The power of instruction is seldom of much efficacy except in those happy dispositions where it is almost superfluous." (Gibbons).".
Je reviens donc maintenant sur la question de la responsabilité que j'ai évoquée initialement : on voit que cette responsabilité s'accompagne du devoir très clair de produire et d'aider à transmettre les connaissances scientifiques les plus modernes, les plus avancées.
Il y a d'autres responsabilités aussi, et la première est que nous devons être des inspirateurs, et non des étouffoirs. L'enthousiasme étant exemplaire, nous avons l'obligation de faire nos travaux de recherche et d'organiser les études dans le plus grand des enthousiasmes. On aurait pu ajouter : « que nous soyons nous-mêmes enthousiastes ou pas », mais cela n'est pas nécessaire, car comment ne pas s'enthousiasmer des résultats scientifiques modernes ? Comment ne pas être enthousiaste à l'idée que les étudiants puissent découvrir des idées superbes ? Des idées scientifiques modernes : j'en prends une, à savoir la découverte du graphène, cette couche monoatomique d'atomes de carbone organisés en nid d'abeille et que l'on produit en tirant sur un morceau de scotch qui a été initialement posé sur du graphite. Rien que le procédé est extraordinaire, mais, de surcroît, on obtient ainsi un matériau supraconducteur, c'est-à-dire où le courant électrique circule sans atténuation ! Quant aux études, j'aime l’exemple du calcul tout simple d'une expression comme x1 y2 - x2 y1, dont un peu de culture scientifique permet de voir qu'il s'agit du déterminant d'une matrice, donc d'une caractérisation d'une transformation géométrique, par exemple : les études qui permettent ainsi de voir derrière la banalité d'une expression mathématique sont quelque chose de merveilleux, d'enthousiasmant !
Quel belle école nous avons !
J'ai énoncé les deux activités dans l'ordre précédent parce que je suis payé par l'Inra pour être chercheur, et non d'abord professeur-chercheur (on observe que je m'interdis de parler d' "enseignant-chercheur", comme je le dirai dans un billet suivant), ce qui serait le cas si j'étais payé par AgroParisTech. Toutefois je ne mets pas une activité au dessus de l'autre, et c'est seulement l'énonciation qui m'impose un ordre.
Faire une recherche dans ce cadre particulier ? On pourrait observer que ma recherche scientifique n'a pas dévié depuis le temps où je la faisais dans mon laboratoire à la maison, pas plus qu'elle n'avait changé quand mon laboratoire était venu au Collège de France. Je fais ce que je dois, c'est-à-dire de la recherche scientifique de qualité dans ce champ de la gastronomie moléculaire qui est très essentiel pour nos collectivités. Mais il y a une logique certaine à ce que ma recherche soit précisément dans le cadre d'AgroParisTech, et rétrospectivement je remercie ceux qui m'ont conduit ici, puisque c'est sans doute l'endroit où je suis le plus à ma place.
En effet, AgroParisTech étant un institut des sciences et industries du vivant et de l'environnement, l'alimentation est un des trois champs essentiels de l'école (comme pour l'Académie d'agriculture de France), de sorte que je ne pense pas avoir à gauchir ma recherche pour mieux l'inscrire dans le cadre général des recherches de l'école, et, au contraire, je crois tout à fait bon qu'AgroParisTech affiche des travaux de gastronomie moléculaire.
Bien sûr, je ne suis pas en train de dire que la recherche à AgroParisTech doive se résumer à la gastronomie moléculaire, car nous devons former aussi des ingénieurs pour l'industrie alimentaire, ce qui passe notamment par une connaissance des procédés industriels, de la nutrition, etc. Toutefois je maintiens que la science est un socle indispensable au développement de la technologie, et la gastronomie moléculaire, à ce titre, trouve absolument sa place, comme elle trouve sa place dans le master européen «Food innovation and product design » (FIPDES), où nos étudiants ont des cours de théorie de la chaleur, de génie génétique, de sciences de la consommation, d'emballage, de statistiques et de mathématiques…
Tout cela concerne l'alimentation, alors qu'AgroParisTech a un intérêt plus large, avec de l'agronomie, des préoccupations d'environnement… Je fais confiance à mes collègues de ces champs-là pour bien identifier les recherches particulières qui permettent d'élaborer des enseignements modernes, lesquels feront un socle pour les développements scientifiques et technologiques de nos étudiants.
Car je rappelle quand même ma métaphore de la montagne du savoir. Quand la science moderne a été créée, disons pour simplifier par Galilée à la fin du 16e siècle, le savoir scientifique s'est enrichi d'une couche : l'inertie, la mécanique… Puis Newton a contribué à déposer une couche supplémentaire, avec la gravitation universelle, et la mécanique s'est développée davantage, tandis que la chimie commençait à se constituer, avec la chimie pneumatique, la découverte d'éléments tels que le phosphore... Puis, au siècle suivant, des couches supplémentaires se sont ajoutées, et ainsi de suite jusqu'à aujourd'hui.
Pour faire progresser les sciences, d'une part, nos étudiants doivent connaître les idées et concepts anciens quand ils sont justes, pour en trouver des prolongements. Ils ont donc à gravir cette montagne pour atteindre le sommet, afin, de là, de faire croître la montagne. Et les professeurs ont le devoir de les aider à ne pas perdre de temps avec toutes les idées erronées du passé. Mais le fait reste : c'est à partir des idées actuelles, les plus modernes, que nos étudiants pourront trouver ds prolongements, ce qui impose que les études que nous leurs proposons fassent état des théories les plus actuelles.
D'autre part, en matière de technologie, j'ai l'impression qu'il n'est pas faux de proposer que l'innovation se fonde sur les résultats les plus modernes des sciences, car les innovateurs du passé ont déjà largement utilisé les idées plus anciennes. De sorte que, là encore, nos étudiants doivent recevoir le savoir le plus moderne. Et cela justifie que les professeurs-chercheurs fassent de la recherche, afin de bien connaître, en profondeur, ce savoir moderne, en vue d'en faciliter la transmission. On observe que je n'ai pas écrit « en vue de l'enseigner », et je renvoie vers des billets précédents pour expliquer pourquoi je partage les avis d'Albert Einstein et de Feynman, qui n'étaient pas les premiers imbéciles venus.
Du premier, je retiens notamment : "Je n’enseigne rien à mes élèves, j’essaie seulement de créer des conditions dans lesquelles ils peuvent apprendre ".
Et du second : " The question, of course, is how well this experiment has succeeded. My own point of view which however does not seem to be shared by most of the people who worked with the students- is pessimistic. I don't think I did very well by the students. When I look at the way the majority of the students handled the problems on the examinations, I think that the system is a failure. Of course, my friends point out to me that there were one or two dozens of students who -very surprisingly- understood almost everything in all of the lectures, and who were very active in working with the material and worrying about the many points in an excited and interested way. These people have now, I believe, a first-rate background in physics and they are, after all, the ones that I was trying to get at. But then, "The power of instruction is seldom of much efficacy except in those happy dispositions where it is almost superfluous." (Gibbons).".
