Mon idée de la cuisine ? Tout ce qui est humain est imparfait, donc doit être perfectionné.
La science peut y contribuer, en apportant de la connaissance.
Des faits :
1. La cuisine ancienne a produit des choses merveilleuses
2. Mais elle a aussi produit des scories
3. Elle fait notamment un usage déplorable de l’énergie
4. La cuisine ancienne n’est pas une garantie de sécurité sanitaire
5. La cuisine ancienne fait usage d’ustensiles qui n’ont pas évolué depuis des siècles (sauf exception)
6. Une question essentielle, et trop oubliée : l’économie domestique
7. La tradition n’est pas une garantie
Une volonté :
1. Puisque toute chose humaine (y compris nos aliments) est imparfaite, il est de notre devoir de perfectionner (la cuisine)
2. Il faut travailler (science) pour contribuer à ces améliorations : la liberté de choisir s’oppose à l’asservissement
Des faits :
1. La cuisine ancienne a produit des choses merveilleuses
Oui, l’oreiller de la Belle Aurore est une merveille. Oui la béarnaise est une sauce enchanteresse. Oui, la sauce mayonnaise est succulente, et bien meilleure que la sauce rémoulade. Oui, un vrai beau feuilletage est une pièce d’orfèvrerie. Oui, un lièvre à la royale façon Sénateur Coutaux est un régal. Oui, oui, oui…
2. Mais elle a aussi produit des scories
Non, les haricots verts ne sont pas plus verts s’ils sont cuits sans couvercle. Non, les sauces mayonnaise ne doivent pas contenir de moutarde, sans quoi elles ont un savorisme particulier. Non, les compotes de poires ne rougissent pas dans les casseroles en cuivre étamé. Non, les règles féminines ne font pas tourner les mayonnaises. Non, les blancs en neige ne montent pas mieux quand on les bat toujours dans le même sens. Non, non, non…
3. La cuisine ancienne fait notamment un usage déplorable de l’énergie :
Une casserole sur une plaque à gaz ou à électricité (sauf induction) gaspille jusqu’à 80 pour cent de l’énergie consommée : on chauffe les pièces, principalement, ce qui n’est pas grave, en hiver, mais devient du gaspillage quand le chauffage est arrêté (environ 6 mois de l’année pour la France) !
Ce qui n’est pas grave du point de vue individuel le devient du point de vue collectif : 20 millions de foyers (pour la France), chaque jour, font un gaspillage considérable.
A noter que la question de l’énergie n’est pas la seule que l’on doive prendre en compte. Il faut aussi tenir compte des « matières », par exemple.
4. La cuisine ancienne n’est pas une garantie de sécurité sanitaire
Une noix muscade contient assez de myristicine pour tuer un homme en bonne santé.
Les viandes grillées (barbecue) sont chargées de benzo[α]pyrènes, cancérogènes avérés.
Les réfrigérateurs ne sont que rarement à 4°C.
Le pain est porteur d’acrylamide, molécule dangereuse.
La pomme de terre contient de la solanine, alcaloïde toxique.
La girolle contient de l’ammanitoidine, principe toxique de l’ammanite phalloïde.
Les aliments fumés sont responsables de cancers qui atteignent les populations des pays du Nord de l’Europe.
Etc.
5. La cuisine ancienne fait usage d’ustensiles qui n’ont pas évolué depuis des siècles (sauf exception)
Les casseroles existent depuis au moins le moyen-âge. Sont-elles les plus efficaces pour leur fonction (quelle est-elle ?) ?
Si les bassines en cuivre sont efficaces pour les confitures (et elles le sont), c’est parce qu’elles libèrent des ions cuivre… toxiques.
Les fouets existent depuis des siècles. Ce ne sont pourtant pas des ustensiles efficaces pour foisonner ou pour émulsionner.
Les chinois sont des ustensiles inefficaces du point de vue de la filtration, opération pour laquelle ils sont employés.
6. Une question essentielle : l’économie domestique
Socialement, nous souffrons de l’ignorance culinaire de la population (je ne me mets pas en dehors du groupe).
