On nous dit que la chimie nous empoisonne, et j'ai déjà répondu que non, c'est plutôt la cuisine.
Ce soir, par hasard, j'en trouve une nouvelle preuve dans Le Livre d'or de la grande cuisine française, publié par les Annales en 1912 (réédition Philippe Sers, 1984). Page 15, dans la partie "Berri", j'y trouve cette recette de :
Fruits soufrés
N'avez vous pas regretté bien souvent qu'il soit si court le temps de fruits? En cueillant des prunes dorées, qui s'amollissent sous vos doigts, en soulevant la peau duveteuse d'une pêche savoureuse, en partageant une poire toute fondantes et juteuse, ou bien encore, dans les bois, tandis que l'odeur subtile des fraises montait jusqu'à vous, n'avez-vous pas désiré bien souvent en garder jalousement pour l'hiver? Écoutez-moi, si vous souhaitez -alors que cerises, abricots ou framboises sont en abondance- en mettre de côté pour la mauvaise saison.
Si ce sont des abricots que vous voulez conserver, coupez-les en deux, enlevez le noyau ; si ce sont des pêches, même opération, mais après les avoir pelées. Au contraire, choisissez de belles cerises, framboises et prunes, pas trop mûres, laissez-les entières, avec, aux cerises et aux prunes, un petit bout de queue. Coupez une mèche à soufrer en morceaux, que vous disposez sur une tôle , allumez le soufre et renversez dessus des bocaux à goulot pas trop large. Faites un sirop, à la proportion d'une livre de fruits frais cueillis, un demi-litre d'eau claire, un quart de livre de sucre cassé. Mettez votre sirop dans la bassine dorée et reluisante, sur un bon feu. Après un bouillon, versez vos fruits. Encore un bouillon. Retirez. Remplissez vivement les bocaux. Tenez d'un côté du goulot un morceau de parchemin, de l'autre, une mèche soufrée allumée. Lorsque la mèche s'éteint, le goulot est vide d'air. Appliquez très vite le parchemin et nouez comme pour les pots de confiture.
Le soufre qui brûle? Il faut être bien ignorant pour ne pas savoir qu'il engendre du dioxyde de soufre, que bien de nos concitoyens d'aujourd'hui récusent. On se plaint de maux de tête au moindre soupçon de soufre... mais j'aurais bien voulu doser les quantités considérables qui devaient contaminer les fruits soufrés.
Et puis le nom!
Ce blog contient: - des réflexions scientifiques - des mécanismes, des phénomènes, à partir de la cuisine - des idées sur les "études" (ce qui est fautivement nommé "enseignement" - des idées "politiques" : pour une vie en collectivité plus rationnelle et plus harmonieuse ; des relents des Lumières ! Pour me joindre par email : herve.this@inrae.fr
lundi 29 juin 2009
samedi 27 juin 2009
Art et science
Art et science ? Arts et sciences ? C'est une sorte de tarte à la crème, et pas un prix Nobel qui joue en amateur (voire très bien, on a le droit) d'un instrument de musique n'échappe à l'inévitable conférence sur ce thème.
Pourtant, je crois qu'il n'y a aucune relation.
Entendons-nous bien : je crois qu'il n'y a aucune relation entre l'art et la science, mais pas entre les artistes et les scientifiques, et je ne dis pas qu'il n'y ait pas des influences de l'un sur l'autre, et vice versa.
Je crois surtout qu'il faut clarifier l'affaire.
La croyance d'une union possible me semble aussi fautive que la confusion entre science et technologie, au moins dans le principe. Dans les deux cas, j'ai l'impression que la confusion résulte d' un idéalisme platonicien mal venu.
Science et technologies tout d'abord. La simple monosémie de la langue française doit conduire à penser que si les deux activités se recouvraient, il n'y aurait évidemment pas besoin de deux noms pour pour les distinguer. La seule existence de noms différents , c'est-à-dire de catégories distinctes, montre à l'évidence il s'agit de deux champs.
Ont-ils une intersection non vide ? Il faudra y regarder de plus près, mais l'analyse des spécificités de chaque champ conduit en réalité à distinguer les deux, comme cela fut montré lors des Cours de gastronomie moléculaire 2008 (le livre du cours devrait paraître -enfin!- le 25 août prochain, mais redisons la chose : la science, recherche des mécanismes des phénomènes, n'est pas la technologie, études des techniques en vue de leur transformation.
Art et science... Là encore, nous avons deux champs. Et il s'est trouvé des penseurs font (Henri Poincaré par exemple) pour dire qu'on ne faisait de science qu'avec art. Oui, mais quel art ? L'art du médecin ? L'art du cordonnier ? Le mot "art" a tant changé d'acceptions au cours des siècles que le débat est difficile si nous ne le simplifions pas un peu en définissant l'art comme cette activité qui veut produire de l'émotion.
L'art se distingue donc de la science qui, elle, se moque de l'émotion, et cherche les mécanismes des phénomènes, comme nous l'avons vu.
Que vient faire ce pauvre Platon dans toute cette affaire? Platon reste celui qui a proposé l'idée des Idées, celui qui, quand on le suit, nous pousse à écrire "Art", et non "art", "Science", et non "science".
La encore, commençons par la science et la technologie. Oui, la science et la technologie sont des champs distincts, mais oui, aussi, un même individu qui se livre à des activités scientifiques passe quasi nécessairement par des étapes techniques, ou technologiques. Lors d'une quête de mécanismes des phénomènes, un travail scientifique, donc, la mise au point d'une méthodes d'analyse, par exemple, relève bien souvent de la technologie, et non de la science. Pourtant, elle peut s'imposer, pour conduire à la découverte.