Je reviens donc maintenant sur la question de la responsabilité que j'ai évoquée initialement : on voit que cette responsabilité s'accompagne du devoir très clair de produire et d'aider à transmettre les connaissances scientifiques les plus modernes, les plus avancées.
Il y a d'autres responsabilités aussi, et la première est que nous devons être des inspirateurs, et non des étouffoirs. L'enthousiasme étant exemplaire, nous avons l'obligation de faire nos travaux de recherche et d'organiser les études dans le plus grand des enthousiasmes. On aurait pu ajouter : « que nous soyons nous-mêmes enthousiastes ou pas », mais cela n'est pas nécessaire, car comment ne pas s'enthousiasmer des résultats scientifiques modernes ? Comment ne pas être enthousiaste à l'idée que les étudiants puissent découvrir des idées superbes ? Des idées scientifiques modernes : j'en prends une, à savoir la découverte du graphène, cette couche monoatomique d'atomes de carbone organisés en nid d'abeille et que l'on produit en tirant sur un morceau de scotch qui a été initialement posé sur du graphite. Rien que le procédé est extraordinaire, mais, de surcroît, on obtient ainsi un matériau supraconducteur, c'est-à-dire où le courant électrique circule sans atténuation ! Quant aux études, j'aime l’exemple du calcul tout simple d'une expression comme x1 y2 - x2 y1, dont un peu de culture scientifique permet de voir qu'il s'agit du déterminant d'une matrice, donc d'une caractérisation d'une transformation géométrique, par exemple : les études qui permettent ainsi de voir derrière la banalité d'une expression mathématique sont quelque chose de merveilleux, d'enthousiasmant !
Quel belle école nous avons !
mercredi 22 août 2018
Les scientifiques publieraient trop ? (suite)
J'avais prévu une suite à mon billet précédent, à propos de la publication possiblement (selon des interlocuteurs) excessive des scientifiques... et je reçois un amical commentaire qui me conduit à modifier le texte que j'avais prévu.
Voici donc ce que m'envoie un ami internaute :
"De ce que je lis souvent, il est quand même considéré comme problématique la pression à la publication, le "publish or perish". Cela aboutirait à des publications de qualité médiocre, aboutissant à plus de "bruits" qu'autre chose, voir à des publications plus médiatiques que scientifiques (Séralini and co). De plus, c'est souvent une pression à la publication de résultats positifs, les négatifs (qui sont utiles pour connaître une voie qui mène à un échec) passant souvent à la trappe. Qu'en pensez-vous ?"
Oui, mille fois oui ! Il n'était pas dans mon idée d'avoir la naïveté de certains "mesureurs d'activités scientifique" à qui l'on doit des publications excessives et médiocres. Oui, il me semble inapproprié (terme politiquement correct) d'imposer aux doctorants un certain nombre de publications pour la fin de leur thèse, ou aux scientifiques un certain nombre de publications par année. D'ailleurs, l'Académie des sciences a très justement pointé cette question, et l'on ne cesse, ces temps-ci, de voir débouler des articles qui font état des dégâts du "facteur d'impact", que certains tordent à leur avantage en publiant trop et mal. D'ailleurs, j'avais moi-même fait plusieurs billets à propos de ces questions, et notamment https://hervethis.blogspot.com/2018/07/a-propos-de-revues-predatrices.html.
Mais quand même, avec intelligence, nous devons publier nos résultats... en nous interrogeant de surcroît sur les nouvelles formes de publication permises par l'internet.
Ainsi, dans le temps, on a alterné entre de gros articles, ou au contraire de petits textes bien ciblés. Il va de soi que l'on ne fait pas un gros et bon article par an, parce que cela signifierait que l'on a produit un gros travail théorique dans l'année : les meilleurs (Einstein, Faraday, etc.) sont des hommes ou des femmes de deux ou trois idées dans une vie, et cela est déjà bien, si les résultats sont importants. Mais inversement, on ne peut plus supporter une dispersion de trop nombreux petits articles par trop de chercheurs. La vraie question est donc de réinventer la publication scientifique... Et, quand même, on n'enlèvera pas le bon principe qu'une idée dans un tiroir n'est pas une idée : nous devons publier les résultats de nos travaux !
Voici donc ce que m'envoie un ami internaute :
"De ce que je lis souvent, il est quand même considéré comme problématique la pression à la publication, le "publish or perish". Cela aboutirait à des publications de qualité médiocre, aboutissant à plus de "bruits" qu'autre chose, voir à des publications plus médiatiques que scientifiques (Séralini and co). De plus, c'est souvent une pression à la publication de résultats positifs, les négatifs (qui sont utiles pour connaître une voie qui mène à un échec) passant souvent à la trappe. Qu'en pensez-vous ?"
Oui, mille fois oui ! Il n'était pas dans mon idée d'avoir la naïveté de certains "mesureurs d'activités scientifique" à qui l'on doit des publications excessives et médiocres. Oui, il me semble inapproprié (terme politiquement correct) d'imposer aux doctorants un certain nombre de publications pour la fin de leur thèse, ou aux scientifiques un certain nombre de publications par année. D'ailleurs, l'Académie des sciences a très justement pointé cette question, et l'on ne cesse, ces temps-ci, de voir débouler des articles qui font état des dégâts du "facteur d'impact", que certains tordent à leur avantage en publiant trop et mal. D'ailleurs, j'avais moi-même fait plusieurs billets à propos de ces questions, et notamment https://hervethis.blogspot.com/2018/07/a-propos-de-revues-predatrices.html.
Mais quand même, avec intelligence, nous devons publier nos résultats... en nous interrogeant de surcroît sur les nouvelles formes de publication permises par l'internet.
Ainsi, dans le temps, on a alterné entre de gros articles, ou au contraire de petits textes bien ciblés. Il va de soi que l'on ne fait pas un gros et bon article par an, parce que cela signifierait que l'on a produit un gros travail théorique dans l'année : les meilleurs (Einstein, Faraday, etc.) sont des hommes ou des femmes de deux ou trois idées dans une vie, et cela est déjà bien, si les résultats sont importants. Mais inversement, on ne peut plus supporter une dispersion de trop nombreux petits articles par trop de chercheurs. La vraie question est donc de réinventer la publication scientifique... Et, quand même, on n'enlèvera pas le bon principe qu'une idée dans un tiroir n'est pas une idée : nous devons publier les résultats de nos travaux !
mardi 21 août 2018
Les scientifiques publieraient trop ?
Une amie, pour me taquiner, me fait observer que les scientifiques feraient mieux de travailler et de produire, au lieu de publier des articles. Bien sûr, les taquineries ne méritent que des réponses en privé, mais je profite de l'événement pour, au contraire, faire une réponse publique, conscient que cette provocation amicale est en réalité l'émanation d'une idée fausse, trop répandue parmi nos concitoyens.