Par exemple, nos concitoyens privilégient les viandes à griller (coûteuses), et délaissent les viandes à braiser (accessibles).
Par exemple, puisqu’un blanc d’œuf permet de faire un mètre cube de blanc en neige, c’est un gaspillage domestique que d’utiliser 10 blancs d’œufs pour faire une mousse au chocolat pour une famille.
Au total, il me semble donc indispensable d’œuvrer pour contribuer à l’œuvre d’économie domestique.
7. La tradition n’est pas une garantie
L’esclavage était traditionnel, mais il n’était pas admissible.
La tradition, en cuisine, c’est d’être debout, dans le bruit et dans la fournaise.
Une volonté :
1. Puisque toute chose humaine (y compris nos aliments) est imparfaite, il est de notre devoir de perfectionner (la cuisine)
Nous pouvons perfectionner les ustensiles, en les concevant en fonction de leur usage.
Nous pouvons perfectionner les ingrédients (produits végétaux ou animaux sont d’ailleurs « perfectionnés » par des siècles d’agriculture et d’élevage… mais pourquoi s’arrêter à ce stade).
Nous pouvons perfectionner les méthodes : la cuisine n’est pas née toute armée de la cuisse de Jupiter (la mayonnaise est apparue au XVIII e siècle), de sorte que je vois mal pourquoi on ne pourrait pas continuer à innover).
Si la tradition, en cuisine, c’est d’être debout, dans le bruit et dans la fournaise, pourquoi ne chercherait-on pas à asseoir les cuisiniers, à supprimer la pénibilité de la cuisine ?
2. Il faut travailler (science) pour contribuer à ces améliorations
La science produit des connaissances nouvelles, que la technologie utilise afin de perfectionner la technique.
Pour la cuisine, la science nommée « gastronomie moléculaire » doit travailler, afin de produire des connaissances qui seront utiles aux cuisiniers.
Ce blog contient: - des réflexions scientifiques - des mécanismes, des phénomènes, à partir de la cuisine - des idées sur les "études" (ce qui est fautivement nommé "enseignement" - des idées "politiques" : pour une vie en collectivité plus rationnelle et plus harmonieuse ; des relents des Lumières ! Pour me joindre par email : herve.this@inrae.fr
samedi 28 mars 2009
mercredi 25 mars 2009
En réponse au Canard enchaîné
Paris, le 25 mars 09
Chers Amis du Canard
Merci de la publicité que vous me faites, ainsi que quelques autres revues « réac » : chaque fois qu’un journaliste de votre équipe me cite (pas signé : un peu de lâcheté de sa part ?), des tas de gens me téléphonent, m’écrivent, m’émèlent pour me dire qu’ils savent bien que je n’ai rien à vendre et que c’est insensé que des revues qu’ils estimaient disent du mal de moi.
Cela étant, vous êtes malhonnêtes, en me citant entre guillemets : j’ai surtout dit que, il n’y a pas si longtemps, j’étais revenu de Tunisie avec tout un groupe qui est revenu avec une diarrhée qui nous a vidé pendant deux semaines. D’autre part, je suis allé récemment dans un restaurant que j’aime bien, boulevard Edgar Quinet, à Paris, en famille, et nous avons tous été malades le lendemain (je n’ai pas alerté la presse : je ne suis pas un chien qui aboie).
Au total, je suis beaucoup plus inquiet des pratiques « traditionnelles » (je rappelle que la tradition n’est pas une garantie : l’esclavage était traditionnel, et on ne peut pas dire que c’était quelque chose de merveilleux). Par exemple, les barbecue déposent sur les grillades des benzopyrènes cancérogènes… mais personne ne veut le savoir ! Et la noix muscade contient assez de molécules toxiques pour tuer (une noix pour un adulte)… mais on n’en parle pas non plus ! Bref, je comprends que le journaliste d’investigation (un pléonasme ?) fasse son travail, mais j’aimerais qu’il le fasse un peu décemment.
