Roundup : l'EFSA juge ‘improbable’ que le glyphosate des désherbants soit cancérogène ; la polémique autour du glyphosate [...] reprend de plus belle.
En contradiction avec l'OMS, l'Autorité européenne de la sécurité des aliments (EFSA) vient de rendre son avis selon lequel le risque de cancer lié à l'utilisation de ce pesticide est «improbable» ».
L’étude des experts de l’Efsa était très atendue car elle doit éclairer la Commission dans son évaluation décennale de la substance. L’exécutif européen devrait décider d’ici juin de garder ou non le glyphosate sur la liste de l’UE des substances actives autorisées.
La surprenante divergence entre les expertises de l’Efsa et celle de l’OMS peut s’expliquer par le fait que ces deux agences ne parlent pas tout à fait de la même chose. L’Efsa évalue chaque substance chimique individuelle et chaque mélange commercialisé, de manière séparée. Tandis que le CIRC à a évalué les mélanges de glyphosate et de «coformulants», chargés d’améliorer son eficacité. Les experts de l’Efsa estiment ainsi qu’il est probable que les efets génotoxiques observés dans certaines formulations contenant notamment du glyphosate soient liés aux autres constituants ou coformulants.
Comment trancher sur cete question de formulations des désherbants, dont certaines seraient cancérogènes ?
L’Efsa suggère que ce soit aux États membres d’évaluer chaque produit phytopharmaceutique, chaque formulation, commercialisé sur leur territoire.
Ce blog contient: - des réflexions scientifiques - des mécanismes, des phénomènes, à partir de la cuisine - des idées sur les "études" (ce qui est fautivement nommé "enseignement" - des idées "politiques" : pour une vie en collectivité plus rationnelle et plus harmonieuse ; des relents des Lumières ! Pour me joindre par email : herve.this@inrae.fr
dimanche 29 novembre 2015
Fan ?
Ce matin, un message amical, qui contient la phrase :
Je suis un de plus vos grands fans, tous vos ouvrages sont sur mon étagère ...
Initialement, j'avais répondu "Merci de votre réponse... mais ne soyez fan que de vous-même... en le méritant !", mais la question étant récurrente, il faut analyser.
Le mot "fan" est un anglicisme (abréviation de fanatic, du français "fanatique"), qui désigne une personne qui éprouve une forte admiration pour une personne, un groupe de personnes, une équipe de sport, etc.
Ce qui renvoie à "admiration", dont la définition est dans le seul dictionnaire de la langue française qui vaille, le Trésor de la langue française informatisé : "Sentiment complexe d'étonnement, le plus souvent mêlé de plaisir exalté et d'approbation devant ce qui est estimé supérieurement beau, bon ou grand." L'étymologie renforce l'idée que cette définition est juste.
Ainsi, il y aurait un sentiment d'étonnement, avec plaisir et approbation : jusque là, pourquoi pas, puisque je ne cesse de chercher à m'étonner moi-même, mes productions étant d'abord une façon de produire de la pensée, si possibile originale.
Mes livres seraient-ils "quelque chose de "supérieurement beau, bon ou grand" ? Là, j'ai plus d'inquiétude (sans fausse modestie), parce que, s'il est vrai que je me donne du mal pour les produire, s'il est vrai que j'évite des "tomes 2", je suis bien conscient d'être très loin derrière Rabelais ou Flaubert. Or des livres doivent être jugés à l'aune de l'écriture, et l'intervalle sur lequel nous devons juger est entre 0 et Rabelais, me semble-t-il (pendant des décennies, j'avais mis Flaubert au maximum, mais la relecture de Rabelais m'a bien montré que ce dernier est considérablement plus grand... en supposant qu'il faille classer !
Oui, car faut-il classer sur une échelle linéaire ce qui est multifactoriel ? Dans des billets précédents, j'ai discuté cette question à propos du classement imbécile des cuisiniers du monde, de sorte que la question doit être abandonnée.
Que faire, alors ? Je propose surtout d'expliquer que mes divers livres sont destinés à des amis différents : les jeunes lecteurs (pour la Casserole des enfants) ne sont pas ceux que j'ai visés, avec Mon histoire de cuisine, et Casseroles et éprouvettes ne s'adresse pas aux mêmes "amis" que La cuisine, c'est de l'amour, de l'art, de la technique.
Bref, s'impose un éclaircissement que voici :
► Le premier de mes livres, Les Secrets de la casserole (Editions Pour la Science), était une volonté de montrer aimablement qu'il y a lieu de se préoccuper de science, en vue de comprendre l'activité culinaire, dans sa composante technique.
Oui, un soufflé qui ne gonfle pas n'est pas un soufflé, mais un gâteau, ou une crêpe... et il y a lieu de se demander pourquoi un soufflé gonfle ou ne gonfle pas.
Sachant que la science répond à la question « comment ça marche ? », le livre est structuré par des questions, avec des réponses aussi courtes que possibles, sans concession à la rigueur scientifique. Enfin, rigueur... Le mot est mal choisi : j'aurais dû dire « justesse », « précisions », mais pas « rigueur », car la Gourmandise s'accomode mal de rigueur...
► Le deuxième livre, Révélations gastronomiques (Editions Belin), était une réponse (à ma manière) à la demande de « recettes ».
Sachant que j'ai le plus grand mépris pour des recettes données sous la forme de protocoles qui condamnent l'exécutant au rôle de machine, il s'agissait de donner des recettes... mais en explicitant le détail de chaque geste. Il y a donc des recettes, dans ce livre, mais des recettes qui font grandir, et, en réalité, le livre est plus une discussion à propos de recettes que de recettes proprement dites.
► Le troisième livre, La casserole des enfants, aux Editions Belin, visait... les enfant que nous sommes tous, que nous le soyons vraiment ou que nous le soyons resté. J'avais en arrière-plan deux livres que je juge importants : le Tour de France par deux enfants, et les Aventures du Petit Nicolas.
Le Tour de France par deux enfants est un ancien manuel de l'Education nationale, du temps où les instituteurs étaient des hussards noirs de la République, du temps où l'Alsace et la Lorraine venaient d'être prises par les Allemands, du temps où la Révolution industrielle faisait rage. L'histoire est celle de deux enfants, orphelins de mère, qui partent de Phalsbourg à la recherche de leur père, engagé dans l'armée française. Le lieu de départ est à la limite de l'Alsace et de la Lorraine, et, en faisant ainsi le tour de France, à la recherche de leur père, les deux enfants, deux « bons petits gars courageux », découvrent de l'histoire naturelle, de la géographie, de l'histoire, de la science, de la technologie, de la technique... Chaque épisode est une occasion de découverte, et, n'était le racisme qui fait dire à l'auteur qu'il existerait des races humaines inférieures, l'ouvrage serait à mettre entre toutes les mains. Moral, mais quel bel outil pédagogique, dans le principe !
Pour les Aventures du Petit Nicolas, c'est un petit garçon qui raconte sa vie quotidienne, avec son langage, ses mots, ses idées. Amusant, cocasse...
Et la Casserole des enfants sa été voulue comme un mélange des deux : deux enfants sont laissés seuls le soir, pendant que leurs parents sortent, et ils doivent faire la cuisine. Leurs expériences les conduisent à faire des tas de découvertes... mais aussi à remettre en question des gestes classiques. Quel bonheur quand j'ai rencontré des enfants qui avaient « vécu », vibré avec mes deux héros ! Quel bonheur quand j'ai appris qu'un groupe de professionnels des métiers de bouche avaient acquis le livre, non pas pour leurs enfants, mais pour eux-mêmes. On le voit, la jubilation de la connaissance n'a pas d'âge.
► Puis est venu le Traité élémentaire de cuisine, aux éditions Belin, qui était la mise en livre d'une « théorie du goût » que je faisais circuler, en l'augmentant régulièrement, parmi mes amis cuisiniers ou gastronomes.
Ce livre est arrivé au moment où j'ai contribué à réformer l'enseignement culinaire des lycées hôteliers, au moment où j'ai contribué à débarrasser cet enseignement de scories qui dataient d'un siècle environ, quand on avait commencé à rationnaliser la cuisine... en oubliant que, à cette fin, il fallait des explorations chimiques et physiques des phénomènes. Des « éducateurs » avaient progressivement ajouté des intuitions fausses, qui avaient fait école, et des notions fausses telles que la « concentration » ou l' « expansion » des viandes étaient invoquées lors des examens. On confondait mousses et émulsions, on croyait à des idées introduites au hasard de l'empirisme culinaire. Le livre fut le livre de la réforme de l'enseignement culinaire, tout comme le Traité élémentaire de chimie, d'Antoine-Laurent de Lavoisier, avait été, à la fin du XVIIIe siècle, le livre de réforme de la chimie.
► Peu après, la revue Pour la Science me proposa de réunir sous la forme d'un livre les chroniques mensuelles que je rédigeais dans la revue : « Science et gastronomie ».
Le livre, intitulé Casseroles et éprouvettes (Editions Pour la Science), fut l'occasion d'une organisation, et, surtout, d'une bonne définition de la gastronomie moléculaire, la science qui cherche les mécanismes des phénomènes qui surviennent lors de la préparation et de la consommation des mets.
Ce livre est un best seller en anglais, parce que Keanu Reeves en était fan :
► Un de mes livres est peu connu... parce qu'il est excessivement cher. J'espère qu'aucun de mes amis ne croira que j'ai voulu m'enrichir en faisant un tel livre ! Il s'agissait d'une proposition par un éditeur de livres d'art, Jane Otmezguine, qui avait voulu faire un « objet » : le livre avait l'apparence d'un très gros livre, tiré en nombre limité, pour des collectionneurs, et il contenait des objets et des lettres écrites à mon ami Pierre Gagnaire. Six lettres gourmandes : c'était d'ailleurs le titre.
► Puis est venu mon livre préféré, La cuisine, c'est de l'amour, de l'art, de la technique (Editions Odile Jacob) :
Le premier traité d'esthétique culinaire, à ma connaissance, dans l'histoire de la cuisine. Par « esthétique », on entend non pas l'apparence visuelle, mais le goût. En cuisine, le beau à manger, ce n'est pas le beau à voir, comme en peinture ou en sculpture, mais le bon !
Et comme un traité risquait d'être austère, je l'ai transformé en roman d'amour/policier, en l'agrémentant de « recettes » de Pierre Gagnaire. Je maintiens que ce livre, insuffisant d'un point de vue littéraire, un peu difficile (parce que l'esthétique est une branche de la philosophie), est un livre important, utile.
► Peu après, mon amie Marie-Odile Monchicourt m'interrogeais sur « ma vie, mon oeuvre »... mais peut-on imaginer que quelqu'un qui soutient que « le moi est haïssable » se laisse aller à raconter, page après page, de quelle couleur est sa brosse à dent, et autres poussières du monde ?
Cette fois, dans Construisons un repas (Edition Odile Jacob), je décidais de tout récrire, pour gommer cet aspect personnel sans intérêt, et, plutôt, pour poursuivre la discussion esthétique, mais de façon très simple, pratique. La cuisine, en effet, c'est une construction. Une construction des matières, une construction des mets, par assemblage de matières, et une construction/enchaînement des mets en repas.
Pour rester dans l'idée de Marie-Odile Monchicourt, je me suis efforcé de tout dire très simplement. Oui, ce livre, Construisons un repas, est une sorte de manifeste du « constructivisme culinaire », mais un manifeste à l'attention de tous.
► Pendant l'écriture des deux derniers livres, nous avions des rendez-vous reguliers avec mon ami Pierre Gagnaire, face à Jacques Merles, qui était équipé d'un magnétophone. Nous discutions, séance après séance, le merveilleux traité de cuisine de Nicolas de Bonnefons, cuisinier du roi Louis XIV, et ces discussions conduisirent au livre Alchimistes aux fourneaux (Edition Flammarion).
Un « beau livre », un gros livre, avec d'extraordinaires photographies d'un photographe aussi « allumé » que Pierre Gagnaire ou que moi. Un livre où l'on trouve, de façon un peu baroque (une marque de fabrique H. This), le texte de Bonnefons, les commentaires de Pierre, mes observations, les photographies de Rip Hopkins.
► Le mot « fourneaux », d'ailleurs, semble avoir été dans l'air, puisque la revue Pour la Science voulut publier de nouveaux textes de ma chronique Science et gastronomie, sous le titre De la science aux fourneaux :
Cette fois, le risque du tome 2 était grand ! Comment l'éviter ? Je décidais alors de construire un livre bien différent de Casseroles et éprouvettes, un livre qui doive tout à son organisation, et où les chroniques publiées dans la revue viendraient tenir leur partie dans une partition d'orchestre construite sans se fonder sur elles a priori.
► Un jeune éditeur, L'oeil Neuf, avait alors publié un très beau livre, la Sagesse du bibliothécaire, et le succès de ce livre intelligent lui avait fait penser qu'une collection pouvait naître. Quelle belle idée que de rechercher à dégager la sagesse des métiers ! La sagesse du potier, du médecin, de l'archéologue... L'éditeur m'invita à préparer La Sagesse du chimiste.
Et je me suis beaucoup amusé à écrire un tel livre. D'abord, parce que je n'ai en réalité aucune sagesse personnelle, mais, ensuite, parce que la chimie est une science si belle qu'elle méritait une sorte d'ode !
Ce qui est également merveilleux, c'est que, lors de l'écriture de ce livre, j'ai fini par comprendre que la chimie était aujourd'hui partagée -j'espère que cela ne durera pas- entre la science et la technologie. La science : lproduction de connaissance, recherche des mécanismes des phénomènes par la méthode « scientifique ». La technologie : amélioration des techniques par l'utilisation des résultats de la science.
Et puis, ce fut l'occasion de montrer qu'il n'y aura jamais de chimie en cuisine, que l'on ne mettra pas des « produits chimiques » dans les aliments, que nos sociétés souffrent d'une sorte d' « ilchemise », pendant chimique de l'illétrisme.
► D'ailleurs, ces idées, et bien d'autres, furent utiles pour la rédaction du Cours de gastronomie moléculaire N°1 : Science, technologie, technique (culinaires), quelles relations ? (Editions Quae/Belin) :
Pour ce livre, il fallait faire bien davantage que ce qui avait été fait dans la Sagesse du chimiste. L'idée fut de présenter les quelque 150 inventions que j'avais offertes à mon ami Pierre Gagnaire, chaque mois depuis dix ans, sur son site, et d'expliquer comment, comprenant bien la différence entre science et technologie, on pouvait facilement faire autant d'inventions.
Notre monde bruit de « créativité », d' « innovation », maîtres mots de l'industrie, qui permettent à des gourous auto-proclamés de vendre des recettes, des formations... Je maintiens dans ce livre que tout est question de travail, de soin, et de méthode. Le livre est un manuel de technologie générale, tel que je rêve qu'il soit utilisé dans toutes les écoles d'ingénieurs, dans tous les instituts de technologie.
► Rapidement, est alors paru le Cours de gastronomie moléculaire N°2 : Les précisions culinaires (éditions Quae/Belin).
Je suis bien certain qu'aucun de mes amis ne me fera l'injure de penser que ce livre a été bâclé... parce que, en réalité, il réunit des précisions culinaires (dictons, adages, proverbes, tours de main...) réunis depuis le 16 mars 1980 ! Cela fait plus de 30 ans, donc, que je collectionne ces objets de culture, que je les teste, que je les discute, que j'y pense... Le Cours de gastronomie moléculaire que je donne annuellement à AgroParisTech a été une merveilleuse occasion de mettre de l'ordre dans tout cela, de chercher des méthodes pour explorer ce corpus unique dont je dispose, et que je voulais mettre à la disposition de tous. Pour autant, je ne me suis pas résolu à livrer des fleurs en vrac : j'ai voulu faire un bouquet !
► Le livre sur la cuisine note à note est arrivé après mon cours, à la demande des cuisiniers qui voulaient une sorte de cours, mais le livre est un hybride entre un manifeste et un manuel. Il est lisible par tous, et j'ai pris le plus grand soin à expliquer ce qu'est un composé.
Plus exactement, après une longue introduction très générale, et qui dit l'intérêt de la cuisine note à note, on rentre dans la partie technique, en considérant les divers aspects des plats (consistances, formes, saveurs, odeurs, sensations trigéminales…) . En fin de livre, des recettes
► En 2014, un livre de synthèse, que j'espère simple, pour tous lecteurs. Quand je parle d'un composé, j'explique ce que c'est, et il doit y avoir deux ou trois formules chimiques… expliquées dans les moindres détails. Pour autant des collègues devraient être également intéressés.
Le propos ? Je reprends la cuisine historiquement… en vue d'en tirer des idées qui permettent de faire mieux. Autrement dit, il y a du spéculatif et de l'opératif, comme on dit. Un livre assez volumineux, qui considère, en fin de livre, les évolutions que furent la cuisine moléculaire, le constructivisme culinaire, et s'achève évidemment sur la cuisine note à note. A la charnière, 14 « commandements », qui sont détaillés, en vue de mieux cuisiner.
Je suis un de plus vos grands fans, tous vos ouvrages sont sur mon étagère ...
Initialement, j'avais répondu "Merci de votre réponse... mais ne soyez fan que de vous-même... en le méritant !", mais la question étant récurrente, il faut analyser.
Le mot "fan" est un anglicisme (abréviation de fanatic, du français "fanatique"), qui désigne une personne qui éprouve une forte admiration pour une personne, un groupe de personnes, une équipe de sport, etc.