La mission des scientifiques ? La première est certainement de faire de la recherche scientifique, c'est-à-dire des expériences et des calculs, de la théorie. D'ailleurs, dans une recherche scientifique bien pensée, utilisant judicieusement les forces du personnel de l'Etat, et donc l'argent du contribuable, il faut que les tâches expérimentales relevant de techniciens soient assurées par des techniciens, afin de laisser aux scientifiques le soin de faire des calculs et de la théorie.
Mais ce dernier point est un détail. Surtout les travaux, les idées, les résultats, les théories doivent être publiés, parce que c'est cela, la production scientifique : des idées, des résultats expérimentaux ou théoriques, des théories, des modèles... Et cela nécessite d'y passer beaucoup de temps, surtout quand on observe justement que c'est souvent lors de la mise en forme communicable des résultats que surviennent les idées théoriques, notamment lors de la "discussion".
Oui, décidément, mon amie a tort ! Et je maintiens publiquement que les scientifiques doivent publier beaucoup !
La mission des scientifiques ? La première est certainement de faire de la recherche scientifique, c'est-à-dire des expériences et des calculs, de la théorie. D'ailleurs, dans une recherche scientifique bien pensée, utilisant judicieusement les forces du personnel de l'Etat, et donc l'argent du contribuable, il faut que les tâches expérimentales relevant de techniciens soient assurées par des techniciens, afin de laisser aux scientifiques le soin de faire des calculs et de la théorie.
Mais ce dernier point est un détail. Surtout les travaux, les idées, les résultats, les théories doivent être publiés, parce que c'est cela, la production scientifique : des idées, des résultats expérimentaux ou théoriques, des théories, des modèles... Et cela nécessite d'y passer beaucoup de temps, surtout quand on observe justement que c'est souvent lors de la mise en forme communicable des résultats que surviennent les idées théoriques, notamment lors de la "discussion".
Oui, décidément, mon amie a tort ! Et je maintiens publiquement que les scientifiques doivent publier beaucoup !
mardi 14 août 2018
Directeur scientifique
Dans un billet précédent, j'ai évoqué la question des "directeurs scientifiques" pour des institutions de recherche telles que l'Inra ou le CNRS. Et j'avais conclu que la tâche était bien difficile... mais je renvoie mes amis vers ce texte que je ne veux pas refaire ici.
Aujourd'hui, c'est une question différente que je veux discuter : celle de ce qui est nommé "directeur scientifique" pour l'industrie.
Oui, pour des sociétés comme l'Air liquide, ou Rhodia, ou Lafarge, etc., qu'est-ce qu'un "directeur scientifique" ? Pour commencer, observons que ces sociétés n'ont pas pour vocation de faire de la recherche scientifique, mais bien plutôt de la recherche technologique ou technique. Je ne dis pas que ces sociétés ne puissent pas payer des scientifiques pour faire de la recherche scientifique, mais j'observe que chaque fois que cela s'est produit, les espoirs ont été déçus... et les services de recherche scientifique ont été les premiers fermés, quand les bénéfices de ces sociétés ont diminué. Et je crois préférable de bien penser une répartition des tâches qui confierait à l'Etat le soin d'organiser la recherche scientifique, le soin à l'industrie de chercher des applications des résultats obtenus par la recherche scientifique, par ce qui se nomme plus justement de la recherche technique ou technologique. La question, dans un fonctionnement de ce type, c'est de bien organiser les relations entre les scientifiques et les services techniques.
Mais considérons le cas d'une grosse société, qui vend des produits ou des services : ordinateurs, médicaments, matériaux, programmes informatiques, aliments... Il s'agit de faire des produits nouveaux pour être en avance sur les concurrents, pour proposer aux clients des produits qui rendent de meilleurs services que les produits des concurrents : programmes plus rapides, médicaments plus actifs, aliments meilleurs, etc. Pour cela, il faut effectivement des ingénieurs qui ne sont pas ceux qui font tourner les usines (les ingénieurs "procédés"), mais des ingénieurs qui connaissent suffisamment les sciences pour comprendre, pour pister ce qui se produit de plus avancé en science, afin d'en faire le meilleur usage.
Raison pour laquelle j'ai proposé que les écoles d'ingénieurs organisent les études autour des trois fonctions : apprendre à chercher les résultats des sciences, apprendre à sélectionner ces résultats en vue d'une application particulière, apprendre à transférer ces résultats pour améliorer les techniques couramment mises en oeuvre.
Pour diriger les ingénieurs qui feront donc ce triple travail, il faut (peut-être) un directeur, mais quel est la nature de ce directeur ? Si cette personne est un scientifique, c'est bien un directeur scientifique.... mais dans la mesure où il ne fait plus de science, n'usurpe-t-il pas son titre ? Au fond, on n'est scientifique que si l'on pratique la recherche scientifique, mais si l'on fait de la direction d'ingénieur engagé dans la technologie, on n'est plus scientifique, n'est-ce pas ? Etre scientifique, ce n'est pas comme un titre de docteur en médecine ; c'est une activité.
Oui, ce directeur n'est donc généralement pas un directeur scientifique, sauf quand, il y a plusieurs années, une société comme Rhône Poulenc s'est adjoint les conseils de Guy Ourisson, Jean-Marie Lehn, Pierre-Gilles de Gennes et Claude Hélène, pour guider les ingénieurs vers de l'innovation : nos quatre collègues n'usurpaient pas le titre de "directeur scientifique", puisqu'ils indiquaient des "directions", ce qui est le propre d'un "directeur", et qu'ils étaient scientifiques.
En revanche, aujourd'hui, dans de nombreux cas, les "directeurs scientifiques" sont en réalité des directeurs technologiques ou des directeurs techniques. Et ils ont évidemment une grande importance industrielle !
Aujourd'hui, c'est une question différente que je veux discuter : celle de ce qui est nommé "directeur scientifique" pour l'industrie.
Oui, pour des sociétés comme l'Air liquide, ou Rhodia, ou Lafarge, etc., qu'est-ce qu'un "directeur scientifique" ? Pour commencer, observons que ces sociétés n'ont pas pour vocation de faire de la recherche scientifique, mais bien plutôt de la recherche technologique ou technique. Je ne dis pas que ces sociétés ne puissent pas payer des scientifiques pour faire de la recherche scientifique, mais j'observe que chaque fois que cela s'est produit, les espoirs ont été déçus... et les services de recherche scientifique ont été les premiers fermés, quand les bénéfices de ces sociétés ont diminué. Et je crois préférable de bien penser une répartition des tâches qui confierait à l'Etat le soin d'organiser la recherche scientifique, le soin à l'industrie de chercher des applications des résultats obtenus par la recherche scientifique, par ce qui se nomme plus justement de la recherche technique ou technologique. La question, dans un fonctionnement de ce type, c'est de bien organiser les relations entre les scientifiques et les services techniques.