Je rappelle que je n’ai rien à vendre (contrairement à vous, qui devez vendre du papier). Ce qui pose la question d’une certaine éthique de la presse.
Désolé, cela fait deux fois que je vous prends en flagrant délit de mauvais travail.
Vive la connaissance !
Chers Amis du Canard
Merci de la publicité que vous me faites, ainsi que quelques autres revues « réac » : chaque fois qu’un journaliste de votre équipe me cite (pas signé : un peu de lâcheté de sa part ?), des tas de gens me téléphonent, m’écrivent, m’émèlent pour me dire qu’ils savent bien que je n’ai rien à vendre et que c’est insensé que des revues qu’ils estimaient disent du mal de moi.
Cela étant, vous êtes malhonnêtes, en me citant entre guillemets : j’ai surtout dit que, il n’y a pas si longtemps, j’étais revenu de Tunisie avec tout un groupe qui est revenu avec une diarrhée qui nous a vidé pendant deux semaines. D’autre part, je suis allé récemment dans un restaurant que j’aime bien, boulevard Edgar Quinet, à Paris, en famille, et nous avons tous été malades le lendemain (je n’ai pas alerté la presse : je ne suis pas un chien qui aboie).
Au total, je suis beaucoup plus inquiet des pratiques « traditionnelles » (je rappelle que la tradition n’est pas une garantie : l’esclavage était traditionnel, et on ne peut pas dire que c’était quelque chose de merveilleux). Par exemple, les barbecue déposent sur les grillades des benzopyrènes cancérogènes… mais personne ne veut le savoir ! Et la noix muscade contient assez de molécules toxiques pour tuer (une noix pour un adulte)… mais on n’en parle pas non plus ! Bref, je comprends que le journaliste d’investigation (un pléonasme ?) fasse son travail, mais j’aimerais qu’il le fasse un peu décemment.
Je rappelle que je n’ai rien à vendre (contrairement à vous, qui devez vendre du papier). Ce qui pose la question d’une certaine éthique de la presse.
Désolé, cela fait deux fois que je vous prends en flagrant délit de mauvais travail.
Vive la connaissance !
mardi 24 mars 2009
Questions de sécurité
Je reçois cette belle question :
Et voici ma réponse :
Un point, tout d'abord : on ne convainc pas des gens qui ne veulent pas être convaincus.
Donc je ne m'adresse à vous que parce que je suppose que vous êtes bienveillants, et intéressés honnêtement (contrairement à quelques journalistes dont l'a priori est sidérant, vu leur métier qui devrait être d'investigation).
Les faits, d'abord :
Un client a rapporté un virus de voyage, et il l'a transmis à une quarantaine de personnes.
Quand Heston Blumenthal a annoncé qu'il offrirait un repas à toute personne ayant été malade dans son restaurant (une vraie erreur!), alors 400 personnes environ se sont signalées.
Le restaurant a été fermé (ce qui est courageux), il est aujourd'hui réouvert... et fonctionnera de la même façon qu'avant, parce qu'il n'y a pas lieu de changer.
L'analyse : la cuisine moléculaire, c'est une cuisine qui fait usage de nouveaux ustensiles, ingrédients, méthodes.
Comparons donc l'ancien et le nouveau.
L'usage de chinois, où les micro-organismes vont se loger entre les mailles, le barbecue, qui dépose des benzopyrènes cancérogènes sur les aliments, la noix muscade, dont la myristicine peut tuer, la pomme de terre, dont la peau contient de la solanine toxique, le gaz, avec ses risques d'explosion, les tuyaux en plomb, qui causent du saturnisme, les conserves avec le risque de botulisme, et je m'arrête là tant il y en a.
Il est important que la tradition n'est pas une garantie de sécurité, au contraire :
- d'une part, l'esclavage est traditionnel... et il n'est pas bon
- d'autre part, nombre d'aliments traditionnels confectionnés ne passeraient pas les tests de sécurité s'ils tombaient sous le coup des "novel food".