De même pour l'art et la science : on peut faire de la science avec art, comme disait Poincaré, et un(e) scientifique peut avoir un style (doit-il même?). Toutefois je propose d'imaginer le chemin de l'artiste comme un chemin, orienté tout entier vers la production de l'émotion ; à côté, sans croiser celui-ci, un autre chemin s'étend, tout entier dirigé vers la recherche des mécanismes des phénomènes.
Les chemins sont parallèles, si l'on veut, ils ne se coupent pas. En revanche, les êtres humains qui marchent sur ces chemins ont évidemment le droit d'en sortir, de faire un pas de côté, et de se retrouver. L'artiste peut avoir envie de s'inspirer de résultats produits par le scientifique. Il peut être aussi être inspiré par de tels résultats, comme on l'a vu à l'envi avec l'affaire des fractales.
Le scientifique, lui, peut aussi décider de se pencher sur le champ technique particulier que l'artiste met en oeuvre. Ce champ technique produit en effet une foule de phénomènes qui méritent considération, intérêt, étude. Et puis, comme on l'a vu, le scientifique, qui peut être technologue à ses heuers, peut avoir lui-même l'idée d'applications de ses travaux, ou des travaux de ses collègues. Cela le conduit à tendre à son ami artiste des objets technologiques ou techniques dont il sera fait artistiquement usage.
Et c'est ainsi que la science et l'art peuvent faire quelques pas ensembles. Chacun garde sa spécificité, ses méthodes, ses objectifs, mais les êtres humains se rencontrent.
"Si tu veux que les hommes s'entendent, fais leur faire des choses ensemble", disait Saint Exupéry.
Pourtant, je crois qu'il n'y a aucune relation.
Entendons-nous bien : je crois qu'il n'y a aucune relation entre l'art et la science, mais pas entre les artistes et les scientifiques, et je ne dis pas qu'il n'y ait pas des influences de l'un sur l'autre, et vice versa.
Je crois surtout qu'il faut clarifier l'affaire.
La croyance d'une union possible me semble aussi fautive que la confusion entre science et technologie, au moins dans le principe. Dans les deux cas, j'ai l'impression que la confusion résulte d' un idéalisme platonicien mal venu.
Science et technologies tout d'abord. La simple monosémie de la langue française doit conduire à penser que si les deux activités se recouvraient, il n'y aurait évidemment pas besoin de deux noms pour pour les distinguer. La seule existence de noms différents , c'est-à-dire de catégories distinctes, montre à l'évidence il s'agit de deux champs.
Ont-ils une intersection non vide ? Il faudra y regarder de plus près, mais l'analyse des spécificités de chaque champ conduit en réalité à distinguer les deux, comme cela fut montré lors des Cours de gastronomie moléculaire 2008 (le livre du cours devrait paraître -enfin!- le 25 août prochain, mais redisons la chose : la science, recherche des mécanismes des phénomènes, n'est pas la technologie, études des techniques en vue de leur transformation.
Art et science... Là encore, nous avons deux champs. Et il s'est trouvé des penseurs font (Henri Poincaré par exemple) pour dire qu'on ne faisait de science qu'avec art. Oui, mais quel art ? L'art du médecin ? L'art du cordonnier ? Le mot "art" a tant changé d'acceptions au cours des siècles que le débat est difficile si nous ne le simplifions pas un peu en définissant l'art comme cette activité qui veut produire de l'émotion.
L'art se distingue donc de la science qui, elle, se moque de l'émotion, et cherche les mécanismes des phénomènes, comme nous l'avons vu.
Que vient faire ce pauvre Platon dans toute cette affaire? Platon reste celui qui a proposé l'idée des Idées, celui qui, quand on le suit, nous pousse à écrire "Art", et non "art", "Science", et non "science".
La encore, commençons par la science et la technologie. Oui, la science et la technologie sont des champs distincts, mais oui, aussi, un même individu qui se livre à des activités scientifiques passe quasi nécessairement par des étapes techniques, ou technologiques. Lors d'une quête de mécanismes des phénomènes, un travail scientifique, donc, la mise au point d'une méthodes d'analyse, par exemple, relève bien souvent de la technologie, et non de la science. Pourtant, elle peut s'imposer, pour conduire à la découverte.
De même pour l'art et la science : on peut faire de la science avec art, comme disait Poincaré, et un(e) scientifique peut avoir un style (doit-il même?). Toutefois je propose d'imaginer le chemin de l'artiste comme un chemin, orienté tout entier vers la production de l'émotion ; à côté, sans croiser celui-ci, un autre chemin s'étend, tout entier dirigé vers la recherche des mécanismes des phénomènes.
Les chemins sont parallèles, si l'on veut, ils ne se coupent pas. En revanche, les êtres humains qui marchent sur ces chemins ont évidemment le droit d'en sortir, de faire un pas de côté, et de se retrouver. L'artiste peut avoir envie de s'inspirer de résultats produits par le scientifique. Il peut être aussi être inspiré par de tels résultats, comme on l'a vu à l'envi avec l'affaire des fractales.
Le scientifique, lui, peut aussi décider de se pencher sur le champ technique particulier que l'artiste met en oeuvre. Ce champ technique produit en effet une foule de phénomènes qui méritent considération, intérêt, étude. Et puis, comme on l'a vu, le scientifique, qui peut être technologue à ses heuers, peut avoir lui-même l'idée d'applications de ses travaux, ou des travaux de ses collègues. Cela le conduit à tendre à son ami artiste des objets technologiques ou techniques dont il sera fait artistiquement usage.
Et c'est ainsi que la science et l'art peuvent faire quelques pas ensembles. Chacun garde sa spécificité, ses méthodes, ses objectifs, mais les êtres humains se rencontrent.
"Si tu veux que les hommes s'entendent, fais leur faire des choses ensemble", disait Saint Exupéry.