Mais considérons le cas d'une grosse société, qui vend des produits ou des services : ordinateurs, médicaments, matériaux, programmes informatiques, aliments... Il s'agit de faire des produits nouveaux pour être en avance sur les concurrents, pour proposer aux clients des produits qui rendent de meilleurs services que les produits des concurrents : programmes plus rapides, médicaments plus actifs, aliments meilleurs, etc. Pour cela, il faut effectivement des ingénieurs qui ne sont pas ceux qui font tourner les usines (les ingénieurs "procédés"), mais des ingénieurs qui connaissent suffisamment les sciences pour comprendre, pour pister ce qui se produit de plus avancé en science, afin d'en faire le meilleur usage.
Raison pour laquelle j'ai proposé que les écoles d'ingénieurs organisent les études autour des trois fonctions : apprendre à chercher les résultats des sciences, apprendre à sélectionner ces résultats en vue d'une application particulière, apprendre à transférer ces résultats pour améliorer les techniques couramment mises en oeuvre.
Pour diriger les ingénieurs qui feront donc ce triple travail, il faut (peut-être) un directeur, mais quel est la nature de ce directeur ? Si cette personne est un scientifique, c'est bien un directeur scientifique.... mais dans la mesure où il ne fait plus de science, n'usurpe-t-il pas son titre ? Au fond, on n'est scientifique que si l'on pratique la recherche scientifique, mais si l'on fait de la direction d'ingénieur engagé dans la technologie, on n'est plus scientifique, n'est-ce pas ? Etre scientifique, ce n'est pas comme un titre de docteur en médecine ; c'est une activité.
Oui, ce directeur n'est donc généralement pas un directeur scientifique, sauf quand, il y a plusieurs années, une société comme Rhône Poulenc s'est adjoint les conseils de Guy Ourisson, Jean-Marie Lehn, Pierre-Gilles de Gennes et Claude Hélène, pour guider les ingénieurs vers de l'innovation : nos quatre collègues n'usurpaient pas le titre de "directeur scientifique", puisqu'ils indiquaient des "directions", ce qui est le propre d'un "directeur", et qu'ils étaient scientifiques.
En revanche, aujourd'hui, dans de nombreux cas, les "directeurs scientifiques" sont en réalité des directeurs technologiques ou des directeurs techniques. Et ils ont évidemment une grande importance industrielle !
mercredi 8 août 2018
Amusant
Le miel ? Forcément bon, n'est-ce pas ? Puisque c'est fait par des abeilles, qui sont des insectes pollinisateurs, d'une part, et puisque, d'autre part, c'est un "produit naturel"... sans compter qu'il est sucré.
Mais il y a bien mieux : on me signale hier le miel de Manuka, qui provient de l’arbre de manuka, qui ne pousse que dans certaines régions de Nouvelle-Zélande et d’Australie. Vous pensez : si c'est rare, c'est donc que c'est encore mieux. Je lis d'ailleurs en ligne : "A en croire les producteurs, aucune comparaison n’est possible : le miel de manuka est bien supérieur aux autres. Selon eux, il combat des infections bactériennes, y compris résistantes, et guérit mieux des plaies, même ulcérées"... mais il faudrait croire les producteurs, qui n'ont sans doute pas fait les études poussées que l'on fait pour le moindre médicament. Ou bien encore "Cousin de l’arbre à thé, dont est extraite l’huile essentielle antibactérienne du même nom, le manuka garantit un miel d’exception, au prix certes élevé, mais aux promesses alléchantes." Oui, un prix élevé : je le vois à 100 euros les 250 grammes !
Que penser de tout cela ? Une petite recherche me montre que les "propriétés" ou "vertus" de ce miel seraient dues au méthylglyoxal. Ah, cette fois, je tiens un fil... et, quand je tire dessus, je trouve immédiatement ceci (je traduis) :
"Le glucose est la principale source d'énergie du cerveau. Des nombreuses études ont montré que le profil métabolique des cellules nerveuses, pour ce qui concerne l'utilisation du glucose et la vitesse de glycolyse n'est pas homogène, avec une activité glycolytique supérieure dans les astrocytes, par rapport aux neurones. Le méthylglyoxal, un composé dicarbonylé très réactif, est inévitablement formé lors de cette glycolyse. Le méthylglyoxal est un précurseur des produits de glycation avancés, associés à plusieurs maladies telles que le diabète, le vieillissement ou des neurodégénérescences.
Dans des situations normales, les cellules sont protégées de la toxicité du méthylglyoxal par divers mécanismes, et notamment par l'enzyme glyoxalase, encore mal connue : du fait des besoins énergétiques importants du cerveau (besoins en glucose, donc), on peut espérer que la glyoxalase cérébrale est capable de gérer la toxicité du méthylglyoxal."
Tout cela est tiré d'un article intitulé "Methylglyoxal, the dark side of glycolysis" (Front Neurosci. 2015; 9: 23).
Ajouté à ce que je sais de la réactivité chimique du méthylglyoxal, je vais donc m'abstenir de consommer trop de ce miel et d'en servir à mes amis et à ma famille.
Et, j'y pense, en supposant qu'il soit bon, pourquoi ne pas ajouter à des miels moins contestables, dépourvus de méthylglyoxal, les composés odorants qui feraient son goût ?
Mais il y a bien mieux : on me signale hier le miel de Manuka, qui provient de l’arbre de manuka, qui ne pousse que dans certaines régions de Nouvelle-Zélande et d’Australie. Vous pensez : si c'est rare, c'est donc que c'est encore mieux. Je lis d'ailleurs en ligne : "A en croire les producteurs, aucune comparaison n’est possible : le miel de manuka est bien supérieur aux autres. Selon eux, il combat des infections bactériennes, y compris résistantes, et guérit mieux des plaies, même ulcérées"... mais il faudrait croire les producteurs, qui n'ont sans doute pas fait les études poussées que l'on fait pour le moindre médicament. Ou bien encore "Cousin de l’arbre à thé, dont est extraite l’huile essentielle antibactérienne du même nom, le manuka garantit un miel d’exception, au prix certes élevé, mais aux promesses alléchantes." Oui, un prix élevé : je le vois à 100 euros les 250 grammes !
Que penser de tout cela ? Une petite recherche me montre que les "propriétés" ou "vertus" de ce miel seraient dues au méthylglyoxal. Ah, cette fois, je tiens un fil... et, quand je tire dessus, je trouve immédiatement ceci (je traduis) :
"Le glucose est la principale source d'énergie du cerveau. Des nombreuses études ont montré que le profil métabolique des cellules nerveuses, pour ce qui concerne l'utilisation du glucose et la vitesse de glycolyse n'est pas homogène, avec une activité glycolytique supérieure dans les astrocytes, par rapport aux neurones. Le méthylglyoxal, un composé dicarbonylé très réactif, est inévitablement formé lors de cette glycolyse. Le méthylglyoxal est un précurseur des produits de glycation avancés, associés à plusieurs maladies telles que le diabète, le vieillissement ou des neurodégénérescences.