Ce qui renvoie à "admiration", dont la définition est dans le seul dictionnaire de la langue française qui vaille, le Trésor de la langue française informatisé : "Sentiment complexe d'étonnement, le plus souvent mêlé de plaisir exalté et d'approbation devant ce qui est estimé supérieurement beau, bon ou grand." L'étymologie renforce l'idée que cette définition est juste.
Ainsi, il y aurait un sentiment d'étonnement, avec plaisir et approbation : jusque là, pourquoi pas, puisque je ne cesse de chercher à m'étonner moi-même, mes productions étant d'abord une façon de produire de la pensée, si possibile originale.
Mes livres seraient-ils "quelque chose de "supérieurement beau, bon ou grand" ? Là, j'ai plus d'inquiétude (sans fausse modestie), parce que, s'il est vrai que je me donne du mal pour les produire, s'il est vrai que j'évite des "tomes 2", je suis bien conscient d'être très loin derrière Rabelais ou Flaubert. Or des livres doivent être jugés à l'aune de l'écriture, et l'intervalle sur lequel nous devons juger est entre 0 et Rabelais, me semble-t-il (pendant des décennies, j'avais mis Flaubert au maximum, mais la relecture de Rabelais m'a bien montré que ce dernier est considérablement plus grand... en supposant qu'il faille classer !
Oui, car faut-il classer sur une échelle linéaire ce qui est multifactoriel ? Dans des billets précédents, j'ai discuté cette question à propos du classement imbécile des cuisiniers du monde, de sorte que la question doit être abandonnée.
Que faire, alors ? Je propose surtout d'expliquer que mes divers livres sont destinés à des amis différents : les jeunes lecteurs (pour la Casserole des enfants) ne sont pas ceux que j'ai visés, avec Mon histoire de cuisine, et Casseroles et éprouvettes ne s'adresse pas aux mêmes "amis" que La cuisine, c'est de l'amour, de l'art, de la technique.
Bref, s'impose un éclaircissement que voici :
► Le premier de mes livres, Les Secrets de la casserole (Editions Pour la Science), était une volonté de montrer aimablement qu'il y a lieu de se préoccuper de science, en vue de comprendre l'activité culinaire, dans sa composante technique.
Oui, un soufflé qui ne gonfle pas n'est pas un soufflé, mais un gâteau, ou une crêpe... et il y a lieu de se demander pourquoi un soufflé gonfle ou ne gonfle pas.
Sachant que la science répond à la question « comment ça marche ? », le livre est structuré par des questions, avec des réponses aussi courtes que possibles, sans concession à la rigueur scientifique. Enfin, rigueur... Le mot est mal choisi : j'aurais dû dire « justesse », « précisions », mais pas « rigueur », car la Gourmandise s'accomode mal de rigueur...
► Le deuxième livre, Révélations gastronomiques (Editions Belin), était une réponse (à ma manière) à la demande de « recettes ».
Sachant que j'ai le plus grand mépris pour des recettes données sous la forme de protocoles qui condamnent l'exécutant au rôle de machine, il s'agissait de donner des recettes... mais en explicitant le détail de chaque geste. Il y a donc des recettes, dans ce livre, mais des recettes qui font grandir, et, en réalité, le livre est plus une discussion à propos de recettes que de recettes proprement dites.
► Le troisième livre, La casserole des enfants, aux Editions Belin, visait... les enfant que nous sommes tous, que nous le soyons vraiment ou que nous le soyons resté. J'avais en arrière-plan deux livres que je juge importants : le Tour de France par deux enfants, et les Aventures du Petit Nicolas.
Le Tour de France par deux enfants est un ancien manuel de l'Education nationale, du temps où les instituteurs étaient des hussards noirs de la République, du temps où l'Alsace et la Lorraine venaient d'être prises par les Allemands, du temps où la Révolution industrielle faisait rage. L'histoire est celle de deux enfants, orphelins de mère, qui partent de Phalsbourg à la recherche de leur père, engagé dans l'armée française. Le lieu de départ est à la limite de l'Alsace et de la Lorraine, et, en faisant ainsi le tour de France, à la recherche de leur père, les deux enfants, deux « bons petits gars courageux », découvrent de l'histoire naturelle, de la géographie, de l'histoire, de la science, de la technologie, de la technique... Chaque épisode est une occasion de découverte, et, n'était le racisme qui fait dire à l'auteur qu'il existerait des races humaines inférieures, l'ouvrage serait à mettre entre toutes les mains. Moral, mais quel bel outil pédagogique, dans le principe !
Pour les Aventures du Petit Nicolas, c'est un petit garçon qui raconte sa vie quotidienne, avec son langage, ses mots, ses idées. Amusant, cocasse...
Et la Casserole des enfants sa été voulue comme un mélange des deux : deux enfants sont laissés seuls le soir, pendant que leurs parents sortent, et ils doivent faire la cuisine. Leurs expériences les conduisent à faire des tas de découvertes... mais aussi à remettre en question des gestes classiques. Quel bonheur quand j'ai rencontré des enfants qui avaient « vécu », vibré avec mes deux héros ! Quel bonheur quand j'ai appris qu'un groupe de professionnels des métiers de bouche avaient acquis le livre, non pas pour leurs enfants, mais pour eux-mêmes. On le voit, la jubilation de la connaissance n'a pas d'âge.
► Puis est venu le Traité élémentaire de cuisine, aux éditions Belin, qui était la mise en livre d'une « théorie du goût » que je faisais circuler, en l'augmentant régulièrement, parmi mes amis cuisiniers ou gastronomes.
Ce livre est arrivé au moment où j'ai contribué à réformer l'enseignement culinaire des lycées hôteliers, au moment où j'ai contribué à débarrasser cet enseignement de scories qui dataient d'un siècle environ, quand on avait commencé à rationnaliser la cuisine... en oubliant que, à cette fin, il fallait des explorations chimiques et physiques des phénomènes. Des « éducateurs » avaient progressivement ajouté des intuitions fausses, qui avaient fait école, et des notions fausses telles que la « concentration » ou l' « expansion » des viandes étaient invoquées lors des examens. On confondait mousses et émulsions, on croyait à des idées introduites au hasard de l'empirisme culinaire. Le livre fut le livre de la réforme de l'enseignement culinaire, tout comme le Traité élémentaire de chimie, d'Antoine-Laurent de Lavoisier, avait été, à la fin du XVIIIe siècle, le livre de réforme de la chimie.
► Peu après, la revue Pour la Science me proposa de réunir sous la forme d'un livre les chroniques mensuelles que je rédigeais dans la revue : « Science et gastronomie ».
Le livre, intitulé Casseroles et éprouvettes (Editions Pour la Science), fut l'occasion d'une organisation, et, surtout, d'une bonne définition de la gastronomie moléculaire, la science qui cherche les mécanismes des phénomènes qui surviennent lors de la préparation et de la consommation des mets.
Ce livre est un best seller en anglais, parce que Keanu Reeves en était fan :
► Un de mes livres est peu connu... parce qu'il est excessivement cher. J'espère qu'aucun de mes amis ne croira que j'ai voulu m'enrichir en faisant un tel livre ! Il s'agissait d'une proposition par un éditeur de livres d'art, Jane Otmezguine, qui avait voulu faire un « objet » : le livre avait l'apparence d'un très gros livre, tiré en nombre limité, pour des collectionneurs, et il contenait des objets et des lettres écrites à mon ami Pierre Gagnaire. Six lettres gourmandes : c'était d'ailleurs le titre.
► Puis est venu mon livre préféré, La cuisine, c'est de l'amour, de l'art, de la technique (Editions Odile Jacob) :
Le premier traité d'esthétique culinaire, à ma connaissance, dans l'histoire de la cuisine. Par « esthétique », on entend non pas l'apparence visuelle, mais le goût. En cuisine, le beau à manger, ce n'est pas le beau à voir, comme en peinture ou en sculpture, mais le bon !
Et comme un traité risquait d'être austère, je l'ai transformé en roman d'amour/policier, en l'agrémentant de « recettes » de Pierre Gagnaire. Je maintiens que ce livre, insuffisant d'un point de vue littéraire, un peu difficile (parce que l'esthétique est une branche de la philosophie), est un livre important, utile.
► Peu après, mon amie Marie-Odile Monchicourt m'interrogeais sur « ma vie, mon oeuvre »... mais peut-on imaginer que quelqu'un qui soutient que « le moi est haïssable » se laisse aller à raconter, page après page, de quelle couleur est sa brosse à dent, et autres poussières du monde ?
Cette fois, dans Construisons un repas (Edition Odile Jacob), je décidais de tout récrire, pour gommer cet aspect personnel sans intérêt, et, plutôt, pour poursuivre la discussion esthétique, mais de façon très simple, pratique. La cuisine, en effet, c'est une construction. Une construction des matières, une construction des mets, par assemblage de matières, et une construction/enchaînement des mets en repas.
Pour rester dans l'idée de Marie-Odile Monchicourt, je me suis efforcé de tout dire très simplement. Oui, ce livre, Construisons un repas, est une sorte de manifeste du « constructivisme culinaire », mais un manifeste à l'attention de tous.
► Pendant l'écriture des deux derniers livres, nous avions des rendez-vous reguliers avec mon ami Pierre Gagnaire, face à Jacques Merles, qui était équipé d'un magnétophone. Nous discutions, séance après séance, le merveilleux traité de cuisine de Nicolas de Bonnefons, cuisinier du roi Louis XIV, et ces discussions conduisirent au livre Alchimistes aux fourneaux (Edition Flammarion).
Un « beau livre », un gros livre, avec d'extraordinaires photographies d'un photographe aussi « allumé » que Pierre Gagnaire ou que moi. Un livre où l'on trouve, de façon un peu baroque (une marque de fabrique H. This), le texte de Bonnefons, les commentaires de Pierre, mes observations, les photographies de Rip Hopkins.
► Le mot « fourneaux », d'ailleurs, semble avoir été dans l'air, puisque la revue Pour la Science voulut publier de nouveaux textes de ma chronique Science et gastronomie, sous le titre De la science aux fourneaux :
Cette fois, le risque du tome 2 était grand ! Comment l'éviter ? Je décidais alors de construire un livre bien différent de Casseroles et éprouvettes, un livre qui doive tout à son organisation, et où les chroniques publiées dans la revue viendraient tenir leur partie dans une partition d'orchestre construite sans se fonder sur elles a priori.
► Un jeune éditeur, L'oeil Neuf, avait alors publié un très beau livre, la Sagesse du bibliothécaire, et le succès de ce livre intelligent lui avait fait penser qu'une collection pouvait naître. Quelle belle idée que de rechercher à dégager la sagesse des métiers ! La sagesse du potier, du médecin, de l'archéologue... L'éditeur m'invita à préparer La Sagesse du chimiste.
Et je me suis beaucoup amusé à écrire un tel livre. D'abord, parce que je n'ai en réalité aucune sagesse personnelle, mais, ensuite, parce que la chimie est une science si belle qu'elle méritait une sorte d'ode !
Ce qui est également merveilleux, c'est que, lors de l'écriture de ce livre, j'ai fini par comprendre que la chimie était aujourd'hui partagée -j'espère que cela ne durera pas- entre la science et la technologie. La science : lproduction de connaissance, recherche des mécanismes des phénomènes par la méthode « scientifique ». La technologie : amélioration des techniques par l'utilisation des résultats de la science.
Et puis, ce fut l'occasion de montrer qu'il n'y aura jamais de chimie en cuisine, que l'on ne mettra pas des « produits chimiques » dans les aliments, que nos sociétés souffrent d'une sorte d' « ilchemise », pendant chimique de l'illétrisme.
► D'ailleurs, ces idées, et bien d'autres, furent utiles pour la rédaction du Cours de gastronomie moléculaire N°1 : Science, technologie, technique (culinaires), quelles relations ? (Editions Quae/Belin) :
Pour ce livre, il fallait faire bien davantage que ce qui avait été fait dans la Sagesse du chimiste. L'idée fut de présenter les quelque 150 inventions que j'avais offertes à mon ami Pierre Gagnaire, chaque mois depuis dix ans, sur son site, et d'expliquer comment, comprenant bien la différence entre science et technologie, on pouvait facilement faire autant d'inventions.
Notre monde bruit de « créativité », d' « innovation », maîtres mots de l'industrie, qui permettent à des gourous auto-proclamés de vendre des recettes, des formations... Je maintiens dans ce livre que tout est question de travail, de soin, et de méthode. Le livre est un manuel de technologie générale, tel que je rêve qu'il soit utilisé dans toutes les écoles d'ingénieurs, dans tous les instituts de technologie.
► Rapidement, est alors paru le Cours de gastronomie moléculaire N°2 : Les précisions culinaires (éditions Quae/Belin).
Je suis bien certain qu'aucun de mes amis ne me fera l'injure de penser que ce livre a été bâclé... parce que, en réalité, il réunit des précisions culinaires (dictons, adages, proverbes, tours de main...) réunis depuis le 16 mars 1980 ! Cela fait plus de 30 ans, donc, que je collectionne ces objets de culture, que je les teste, que je les discute, que j'y pense... Le Cours de gastronomie moléculaire que je donne annuellement à AgroParisTech a été une merveilleuse occasion de mettre de l'ordre dans tout cela, de chercher des méthodes pour explorer ce corpus unique dont je dispose, et que je voulais mettre à la disposition de tous. Pour autant, je ne me suis pas résolu à livrer des fleurs en vrac : j'ai voulu faire un bouquet !
► Le livre sur la cuisine note à note est arrivé après mon cours, à la demande des cuisiniers qui voulaient une sorte de cours, mais le livre est un hybride entre un manifeste et un manuel. Il est lisible par tous, et j'ai pris le plus grand soin à expliquer ce qu'est un composé.
Plus exactement, après une longue introduction très générale, et qui dit l'intérêt de la cuisine note à note, on rentre dans la partie technique, en considérant les divers aspects des plats (consistances, formes, saveurs, odeurs, sensations trigéminales…) . En fin de livre, des recettes
► En 2014, un livre de synthèse, que j'espère simple, pour tous lecteurs. Quand je parle d'un composé, j'explique ce que c'est, et il doit y avoir deux ou trois formules chimiques… expliquées dans les moindres détails. Pour autant des collègues devraient être également intéressés.
Le propos ? Je reprends la cuisine historiquement… en vue d'en tirer des idées qui permettent de faire mieux. Autrement dit, il y a du spéculatif et de l'opératif, comme on dit. Un livre assez volumineux, qui considère, en fin de livre, les évolutions que furent la cuisine moléculaire, le constructivisme culinaire, et s'achève évidemment sur la cuisine note à note. A la charnière, 14 « commandements », qui sont détaillés, en vue de mieux cuisiner.
Fan ?
Ce matin, un message amical, qui contient la phrase :
Je suis un de plus vos grands fans, tous vos ouvrages sont sur mon étagère ...
Initialement, j'avais répondu "Merci de votre réponse... mais ne soyez fan que de vous-même... en le méritant !", mais la question étant récurrente, il faut analyser.
Le mot "fan" est un anglicisme (abréviation de fanatic, du français "fanatique"), qui désigne une personne qui éprouve une forte admiration pour une personne, un groupe de personnes, une équipe de sport, etc.
Ce qui renvoie à "admiration", dont la définition est dans le seul dictionnaire de la langue française qui vaille, le Trésor de la langue française informatisé : "Sentiment complexe d'étonnement, le plus souvent mêlé de plaisir exalté et d'approbation devant ce qui est estimé supérieurement beau, bon ou grand." L'étymologie renforce l'idée que cette définition est juste.
Ainsi, il y aurait un sentiment d'étonnement, avec plaisir et approbation : jusque là, pourquoi pas, puisque je ne cesse de chercher à m'étonner moi-même, mes productions étant d'abord une façon de produire de la pensée, si possibile originale.
Mes livres seraient-ils "quelque chose de "supérieurement beau, bon ou grand" ? Là, j'ai plus d'inquiétude (sans fausse modestie), parce que, s'il est vrai que je me donne du mal pour les produire, s'il est vrai que j'évite des "tomes 2", je suis bien conscient d'être très loin derrière Rabelais ou Flaubert. Or des livres doivent être jugés à l'aune de l'écriture, et l'intervalle sur lequel nous devons juger est entre 0 et Rabelais, me semble-t-il (pendant des décennies, j'avais mis Flaubert au maximum, mais la relecture de Rabelais m'a bien montré que ce dernier est considérablement plus grand... en supposant qu'il faille classer !
Oui, car faut-il classer sur une échelle linéaire ce qui est multifactoriel ? Dans des billets précédents, j'ai discuté cette question à propos du classement imbécile des cuisiniers du monde, de sorte que la question doit être abandonnée.
Que faire, alors ? Je propose surtout d'expliquer que mes divers livres sont destinés à des amis différents : les jeunes lecteurs (pour la Casserole des enfants) ne sont pas ceux que j'ai visés, avec Mon histoire de cuisine, et Casseroles et éprouvettes ne s'adresse pas aux mêmes "amis" que La cuisine, c'est de l'amour, de l'art, de la technique.
Bref, s'impose un éclaircissement que voici :
► Le premier de mes livres, Les Secrets de la casserole (Editions Pour la Science), était une volonté de montrer aimablement qu'il y a lieu de se préoccuper de science, en vue de comprendre l'activité culinaire, dans sa composante technique.