- la modernité augmente l'espérance de vie d'un trimestre par an tous les ans
La cuisine moléculaire? Aucune raison qu'elle soit plus dangereuse.
Oui, l'azote liquide est à -200°C, et l'on perdrait des yeux si l'on avait des projections dans l'oeil... mais c'est la raison pour laquelle, de la même façon qu'on ne fait pas sortir le gaz pendant des heures avant d'y mettre le feu, on met des lunettes quand on manipule l'azote liquide. Ce n'est pas plus dangereux que de courir avec un couteau pointe en l'air!!!!!!
Les alginates et autres gélifiants? Les populations asiatiques en utilisent depuis des millénaires... et elles ne sont pas moins bien que nous! D'ailleurs, pourquoi la gélatine serait-elle saine, à ce rythme?
Les "additifs"? La catégorie est hétérogène, mais le E460 est de la chlorophylle certainement plus pure que le vert d'épinard préparé dans les cuisines!.
Et puis, au fond, il faut regarder cas par cas. Savez vous, par exemple, que la première opération de la production du sucre (lequel ne fait peur à personne) est nommée "défécation" (quel joli mot!), et consiste à verser de la chaux dans le mélange d'eau et de betterave broyée, afin de faire sédimenter les particules? Pourquoi ne s'inquiète-t-on pas de la chaux utilisée, qui, il faut le dire, n'est pas plus "naturelle" que la carotte ou le navet?
Bref, vous avez raison de vous interroger, et je vous remercie de me donner l'occasion de dire ici que la cuisine moléculaire n'est ni mieux ni moins bien que la cuisine classique.
Bien faites, la cuisine classique et la cuisine moléculaire sont parfaitement acceptables. Mal faites, elles sont toutes deux dangereuses.
C'est pour cette raison qu'il faut DAVANTAGE de chimie, c'est à dire de connaissance (puisque la chimie, ce ne sont pas des produits, mais une science, donc une activité de recherche de connaissances, que l'on peut ensuite distribuer aux praticiens pour qu'ils en fassent bon usage).
Vive la chimie!!!!
Que pensez vous des problemes de Blumenthal (fermeture de son restaurant...400 clients pretendants avoir été intoxiqué ?) La cuisine 'moléculaire' est elle plus risquée en terme d'hygiène que la cuisine classique ? Le dosage des produits doit il être aussi regardé en apport des rosques d'intoxication ? |
Et voici ma réponse :
Un point, tout d'abord : on ne convainc pas des gens qui ne veulent pas être convaincus.
Donc je ne m'adresse à vous que parce que je suppose que vous êtes bienveillants, et intéressés honnêtement (contrairement à quelques journalistes dont l'a priori est sidérant, vu leur métier qui devrait être d'investigation).
Les faits, d'abord :
Un client a rapporté un virus de voyage, et il l'a transmis à une quarantaine de personnes.
Quand Heston Blumenthal a annoncé qu'il offrirait un repas à toute personne ayant été malade dans son restaurant (une vraie erreur!), alors 400 personnes environ se sont signalées.
Le restaurant a été fermé (ce qui est courageux), il est aujourd'hui réouvert... et fonctionnera de la même façon qu'avant, parce qu'il n'y a pas lieu de changer.
L'analyse : la cuisine moléculaire, c'est une cuisine qui fait usage de nouveaux ustensiles, ingrédients, méthodes.
Comparons donc l'ancien et le nouveau.
L'usage de chinois, où les micro-organismes vont se loger entre les mailles, le barbecue, qui dépose des benzopyrènes cancérogènes sur les aliments, la noix muscade, dont la myristicine peut tuer, la pomme de terre, dont la peau contient de la solanine toxique, le gaz, avec ses risques d'explosion, les tuyaux en plomb, qui causent du saturnisme, les conserves avec le risque de botulisme, et je m'arrête là tant il y en a.
Il est important que la tradition n'est pas une garantie de sécurité, au contraire :
- d'une part, l'esclavage est traditionnel... et il n'est pas bon
- d'autre part, nombre d'aliments traditionnels confectionnés ne passeraient pas les tests de sécurité s'ils tombaient sous le coup des "novel food".