Dans des situations normales, les cellules sont protégées de la toxicité du méthylglyoxal par divers mécanismes, et notamment par l'enzyme glyoxalase, encore mal connue : du fait des besoins énergétiques importants du cerveau (besoins en glucose, donc), on peut espérer que la glyoxalase cérébrale est capable de gérer la toxicité du méthylglyoxal."
Tout cela est tiré d'un article intitulé "Methylglyoxal, the dark side of glycolysis" (Front Neurosci. 2015; 9: 23).
Ajouté à ce que je sais de la réactivité chimique du méthylglyoxal, je vais donc m'abstenir de consommer trop de ce miel et d'en servir à mes amis et à ma famille.
Et, j'y pense, en supposant qu'il soit bon, pourquoi ne pas ajouter à des miels moins contestables, dépourvus de méthylglyoxal, les composés odorants qui feraient son goût ?
samedi 4 août 2018
Communication orale ?
On m'interroge : comment faire une communication orale ? La question est trop vague. Une communication orale dans un congrès scientifique ? Là encore, manquent des précisions. Une présentation de résultats scientifiques à des collègues pour lesquels on n'a pas à expliquer les bases scientifiques du travail ? En réalité, la réponse reste insuffisante, parce que, par exemple, imaginons que nous ayons fait un travail qui utilise une technique particulière pour une étude d'un système spécifique, alors nous devrons expliquer le système si nous parlons à des spécialistes de la technique utilisée, ou, inversement, nous devrons expliquer la technique si nous nous adressons à des spécialistes du système spécifique.
Bref, il faut d'abord réfléchir.
Oui, il faut analyser le contexte de la présentation : à qui parlons nous ? Ayant cette réponse, nous pouvons alors examiner le contenu du message : que voulons-nous dire ? Bien sûr, on sait que les présentations orales dans les congrès ne sont acceptées que lorsque les examinateurs ont validé le contenu proposé. Il y donc une sorte de contrat à nous tenir à ce qui a été annoncé... d'autant que ce contenu figure sur le programme, et que ceux qui ont décidé de venir nous écouter seraient légitimement frustrés de ne pas recevoir ce qu'ils attendent.
Cela dit, on peut raconter le même contenu de mille façons différentes : "Belle marquise, vos yeux me font mourir d'amour", "D'amour, vos yeux, belle marquise, mourir me font", "Vos yeux, belle marquise...". Bien sûr, nous ne faisons pas de "littérature", dans ce contexte particulier, mais pourquoi s'escrimer à faire lugubre ?
Je me souviens d'un congrès où j'ai vu 10 intervenants successifs venir dire, plantés à côté du vidéoprojecteur, et d'un ton sérieux qui en devenait risible "Bonjour, je remercie les organisateurs de m'avoir invité à présenter nos travaux sur...", terminant par un "Merci pour votre attention" très "simplet" : une bonne moitié de l'assistance regardait son portable, son téléphone, ou somnolait après le déjeuner.
Mais au-delà de cette "simplicité", il y avait surtout le fait que nos amis étaient "convenus", donc ennuyeux. Ce qui est une forme d'impolitesse : pourquoi barber nos amis, d'une part, et, d'autre part, pourquoi glisser sous de l'ennui des résultats qui sont peut-être extraordinaires (je suis charitable : les congrès se limitent pas à la communication de résultats merveilleux, dirais-je par litote).
Analysons davantage
Avançons maintenant une nouvelle idée : la communication, qu'elle soit scientifique ou grand public, a toujours trois composantes :
- une composante technique : par exemple, il faut que les données communiquées soient justes, que le contraste du texte projeté sur le fond soit suffisant, que les textes soient assez gros, etc. Ici, nous ne considérerons pas la construction du document projeté, qui fait l'objet d'une autre analyse, mais seulement la présentation orale elle-même
- une composante artistique : le contenu étant fixé, il faut le dire, et cela peut se faire de mille façons. La façon que l'on retient fait l'objet d'un choix en terme d'efficacité, mais aussi en terme de goût personnel
- une composante sociale : de même que le bâillement est contagieux, l'ennui l'est... mais, a contrario, également l'enthousiasme : "l'enthousiasme est une maladie qui se gagne".
Bref, nous devons être au clair sur ces trois aspects !
A propos de la composante technique
Nous partons donc de ce document qui est projeté, et il faut le "chanter". Le grand Michael Faraday, qui avait dû apprendre à faire des conférences, avait bien analysé qu'il y a plusieurs questions :
- quelle apparence on offre
- comment on se tient et comment on bouge (ou pas)
- comment on parle
- comment on synchronise la parole, la diffusion des images, les mouvements du corps.
Une conférence, c'est un moment de vie, et le conférencier voûté, par exemple, ne donne pas une image dynamique de lui et, partant, de ses résultats ; et ne peut-on pas craindre que la recherche qui est présentée est aussi avachie que notre homme ? Une voix terne, lasse, ce n'est pas beaucoup d'énergie que l'on donne aux autres ; bien sûr, on se souvient du "You know what? I'm happy" de Droopy : par pitié, n'offrez pas à vos interlocuteurs un discours "porte de prison". Un personnage immobile, c'est sans doute élégant... mais il faudra être très bon pour faire quelque chose d'engageant.
Bref, il y a mille façons de mal faire... Mais reprenons : les résultats étant publiés, si nos amis viennent pour nous entendre, c'est soit pour recevoir un peu de bonheur (intelligence, énergie, passion, enthousiasme), soit pour poser des questions techniques sur des points qui ne seraient pas dans les publications... ce qui permet d'anticiper la chose : émaillons notre projection d'amorces de question, afin que s'engage un dialogue scientifique fructueux.
Mais je vois que je ne suis encore que dans l'apparence, et pas dans le contenu. Que dire ?
D'abord, on évitera la faute de dire des choses déjà dites sur les diapositives, et, surtout, on évitera le pire : lire des textes qui sont écrits ! En effet, non seulement on gêne la lecture en parlant, mais, de surcroît, on gêne l'écoute en imposant des textes que l'on ne peut pas s'empêcher de lire. Et puis, une présentation orale, c'est une présentation orale, non ?
Je préconise positivement que chaque diapositive n'ait de texte qu'un titre, et qu'elle ne comporte qu'une "image" : soit une photographie que l'on commente, soit un graphique, un schéma, que sais-je... Et puis je recommande aussi qu'on laisse le temps de regarder tout ce qui figure sur les images : je juge très impoli de passer à toute vitesse sur des diapositives qui méritent un long examen, car l'auditoire décroche nécessairement, perd le fil... Je rappelle que "la clarté est la politesse de ceux qui s'expriment en public".