Oui, un soufflé qui ne gonfle pas n'est pas un soufflé, mais un gâteau, ou une crêpe... et il y a lieu de se demander pourquoi un soufflé gonfle ou ne gonfle pas.
Sachant que la science répond à la question « comment ça marche ? », le livre est structuré par des questions, avec des réponses aussi courtes que possibles, sans concession à la rigueur scientifique. Enfin, rigueur... Le mot est mal choisi : j'aurais dû dire « justesse », « précisions », mais pas « rigueur », car la Gourmandise s'accomode mal de rigueur...
► Le deuxième livre, Révélations gastronomiques (Editions Belin), était une réponse (à ma manière) à la demande de « recettes ».
Sachant que j'ai le plus grand mépris pour des recettes données sous la forme de protocoles qui condamnent l'exécutant au rôle de machine, il s'agissait de donner des recettes... mais en explicitant le détail de chaque geste. Il y a donc des recettes, dans ce livre, mais des recettes qui font grandir, et, en réalité, le livre est plus une discussion à propos de recettes que de recettes proprement dites.
► Le troisième livre, La casserole des enfants, aux Editions Belin, visait... les enfant que nous sommes tous, que nous le soyons vraiment ou que nous le soyons resté. J'avais en arrière-plan deux livres que je juge importants : le Tour de France par deux enfants, et les Aventures du Petit Nicolas.
Le Tour de France par deux enfants est un ancien manuel de l'Education nationale, du temps où les instituteurs étaient des hussards noirs de la République, du temps où l'Alsace et la Lorraine venaient d'être prises par les Allemands, du temps où la Révolution industrielle faisait rage. L'histoire est celle de deux enfants, orphelins de mère, qui partent de Phalsbourg à la recherche de leur père, engagé dans l'armée française. Le lieu de départ est à la limite de l'Alsace et de la Lorraine, et, en faisant ainsi le tour de France, à la recherche de leur père, les deux enfants, deux « bons petits gars courageux », découvrent de l'histoire naturelle, de la géographie, de l'histoire, de la science, de la technologie, de la technique... Chaque épisode est une occasion de découverte, et, n'était le racisme qui fait dire à l'auteur qu'il existerait des races humaines inférieures, l'ouvrage serait à mettre entre toutes les mains. Moral, mais quel bel outil pédagogique, dans le principe !
Pour les Aventures du Petit Nicolas, c'est un petit garçon qui raconte sa vie quotidienne, avec son langage, ses mots, ses idées. Amusant, cocasse...
Et la Casserole des enfants sa été voulue comme un mélange des deux : deux enfants sont laissés seuls le soir, pendant que leurs parents sortent, et ils doivent faire la cuisine. Leurs expériences les conduisent à faire des tas de découvertes... mais aussi à remettre en question des gestes classiques. Quel bonheur quand j'ai rencontré des enfants qui avaient « vécu », vibré avec mes deux héros ! Quel bonheur quand j'ai appris qu'un groupe de professionnels des métiers de bouche avaient acquis le livre, non pas pour leurs enfants, mais pour eux-mêmes. On le voit, la jubilation de la connaissance n'a pas d'âge.
► Puis est venu le Traité élémentaire de cuisine, aux éditions Belin, qui était la mise en livre d'une « théorie du goût » que je faisais circuler, en l'augmentant régulièrement, parmi mes amis cuisiniers ou gastronomes.
Ce livre est arrivé au moment où j'ai contribué à réformer l'enseignement culinaire des lycées hôteliers, au moment où j'ai contribué à débarrasser cet enseignement de scories qui dataient d'un siècle environ, quand on avait commencé à rationnaliser la cuisine... en oubliant que, à cette fin, il fallait des explorations chimiques et physiques des phénomènes. Des « éducateurs » avaient progressivement ajouté des intuitions fausses, qui avaient fait école, et des notions fausses telles que la « concentration » ou l' « expansion » des viandes étaient invoquées lors des examens. On confondait mousses et émulsions, on croyait à des idées introduites au hasard de l'empirisme culinaire. Le livre fut le livre de la réforme de l'enseignement culinaire, tout comme le Traité élémentaire de chimie, d'Antoine-Laurent de Lavoisier, avait été, à la fin du XVIIIe siècle, le livre de réforme de la chimie.
► Peu après, la revue Pour la Science me proposa de réunir sous la forme d'un livre les chroniques mensuelles que je rédigeais dans la revue : « Science et gastronomie ».
Le livre, intitulé Casseroles et éprouvettes (Editions Pour la Science), fut l'occasion d'une organisation, et, surtout, d'une bonne définition de la gastronomie moléculaire, la science qui cherche les mécanismes des phénomènes qui surviennent lors de la préparation et de la consommation des mets.
Ce livre est un best seller en anglais, parce que Keanu Reeves en était fan :
► Un de mes livres est peu connu... parce qu'il est excessivement cher. J'espère qu'aucun de mes amis ne croira que j'ai voulu m'enrichir en faisant un tel livre ! Il s'agissait d'une proposition par un éditeur de livres d'art, Jane Otmezguine, qui avait voulu faire un « objet » : le livre avait l'apparence d'un très gros livre, tiré en nombre limité, pour des collectionneurs, et il contenait des objets et des lettres écrites à mon ami Pierre Gagnaire. Six lettres gourmandes : c'était d'ailleurs le titre.
► Puis est venu mon livre préféré, La cuisine, c'est de l'amour, de l'art, de la technique (Editions Odile Jacob) :
Le premier traité d'esthétique culinaire, à ma connaissance, dans l'histoire de la cuisine. Par « esthétique », on entend non pas l'apparence visuelle, mais le goût. En cuisine, le beau à manger, ce n'est pas le beau à voir, comme en peinture ou en sculpture, mais le bon !
Et comme un traité risquait d'être austère, je l'ai transformé en roman d'amour/policier, en l'agrémentant de « recettes » de Pierre Gagnaire. Je maintiens que ce livre, insuffisant d'un point de vue littéraire, un peu difficile (parce que l'esthétique est une branche de la philosophie), est un livre important, utile.
► Peu après, mon amie Marie-Odile Monchicourt m'interrogeais sur « ma vie, mon oeuvre »... mais peut-on imaginer que quelqu'un qui soutient que « le moi est haïssable » se laisse aller à raconter, page après page, de quelle couleur est sa brosse à dent, et autres poussières du monde ?
Cette fois, dans Construisons un repas (Edition Odile Jacob), je décidais de tout récrire, pour gommer cet aspect personnel sans intérêt, et, plutôt, pour poursuivre la discussion esthétique, mais de façon très simple, pratique. La cuisine, en effet, c'est une construction. Une construction des matières, une construction des mets, par assemblage de matières, et une construction/enchaînement des mets en repas.
Pour rester dans l'idée de Marie-Odile Monchicourt, je me suis efforcé de tout dire très simplement. Oui, ce livre, Construisons un repas, est une sorte de manifeste du « constructivisme culinaire », mais un manifeste à l'attention de tous.
► Pendant l'écriture des deux derniers livres, nous avions des rendez-vous reguliers avec mon ami Pierre Gagnaire, face à Jacques Merles, qui était équipé d'un magnétophone. Nous discutions, séance après séance, le merveilleux traité de cuisine de Nicolas de Bonnefons, cuisinier du roi Louis XIV, et ces discussions conduisirent au livre Alchimistes aux fourneaux (Edition Flammarion).
Un « beau livre », un gros livre, avec d'extraordinaires photographies d'un photographe aussi « allumé » que Pierre Gagnaire ou que moi. Un livre où l'on trouve, de façon un peu baroque (une marque de fabrique H. This), le texte de Bonnefons, les commentaires de Pierre, mes observations, les photographies de Rip Hopkins.
► Le mot « fourneaux », d'ailleurs, semble avoir été dans l'air, puisque la revue Pour la Science voulut publier de nouveaux textes de ma chronique Science et gastronomie, sous le titre De la science aux fourneaux :
Cette fois, le risque du tome 2 était grand ! Comment l'éviter ? Je décidais alors de construire un livre bien différent de Casseroles et éprouvettes, un livre qui doive tout à son organisation, et où les chroniques publiées dans la revue viendraient tenir leur partie dans une partition d'orchestre construite sans se fonder sur elles a priori.
► Un jeune éditeur, L'oeil Neuf, avait alors publié un très beau livre, la Sagesse du bibliothécaire, et le succès de ce livre intelligent lui avait fait penser qu'une collection pouvait naître. Quelle belle idée que de rechercher à dégager la sagesse des métiers ! La sagesse du potier, du médecin, de l'archéologue... L'éditeur m'invita à préparer La Sagesse du chimiste.
Et je me suis beaucoup amusé à écrire un tel livre. D'abord, parce que je n'ai en réalité aucune sagesse personnelle, mais, ensuite, parce que la chimie est une science si belle qu'elle méritait une sorte d'ode !
Ce qui est également merveilleux, c'est que, lors de l'écriture de ce livre, j'ai fini par comprendre que la chimie était aujourd'hui partagée -j'espère que cela ne durera pas- entre la science et la technologie. La science : lproduction de connaissance, recherche des mécanismes des phénomènes par la méthode « scientifique ». La technologie : amélioration des techniques par l'utilisation des résultats de la science.
Et puis, ce fut l'occasion de montrer qu'il n'y aura jamais de chimie en cuisine, que l'on ne mettra pas des « produits chimiques » dans les aliments, que nos sociétés souffrent d'une sorte d' « ilchemise », pendant chimique de l'illétrisme.
► D'ailleurs, ces idées, et bien d'autres, furent utiles pour la rédaction du Cours de gastronomie moléculaire N°1 : Science, technologie, technique (culinaires), quelles relations ? (Editions Quae/Belin) :
Pour ce livre, il fallait faire bien davantage que ce qui avait été fait dans la Sagesse du chimiste. L'idée fut de présenter les quelque 150 inventions que j'avais offertes à mon ami Pierre Gagnaire, chaque mois depuis dix ans, sur son site, et d'expliquer comment, comprenant bien la différence entre science et technologie, on pouvait facilement faire autant d'inventions.
Notre monde bruit de « créativité », d' « innovation », maîtres mots de l'industrie, qui permettent à des gourous auto-proclamés de vendre des recettes, des formations... Je maintiens dans ce livre que tout est question de travail, de soin, et de méthode. Le livre est un manuel de technologie générale, tel que je rêve qu'il soit utilisé dans toutes les écoles d'ingénieurs, dans tous les instituts de technologie.
► Rapidement, est alors paru le Cours de gastronomie moléculaire N°2 : Les précisions culinaires (éditions Quae/Belin).
Je suis bien certain qu'aucun de mes amis ne me fera l'injure de penser que ce livre a été bâclé... parce que, en réalité, il réunit des précisions culinaires (dictons, adages, proverbes, tours de main...) réunis depuis le 16 mars 1980 ! Cela fait plus de 30 ans, donc, que je collectionne ces objets de culture, que je les teste, que je les discute, que j'y pense... Le Cours de gastronomie moléculaire que je donne annuellement à AgroParisTech a été une merveilleuse occasion de mettre de l'ordre dans tout cela, de chercher des méthodes pour explorer ce corpus unique dont je dispose, et que je voulais mettre à la disposition de tous. Pour autant, je ne me suis pas résolu à livrer des fleurs en vrac : j'ai voulu faire un bouquet !
► Le livre sur la cuisine note à note est arrivé après mon cours, à la demande des cuisiniers qui voulaient une sorte de cours, mais le livre est un hybride entre un manifeste et un manuel. Il est lisible par tous, et j'ai pris le plus grand soin à expliquer ce qu'est un composé.
Plus exactement, après une longue introduction très générale, et qui dit l'intérêt de la cuisine note à note, on rentre dans la partie technique, en considérant les divers aspects des plats (consistances, formes, saveurs, odeurs, sensations trigéminales…) . En fin de livre, des recettes
► En 2014, un livre de synthèse, que j'espère simple, pour tous lecteurs. Quand je parle d'un composé, j'explique ce que c'est, et il doit y avoir deux ou trois formules chimiques… expliquées dans les moindres détails. Pour autant des collègues devraient être également intéressés.
Le propos ? Je reprends la cuisine historiquement… en vue d'en tirer des idées qui permettent de faire mieux. Autrement dit, il y a du spéculatif et de l'opératif, comme on dit. Un livre assez volumineux, qui considère, en fin de livre, les évolutions que furent la cuisine moléculaire, le constructivisme culinaire, et s'achève évidemment sur la cuisine note à note. A la charnière, 14 « commandements », qui sont détaillés, en vue de mieux cuisiner.
Je suis un de plus vos grands fans, tous vos ouvrages sont sur mon étagère ...
Initialement, j'avais répondu "Merci de votre réponse... mais ne soyez fan que de vous-même... en le méritant !", mais la question étant récurrente, il faut analyser.
Le mot "fan" est un anglicisme (abréviation de fanatic, du français "fanatique"), qui désigne une personne qui éprouve une forte admiration pour une personne, un groupe de personnes, une équipe de sport, etc.
Ce qui renvoie à "admiration", dont la définition est dans le seul dictionnaire de la langue française qui vaille, le Trésor de la langue française informatisé : "Sentiment complexe d'étonnement, le plus souvent mêlé de plaisir exalté et d'approbation devant ce qui est estimé supérieurement beau, bon ou grand." L'étymologie renforce l'idée que cette définition est juste.
Ainsi, il y aurait un sentiment d'étonnement, avec plaisir et approbation : jusque là, pourquoi pas, puisque je ne cesse de chercher à m'étonner moi-même, mes productions étant d'abord une façon de produire de la pensée, si possibile originale.
Mes livres seraient-ils "quelque chose de "supérieurement beau, bon ou grand" ? Là, j'ai plus d'inquiétude (sans fausse modestie), parce que, s'il est vrai que je me donne du mal pour les produire, s'il est vrai que j'évite des "tomes 2", je suis bien conscient d'être très loin derrière Rabelais ou Flaubert. Or des livres doivent être jugés à l'aune de l'écriture, et l'intervalle sur lequel nous devons juger est entre 0 et Rabelais, me semble-t-il (pendant des décennies, j'avais mis Flaubert au maximum, mais la relecture de Rabelais m'a bien montré que ce dernier est considérablement plus grand... en supposant qu'il faille classer !
Oui, car faut-il classer sur une échelle linéaire ce qui est multifactoriel ? Dans des billets précédents, j'ai discuté cette question à propos du classement imbécile des cuisiniers du monde, de sorte que la question doit être abandonnée.
Que faire, alors ? Je propose surtout d'expliquer que mes divers livres sont destinés à des amis différents : les jeunes lecteurs (pour la Casserole des enfants) ne sont pas ceux que j'ai visés, avec Mon histoire de cuisine, et Casseroles et éprouvettes ne s'adresse pas aux mêmes "amis" que La cuisine, c'est de l'amour, de l'art, de la technique.
Bref, s'impose un éclaircissement que voici :
► Le premier de mes livres, Les Secrets de la casserole (Editions Pour la Science), était une volonté de montrer aimablement qu'il y a lieu de se préoccuper de science, en vue de comprendre l'activité culinaire, dans sa composante technique.
Oui, un soufflé qui ne gonfle pas n'est pas un soufflé, mais un gâteau, ou une crêpe... et il y a lieu de se demander pourquoi un soufflé gonfle ou ne gonfle pas.
Sachant que la science répond à la question « comment ça marche ? », le livre est structuré par des questions, avec des réponses aussi courtes que possibles, sans concession à la rigueur scientifique. Enfin, rigueur... Le mot est mal choisi : j'aurais dû dire « justesse », « précisions », mais pas « rigueur », car la Gourmandise s'accomode mal de rigueur...
► Le deuxième livre, Révélations gastronomiques (Editions Belin), était une réponse (à ma manière) à la demande de « recettes ».
Sachant que j'ai le plus grand mépris pour des recettes données sous la forme de protocoles qui condamnent l'exécutant au rôle de machine, il s'agissait de donner des recettes... mais en explicitant le détail de chaque geste. Il y a donc des recettes, dans ce livre, mais des recettes qui font grandir, et, en réalité, le livre est plus une discussion à propos de recettes que de recettes proprement dites.
► Le troisième livre, La casserole des enfants, aux Editions Belin, visait... les enfant que nous sommes tous, que nous le soyons vraiment ou que nous le soyons resté. J'avais en arrière-plan deux livres que je juge importants : le Tour de France par deux enfants, et les Aventures du Petit Nicolas.
Le Tour de France par deux enfants est un ancien manuel de l'Education nationale, du temps où les instituteurs étaient des hussards noirs de la République, du temps où l'Alsace et la Lorraine venaient d'être prises par les Allemands, du temps où la Révolution industrielle faisait rage. L'histoire est celle de deux enfants, orphelins de mère, qui partent de Phalsbourg à la recherche de leur père, engagé dans l'armée française. Le lieu de départ est à la limite de l'Alsace et de la Lorraine, et, en faisant ainsi le tour de France, à la recherche de leur père, les deux enfants, deux « bons petits gars courageux », découvrent de l'histoire naturelle, de la géographie, de l'histoire, de la science, de la technologie, de la technique... Chaque épisode est une occasion de découverte, et, n'était le racisme qui fait dire à l'auteur qu'il existerait des races humaines inférieures, l'ouvrage serait à mettre entre toutes les mains. Moral, mais quel bel outil pédagogique, dans le principe !