- la modernité augmente l'espérance de vie d'un trimestre par an tous les ans
La cuisine moléculaire? Aucune raison qu'elle soit plus dangereuse.
Oui, l'azote liquide est à -200°C, et l'on perdrait des yeux si l'on avait des projections dans l'oeil... mais c'est la raison pour laquelle, de la même façon qu'on ne fait pas sortir le gaz pendant des heures avant d'y mettre le feu, on met des lunettes quand on manipule l'azote liquide. Ce n'est pas plus dangereux que de courir avec un couteau pointe en l'air!!!!!!
Les alginates et autres gélifiants? Les populations asiatiques en utilisent depuis des millénaires... et elles ne sont pas moins bien que nous! D'ailleurs, pourquoi la gélatine serait-elle saine, à ce rythme?
Les "additifs"? La catégorie est hétérogène, mais le E460 est de la chlorophylle certainement plus pure que le vert d'épinard préparé dans les cuisines!.
Et puis, au fond, il faut regarder cas par cas. Savez vous, par exemple, que la première opération de la production du sucre (lequel ne fait peur à personne) est nommée "défécation" (quel joli mot!), et consiste à verser de la chaux dans le mélange d'eau et de betterave broyée, afin de faire sédimenter les particules? Pourquoi ne s'inquiète-t-on pas de la chaux utilisée, qui, il faut le dire, n'est pas plus "naturelle" que la carotte ou le navet?
Bref, vous avez raison de vous interroger, et je vous remercie de me donner l'occasion de dire ici que la cuisine moléculaire n'est ni mieux ni moins bien que la cuisine classique.
Bien faites, la cuisine classique et la cuisine moléculaire sont parfaitement acceptables. Mal faites, elles sont toutes deux dangereuses.
C'est pour cette raison qu'il faut DAVANTAGE de chimie, c'est à dire de connaissance (puisque la chimie, ce ne sont pas des produits, mais une science, donc une activité de recherche de connaissances, que l'on peut ensuite distribuer aux praticiens pour qu'ils en fassent bon usage).
Vive la chimie!!!!
dimanche 22 mars 2009
Un site, enfin!
La fonction d'un blog, c'est d'émettre des messages réguliers, sur un thème.
En revanche, la fonction d'un site, c'est notamment de procurer des informations variées, organisées non pas chronologiquement, mais fonctionnellement.
Un tel site vient d'être créé à l'adresse : http://sites.google.com/site/travauxdehervethis/
N'hésitez pas à le visiter et à m'indiquer des modifications qui vous sembleraient nécessaires.
En revanche, la fonction d'un site, c'est notamment de procurer des informations variées, organisées non pas chronologiquement, mais fonctionnellement.
Un tel site vient d'être créé à l'adresse : http://sites.google.com/site/travauxdehervethis/
N'hésitez pas à le visiter et à m'indiquer des modifications qui vous sembleraient nécessaires.
samedi 21 mars 2009
Un vieux papier retrouvé
Beaucoup d'émotion ce matin, en retrouvant ce message de Nicholas Kurti, qui est une pièce à verser au dossier de la création de la gastronmie moléculaire. La lettre n'est pas datée, mais elle est postérieure à 1986. A l'époque, on ne parlait pas encore de "gastronomie moléculaire", mais seulement de "chimie et physicochimie de la cuisine". La gastronomie moléculaire n'est née qu'en 1988.
dimanche 8 mars 2009
Vient de paraître
Nous sommes bien d'accord : les scientifiques doivent produire des connaissances, et non perdre leur temps à faire de l'épistémologie, ce qui est une activité de philosophes.
Ce n'est pas que la philosophie soit moins bien que la science, mais simplement que la science est la science, et la philosophie la philosophie. Si l'on est scientifique, c'est pour faire de la science.
Pour autant, il y a des choses qui méritent d'être dites, sur la pratique de la science, ses "raisons". Je propose quelques idées dans le livre qui vient de paraître :
La sagesse du chimiste
Hervé This
Chapitre 1.