Parfois, il y a de la paresse ou de la négligence à faire de bonnes présentations : certains se disent que "ça ira comme ça".
Parfois, il y a de la prétention à faire des diapositives incompréhensibles : on sait bien qu'il y a des collègues qui pensent qu'ils seront crédités d'une belle compétence s'ils sont les seuls à comprendre ce qu'ils énoncent... mais qu'ils se méfient du "le roi est nu" !
Parfois, il y a de la bêtise, de l'incompétence : je sais des présentations faites par des personnes qui ne comprenaient même pas leur sujet.
Parfois, enfin (j'oublie peut-être des causes), il y a du manque de travail... car on oublie que la préparation d'une communication orale ne se fait pas en claquant des doigts ; on oublie que placer sa voix, réfléchir à chaque résultat pour savoir bien en communiquer la teneur, réfléchir aux mouvements que l'on fait, travailler pour lutter contre les tics de langage ou corporel, tout cela impose un travail important !
Bref, il y a de nombreuses raisons pour lesquelles les présentations orales dans les congrès scientifiques sont si souvent mauvaises. Mais, surtout, avons-nous assez travaillé pour faire des présentations vraiment présentables ? Labor improbus omnia vincit : un travail acharné vient à bout de tout.
Positivement, encore : puisqu'il s'agit de décrire ou commenter ce qu'il y a sur les diapositives (leur enchaînement nous porte), il s'agit de produire un discours "signifiant", intelligent, engageant... Et puisque nous nous adressons à des collègues dont je veux supposer qu'ils partagent la passion des sciences de la nature, c'est la beauté du travail scientifique qu'il s'agit de dégager. Ailleurs, j'ai exprimé le bonheur d'une expérience ou d'un calcul bien faits, analogues à des pièces d'orfèvrerie : ne pouvons-nous pas simplement montrer à nos amis comment nous avons essayé de faire dire à la "nature" la réponse à la question que nous lui avons posée ? Ne pouvons nous pas partager naïvement nos émerveillements ? Bien sûr, cela suppose que nous soyons éblouis nous-mêmes par cette merveilleuse activité qu'est la recherche scientifique... mais comment ne pas l'être : n'est-ce pas l'honneur de l'esprit humain ?
Questions artistique et sociale
La composante artistique de la communication est évidemment essentielle... et mal comprise. Dans un de mes "cours de communication scientifique" (les avez vous visionné ? ils sont sur http://www2.agroparistech.fr/podcast/Scientific-communication.html), je montre, par exemple, comment raconter le même contenu en déroulant un document powerpoint ou en le déroulant à l'envers, de la fin vers le début. Tout est possible, et l'on peut très bien imaginer que l'on fasse une conférence scientifique passionnante sans bouger, sans sourire, sans faire de minables calembours, avec un ton monocorde, en étant voûté... mais il faut être alors très bon, très intelligent ! Tout est possible, puisque, le contenu technique étant réglé, se pose la question du "style".
D'ailleurs, la composante sociale de la communication mérite le même type de commentaires : on peut sourire à l'auditoire, descendre de l'estrade pour être proche de lui, se placer dans le public avec le passeur de diapositives, interpeller l'auditoire pour créer un dialogue, au lieu de l'habituel monologue... Tout est possible... à condition de ne pas oublier que, pour la communication scientifique comme pour les fables "Si Peau d'Âne m'était conté, j'y prendrais un plaisir extrême", comme le disait justement Jean de la Fontaine : il s'agit de raconter la merveilleuse histoire de notre recherche scientifique.
Faut-il être soi-même émerveillé par les travaux que l'on présente ? Là, celle ou celui qui voudrait manier le paradoxe pourrait utilement relire le Paradoxe sur le Comédien, de Denis Diderot... mais pour ce qui me concerne, je répète -parce que j'en ai l'absolue conviction- que les sciences de la nature sont une activité merveilleuse, sublime, et je ne vois pas d'autre obstacle à vaincre, pour partager ce bonheur avec mes amis, que ma propre timidité ou mes insuffisances en matière de communication.
Mais Labor improbus...
Bref, il faut d'abord réfléchir.
Oui, il faut analyser le contexte de la présentation : à qui parlons nous ? Ayant cette réponse, nous pouvons alors examiner le contenu du message : que voulons-nous dire ? Bien sûr, on sait que les présentations orales dans les congrès ne sont acceptées que lorsque les examinateurs ont validé le contenu proposé. Il y donc une sorte de contrat à nous tenir à ce qui a été annoncé... d'autant que ce contenu figure sur le programme, et que ceux qui ont décidé de venir nous écouter seraient légitimement frustrés de ne pas recevoir ce qu'ils attendent.
Cela dit, on peut raconter le même contenu de mille façons différentes : "Belle marquise, vos yeux me font mourir d'amour", "D'amour, vos yeux, belle marquise, mourir me font", "Vos yeux, belle marquise...". Bien sûr, nous ne faisons pas de "littérature", dans ce contexte particulier, mais pourquoi s'escrimer à faire lugubre ?
Je me souviens d'un congrès où j'ai vu 10 intervenants successifs venir dire, plantés à côté du vidéoprojecteur, et d'un ton sérieux qui en devenait risible "Bonjour, je remercie les organisateurs de m'avoir invité à présenter nos travaux sur...", terminant par un "Merci pour votre attention" très "simplet" : une bonne moitié de l'assistance regardait son portable, son téléphone, ou somnolait après le déjeuner.
Mais au-delà de cette "simplicité", il y avait surtout le fait que nos amis étaient "convenus", donc ennuyeux. Ce qui est une forme d'impolitesse : pourquoi barber nos amis, d'une part, et, d'autre part, pourquoi glisser sous de l'ennui des résultats qui sont peut-être extraordinaires (je suis charitable : les congrès se limitent pas à la communication de résultats merveilleux, dirais-je par litote).
Analysons davantage
Avançons maintenant une nouvelle idée : la communication, qu'elle soit scientifique ou grand public, a toujours trois composantes :
- une composante technique : par exemple, il faut que les données communiquées soient justes, que le contraste du texte projeté sur le fond soit suffisant, que les textes soient assez gros, etc. Ici, nous ne considérerons pas la construction du document projeté, qui fait l'objet d'une autre analyse, mais seulement la présentation orale elle-même
- une composante artistique : le contenu étant fixé, il faut le dire, et cela peut se faire de mille façons. La façon que l'on retient fait l'objet d'un choix en terme d'efficacité, mais aussi en terme de goût personnel
- une composante sociale : de même que le bâillement est contagieux, l'ennui l'est... mais, a contrario, également l'enthousiasme : "l'enthousiasme est une maladie qui se gagne".
Bref, nous devons être au clair sur ces trois aspects !