Pour les Aventures du Petit Nicolas, c'est un petit garçon qui raconte sa vie quotidienne, avec son langage, ses mots, ses idées. Amusant, cocasse...
Et la Casserole des enfants sa été voulue comme un mélange des deux : deux enfants sont laissés seuls le soir, pendant que leurs parents sortent, et ils doivent faire la cuisine. Leurs expériences les conduisent à faire des tas de découvertes... mais aussi à remettre en question des gestes classiques. Quel bonheur quand j'ai rencontré des enfants qui avaient « vécu », vibré avec mes deux héros ! Quel bonheur quand j'ai appris qu'un groupe de professionnels des métiers de bouche avaient acquis le livre, non pas pour leurs enfants, mais pour eux-mêmes. On le voit, la jubilation de la connaissance n'a pas d'âge.
► Puis est venu le Traité élémentaire de cuisine, aux éditions Belin, qui était la mise en livre d'une « théorie du goût » que je faisais circuler, en l'augmentant régulièrement, parmi mes amis cuisiniers ou gastronomes.
Ce livre est arrivé au moment où j'ai contribué à réformer l'enseignement culinaire des lycées hôteliers, au moment où j'ai contribué à débarrasser cet enseignement de scories qui dataient d'un siècle environ, quand on avait commencé à rationnaliser la cuisine... en oubliant que, à cette fin, il fallait des explorations chimiques et physiques des phénomènes. Des « éducateurs » avaient progressivement ajouté des intuitions fausses, qui avaient fait école, et des notions fausses telles que la « concentration » ou l' « expansion » des viandes étaient invoquées lors des examens. On confondait mousses et émulsions, on croyait à des idées introduites au hasard de l'empirisme culinaire. Le livre fut le livre de la réforme de l'enseignement culinaire, tout comme le Traité élémentaire de chimie, d'Antoine-Laurent de Lavoisier, avait été, à la fin du XVIIIe siècle, le livre de réforme de la chimie.
► Peu après, la revue Pour la Science me proposa de réunir sous la forme d'un livre les chroniques mensuelles que je rédigeais dans la revue : « Science et gastronomie ».
Le livre, intitulé Casseroles et éprouvettes (Editions Pour la Science), fut l'occasion d'une organisation, et, surtout, d'une bonne définition de la gastronomie moléculaire, la science qui cherche les mécanismes des phénomènes qui surviennent lors de la préparation et de la consommation des mets.
Ce livre est un best seller en anglais, parce que Keanu Reeves en était fan :
► Un de mes livres est peu connu... parce qu'il est excessivement cher. J'espère qu'aucun de mes amis ne croira que j'ai voulu m'enrichir en faisant un tel livre ! Il s'agissait d'une proposition par un éditeur de livres d'art, Jane Otmezguine, qui avait voulu faire un « objet » : le livre avait l'apparence d'un très gros livre, tiré en nombre limité, pour des collectionneurs, et il contenait des objets et des lettres écrites à mon ami Pierre Gagnaire. Six lettres gourmandes : c'était d'ailleurs le titre.
► Puis est venu mon livre préféré, La cuisine, c'est de l'amour, de l'art, de la technique (Editions Odile Jacob) :
Le premier traité d'esthétique culinaire, à ma connaissance, dans l'histoire de la cuisine. Par « esthétique », on entend non pas l'apparence visuelle, mais le goût. En cuisine, le beau à manger, ce n'est pas le beau à voir, comme en peinture ou en sculpture, mais le bon !
Et comme un traité risquait d'être austère, je l'ai transformé en roman d'amour/policier, en l'agrémentant de « recettes » de Pierre Gagnaire. Je maintiens que ce livre, insuffisant d'un point de vue littéraire, un peu difficile (parce que l'esthétique est une branche de la philosophie), est un livre important, utile.
► Peu après, mon amie Marie-Odile Monchicourt m'interrogeais sur « ma vie, mon oeuvre »... mais peut-on imaginer que quelqu'un qui soutient que « le moi est haïssable » se laisse aller à raconter, page après page, de quelle couleur est sa brosse à dent, et autres poussières du monde ?
Cette fois, dans Construisons un repas (Edition Odile Jacob), je décidais de tout récrire, pour gommer cet aspect personnel sans intérêt, et, plutôt, pour poursuivre la discussion esthétique, mais de façon très simple, pratique. La cuisine, en effet, c'est une construction. Une construction des matières, une construction des mets, par assemblage de matières, et une construction/enchaînement des mets en repas.
Pour rester dans l'idée de Marie-Odile Monchicourt, je me suis efforcé de tout dire très simplement. Oui, ce livre, Construisons un repas, est une sorte de manifeste du « constructivisme culinaire », mais un manifeste à l'attention de tous.
► Pendant l'écriture des deux derniers livres, nous avions des rendez-vous reguliers avec mon ami Pierre Gagnaire, face à Jacques Merles, qui était équipé d'un magnétophone. Nous discutions, séance après séance, le merveilleux traité de cuisine de Nicolas de Bonnefons, cuisinier du roi Louis XIV, et ces discussions conduisirent au livre Alchimistes aux fourneaux (Edition Flammarion).
Un « beau livre », un gros livre, avec d'extraordinaires photographies d'un photographe aussi « allumé » que Pierre Gagnaire ou que moi. Un livre où l'on trouve, de façon un peu baroque (une marque de fabrique H. This), le texte de Bonnefons, les commentaires de Pierre, mes observations, les photographies de Rip Hopkins.
► Le mot « fourneaux », d'ailleurs, semble avoir été dans l'air, puisque la revue Pour la Science voulut publier de nouveaux textes de ma chronique Science et gastronomie, sous le titre De la science aux fourneaux :
Cette fois, le risque du tome 2 était grand ! Comment l'éviter ? Je décidais alors de construire un livre bien différent de Casseroles et éprouvettes, un livre qui doive tout à son organisation, et où les chroniques publiées dans la revue viendraient tenir leur partie dans une partition d'orchestre construite sans se fonder sur elles a priori.
► Un jeune éditeur, L'oeil Neuf, avait alors publié un très beau livre, la Sagesse du bibliothécaire, et le succès de ce livre intelligent lui avait fait penser qu'une collection pouvait naître. Quelle belle idée que de rechercher à dégager la sagesse des métiers ! La sagesse du potier, du médecin, de l'archéologue... L'éditeur m'invita à préparer La Sagesse du chimiste.
Et je me suis beaucoup amusé à écrire un tel livre. D'abord, parce que je n'ai en réalité aucune sagesse personnelle, mais, ensuite, parce que la chimie est une science si belle qu'elle méritait une sorte d'ode !
Ce qui est également merveilleux, c'est que, lors de l'écriture de ce livre, j'ai fini par comprendre que la chimie était aujourd'hui partagée -j'espère que cela ne durera pas- entre la science et la technologie. La science : lproduction de connaissance, recherche des mécanismes des phénomènes par la méthode « scientifique ». La technologie : amélioration des techniques par l'utilisation des résultats de la science.
Et puis, ce fut l'occasion de montrer qu'il n'y aura jamais de chimie en cuisine, que l'on ne mettra pas des « produits chimiques » dans les aliments, que nos sociétés souffrent d'une sorte d' « ilchemise », pendant chimique de l'illétrisme.
► D'ailleurs, ces idées, et bien d'autres, furent utiles pour la rédaction du Cours de gastronomie moléculaire N°1 : Science, technologie, technique (culinaires), quelles relations ? (Editions Quae/Belin) :
Pour ce livre, il fallait faire bien davantage que ce qui avait été fait dans la Sagesse du chimiste. L'idée fut de présenter les quelque 150 inventions que j'avais offertes à mon ami Pierre Gagnaire, chaque mois depuis dix ans, sur son site, et d'expliquer comment, comprenant bien la différence entre science et technologie, on pouvait facilement faire autant d'inventions.
Notre monde bruit de « créativité », d' « innovation », maîtres mots de l'industrie, qui permettent à des gourous auto-proclamés de vendre des recettes, des formations... Je maintiens dans ce livre que tout est question de travail, de soin, et de méthode. Le livre est un manuel de technologie générale, tel que je rêve qu'il soit utilisé dans toutes les écoles d'ingénieurs, dans tous les instituts de technologie.
► Rapidement, est alors paru le Cours de gastronomie moléculaire N°2 : Les précisions culinaires (éditions Quae/Belin).
Je suis bien certain qu'aucun de mes amis ne me fera l'injure de penser que ce livre a été bâclé... parce que, en réalité, il réunit des précisions culinaires (dictons, adages, proverbes, tours de main...) réunis depuis le 16 mars 1980 ! Cela fait plus de 30 ans, donc, que je collectionne ces objets de culture, que je les teste, que je les discute, que j'y pense... Le Cours de gastronomie moléculaire que je donne annuellement à AgroParisTech a été une merveilleuse occasion de mettre de l'ordre dans tout cela, de chercher des méthodes pour explorer ce corpus unique dont je dispose, et que je voulais mettre à la disposition de tous. Pour autant, je ne me suis pas résolu à livrer des fleurs en vrac : j'ai voulu faire un bouquet !
► Le livre sur la cuisine note à note est arrivé après mon cours, à la demande des cuisiniers qui voulaient une sorte de cours, mais le livre est un hybride entre un manifeste et un manuel. Il est lisible par tous, et j'ai pris le plus grand soin à expliquer ce qu'est un composé.
Plus exactement, après une longue introduction très générale, et qui dit l'intérêt de la cuisine note à note, on rentre dans la partie technique, en considérant les divers aspects des plats (consistances, formes, saveurs, odeurs, sensations trigéminales…) . En fin de livre, des recettes
► En 2014, un livre de synthèse, que j'espère simple, pour tous lecteurs. Quand je parle d'un composé, j'explique ce que c'est, et il doit y avoir deux ou trois formules chimiques… expliquées dans les moindres détails. Pour autant des collègues devraient être également intéressés.
Le propos ? Je reprends la cuisine historiquement… en vue d'en tirer des idées qui permettent de faire mieux. Autrement dit, il y a du spéculatif et de l'opératif, comme on dit. Un livre assez volumineux, qui considère, en fin de livre, les évolutions que furent la cuisine moléculaire, le constructivisme culinaire, et s'achève évidemment sur la cuisine note à note. A la charnière, 14 « commandements », qui sont détaillés, en vue de mieux cuisiner.
La communication, il y a du lien social, de l'art, de la technique
Hier, de jeunes amis sont venus me présenter un film qu'ils avaient produit, afin de faire la promotion d'un produit (pédagogique). Ils me demandaient ce que j'en pensais, et j'avais des raisons autres qu'esthétiques (au sens de la beauté des images ou du son) de critiquer leur travail : la critique essentielle portait sur le fait que le film restait à la surface des choses, et que le contenu n'était quasiment pas évoqué. Or je propose toujours de partie du contenu, et de faire l'habillage ensuite.
La suite sur : http://www.agroparistech.fr/La-communication-il-y-a-du-lien-social-de-l-art-de-la-technique.html
La suite sur : http://www.agroparistech.fr/La-communication-il-y-a-du-lien-social-de-l-art-de-la-technique.html
samedi 28 novembre 2015
Qu'est-ce que la crème anglaise ?
Les mets classiques connaissent des variations innombrables, mais
nous ne sommes pas tous habilités à dire, à décider, ce qu'est un chat,
ou un tournevis, ou une équation... Les mots nous dépassent, et même si
des ignorants utilisent parfois les mots dans des acceptions
idiosyncratiques, il vaut mieux savoir ce que l'on dit, et recourir au
meilleur dictionnaire de la langue française que je connaisse : le
Trésor de la langue française informatisé.
Hélas, ce dernier n'est pas "fortiche" en cuisine, et c'est ainsi que, pour décrire les "bavarois", il se réfère à un dictionnaire professionnel de 1962. C'est avoir la mémoire bien courte, de sorte que je propose plutôt que nous nous référions non pas au Dictionnaire gastronomique, qui est plein d'erreurs que l'éditeur ne veut pas corriger (cela lui coûterait trop d'argent), non pas au Guide culinaire, qui est également très fautif (en plus de n'être signé que d'Escoffier, alors qu'il fut écrit par Phileas Gilbert et Emile Fetu, également), mais plutôt à des ouvrages comme celui de Carême (L'art de la cuisine française au XIXe siècle), ou de Menon, ou de La Varenne, ou de L.S.R....
Et, en tout cas, je propose de combattre absolument le Codex alimentarius, qui supporte que l'on fasse de la béarnaise avec de la graisse végétale et des arômes d'échalotes. Luttons contre cette intrusion minable du "commerce", luttons pour que les mots français désignent ce que la France a produit, et non pas une cuisine abatardie par le lucre.
Bref, qu'est-ce qu'une crème anglaise ? Là, la cuisine moderne est fautive, parce qu'elle a détourné une préparation classique en conservant un nom qui est maintenant usurpé. Dans le livre de Carême, et d'autres de la même époque, on voit que la crème anglaise est une préparation que l'on obtient avec des jaunes d'oeufs, du sucre, du lait. Il faut 16 jaunes d'oeufs par litre de lait, de sorte que, quand on cuit cette préparation, elle épaissit, par formation de micro-grumeaux de protéines.
Aujourd'hui, on macère de la vanille dans le lait : pourquoi pas... mais c'est un goût particulier. Aujourd'hui, on n'utilise que 8 jaunes par litre de lait... mais la sauce est alors bien différente de la sauce anglaise, et c'est pourquoi je propose de ne pas la nommer "crème anglaise", mais seulement "crème anglaise allégée". Sans quoi, c'est déloyal, malhonnête !
Au fait, que se passe-t-il quand on fait une crème anglaise, ou une crème anglaise allégée ?
Observons d'abord que le premier geste professionnel de la recette consiste à fouetter des jaunes d'oeuf avec du sucre. Là, le sucre vient se dissoudre dans l'eau des jaunes (un jaune d'oeuf, c'est 50 pour cent d'eau), en même temps que la préparation blanchit : le fouet introduit des myriades de bulles d'air.
Puis on ajoute le lait : alors les bulles d'air se dispersent dans le lait et "l'eau sucrée" des jaunes se mêle à l'eau du lait. En effet, le lait, c'est de l'eau, avec des gouttes de graisses dispersées dans l'eau, la teneur en protéines étant forte dans l'eau du lait, et autour des gouttelettes de matière grasse.
Puis on cuit : alors les protéines en solution dans l'eau coagulent, formant des grumeaux qui sont dispersés dans l'eau.
Finalement, l'eau sucrée qui forme la "phase continue" contient, dispersés, des bulles d'air, des micro-grumeaux de protéines, des gouttelettes de matière grasse.
Hélas, ce dernier n'est pas "fortiche" en cuisine, et c'est ainsi que, pour décrire les "bavarois", il se réfère à un dictionnaire professionnel de 1962. C'est avoir la mémoire bien courte, de sorte que je propose plutôt que nous nous référions non pas au Dictionnaire gastronomique, qui est plein d'erreurs que l'éditeur ne veut pas corriger (cela lui coûterait trop d'argent), non pas au Guide culinaire, qui est également très fautif (en plus de n'être signé que d'Escoffier, alors qu'il fut écrit par Phileas Gilbert et Emile Fetu, également), mais plutôt à des ouvrages comme celui de Carême (L'art de la cuisine française au XIXe siècle), ou de Menon, ou de La Varenne, ou de L.S.R....
Et, en tout cas, je propose de combattre absolument le Codex alimentarius, qui supporte que l'on fasse de la béarnaise avec de la graisse végétale et des arômes d'échalotes. Luttons contre cette intrusion minable du "commerce", luttons pour que les mots français désignent ce que la France a produit, et non pas une cuisine abatardie par le lucre.
Bref, qu'est-ce qu'une crème anglaise ? Là, la cuisine moderne est fautive, parce qu'elle a détourné une préparation classique en conservant un nom qui est maintenant usurpé. Dans le livre de Carême, et d'autres de la même époque, on voit que la crème anglaise est une préparation que l'on obtient avec des jaunes d'oeufs, du sucre, du lait. Il faut 16 jaunes d'oeufs par litre de lait, de sorte que, quand on cuit cette préparation, elle épaissit, par formation de micro-grumeaux de protéines.
Aujourd'hui, on macère de la vanille dans le lait : pourquoi pas... mais c'est un goût particulier. Aujourd'hui, on n'utilise que 8 jaunes par litre de lait... mais la sauce est alors bien différente de la sauce anglaise, et c'est pourquoi je propose de ne pas la nommer "crème anglaise", mais seulement "crème anglaise allégée". Sans quoi, c'est déloyal, malhonnête !
Au fait, que se passe-t-il quand on fait une crème anglaise, ou une crème anglaise allégée ?
Observons d'abord que le premier geste professionnel de la recette consiste à fouetter des jaunes d'oeuf avec du sucre. Là, le sucre vient se dissoudre dans l'eau des jaunes (un jaune d'oeuf, c'est 50 pour cent d'eau), en même temps que la préparation blanchit : le fouet introduit des myriades de bulles d'air.
Puis on ajoute le lait : alors les bulles d'air se dispersent dans le lait et "l'eau sucrée" des jaunes se mêle à l'eau du lait. En effet, le lait, c'est de l'eau, avec des gouttes de graisses dispersées dans l'eau, la teneur en protéines étant forte dans l'eau du lait, et autour des gouttelettes de matière grasse.