A propos de la composante technique
Nous partons donc de ce document qui est projeté, et il faut le "chanter". Le grand Michael Faraday, qui avait dû apprendre à faire des conférences, avait bien analysé qu'il y a plusieurs questions :
- quelle apparence on offre
- comment on se tient et comment on bouge (ou pas)
- comment on parle
- comment on synchronise la parole, la diffusion des images, les mouvements du corps.
Une conférence, c'est un moment de vie, et le conférencier voûté, par exemple, ne donne pas une image dynamique de lui et, partant, de ses résultats ; et ne peut-on pas craindre que la recherche qui est présentée est aussi avachie que notre homme ? Une voix terne, lasse, ce n'est pas beaucoup d'énergie que l'on donne aux autres ; bien sûr, on se souvient du "You know what? I'm happy" de Droopy : par pitié, n'offrez pas à vos interlocuteurs un discours "porte de prison". Un personnage immobile, c'est sans doute élégant... mais il faudra être très bon pour faire quelque chose d'engageant.
Bref, il y a mille façons de mal faire... Mais reprenons : les résultats étant publiés, si nos amis viennent pour nous entendre, c'est soit pour recevoir un peu de bonheur (intelligence, énergie, passion, enthousiasme), soit pour poser des questions techniques sur des points qui ne seraient pas dans les publications... ce qui permet d'anticiper la chose : émaillons notre projection d'amorces de question, afin que s'engage un dialogue scientifique fructueux.
Mais je vois que je ne suis encore que dans l'apparence, et pas dans le contenu. Que dire ?
D'abord, on évitera la faute de dire des choses déjà dites sur les diapositives, et, surtout, on évitera le pire : lire des textes qui sont écrits ! En effet, non seulement on gêne la lecture en parlant, mais, de surcroît, on gêne l'écoute en imposant des textes que l'on ne peut pas s'empêcher de lire. Et puis, une présentation orale, c'est une présentation orale, non ?
Je préconise positivement que chaque diapositive n'ait de texte qu'un titre, et qu'elle ne comporte qu'une "image" : soit une photographie que l'on commente, soit un graphique, un schéma, que sais-je... Et puis je recommande aussi qu'on laisse le temps de regarder tout ce qui figure sur les images : je juge très impoli de passer à toute vitesse sur des diapositives qui méritent un long examen, car l'auditoire décroche nécessairement, perd le fil... Je rappelle que "la clarté est la politesse de ceux qui s'expriment en public".
Parfois, il y a de la paresse ou de la négligence à faire de bonnes présentations : certains se disent que "ça ira comme ça".
Parfois, il y a de la prétention à faire des diapositives incompréhensibles : on sait bien qu'il y a des collègues qui pensent qu'ils seront crédités d'une belle compétence s'ils sont les seuls à comprendre ce qu'ils énoncent... mais qu'ils se méfient du "le roi est nu" !
Parfois, il y a de la bêtise, de l'incompétence : je sais des présentations faites par des personnes qui ne comprenaient même pas leur sujet.
Parfois, enfin (j'oublie peut-être des causes), il y a du manque de travail... car on oublie que la préparation d'une communication orale ne se fait pas en claquant des doigts ; on oublie que placer sa voix, réfléchir à chaque résultat pour savoir bien en communiquer la teneur, réfléchir aux mouvements que l'on fait, travailler pour lutter contre les tics de langage ou corporel, tout cela impose un travail important !
Bref, il y a de nombreuses raisons pour lesquelles les présentations orales dans les congrès scientifiques sont si souvent mauvaises. Mais, surtout, avons-nous assez travaillé pour faire des présentations vraiment présentables ? Labor improbus omnia vincit : un travail acharné vient à bout de tout.
Positivement, encore : puisqu'il s'agit de décrire ou commenter ce qu'il y a sur les diapositives (leur enchaînement nous porte), il s'agit de produire un discours "signifiant", intelligent, engageant... Et puisque nous nous adressons à des collègues dont je veux supposer qu'ils partagent la passion des sciences de la nature, c'est la beauté du travail scientifique qu'il s'agit de dégager. Ailleurs, j'ai exprimé le bonheur d'une expérience ou d'un calcul bien faits, analogues à des pièces d'orfèvrerie : ne pouvons-nous pas simplement montrer à nos amis comment nous avons essayé de faire dire à la "nature" la réponse à la question que nous lui avons posée ? Ne pouvons nous pas partager naïvement nos émerveillements ? Bien sûr, cela suppose que nous soyons éblouis nous-mêmes par cette merveilleuse activité qu'est la recherche scientifique... mais comment ne pas l'être : n'est-ce pas l'honneur de l'esprit humain ?
Questions artistique et sociale
La composante artistique de la communication est évidemment essentielle... et mal comprise. Dans un de mes "cours de communication scientifique" (les avez vous visionné ? ils sont sur http://www2.agroparistech.fr/podcast/Scientific-communication.html), je montre, par exemple, comment raconter le même contenu en déroulant un document powerpoint ou en le déroulant à l'envers, de la fin vers le début. Tout est possible, et l'on peut très bien imaginer que l'on fasse une conférence scientifique passionnante sans bouger, sans sourire, sans faire de minables calembours, avec un ton monocorde, en étant voûté... mais il faut être alors très bon, très intelligent ! Tout est possible, puisque, le contenu technique étant réglé, se pose la question du "style".
D'ailleurs, la composante sociale de la communication mérite le même type de commentaires : on peut sourire à l'auditoire, descendre de l'estrade pour être proche de lui, se placer dans le public avec le passeur de diapositives, interpeller l'auditoire pour créer un dialogue, au lieu de l'habituel monologue... Tout est possible... à condition de ne pas oublier que, pour la communication scientifique comme pour les fables "Si Peau d'Âne m'était conté, j'y prendrais un plaisir extrême", comme le disait justement Jean de la Fontaine : il s'agit de raconter la merveilleuse histoire de notre recherche scientifique.
Faut-il être soi-même émerveillé par les travaux que l'on présente ? Là, celle ou celui qui voudrait manier le paradoxe pourrait utilement relire le Paradoxe sur le Comédien, de Denis Diderot... mais pour ce qui me concerne, je répète -parce que j'en ai l'absolue conviction- que les sciences de la nature sont une activité merveilleuse, sublime, et je ne vois pas d'autre obstacle à vaincre, pour partager ce bonheur avec mes amis, que ma propre timidité ou mes insuffisances en matière de communication.
Mais Labor improbus...
jeudi 2 août 2018
Comment rater une mayonnaise
Comment rater une mayonnaise ? Souvent, l'analyse des échecs est fructueuse parce que, a contrario, elle permet d'identifier les bons gestes. Quand on suit un protocole moderne, pour la confection d'une mayonnaise, il est rare que la sauce tourne. Mais on peut se forcer une fois, en sachant toutefois qu'on pourra la rattraper ensuite.
Partons donc des ingrédients de rigueur, à savoir un jaune d' œuf et du vinaigre. Combien ? Disons pour simplifier un volume de vinaigre environ égal à celui du jaune d' œuf. Pas de moutarde, sans quoi nous ferions une rémoulade et non pas une mayonnaise.
Nous avons donc le vinaigre et jaune d' œuf dans un bol, et à l'aide d'une fourchette ou d'un petit fouet, nous mélangeons les deux ingrédients. Là, aucun risque. Mais prenons quand même soin de bien mélanger les deux ingrédients, jusqu'à une apparence homogène du mélange.
Ajoutons maintenant d'un coup une grande quantité d'huile, par exemple dix fois plus que le volume total du jaune d' œuf et du vinaigre, et fouettons : c'est la catastrophe, puisque le fouet ne parvient pas à disperser le mélange de jaune d' œuf et de vinaigre dans l'huile. Plus exactement, il y parvient, mais on a une structure très hétérogène à l'oeil nu, avec des parties visible d'une phase dans l'autre phase.
Ce qu'il faut savoir pour interpréter ce phénomène, c'est que les composés actif pour faire les "émulsions" telles que les mayonnaises, dans le jaune d'oeuf, assurent bien la présence d'huile dans l'eau, et non pas d'eau dans l'huile, comme dans cette première expérience. D'huile ? Oui, l'huile que l'on a ajoutée. Mais d'eau ? D'où vient-elle ? Le jaune d'oeuf d'est composé de 50 pour cent d'eau, et le vinaigre de 90 pour cent. Mélanger le vinaigre et le jaune d'oeuf, c'est mélanger de l'eau à de l'eau, comme dans un mélange de sirop de sucre et de saumure : l'eau se mélange à l'eau, emportant les composés qui y sont dissous. Quand la quantité d'huile est supérieure à la quantité d'eau, alors la dispersion se fait, comme on le voit, mais ne parvient pas à faire une émulsion homogène à l'oeil nu, et elle est très instable : on voit bientôt l'eau tomber au fond du bol, et l'huile venir surnager.
On comprend a contrario, d'un même coup, la méthode qui permet de rattraper la mayonnaise tournée et la méthode qui permet de réussir une mayonnaise.
Tout d'abord, pour rattraper la mayonnaise tournée : il faut attendre que l'"eau" sédimente et que l'huile surnage : on récupère l'huile en décantant, et on l'ajoute à nouveau, comme si l'on commençait une nouvelle mayonnaise.
Pour réussir, cette fois ? Il faut ajouter l'huile par petite quantité dans l'eau afin que le fouet disperse l'huile dans l'eau au lieu de disperser l'eau dans l'huile. Le travail du fouet doit être vigoureux, pour que l'on obtienne une bonne émulsion, suffisamment stable parce que formée de très nombreuses gouttelettes très petites, si petites que le système complet est apparemment homogène, disons homogène à l'oeil nu.
On obtient alors un système beaucoup plus stable que le précédent : celui d'une émulsion qui a quelque chance de tenir pendant les temps habituel de consommation.
Ajoutons alors encore de l'huile, petite quantité par petite quantité, toujours en fouettant afin de diviser l'huile en petites gouttes qui viennent s'accumuler, et l'on obtient finalement une émulsion bien ferme.
Gardons de toute cette analyse la règle principale : pour réussir une sauce mayonnaise, ou une autre émulsion analogue, il faut ajouter l'huile par petites quantités et fouetter énergiquement de telle façon à chaque ajout l'homogénéité apparente, à l'oeil nu, soit assurée.
Partons donc des ingrédients de rigueur, à savoir un jaune d' œuf et du vinaigre. Combien ? Disons pour simplifier un volume de vinaigre environ égal à celui du jaune d' œuf. Pas de moutarde, sans quoi nous ferions une rémoulade et non pas une mayonnaise.
Nous avons donc le vinaigre et jaune d' œuf dans un bol, et à l'aide d'une fourchette ou d'un petit fouet, nous mélangeons les deux ingrédients. Là, aucun risque. Mais prenons quand même soin de bien mélanger les deux ingrédients, jusqu'à une apparence homogène du mélange.
Ajoutons maintenant d'un coup une grande quantité d'huile, par exemple dix fois plus que le volume total du jaune d' œuf et du vinaigre, et fouettons : c'est la catastrophe, puisque le fouet ne parvient pas à disperser le mélange de jaune d' œuf et de vinaigre dans l'huile. Plus exactement, il y parvient, mais on a une structure très hétérogène à l'oeil nu, avec des parties visible d'une phase dans l'autre phase.
Ce qu'il faut savoir pour interpréter ce phénomène, c'est que les composés actif pour faire les "émulsions" telles que les mayonnaises, dans le jaune d'oeuf, assurent bien la présence d'huile dans l'eau, et non pas d'eau dans l'huile, comme dans cette première expérience. D'huile ? Oui, l'huile que l'on a ajoutée. Mais d'eau ? D'où vient-elle ? Le jaune d'oeuf d'est composé de 50 pour cent d'eau, et le vinaigre de 90 pour cent. Mélanger le vinaigre et le jaune d'oeuf, c'est mélanger de l'eau à de l'eau, comme dans un mélange de sirop de sucre et de saumure : l'eau se mélange à l'eau, emportant les composés qui y sont dissous. Quand la quantité d'huile est supérieure à la quantité d'eau, alors la dispersion se fait, comme on le voit, mais ne parvient pas à faire une émulsion homogène à l'oeil nu, et elle est très instable : on voit bientôt l'eau tomber au fond du bol, et l'huile venir surnager.
On comprend a contrario, d'un même coup, la méthode qui permet de rattraper la mayonnaise tournée et la méthode qui permet de réussir une mayonnaise.
Tout d'abord, pour rattraper la mayonnaise tournée : il faut attendre que l'"eau" sédimente et que l'huile surnage : on récupère l'huile en décantant, et on l'ajoute à nouveau, comme si l'on commençait une nouvelle mayonnaise.
Pour réussir, cette fois ? Il faut ajouter l'huile par petite quantité dans l'eau afin que le fouet disperse l'huile dans l'eau au lieu de disperser l'eau dans l'huile. Le travail du fouet doit être vigoureux, pour que l'on obtienne une bonne émulsion, suffisamment stable parce que formée de très nombreuses gouttelettes très petites, si petites que le système complet est apparemment homogène, disons homogène à l'oeil nu.
On obtient alors un système beaucoup plus stable que le précédent : celui d'une émulsion qui a quelque chance de tenir pendant les temps habituel de consommation.
Ajoutons alors encore de l'huile, petite quantité par petite quantité, toujours en fouettant afin de diviser l'huile en petites gouttes qui viennent s'accumuler, et l'on obtient finalement une émulsion bien ferme.
Gardons de toute cette analyse la règle principale : pour réussir une sauce mayonnaise, ou une autre émulsion analogue, il faut ajouter l'huile par petites quantités et fouetter énergiquement de telle façon à chaque ajout l'homogénéité apparente, à l'oeil nu, soit assurée.