Puis on cuit : alors les protéines en solution dans l'eau coagulent, formant des grumeaux qui sont dispersés dans l'eau.
Finalement, l'eau sucrée qui forme la "phase continue" contient, dispersés, des bulles d'air, des micro-grumeaux de protéines, des gouttelettes de matière grasse.
Qu'est-ce que la crème anglaise ?
Les mets classiques connaissent des variations innombrables, mais
nous ne sommes pas tous habilités à dire, à décider, ce qu'est un chat,
ou un tournevis, ou une équation... Les mots nous dépassent, et même si
des ignorants utilisent parfois les mots dans des acceptions
idiosyncratiques, il vaut mieux savoir ce que l'on dit, et recourir au
meilleur dictionnaire de la langue française que je connaisse : le
Trésor de la langue française informatisé.
Hélas, ce dernier n'est pas "fortiche" en cuisine, et c'est ainsi que, pour décrire les "bavarois", il se réfère à un dictionnaire professionnel de 1962. C'est avoir la mémoire bien courte, de sorte que je propose plutôt que nous nous référions non pas au Dictionnaire gastronomique, qui est plein d'erreurs que l'éditeur ne veut pas corriger (cela lui coûterait trop d'argent), non pas au Guide culinaire, qui est également très fautif (en plus de n'être signé que d'Escoffier, alors qu'il fut écrit par Phileas Gilbert et Emile Fetu, également), mais plutôt à des ouvrages comme celui de Carême (L'art de la cuisine française au XIXe siècle), ou de Menon, ou de La Varenne, ou de L.S.R....
Et, en tout cas, je propose de combattre absolument le Codex alimentarius, qui supporte que l'on fasse de la béarnaise avec de la graisse végétale et des arômes d'échalotes. Luttons contre cette intrusion minable du "commerce", luttons pour que les mots français désignent ce que la France a produit, et non pas une cuisine abatardie par le lucre.
Bref, qu'est-ce qu'une crème anglaise ? Là, la cuisine moderne est fautive, parce qu'elle a détourné une préparation classique en conservant un nom qui est maintenant usurpé. Dans le livre de Carême, et d'autres de la même époque, on voit que la crème anglaise est une préparation que l'on obtient avec des jaunes d'oeufs, du sucre, du lait. Il faut 16 jaunes d'oeufs par litre de lait, de sorte que, quand on cuit cette préparation, elle épaissit, par formation de micro-grumeaux de protéines.
Aujourd'hui, on macère de la vanille dans le lait : pourquoi pas... mais c'est un goût particulier. Aujourd'hui, on n'utilise que 8 jaunes par litre de lait... mais la sauce est alors bien différente de la sauce anglaise, et c'est pourquoi je propose de ne pas la nommer "crème anglaise", mais seulement "crème anglaise allégée". Sans quoi, c'est déloyal, malhonnête !
Au fait, que se passe-t-il quand on fait une crème anglaise, ou une crème anglaise allégée ?
Observons d'abord que le premier geste professionnel de la recette consiste à fouetter des jaunes d'oeuf avec du sucre. Là, le sucre vient se dissoudre dans l'eau des jaunes (un jaune d'oeuf, c'est 50 pour cent d'eau), en même temps que la préparation blanchit : le fouet introduit des myriades de bulles d'air.
Puis on ajoute le lait : alors les bulles d'air se dispersent dans le lait et "l'eau sucrée" des jaunes se mêle à l'eau du lait. En effet, le lait, c'est de l'eau, avec des gouttes de graisses dispersées dans l'eau, la teneur en protéines étant forte dans l'eau du lait, et autour des gouttelettes de matière grasse.
Puis on cuit : alors les protéines en solution dans l'eau coagulent, formant des grumeaux qui sont dispersés dans l'eau.
Finalement, l'eau sucrée qui forme la "phase continue" contient, dispersés, des bulles d'air, des micro-grumeaux de protéines, des gouttelettes de matière grasse.
Hélas, ce dernier n'est pas "fortiche" en cuisine, et c'est ainsi que, pour décrire les "bavarois", il se réfère à un dictionnaire professionnel de 1962. C'est avoir la mémoire bien courte, de sorte que je propose plutôt que nous nous référions non pas au Dictionnaire gastronomique, qui est plein d'erreurs que l'éditeur ne veut pas corriger (cela lui coûterait trop d'argent), non pas au Guide culinaire, qui est également très fautif (en plus de n'être signé que d'Escoffier, alors qu'il fut écrit par Phileas Gilbert et Emile Fetu, également), mais plutôt à des ouvrages comme celui de Carême (L'art de la cuisine française au XIXe siècle), ou de Menon, ou de La Varenne, ou de L.S.R....
Et, en tout cas, je propose de combattre absolument le Codex alimentarius, qui supporte que l'on fasse de la béarnaise avec de la graisse végétale et des arômes d'échalotes. Luttons contre cette intrusion minable du "commerce", luttons pour que les mots français désignent ce que la France a produit, et non pas une cuisine abatardie par le lucre.
Bref, qu'est-ce qu'une crème anglaise ? Là, la cuisine moderne est fautive, parce qu'elle a détourné une préparation classique en conservant un nom qui est maintenant usurpé. Dans le livre de Carême, et d'autres de la même époque, on voit que la crème anglaise est une préparation que l'on obtient avec des jaunes d'oeufs, du sucre, du lait. Il faut 16 jaunes d'oeufs par litre de lait, de sorte que, quand on cuit cette préparation, elle épaissit, par formation de micro-grumeaux de protéines.
Aujourd'hui, on macère de la vanille dans le lait : pourquoi pas... mais c'est un goût particulier. Aujourd'hui, on n'utilise que 8 jaunes par litre de lait... mais la sauce est alors bien différente de la sauce anglaise, et c'est pourquoi je propose de ne pas la nommer "crème anglaise", mais seulement "crème anglaise allégée". Sans quoi, c'est déloyal, malhonnête !
Au fait, que se passe-t-il quand on fait une crème anglaise, ou une crème anglaise allégée ?
Observons d'abord que le premier geste professionnel de la recette consiste à fouetter des jaunes d'oeuf avec du sucre. Là, le sucre vient se dissoudre dans l'eau des jaunes (un jaune d'oeuf, c'est 50 pour cent d'eau), en même temps que la préparation blanchit : le fouet introduit des myriades de bulles d'air.
Puis on ajoute le lait : alors les bulles d'air se dispersent dans le lait et "l'eau sucrée" des jaunes se mêle à l'eau du lait. En effet, le lait, c'est de l'eau, avec des gouttes de graisses dispersées dans l'eau, la teneur en protéines étant forte dans l'eau du lait, et autour des gouttelettes de matière grasse.
Puis on cuit : alors les protéines en solution dans l'eau coagulent, formant des grumeaux qui sont dispersés dans l'eau.
Finalement, l'eau sucrée qui forme la "phase continue" contient, dispersés, des bulles d'air, des micro-grumeaux de protéines, des gouttelettes de matière grasse.
La question des outils de la science
Pour faire de la peinture, il faut des couleurs et des pinceaux ; pour faire de la cuisine, il faut des casserole ; pour faire des calculs, il faut des outils de calcul. Dans le temps, il s'agissait d'un bâton et de sable (on raconte qu'Archimède fut tué alors qu'il utilisait ces outils sans faire attention à un soldat romain qui s'adressait à lui) ; puis il y a eu le tableau et la craie, puis le papier et le stylo. Aujourd'hui, il y a l'ordinateur, de sorte que c'est l'ordinateur, qui doit être utilisé, mais comment ?
La réponse sur : http://www.agroparistech.fr/La-question-des-outils.html
La réponse sur : http://www.agroparistech.fr/La-question-des-outils.html
vendredi 27 novembre 2015
Pas de moutarde dans la mayonnaise
La véritable histoire est la suivante. Dès le Viandier de Guillaume Tirel, au début du 15e siècle, on connaît les sauces rémoulade, qui se font à partir de moutarde, que l'on allonge avec un liquide froid ou chaud.
Progressivement, les cuisiniers ajoutent du jaune d'oeuf à ces sauces (froides), parce que l'on sait bien combien cet ingrédient est gustativement flatteur.
Puis, au 18e siècle, sans qu'on ait d'indication fiable de l'événement, quelqu'un omet la moutarde, et il obtient une émulsion analogue à la rémoulade avec jaune, mais d'un goût bien plus fin, parce que débarassé de la moutarde, un peu âcre. C'est là, enfin, la sauce mayonnaise, une vraie belle découverte culinaire.
Hélas, vers le tout début du 20e siècle, le Guide culinaire (qui fut préparé par Philéas Gilbert, Emile Fetu et Auguste Escoffier, ce dernier évinçant ses co-auteurs pour les éditions suivantes) préconise l'utilisation de moutarde dans les mayonnaises. C'est une ignorance terrible, et voilà pourquoi je déconseille absolument ce livre, qui montre la plus grande des ignorances historiques (la mayonnaise n'est pas seule en cause). Pis, M. Grégoire et M. Saulnier, dans la mouvance d'Escoffier, popularisent l'erreur... de sorte que, aujourd'hui, beaucoup de cuisinier confondent rémoulade et mayonnaise.
Ce n'est pourtant pas bien difficile : pour faire une mayonnaise, il faut un jaune d'oeuf, une cuillerée de vinaigre, et de l'huile que l'on ajoute goutte à goutte en fouettant.
Bref, pas de moutarde dans la mayonnaise, sans quoi on ne fait plus une mayonnaise, mais une rémoulade !
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Progressivement, les cuisiniers ajoutent du jaune d'oeuf à ces sauces (froides), parce que l'on sait bien combien cet ingrédient est gustativement flatteur.
Puis, au 18e siècle, sans qu'on ait d'indication fiable de l'événement, quelqu'un omet la moutarde, et il obtient une émulsion analogue à la rémoulade avec jaune, mais d'un goût bien plus fin, parce que débarassé de la moutarde, un peu âcre. C'est là, enfin, la sauce mayonnaise, une vraie belle découverte culinaire.
Hélas, vers le tout début du 20e siècle, le Guide culinaire (qui fut préparé par Philéas Gilbert, Emile Fetu et Auguste Escoffier, ce dernier évinçant ses co-auteurs pour les éditions suivantes) préconise l'utilisation de moutarde dans les mayonnaises. C'est une ignorance terrible, et voilà pourquoi je déconseille absolument ce livre, qui montre la plus grande des ignorances historiques (la mayonnaise n'est pas seule en cause). Pis, M. Grégoire et M. Saulnier, dans la mouvance d'Escoffier, popularisent l'erreur... de sorte que, aujourd'hui, beaucoup de cuisinier confondent rémoulade et mayonnaise.
Ce n'est pourtant pas bien difficile : pour faire une mayonnaise, il faut un jaune d'oeuf, une cuillerée de vinaigre, et de l'huile que l'on ajoute goutte à goutte en fouettant.
Bref, pas de moutarde dans la mayonnaise, sans quoi on ne fait plus une mayonnaise, mais une rémoulade !
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Pour les apprenants en sciences (bien qu'on apprenne sans cesse), par exemple en licence, on enseigne l'usage des droites de régression, et je vois qu'il y a lieu de s'interroger sur l'enseignement que nous donnons.
Posons le problème. Soit une série de données, par exemple des ordonnées en fonction d'abscisses ; nous cherchons à savoir si les couples de points (abscisse, ordonnée) sont alignés sur une droite.
La suite sur http://www.agroparistech.fr/Les-droites-de-regression-et-l-enseignement.html
Posons le problème. Soit une série de données, par exemple des ordonnées en fonction d'abscisses ; nous cherchons à savoir si les couples de points (abscisse, ordonnée) sont alignés sur une droite.
La suite sur http://www.agroparistech.fr/Les-droites-de-regression-et-l-enseignement.html
Pour les apprenants en sciences (bien qu'on apprenne sans cesse), par exemple en licence, on enseigne l'usage des droites de régression, et je vois qu'il y a lieu de s'interroger sur l'enseignement que nous donnons.
Posons le problème. Soit une série de données, par exemple des ordonnées en fonction d'abscisses ; nous cherchons à savoir si les couples de points (abscisse, ordonnée) sont alignés sur une droite.
La suite sur http://www.agroparistech.fr/Les-droites-de-regression-et-l-enseignement.html
Posons le problème. Soit une série de données, par exemple des ordonnées en fonction d'abscisses ; nous cherchons à savoir si les couples de points (abscisse, ordonnée) sont alignés sur une droite.
La suite sur http://www.agroparistech.fr/Les-droites-de-regression-et-l-enseignement.html
mercredi 25 novembre 2015
Est-il légitime que...
Est-il légitime que le repas gastronomique des Français ait été inscrit au patrimoine immatériel de l'humanité par l'UNESCO ?
Pour la France, je ne sais pas, mais pour l'Alsace, il y a certainement du juste, car Michel de Montaigne écrit déjà :
Michel de Montaigne â Journal de voyage en Alsace et en Suisse, 1580-1581
« En cette contrée ils sont somptueux en poiles, c'est-à-dire en sales communes à faire le repas ; mais ils ont plus de soucys de leurs diners que du demeurant. Ils sont excellans cuisiniers, notamment de poisson. Leur service de table est fort différent du nostre. Ils ne se servent jamais d'eau à leur vin, et ont quasi raison. Quant à la viande, ils ne servent que deux ou trois plats au coupon ; ils meslent diverses viandes ensamble bien apprestées et d'une distribution bien éloignée de la nostre. Ils ont jusqu'à six ou sept changements de plats, deux par deux. Les moindres repas sont de trois ou quatres heures pour la longueur de ces services; et à la vérité ils mangent aussi beaucoup moins hâtivement que nous et plus sereinement. Ils ont grande abondance de vivres de cher et de poisson et couvrent fort somptueusement les tables.»
Pour la France, je ne sais pas, mais pour l'Alsace, il y a certainement du juste, car Michel de Montaigne écrit déjà :
Michel de Montaigne â Journal de voyage en Alsace et en Suisse, 1580-1581
« En cette contrée ils sont somptueux en poiles, c'est-à-dire en sales communes à faire le repas ; mais ils ont plus de soucys de leurs diners que du demeurant. Ils sont excellans cuisiniers, notamment de poisson. Leur service de table est fort différent du nostre. Ils ne se servent jamais d'eau à leur vin, et ont quasi raison. Quant à la viande, ils ne servent que deux ou trois plats au coupon ; ils meslent diverses viandes ensamble bien apprestées et d'une distribution bien éloignée de la nostre. Ils ont jusqu'à six ou sept changements de plats, deux par deux. Les moindres repas sont de trois ou quatres heures pour la longueur de ces services; et à la vérité ils mangent aussi beaucoup moins hâtivement que nous et plus sereinement. Ils ont grande abondance de vivres de cher et de poisson et couvrent fort somptueusement les tables.»
dimanche 15 novembre 2015
Demain, qui seront les classiques ?
Tout a commencé avec une correspondance : un étudiant très intéressé par les matières intellectuelles en général me signalait l'engouement d'un de ses amis pour Coluche, et il me demandait ce que j'en pensais. Cet étudiant n'est pas français et l'on se souvient qu' "à beau mentir qui vient de loin" : pour lui, Coluche en est un personnage exotique, dont on peut vanter facilement les mérites. Je ne dis pas ici que Coluche n'était rien, mais je devais à mon jeune ami de me demander si nous avons raison d'y passer du temps.
Car c'est bien là une question de temps, de choix, d'éthique même. Puisque nous avons à choisir le temps que nous consacrons aux aspérités du monde, puisque nous avons à choisir comment nous "meublons" notre esprit, puisque nous devons choisir ce que nous aimons, s'impose de savoir si Coluche vaut Molière, et si nous devons écouter des sketchs de Coluche, ou relire des pièces de Molière. Et cette question peut être retournée : nous pouvons nous demander pourquoi Molière est resté, alors qu'il y a eu tant d'amuseurs, siècle après siècle.
Alors que je proposais à mon correspondant des noms comme celui d'Aristote (ou de Molière), il me répondait très justement que ma réponse était facile, puisque j'érigeais en personnalités… des personnalités. Et il continuait de m'interroger, mais cette fois à propos de Serge Gainsbourg. Là encore, je n'ai rien contre Gainsbourg, et je ne vais pas refaire le même type de réponse, à savoir comparer Gainsbourg à Mozart ou à Bach. Je préfère donc poser la question : lesquels de nos contemporains encensés par le peuple, la presse, le politique, seront-ils demain considérés comme des classiques, et pourquoi ?
En littérature, que je comprends sans doute mieux que la musique ou le comique, on est régulièrement exposé à l'annonce d'un prix : le prix Goncourt, le prix Fémina, etc. Difficile de penser que toutes les œuvres primées valent grand-chose, et, quand on lit bien ces œuvres, on voit qu'Alain Robbe-Grillet (merveilleux Pour un nouveau roman !) avait bien raison d'analyser que, trop souvent, on en est resté à Honoré de Balzac, sans grand changement ; les romans en question ne sont que de mineures variations sur le thème du grand Balzac, qui, lui, a effectivement été à l'origine d'une forme. Oui, il y a des écrivains qui ont de l'imagination, d'autres qui racontent bien leur propre histoire en l’embellissant un peu pour ne pas tomber dans le pire de la littérature, à savoir l'étalage naïf de l'intime, mais du point de vue littéraire, cela n'est rien, et si Rabelais était Rabelais, par exemple, s'il est resté, c'est que la forme littéraire qu'il introduisit est extraordinairement puissante, et réductible à aucune autre !
Il y a donc eu Rabelais, il y a eu Molière, Balzac, Flaubert… Et chacun n'a pas seulement raconté une histoire différant seulement des autres dans les détails. Il y a eu bien plus, et il faut des considérations historiques et de la théorie littéraire pour le comprendre. Oui, nous sommes… « contents » de lire le dernier roman primé (quoi que ;-) ), mais nous pourrions tout aussi bien en lire un, dix, cent, mille… que nous aurions ainsi seulement passé notre temps, occupé nos "loisirs" sans avancer beaucoup dans la littérature. Au fond, la question récurrente n'est pas tant de savoir si tel roman nous a plu, s'il a fait vibrer telle sensibilité idiosyncratique que nous avons (elle a du sentiment, ma vache), mais plutôt de voir quel est l'apport réel, littéraire, d'un auteur. L'histoire -j'espère- ne retiendra que les changements de paradigmes, pas les détails.
Vite, passons aux sciences de la nature, puisque c'est cela qui nous importe. Rendons-nous un jour à une séance publique de l'Académie des sciences, de l'Académie d'agriculture, de l'Académie de pharmacie... Regardons autour de nous, et interrogeons-nous : qui, demain, restera ? Pour quel travail ? Quel travaux seront reconnus comme véritablement novateurs ?
Pour répondre à ce genre de questions, la faveur du public et l'engouement de la presse ne comptent guère, et c'est surtout le travail qui importe. Ainsi, alors que Marcellin Berthelot était un quasi dieu vivant, à son époque, et que Pierre Duhem était relégué à l'université de Bordeaux, l'histoire des sciences chimiques a conservé Duhem et n'a gardé que de pâles échos de Berthelot. Le comité Nobel fait-il mieux ? L'examen de la liste des lauréats du prix Nobel de chimie montre de vraies différences de niveau : tous n'ont pas la stature de Langmuir !
Évidemment, dans la sélection historique, de nombreux facteurs jouent. Un personnage qui n'aurait été que peu connu à son époque ne l'a pas influencée beaucoup, de sorte que son nom est moins connu qu'une des stars du moment. D'ailleurs, nombre de scientifiques éloignés de la France ou de l'Angleterre, aux 17e et 18 e siècles, s'en sont plaint. Par exemple, au fond des pays nordiques, Carl Scheele fut moins reconnu pour sa découverte de l'oxygène que Joseph Priestley, qui était un personnage étonnant, remuant, et donc très largement entouré en Angleterre. Pour cette découverte de l'oxygène, d'ailleurs, on pourrait dire que Priestley a reconnu le dioxygène sans bien comprendre qu'il s'agissait d'un nouvel élément, que Scheele a fait mieux, puisqu'il a fait la découverte avant lui, mais c'est Lavoisier qui a bien identifié un « principe » nouveau, raison pour laquelle il parlait du "principe oxigyne". Bien sûr, le mot "élément" n'était pas prononcé, mais tout allait de pair : le nouveau gaz, le nouvel élément, la réfutation du phlogistique, ce principe qui aurait eu une masse négative et que le feu (considéré comme un élément) aurait donné aux métaux, ce qui aurait expliqué pourquoi les oxydes métalliques pèsent plus que les métaux (la masse de l'oxygène s'ajoute à celle du métal, dirait-on plus justement aujourd'hui). Et si Lavoisier fut grand, plus grand que Scheele ou que Priestley, c'est bien parce que, abattant la théorie du phologistique, il mit les sciences chimiques sur leur piste moderne. Il dépassa la découverte d'un simple produit supplémentaire, fondant la chimie moderne, ce que ne firent ni Priesteley ni Scheele. On aurait donc raison de garder les noms de Priestley ou de Scheele, pour la découverte du dioxygè, mais on aura surtout raison de garder celui de Lavoisier. Scheele pouvait justement se plaindre d’être loin, mais il ne vaut pas Lavoisier, qui fit gravir aux sciences chimiques une marche immense.
Je continue de poser la question : qui, aujourd'hui, au-delà des éloges contemporains, restera dans l'histoire des sciences ?
Car c'est bien là une question de temps, de choix, d'éthique même. Puisque nous avons à choisir le temps que nous consacrons aux aspérités du monde, puisque nous avons à choisir comment nous "meublons" notre esprit, puisque nous devons choisir ce que nous aimons, s'impose de savoir si Coluche vaut Molière, et si nous devons écouter des sketchs de Coluche, ou relire des pièces de Molière. Et cette question peut être retournée : nous pouvons nous demander pourquoi Molière est resté, alors qu'il y a eu tant d'amuseurs, siècle après siècle.
Alors que je proposais à mon correspondant des noms comme celui d'Aristote (ou de Molière), il me répondait très justement que ma réponse était facile, puisque j'érigeais en personnalités… des personnalités. Et il continuait de m'interroger, mais cette fois à propos de Serge Gainsbourg. Là encore, je n'ai rien contre Gainsbourg, et je ne vais pas refaire le même type de réponse, à savoir comparer Gainsbourg à Mozart ou à Bach. Je préfère donc poser la question : lesquels de nos contemporains encensés par le peuple, la presse, le politique, seront-ils demain considérés comme des classiques, et pourquoi ?
En littérature, que je comprends sans doute mieux que la musique ou le comique, on est régulièrement exposé à l'annonce d'un prix : le prix Goncourt, le prix Fémina, etc. Difficile de penser que toutes les œuvres primées valent grand-chose, et, quand on lit bien ces œuvres, on voit qu'Alain Robbe-Grillet (merveilleux Pour un nouveau roman !) avait bien raison d'analyser que, trop souvent, on en est resté à Honoré de Balzac, sans grand changement ; les romans en question ne sont que de mineures variations sur le thème du grand Balzac, qui, lui, a effectivement été à l'origine d'une forme. Oui, il y a des écrivains qui ont de l'imagination, d'autres qui racontent bien leur propre histoire en l’embellissant un peu pour ne pas tomber dans le pire de la littérature, à savoir l'étalage naïf de l'intime, mais du point de vue littéraire, cela n'est rien, et si Rabelais était Rabelais, par exemple, s'il est resté, c'est que la forme littéraire qu'il introduisit est extraordinairement puissante, et réductible à aucune autre !
Il y a donc eu Rabelais, il y a eu Molière, Balzac, Flaubert… Et chacun n'a pas seulement raconté une histoire différant seulement des autres dans les détails. Il y a eu bien plus, et il faut des considérations historiques et de la théorie littéraire pour le comprendre. Oui, nous sommes… « contents » de lire le dernier roman primé (quoi que ;-) ), mais nous pourrions tout aussi bien en lire un, dix, cent, mille… que nous aurions ainsi seulement passé notre temps, occupé nos "loisirs" sans avancer beaucoup dans la littérature. Au fond, la question récurrente n'est pas tant de savoir si tel roman nous a plu, s'il a fait vibrer telle sensibilité idiosyncratique que nous avons (elle a du sentiment, ma vache), mais plutôt de voir quel est l'apport réel, littéraire, d'un auteur. L'histoire -j'espère- ne retiendra que les changements de paradigmes, pas les détails.
Vite, passons aux sciences de la nature, puisque c'est cela qui nous importe. Rendons-nous un jour à une séance publique de l'Académie des sciences, de l'Académie d'agriculture, de l'Académie de pharmacie... Regardons autour de nous, et interrogeons-nous : qui, demain, restera ? Pour quel travail ? Quel travaux seront reconnus comme véritablement novateurs ?
Pour répondre à ce genre de questions, la faveur du public et l'engouement de la presse ne comptent guère, et c'est surtout le travail qui importe. Ainsi, alors que Marcellin Berthelot était un quasi dieu vivant, à son époque, et que Pierre Duhem était relégué à l'université de Bordeaux, l'histoire des sciences chimiques a conservé Duhem et n'a gardé que de pâles échos de Berthelot. Le comité Nobel fait-il mieux ? L'examen de la liste des lauréats du prix Nobel de chimie montre de vraies différences de niveau : tous n'ont pas la stature de Langmuir !
Évidemment, dans la sélection historique, de nombreux facteurs jouent. Un personnage qui n'aurait été que peu connu à son époque ne l'a pas influencée beaucoup, de sorte que son nom est moins connu qu'une des stars du moment. D'ailleurs, nombre de scientifiques éloignés de la France ou de l'Angleterre, aux 17e et 18 e siècles, s'en sont plaint. Par exemple, au fond des pays nordiques, Carl Scheele fut moins reconnu pour sa découverte de l'oxygène que Joseph Priestley, qui était un personnage étonnant, remuant, et donc très largement entouré en Angleterre. Pour cette découverte de l'oxygène, d'ailleurs, on pourrait dire que Priestley a reconnu le dioxygène sans bien comprendre qu'il s'agissait d'un nouvel élément, que Scheele a fait mieux, puisqu'il a fait la découverte avant lui, mais c'est Lavoisier qui a bien identifié un « principe » nouveau, raison pour laquelle il parlait du "principe oxigyne". Bien sûr, le mot "élément" n'était pas prononcé, mais tout allait de pair : le nouveau gaz, le nouvel élément, la réfutation du phlogistique, ce principe qui aurait eu une masse négative et que le feu (considéré comme un élément) aurait donné aux métaux, ce qui aurait expliqué pourquoi les oxydes métalliques pèsent plus que les métaux (la masse de l'oxygène s'ajoute à celle du métal, dirait-on plus justement aujourd'hui). Et si Lavoisier fut grand, plus grand que Scheele ou que Priestley, c'est bien parce que, abattant la théorie du phologistique, il mit les sciences chimiques sur leur piste moderne. Il dépassa la découverte d'un simple produit supplémentaire, fondant la chimie moderne, ce que ne firent ni Priesteley ni Scheele. On aurait donc raison de garder les noms de Priestley ou de Scheele, pour la découverte du dioxygè, mais on aura surtout raison de garder celui de Lavoisier. Scheele pouvait justement se plaindre d’être loin, mais il ne vaut pas Lavoisier, qui fit gravir aux sciences chimiques une marche immense.
Je continue de poser la question : qui, aujourd'hui, au-delà des éloges contemporains, restera dans l'histoire des sciences ?
samedi 14 novembre 2015
Des théories scientifique incertaines ? Non !
Des théories physiques incertaines ?
Non, les théories scientifiques sont "certaines" ; en revanche, elles ne décriront probablement jamais les phénomènes parfaitement.
La question n'est pas l'incertitude, mais l'inadéquation avec le réel.
Inadéquation : voilà le mot qu'il faut conserver.
Les explications sur http://www.agroparistech.fr/Les-theories-scientifiques.html
Non, les théories scientifiques sont "certaines" ; en revanche, elles ne décriront probablement jamais les phénomènes parfaitement.
La question n'est pas l'incertitude, mais l'inadéquation avec le réel.
Inadéquation : voilà le mot qu'il faut conserver.
Les explications sur http://www.agroparistech.fr/Les-theories-scientifiques.html
vendredi 13 novembre 2015
Tout ce qui est superflu est gênant
Le superflu est gênant. Ici je propose deux champs d'application de cette idée que je crois générale : la littérature et les sciences de la nature.
Pour la littérature, il y a la question essentielle de la lisibilité : si nous digressons, nos interlocuteurs perdront le fil, et, à moins que ce ne soit une idée artistique d'égarer nos amis, la digression est une faute. De même pour l'épithétisme, qui consiste à accumuler des adjectifs qualificatifs, des épithètes. Quand l'épithétisme est involontaire, quand il est seulement une sorte de logorrhée incontrôlée, notre lecteur s'y perd, parce qu'il ne voit plus où diriger sa pensée. Bien sûr, là aussi, des artistes peuvent jouer de la faute pour la transformer en qualité... mais n'est pas Rabelais qui veut ! Le plus souvent, l'expérience montre que l'épithétisme n'est pas voulu, et que le lecteur le subit : le superflu est gênant.
Passons maintenant aux sciences de la nature. On vient de m'afficher une diapositive pour me présenter les matériels et les méthodes qui étaient employés pour une étude scientifique. La diapositive était surchargée de détails inutiles à la compréhension : la taille des béchers, l'hygrométrie, la température… Je ne dis pas que mon interlocuteur avait tort de consigner toutes ces indications... mais il fallait qu'il le fasse dans son cahier de laboratoire, et qu'il m'évite les détails inutiles, qui m'empêchaient de bien comprendre son discours. Et pourquoi n'aurait-il pas été jusqu'à m'indiquer à quelle heure il s'était brossé les dents ? On ne montre en public que ce qui a fait l'objet d'un peu de travail, de soin ; quand on reçoit un ami, on s'assure, dit Jean-Anthelme Brillat-Savarin, de son bonheur pendant tout le temps qu'il est sous notre toit. De même, lors d'une présentation scientifique, on doit surtout se préoccuper de bien faire comprendre nos travaux à nos interlocuteurs.
Cela vaut pour les publications scientifiques. J'ai vu aussi, récemment, dans l'introduction d'un article scientifique des considérations qui avaient bien peu de rapport avec le sujet du travail présenté. Quand on tombait sur ces indications, on passait un long moment à s'interroger pour savoir quel était le rapport avec le sujet, et finalement on ne le trouvait pas... parce qu'il n'y en avait pas. Notre auteur nous avait fait perdre notre temps. On voit que, là encore, le superflu est gênant.
Nous n'avons considéré que deux champs, mais n'aurions-nous pas raison de généraliser, et de conserver cette idée générale : le superflu est gênant ?
Elaguons afin d'aider nos amis à comprendre que nous voulons leur dire. Et c'est ainsi qu'un discours épuré, structuré, atteindra mieux son but qu'une accumulation désordonnée.
PS. On n'oubliera pas un de mes billets où je discutais la question d'une possible élégance du baroque. Le baroque est tout accumulation, alors que l'élégance semble être une pureté de ligne, où tout ajout est gênant. Peut-il exister un baroque élégant ? Voilà la question qui est posée par ailleurs.
Pour la littérature, il y a la question essentielle de la lisibilité : si nous digressons, nos interlocuteurs perdront le fil, et, à moins que ce ne soit une idée artistique d'égarer nos amis, la digression est une faute. De même pour l'épithétisme, qui consiste à accumuler des adjectifs qualificatifs, des épithètes. Quand l'épithétisme est involontaire, quand il est seulement une sorte de logorrhée incontrôlée, notre lecteur s'y perd, parce qu'il ne voit plus où diriger sa pensée. Bien sûr, là aussi, des artistes peuvent jouer de la faute pour la transformer en qualité... mais n'est pas Rabelais qui veut ! Le plus souvent, l'expérience montre que l'épithétisme n'est pas voulu, et que le lecteur le subit : le superflu est gênant.
Passons maintenant aux sciences de la nature. On vient de m'afficher une diapositive pour me présenter les matériels et les méthodes qui étaient employés pour une étude scientifique. La diapositive était surchargée de détails inutiles à la compréhension : la taille des béchers, l'hygrométrie, la température… Je ne dis pas que mon interlocuteur avait tort de consigner toutes ces indications... mais il fallait qu'il le fasse dans son cahier de laboratoire, et qu'il m'évite les détails inutiles, qui m'empêchaient de bien comprendre son discours. Et pourquoi n'aurait-il pas été jusqu'à m'indiquer à quelle heure il s'était brossé les dents ? On ne montre en public que ce qui a fait l'objet d'un peu de travail, de soin ; quand on reçoit un ami, on s'assure, dit Jean-Anthelme Brillat-Savarin, de son bonheur pendant tout le temps qu'il est sous notre toit. De même, lors d'une présentation scientifique, on doit surtout se préoccuper de bien faire comprendre nos travaux à nos interlocuteurs.
Cela vaut pour les publications scientifiques. J'ai vu aussi, récemment, dans l'introduction d'un article scientifique des considérations qui avaient bien peu de rapport avec le sujet du travail présenté. Quand on tombait sur ces indications, on passait un long moment à s'interroger pour savoir quel était le rapport avec le sujet, et finalement on ne le trouvait pas... parce qu'il n'y en avait pas. Notre auteur nous avait fait perdre notre temps. On voit que, là encore, le superflu est gênant.
Nous n'avons considéré que deux champs, mais n'aurions-nous pas raison de généraliser, et de conserver cette idée générale : le superflu est gênant ?
Elaguons afin d'aider nos amis à comprendre que nous voulons leur dire. Et c'est ainsi qu'un discours épuré, structuré, atteindra mieux son but qu'une accumulation désordonnée.
PS. On n'oubliera pas un de mes billets où je discutais la question d'une possible élégance du baroque. Le baroque est tout accumulation, alors que l'élégance semble être une pureté de ligne, où tout ajout est gênant. Peut-il exister un baroque élégant ? Voilà la question qui est posée par ailleurs.
Les évidences a posteriori
Une évidence, c'est une évidence : quelque chose qui saute à l'esprit, que l'on comprend immédiatement. De ce fait, une évidence {a posteriori } semble être un oxymore, une sorte de contradiction. Pourtant ces évidences{ a posteriori} existent bel et bien, comme on va le voir.
Le premier exemple que j'ai rencontré est celui de la cuisine note à note, cette cuisine faite de composés, au lieu que les ingrédients des mets soient les classiques fruits, légumes, viandes, poissons, oeufs...
Quand j'ai pensé cette cuisine pour la première fois, en 1994..
La suite sur : http://www.agroparistech.fr/Les-evidences-a-posteriori.html
Le premier exemple que j'ai rencontré est celui de la cuisine note à note, cette cuisine faite de composés, au lieu que les ingrédients des mets soient les classiques fruits, légumes, viandes, poissons, oeufs...
Quand j'ai pensé cette cuisine pour la première fois, en 1994..
La suite sur : http://www.agroparistech.fr/Les-evidences-a-posteriori.html
mercredi 11 novembre 2015
Il faut s'amuser à faire des choses passionnantes
Pardonnez-moi un souvenir personnel, mais il nous donnera un exemple à propos duquel nous pourrons discuter.
Il y a quelques années, interviewé par une radio nationale, j'avais déclaré je m'amusais beaucoup dans mon laboratoire (et c'est encore le cas aujourd'hui, peut-être encore plus que par le passé). Cette déclaration n'était pas une naïveté lâchée sans réflexion, mais, au contraire, une volonté de faire partager de l'enthousiasme, de susciter des vocations, pour les sciences de la nature ou pour la technologie, pour la vie en général : on se souvient que je crois que c'est une politesse que de ne pas se plaindre tout le temps, et, au contraire, d'être aussi positif que possible.
Bref, j'avais dit que je m'amusais beaucoup... et je n'étais pas encore rentré au laboratoire (vite, au laboratoire, puisque c'est l'un des plus beaux endroits du monde... pour moi) que je recevais un appel téléphonique de la Direction de la Communication d'une Institution Scientifique (on comprend mon usage ironique des majuscules) qui me disait qu'il ne fallait pas faire de déclaration de ce type, que je devais pas dire que je m'amusais alors que d'autres sont au chômage, ou travaillent à la chaîne.
A l'époque, j'avais repoussé leur argument (après tout, ce n'était pas mon employeur), et, aujourd'hui, je maintiens que la position de mes interlocuteurs était idiote !Oui, je "m'amuse beaucoup"... mais que cela signifie-t-il ? Cela signifie que, du matin au soir, les week-end, pendant les vacances que je ne prends pas (et mon institution actuelle me le reproche), je ne cesse de chercher à produire de la Connaissance ! Oui, je m'amuse... sans quoi je changerais immédiatement de métier. Et je peux garantir aux contribuables que, avec mon "amusement" (on pourrait tout aussi bien dire "travail"), l'état qui m'emploie en a pour son argent !
Oubliées les 35 heures, puisqu'il s'agit d'en faire 105, et que j'en ferais volontiers plus si j'en avais la force physique.
Oui, je m'"amuse", mais mes interlocuteurs de l'époque auraient eu raison de se demander un peu ce que signifie "amuser". Oui, je maintiens le mot "amuser", puisqu'il dérive de muser, «s'appliquer, réfléchir, penser mûrement à» (Id., ibid., III, 161); 2. 1174-87 id. «aspirer, prétendre à, chercher à obtenir» (Chrétien de Troyes, Perceval, éd. F. Lecoy, 245).
S'amuser à faire son métier, n'est-ce pas la meilleure garantie de faire son travail, son métier, avec ardeur ? Et pourquoi aurait-on honte du bonheur d'un métier ? Ne peut-on, au contraire, souhaiter cela à tous ? Bien sûr, on n'a pas toujours un métier merveilleux en claquant des doigts, et je gagne aujourd'hui ce que j'ai "payé" en n'allant pas "au bistrot" plus jeune : les compétences mathématiques s'obtiennent à une table de travail, seul, dans le "silence d'un cabinet".
Mais il faut aussi considérer le point suivant : ce qui est pour moi un "amusement" serait une punition pour d'autres. Des goûts et des couleurs, on ne discute pas. Moi, les équations m'amusent, mais j'ai rencontré bien des étudiants pour qui cela était punition. La conclusion : c'est qu'il faut approprier le métier à l'individu. Tel qui aime les équations s'amusera à un métier où il en fait, et tel qui ne les aime pas ne devra pas avoir ce métier. Autrement dit, nous devons tous choisir un métier qui nous amuse, mais ce choix est personnel, et nous n'aurons les moyens de choisir que si nous nous donnnons ces moyens.
N'est-ce pas un message à faire passer à tous les étudiants : chers amis, ne perdez pas une seconde, et appliquez-vous à obtenir les compétences qui vous permettront d'avoir le métier que vous aimez, et que vous ferez alors... en vous amusant ! Pensez à l'image d'un poulain lâché dans le pré, au printemps : quand je suis au laboratoire, c'est ainsi. Je vous le souhaite de tout coeur !
Il y a quelques années, interviewé par une radio nationale, j'avais déclaré je m'amusais beaucoup dans mon laboratoire (et c'est encore le cas aujourd'hui, peut-être encore plus que par le passé). Cette déclaration n'était pas une naïveté lâchée sans réflexion, mais, au contraire, une volonté de faire partager de l'enthousiasme, de susciter des vocations, pour les sciences de la nature ou pour la technologie, pour la vie en général : on se souvient que je crois que c'est une politesse que de ne pas se plaindre tout le temps, et, au contraire, d'être aussi positif que possible.
Bref, j'avais dit que je m'amusais beaucoup... et je n'étais pas encore rentré au laboratoire (vite, au laboratoire, puisque c'est l'un des plus beaux endroits du monde... pour moi) que je recevais un appel téléphonique de la Direction de la Communication d'une Institution Scientifique (on comprend mon usage ironique des majuscules) qui me disait qu'il ne fallait pas faire de déclaration de ce type, que je devais pas dire que je m'amusais alors que d'autres sont au chômage, ou travaillent à la chaîne.
A l'époque, j'avais repoussé leur argument (après tout, ce n'était pas mon employeur), et, aujourd'hui, je maintiens que la position de mes interlocuteurs était idiote !Oui, je "m'amuse beaucoup"... mais que cela signifie-t-il ? Cela signifie que, du matin au soir, les week-end, pendant les vacances que je ne prends pas (et mon institution actuelle me le reproche), je ne cesse de chercher à produire de la Connaissance ! Oui, je m'amuse... sans quoi je changerais immédiatement de métier. Et je peux garantir aux contribuables que, avec mon "amusement" (on pourrait tout aussi bien dire "travail"), l'état qui m'emploie en a pour son argent !
Oubliées les 35 heures, puisqu'il s'agit d'en faire 105, et que j'en ferais volontiers plus si j'en avais la force physique.
Oui, je m'"amuse", mais mes interlocuteurs de l'époque auraient eu raison de se demander un peu ce que signifie "amuser". Oui, je maintiens le mot "amuser", puisqu'il dérive de muser, «s'appliquer, réfléchir, penser mûrement à» (Id., ibid., III, 161); 2. 1174-87 id. «aspirer, prétendre à, chercher à obtenir» (Chrétien de Troyes, Perceval, éd. F. Lecoy, 245).
S'amuser à faire son métier, n'est-ce pas la meilleure garantie de faire son travail, son métier, avec ardeur ? Et pourquoi aurait-on honte du bonheur d'un métier ? Ne peut-on, au contraire, souhaiter cela à tous ? Bien sûr, on n'a pas toujours un métier merveilleux en claquant des doigts, et je gagne aujourd'hui ce que j'ai "payé" en n'allant pas "au bistrot" plus jeune : les compétences mathématiques s'obtiennent à une table de travail, seul, dans le "silence d'un cabinet".
Mais il faut aussi considérer le point suivant : ce qui est pour moi un "amusement" serait une punition pour d'autres. Des goûts et des couleurs, on ne discute pas. Moi, les équations m'amusent, mais j'ai rencontré bien des étudiants pour qui cela était punition. La conclusion : c'est qu'il faut approprier le métier à l'individu. Tel qui aime les équations s'amusera à un métier où il en fait, et tel qui ne les aime pas ne devra pas avoir ce métier. Autrement dit, nous devons tous choisir un métier qui nous amuse, mais ce choix est personnel, et nous n'aurons les moyens de choisir que si nous nous donnnons ces moyens.
N'est-ce pas un message à faire passer à tous les étudiants : chers amis, ne perdez pas une seconde, et appliquez-vous à obtenir les compétences qui vous permettront d'avoir le métier que vous aimez, et que vous ferez alors... en vous amusant ! Pensez à l'image d'un poulain lâché dans le pré, au printemps : quand je suis au laboratoire, c'est ainsi. Je vous le souhaite de tout coeur !
mardi 3 novembre 2015
Ecrivons à nos élus
Si l'organisation de notre société ne nous convient pas, nous avons le devoir de le faire savoir et, dans une démocratie, les représentants des citoyens sont là pour mener la discussion et arriver à un consensus national.
Il est bon de se souvenir que les députés sont nos élus, qui nous représentent pour ce qui concerne les lois nationales.
Il y a aussi d'autres élus, par exemple les maires, les sénateurs, etc. mais si les maires sont les organisateur et les gestionnaires des communes, ils ne sont pas là pour déterminer les lois et ce sont plutôt les députés qui sont chargés de ce travail. Ne confondons pas les rôles.
Je me demande s'il n'y a pas quelque indécence à "vitupérer dans les bistrots", au lieu de faire d'abord remonter vers les élus en charge des récriminations qui sont alors à la fois inutiles, et malavisées ? D'ailleurs, il est étonnant de voir que les députés sont saisis de bien peu de demandes, alors que fait leur travail d'élus est précisément de bien entendre tout ce que les citoyens veulent dire.
Ne pourrions-nous pas, même, considérer qu'il n'est guère civique de ne pas solliciter nos députés ? Allons, écrivons leur chaque fois que l'organisation de nos sociétés n'est pas telle que nous la voudrions : c'est un devoir civique !
Il est bon de se souvenir que les députés sont nos élus, qui nous représentent pour ce qui concerne les lois nationales.
Il y a aussi d'autres élus, par exemple les maires, les sénateurs, etc. mais si les maires sont les organisateur et les gestionnaires des communes, ils ne sont pas là pour déterminer les lois et ce sont plutôt les députés qui sont chargés de ce travail. Ne confondons pas les rôles.
Je me demande s'il n'y a pas quelque indécence à "vitupérer dans les bistrots", au lieu de faire d'abord remonter vers les élus en charge des récriminations qui sont alors à la fois inutiles, et malavisées ? D'ailleurs, il est étonnant de voir que les députés sont saisis de bien peu de demandes, alors que fait leur travail d'élus est précisément de bien entendre tout ce que les citoyens veulent dire.
Ne pourrions-nous pas, même, considérer qu'il n'est guère civique de ne pas solliciter nos députés ? Allons, écrivons leur chaque fois que l'organisation de nos sociétés n'est pas telle que nous la voudrions : c'est un devoir civique !
Le Ragnarok, toujours le Ragnarok
Ce matin, un message d'un correspondant :
Bonsoir et merci beaucoup de nous avoir fait parvenir l’article sur l’enseignement dans les universités médicales !
Ayant travaillé longtemps dans l’ADFI pour aider les familles de victimes de sectes et en étant un fidèle lecteur de la revue SCIENCES et PSEUDOSCIENCES, de l'AFIS, je suis très sensible à ces sujets.
Toute la journée dans mon cabinet je suis confronté à ces discours et au bout de 30 ans de métier c’est usant ! Mais ce qui est vraiment triste c’est de voir combien plus la connaissance scientifique augmente, et plus la diffusion de l’irrationnel progresse, et donc la crédulité !
Alors je crois à la stimulation de l’esprit critique que je fais auprès de mes petits enfants mais aussi parfois dans les collèges muni de mon doppler, appareil d’échographie…
Vous avez réussi à faire évoluer les choses dans le domaine de la cuisine, si un jour on pouvait arriver à cela avec la médecine !...
La réponse à donner est claire : elle s'apparente à celle que j'avais faite à mon ami administrateur de l'agriculture : luttons contre le Ragnarok.
A propos de crédulité, de superstition, d'irrationnel, de pensée magique donc, il faut d'abord se souvenir de l'échange qui avait lieuà l'Unesco, il y a plusieurs années, entre deux ministres de la recherche scientifique : le ministre français se plaignait à son homologue d'un pays en voie de développement de la forte proportion de Français superstitieux... mais son interlocuteur lui répondait que, chez lui, cette proportion atteignait 95 pour cent. Tout ce travail de diffusion des résultats de la science, de vulgarisation scientifique, d'enseignement à l'école des résultats et des méthodes des sciences porte donc ses fruits, et il n'y a aucune raison d'être découragé.
Comme expliqué dans un billet précédent, des vagues enfant arrivent par millions chaque année avec la pensée magique, et ce serait désastreux de ne pas lutter régulièrement, assidûment, contre la pensée magique. Dans la mythologie alsacienne, le dieux Wotan ne cesse de rôder sur les champs de bataille pour récupérer des guerriers valeureux, qu'il conduit au Valhalla, afin de repousser les assauts des géants. De même, nous devons militer pour que des amis de plus en plus nombreux s'associent à nous pour faire régner la Raison.
D'ailleurs, pour ceux qui se lasseraient, qui se désespéreraient, j'ai une proposition merveilleuse, à savoir que si l'on est activement occupé à combattre contre les Géants, alors on n'a plus le temps, la liberté d'esprit, de chercher à connaître l'efficacité de nos actions. N'écoutons pas les sirènes, et utilisons tout notre temps pour déterminer les meilleurs techniques de lutte contre l'irrationnel. Certainement l'enseignement des sciences dans les écoles, les collèges et lycées est essentiel, et je propose de penser que cet enseignement n'est jamais trop tôt, ni jamais suffisant !
Nous devons chercher activement des moyens de lutte ! Sans nous lasser, luttons contre le Ragnarok !
Bonsoir et merci beaucoup de nous avoir fait parvenir l’article sur l’enseignement dans les universités médicales !
Ayant travaillé longtemps dans l’ADFI pour aider les familles de victimes de sectes et en étant un fidèle lecteur de la revue SCIENCES et PSEUDOSCIENCES, de l'AFIS, je suis très sensible à ces sujets.
Toute la journée dans mon cabinet je suis confronté à ces discours et au bout de 30 ans de métier c’est usant ! Mais ce qui est vraiment triste c’est de voir combien plus la connaissance scientifique augmente, et plus la diffusion de l’irrationnel progresse, et donc la crédulité !
Alors je crois à la stimulation de l’esprit critique que je fais auprès de mes petits enfants mais aussi parfois dans les collèges muni de mon doppler, appareil d’échographie…
Vous avez réussi à faire évoluer les choses dans le domaine de la cuisine, si un jour on pouvait arriver à cela avec la médecine !...
La réponse à donner est claire : elle s'apparente à celle que j'avais faite à mon ami administrateur de l'agriculture : luttons contre le Ragnarok.
A propos de crédulité, de superstition, d'irrationnel, de pensée magique donc, il faut d'abord se souvenir de l'échange qui avait lieuà l'Unesco, il y a plusieurs années, entre deux ministres de la recherche scientifique : le ministre français se plaignait à son homologue d'un pays en voie de développement de la forte proportion de Français superstitieux... mais son interlocuteur lui répondait que, chez lui, cette proportion atteignait 95 pour cent. Tout ce travail de diffusion des résultats de la science, de vulgarisation scientifique, d'enseignement à l'école des résultats et des méthodes des sciences porte donc ses fruits, et il n'y a aucune raison d'être découragé.
Comme expliqué dans un billet précédent, des vagues enfant arrivent par millions chaque année avec la pensée magique, et ce serait désastreux de ne pas lutter régulièrement, assidûment, contre la pensée magique. Dans la mythologie alsacienne, le dieux Wotan ne cesse de rôder sur les champs de bataille pour récupérer des guerriers valeureux, qu'il conduit au Valhalla, afin de repousser les assauts des géants. De même, nous devons militer pour que des amis de plus en plus nombreux s'associent à nous pour faire régner la Raison.
D'ailleurs, pour ceux qui se lasseraient, qui se désespéreraient, j'ai une proposition merveilleuse, à savoir que si l'on est activement occupé à combattre contre les Géants, alors on n'a plus le temps, la liberté d'esprit, de chercher à connaître l'efficacité de nos actions. N'écoutons pas les sirènes, et utilisons tout notre temps pour déterminer les meilleurs techniques de lutte contre l'irrationnel. Certainement l'enseignement des sciences dans les écoles, les collèges et lycées est essentiel, et je propose de penser que cet enseignement n'est jamais trop tôt, ni jamais suffisant !
Nous devons chercher activement des moyens de lutte ! Sans nous lasser, luttons contre le Ragnarok !
Le Ragnarok, toujours le Ragnarok
Ce matin, un message d'un correspondant :
Bonsoir et merci beaucoup de nous avoir fait parvenir l’article sur l’enseignement dans les universités médicales !
Ayant travaillé longtemps dans l’ADFI pour aider les familles de victimes de sectes et en étant un fidèle lecteur de la revue SCIENCES et PSEUDOSCIENCES, de l'AFIS, je suis très sensible à ces sujets.
Toute la journée dans mon cabinet je suis confronté à ces discours et au bout de 30 ans de métier c’est usant ! Mais ce qui est vraiment triste c’est de voir combien plus la connaissance scientifique augmente, et plus la diffusion de l’irrationnel progresse, et donc la crédulité !
Alors je crois à la stimulation de l’esprit critique que je fais auprès de mes petits enfants mais aussi parfois dans les collèges muni de mon doppler, appareil d’échographie…
Vous avez réussi à faire évoluer les choses dans le domaine de la cuisine, si un jour on pouvait arriver à cela avec la médecine !...
La réponse à donner est claire : elle s'apparente à celle que j'avais faite à mon ami administrateur de l'agriculture : luttons contre le Ragnarok.
A propos de crédulité, de superstition, d'irrationnel, de pensée magique donc, il faut d'abord se souvenir de l'échange qui avait lieuà l'Unesco, il y a plusieurs années, entre deux ministres de la recherche scientifique : le ministre français se plaignait à son homologue d'un pays en voie de développement de la forte proportion de Français superstitieux... mais son interlocuteur lui répondait que, chez lui, cette proportion atteignait 95 pour cent. Tout ce travail de diffusion des résultats de la science, de vulgarisation scientifique, d'enseignement à l'école des résultats et des méthodes des sciences porte donc ses fruits, et il n'y a aucune raison d'être découragé.
Comme expliqué dans un billet précédent, des vagues enfant arrivent par millions chaque année avec la pensée magique, et ce serait désastreux de ne pas lutter régulièrement, assidûment, contre la pensée magique. Dans la mythologie alsacienne, le dieux Wotan ne cesse de rôder sur les champs de bataille pour récupérer des guerriers valeureux, qu'il conduit au Valhalla, afin de repousser les assauts des géants. De même, nous devons militer pour que des amis de plus en plus nombreux s'associent à nous pour faire régner la Raison.
D'ailleurs, pour ceux qui se lasseraient, qui se désespéreraient, j'ai une proposition merveilleuse, à savoir que si l'on est activement occupé à combattre contre les Géants, alors on n'a plus le temps, la liberté d'esprit, de chercher à connaître l'efficacité de nos actions. N'écoutons pas les sirènes, et utilisons tout notre temps pour déterminer les meilleurs techniques de lutte contre l'irrationnel. Certainement l'enseignement des sciences dans les écoles, les collèges et lycées est essentiel, et je propose de penser que cet enseignement n'est jamais trop tôt, ni jamais suffisant !
Nous devons chercher activement des moyens de lutte ! Sans nous lasser, luttons contre le Ragnarok !
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Bonsoir et merci beaucoup de nous avoir fait parvenir l’article sur l’enseignement dans les universités médicales !
Ayant travaillé longtemps dans l’ADFI pour aider les familles de victimes de sectes et en étant un fidèle lecteur de la revue SCIENCES et PSEUDOSCIENCES, de l'AFIS, je suis très sensible à ces sujets.
Toute la journée dans mon cabinet je suis confronté à ces discours et au bout de 30 ans de métier c’est usant ! Mais ce qui est vraiment triste c’est de voir combien plus la connaissance scientifique augmente, et plus la diffusion de l’irrationnel progresse, et donc la crédulité !
Alors je crois à la stimulation de l’esprit critique que je fais auprès de mes petits enfants mais aussi parfois dans les collèges muni de mon doppler, appareil d’échographie…
Vous avez réussi à faire évoluer les choses dans le domaine de la cuisine, si un jour on pouvait arriver à cela avec la médecine !...
La réponse à donner est claire : elle s'apparente à celle que j'avais faite à mon ami administrateur de l'agriculture : luttons contre le Ragnarok.
A propos de crédulité, de superstition, d'irrationnel, de pensée magique donc, il faut d'abord se souvenir de l'échange qui avait lieuà l'Unesco, il y a plusieurs années, entre deux ministres de la recherche scientifique : le ministre français se plaignait à son homologue d'un pays en voie de développement de la forte proportion de Français superstitieux... mais son interlocuteur lui répondait que, chez lui, cette proportion atteignait 95 pour cent. Tout ce travail de diffusion des résultats de la science, de vulgarisation scientifique, d'enseignement à l'école des résultats et des méthodes des sciences porte donc ses fruits, et il n'y a aucune raison d'être découragé.
Comme expliqué dans un billet précédent, des vagues enfant arrivent par millions chaque année avec la pensée magique, et ce serait désastreux de ne pas lutter régulièrement, assidûment, contre la pensée magique. Dans la mythologie alsacienne, le dieux Wotan ne cesse de rôder sur les champs de bataille pour récupérer des guerriers valeureux, qu'il conduit au Valhalla, afin de repousser les assauts des géants. De même, nous devons militer pour que des amis de plus en plus nombreux s'associent à nous pour faire régner la Raison.
D'ailleurs, pour ceux qui se lasseraient, qui se désespéreraient, j'ai une proposition merveilleuse, à savoir que si l'on est activement occupé à combattre contre les Géants, alors on n'a plus le temps, la liberté d'esprit, de chercher à connaître l'efficacité de nos actions. N'écoutons pas les sirènes, et utilisons tout notre temps pour déterminer les meilleurs techniques de lutte contre l'irrationnel. Certainement l'enseignement des sciences dans les écoles, les collèges et lycées est essentiel, et je propose de penser que cet enseignement n'est jamais trop tôt, ni jamais suffisant !
Nous devons chercher activement des moyens de lutte ! Sans nous lasser, luttons contre le Ragnarok !
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dimanche 1 novembre 2015
Maladie coeliaque et hystérie
Le chercheur qui avait annoncé la découverte d'une sensibilité au gluten différente de la maladie coeliaque revient sur sa découverte. C'est bien... et c'est aussi l'occasion de faire parler de lui deux fois.
Son article est paru dans la revue scientifique Gastroenterology. Il est la suite d'un autre article publié en 2011, où une petite étude semblait avoir établi que les régimes qui comportent du gluten auraient pu causer des désordres gastro-intestinaux chez des personnes qui ne souffrent pas de maladie coeliaque.
Pour la maladie coeliaque, pas de doute : c'est une maladie auto-immune provoquée par le gluten, cette matière mal définie, protéique, identifiée dès le 18e siècle dans la farine de blé (et présente dans d'autres aliments). En revanche, pour les personnes qui se disent intolérantes au gluten, l'étude proposait "une sensibilité non coeliaque au gluten".
L'étude avait fait grand bruit... parce qu'il y a beaucoup d'argent derrière : 30 pour cent des consommateurs veulent manger moins de gluten, et les ventes de produits sans gluten atteindront 15 milliards de dollars en 2016. Alors que un pour cent seulement des individus souffrent de maladie coeliaque, près de 18 pour cent des Américain adultes achètent des produits sans gluten.
Toutefois, comme le gluten a toujours été dans l'alimentation, le chercheur australien qui avait "découvert" la prétentue intolérance au gluten a voulu poursuivre son étude, et identifier les raison de l'intolérance. Il a donc repris cette étude, avec plus de rigueur, et testé 37 personnes qui se disaient sensibles au gluten.
Les sujets recevaient tous des repas préparés par les investigateurs, dont on avait supprimé tous les agents potentiellement responsables de symptômes gastro-intestinaux : lactose, certains conservateurs tels que benzoates, propionate, sulfites, and nitrites, saccharides fermentescibles. Les sujets ont alterné à leur insu des cycles de repas avec beaucoup de gluten, avec peu de gluten, et sans gluten (placebo).
Finalement tous les régimes produisirent des douleurs, des nausées et des flatulences à des degrés égaux (même les régimes placebo !).
Autrement dit, le gluten n'entrait pour rien dans les "intolérances" déclarées par les sujets. Il semble donc qu'un effet "nocebo" soit à l'oeuvre : les individus ne souffrent de prétendue intolérance au gluten que parce qu'ils se disent souffrir de cette affection ! Mieux, les saccharides fermentescibles semblent avoir été responsables des désagréments observés.
C'est bien gênant ;-)... car les fibres sont "bonnes pour la santé".
Son article est paru dans la revue scientifique Gastroenterology. Il est la suite d'un autre article publié en 2011, où une petite étude semblait avoir établi que les régimes qui comportent du gluten auraient pu causer des désordres gastro-intestinaux chez des personnes qui ne souffrent pas de maladie coeliaque.
Pour la maladie coeliaque, pas de doute : c'est une maladie auto-immune provoquée par le gluten, cette matière mal définie, protéique, identifiée dès le 18e siècle dans la farine de blé (et présente dans d'autres aliments). En revanche, pour les personnes qui se disent intolérantes au gluten, l'étude proposait "une sensibilité non coeliaque au gluten".
L'étude avait fait grand bruit... parce qu'il y a beaucoup d'argent derrière : 30 pour cent des consommateurs veulent manger moins de gluten, et les ventes de produits sans gluten atteindront 15 milliards de dollars en 2016. Alors que un pour cent seulement des individus souffrent de maladie coeliaque, près de 18 pour cent des Américain adultes achètent des produits sans gluten.
Toutefois, comme le gluten a toujours été dans l'alimentation, le chercheur australien qui avait "découvert" la prétentue intolérance au gluten a voulu poursuivre son étude, et identifier les raison de l'intolérance. Il a donc repris cette étude, avec plus de rigueur, et testé 37 personnes qui se disaient sensibles au gluten.
Les sujets recevaient tous des repas préparés par les investigateurs, dont on avait supprimé tous les agents potentiellement responsables de symptômes gastro-intestinaux : lactose, certains conservateurs tels que benzoates, propionate, sulfites, and nitrites, saccharides fermentescibles. Les sujets ont alterné à leur insu des cycles de repas avec beaucoup de gluten, avec peu de gluten, et sans gluten (placebo).
Finalement tous les régimes produisirent des douleurs, des nausées et des flatulences à des degrés égaux (même les régimes placebo !).
Autrement dit, le gluten n'entrait pour rien dans les "intolérances" déclarées par les sujets. Il semble donc qu'un effet "nocebo" soit à l'oeuvre : les individus ne souffrent de prétendue intolérance au gluten que parce qu'ils se disent souffrir de cette affection ! Mieux, les saccharides fermentescibles semblent avoir été responsables des désagréments observés.
C'est bien gênant ;-)... car les fibres sont "bonnes pour la santé".
Luttons contre les enseignements dévoyés
L'université de Limoges enseigne la "méditation de pleine conscience", qui rapprocherait les sciences de la nature et le bouddhisme, prônant une "familiarisation intérieure avec le lien corps-esprit"... pour 1845 euros par heure de cours, avec 95 heures de cours dans le programme ! Je ne serais pas fier d'être le doyen de cette université (ou, plus exactement, je convoquerais d'urgence un conseil universitaire pour faire cesser ces enseignements). Dans d'autres universités, on trouve de la naturopathie, de la réflexothérapie et autres fadaises, pour des tarifs analogues.
Ne devons-nous pas lutter vigoureusement contre ces dévoiements de l'université nationale ? Autour du président de la Ligne des droits de l'homme, Jean-Marie Lehn (prix Nobel de chimie), le président de la commission médicale des Hôpitaux de Paris, un membre de l'Académie nationale de médecine, l'ancien doyen de la faculté de médecine de Necker, les président de la Ligne de l'enseignement et de la Ligue contre le cancer ont écrit aux ministres de la santé et de l'éducation... mais n'ont pas reçu de réponse.
En Belgique, le ménage a été pourtant fait : depuis janvier 2013, les doyens de dix facultés de médecine ont décidé de "protéger les citoyens" en refusant d'enseigner ce qui n'a pas été validé. Vite, faisons de même !
Ne devons-nous pas lutter vigoureusement contre ces dévoiements de l'université nationale ? Autour du président de la Ligne des droits de l'homme, Jean-Marie Lehn (prix Nobel de chimie), le président de la commission médicale des Hôpitaux de Paris, un membre de l'Académie nationale de médecine, l'ancien doyen de la faculté de médecine de Necker, les président de la Ligne de l'enseignement et de la Ligue contre le cancer ont écrit aux ministres de la santé et de l'éducation... mais n'ont pas reçu de réponse.
En Belgique, le ménage a été pourtant fait : depuis janvier 2013, les doyens de dix facultés de médecine ont décidé de "protéger les citoyens" en refusant d'enseigner ce qui n'a pas été validé. Vite, faisons de même !
L'administration de la science est décidément étonnante !
Ce matin, discussions avec un excellent chimiste de mes amis. Alors que je lui demande comment va sa recherche, il me répond :
Question paperasse, j'ai adopté une position plus tranchée et par exemple, pas d'ANR en ce qui me concerne, malgré 3 essais en tant que co-porteur. Las de cette expérience, et souvent sollicité en tant qu'expert (c'est un comble, on demande à des "mauvais" de juger les bons), j'ai refusé cette année de participer à la critique des collègues méritants. Un virage conceptuel pour un chti gars qui d'habitude ne demande qu'à rendre service. Mais puisque le bouton "non" est géré aussi par une machine, je ne serai pas réprimandé et tout ce que je risque c'est de ne toujours rien avoir, alors hardi les gars!
Expliquons : l'ANR est l'Agence nationale pour la recherche, qui doit distribuer les subsides de l'état aux laboratoires. Ces financements s'obtiennent par soumission de lourds dossiers (cela prend sur le temps de recherche de les constituer), et le taux de succès est très faible (http://sciences.blogs.liberation.fr/home/2014/08/lanr-recale-80-des-projets-scientifiques.html), au point que de grands scientifiques s'en sont émus.
Décidément, il y a possibilité de mieux gérer la recherche scientifique que cela n'est fait aujourd'hui !
Question paperasse, j'ai adopté une position plus tranchée et par exemple, pas d'ANR en ce qui me concerne, malgré 3 essais en tant que co-porteur. Las de cette expérience, et souvent sollicité en tant qu'expert (c'est un comble, on demande à des "mauvais" de juger les bons), j'ai refusé cette année de participer à la critique des collègues méritants. Un virage conceptuel pour un chti gars qui d'habitude ne demande qu'à rendre service. Mais puisque le bouton "non" est géré aussi par une machine, je ne serai pas réprimandé et tout ce que je risque c'est de ne toujours rien avoir, alors hardi les gars!
Expliquons : l'ANR est l'Agence nationale pour la recherche, qui doit distribuer les subsides de l'état aux laboratoires. Ces financements s'obtiennent par soumission de lourds dossiers (cela prend sur le temps de recherche de les constituer), et le taux de succès est très faible (http://sciences.blogs.liberation.fr/home/2014/08/lanr-recale-80-des-projets-scientifiques.html), au point que de grands scientifiques s'en sont émus.
Décidément, il y a possibilité de mieux gérer la recherche scientifique que cela n'est fait aujourd'hui !
L'administration de la science est décidément étonnante !
Ce matin, discussions avec un excellent chimiste de mes amis. Alors que je lui demande comment va sa recherche, il me répond :
Question paperasse, j'ai adopté une position plus tranchée et par exemple, pas d'ANR en ce qui me concerne, malgré 3 essais en tant que co-porteur. Las de cette expérience, et souvent sollicité en tant qu'expert (c'est un comble, on demande à des "mauvais" de juger les bons), j'ai refusé cette année de participer à la critique des collègues méritants. Un virage conceptuel pour un chti gars qui d'habitude ne demande qu'à rendre service. Mais puisque le bouton "non" est géré aussi par une machine, je ne serai pas réprimandé et tout ce que je risque c'est de ne toujours rien avoir, alors hardi les gars!
Expliquons : l'ANR est l'Agence nationale pour la recherche, qui doit distribuer les subsides de l'état aux laboratoires. Ces financements s'obtiennent par soumission de lourds dossiers (cela prend sur le temps de recherche de les constituer), et le taux de succès est très faible (http://sciences.blogs.liberation.fr/home/2014/08/lanr-recale-80-des-projets-scientifiques.html), au point que de grands scientifiques s'en sont émus.
Ce qui est clair, c'est que cette agence est pour le moins inconséquente, comme le révèle le contenu du message de mon ami, qui est sollicité en tant qu'expert !
Décidément, il y a possibilité de mieux gérer la recherche scientifique que cela n'est fait aujourd'hui !
Question paperasse, j'ai adopté une position plus tranchée et par exemple, pas d'ANR en ce qui me concerne, malgré 3 essais en tant que co-porteur. Las de cette expérience, et souvent sollicité en tant qu'expert (c'est un comble, on demande à des "mauvais" de juger les bons), j'ai refusé cette année de participer à la critique des collègues méritants. Un virage conceptuel pour un chti gars qui d'habitude ne demande qu'à rendre service. Mais puisque le bouton "non" est géré aussi par une machine, je ne serai pas réprimandé et tout ce que je risque c'est de ne toujours rien avoir, alors hardi les gars!
Expliquons : l'ANR est l'Agence nationale pour la recherche, qui doit distribuer les subsides de l'état aux laboratoires. Ces financements s'obtiennent par soumission de lourds dossiers (cela prend sur le temps de recherche de les constituer), et le taux de succès est très faible (http://sciences.blogs.liberation.fr/home/2014/08/lanr-recale-80-des-projets-scientifiques.html), au point que de grands scientifiques s'en sont émus.
Ce qui est clair, c'est que cette agence est pour le moins inconséquente, comme le révèle le contenu du message de mon ami, qui est sollicité en tant qu'expert !
Décidément, il y a possibilité de mieux gérer la recherche scientifique que cela n'est fait aujourd'hui !