La chimie, entre sagesse et folie
Le chimiste sage sait la nature de son activité
La chimie est une science expérimentale
La chimie n’a pas toujours été ce qu’elle est
A la conquête des airs
Des goûts et des couleurs
Le cycle des transformations, symbolisé par le phénix ?
La science n’est pas technologie, même si elle a des applications
Le chimiste sait manier le langage de sa science
Questions de mots
Au bout des doigts, l’esprit
Manipuler !
L’amélioration de l’esprit
Au début était l’expérience
Chapitre 2.
La chimie transforme la matière
La chimie, fille du canon
La chimie n’est pas une collection de papillons
Oui, les molécules sont belles… parce que leur structure détient les clés de leur réactivité
Les leçons de l’évolution
Et dans l’enseignement
Chapitre 3.
Ascétisme et rigueur ?
Sans compter… le calcul
De l’expérience à la loi
La pureté
L’existence indémontrable des molécules
Chapitre 4.
Le chimiste sage sait les limites de sa science
La biologie n’est pas la chimie, puisque celle-ci n’est pas la biologie
La chimie, science modeste
Chapitre 5.
Le chimiste est fou parce qu’il vit dans un autre monde
Mais il y a une composante artistique
Et une composante d’amour
Chapitre 6
La chimie n’est pas la cuisine
La cuisine n’est pas de la chimie
Le chimiste sage n’admet pas l’argument d’autorité
Qui doit cuisiner : le cuisinier ou le chimiste ?
Ne pas manger dans les laboratoires
Chapitre 7.
Et demain ?
L’albumine n’existe pas
La fin d’une spécificité organique
La création de la vie ?
Bibliographie
Apprendre dans une école d’ingénieurs ?
Soyons simples, avant de tout compliquer. Une école d’ingénieur forme certainement des cadres, des banquiers, des hommes politiques… mais elle forme aussi des ingénieurs ! D’ailleurs, si les écoles d’ingénieurs conduisent à des postes de responsabilité importants pour la vie de la nation, n’est-ce pas, surtout, parce que sortent de ces écoles des personnes qui ont voulu acquérir, en travaillant, des connaissances opératives, des méthodes rationnelles, donc applicables dans de nombreux aspects de la vie de la nation ?
La question est compliquée. Abandonnons-là pour l’instant, et revenons au constat : les écoles d’ingénieurs forment des ingénieurs. De quoi s’agit-il ?
_____
Pour la partie « technique » du métier d’ingénieur, il y a de nombreux aspects, mais, a priori, il s’agit d'abord d’orchestrer la production et d’innover, afin que cette production se fasse dans des conditions modernes.
Oui, on peut travailler le métal à la main, mais une société qui ferait ainsi serait submergée par la concurrence, laquelle utiliserait des machines. Survivre dans le monde industriel, c’est innover… d’où l’emphase mise sur ce mot « magique » dans le monde industriel.
Une conclusion s’impose alors aux écoles d’ingénieurs : puisque les ingénieurs devront innover, qu’enseigner aux futurs ingénieurs ? A innover, notamment.
_____
Considérons les relations (simples) de la technique, de la technologie, de la science.
La technique, c’est le faire, la production : le mot techne, en grec, signifie « faire ».
La technologie (il suffit de lire le mot pour comprendre), c’est l’étude de la technique… évidemment en vue de son perfectionnement, de sa rationalisation.
La science, enfin, c’est la science, c’est-à-dire la recherche des mécanismes des phénomènes, par l’usage de la méthode scientifique.
_____
Observons que la technologie n’est pas la technique (ce qui semble clair), mais qu’elle n’est pas non plus la science.
Pourquoi, alors, les élèves ingénieurs pratiqueraient-ils la science ? La méthode de la « formation par la recherche » (tarte à la crème de l'enseignement supérieur) doit être questionnée.
Une métaphore pour commencer : l’expérience professionnelle conduit à donner des réflexes, fondés précisément sur la confrontation répétée avec des situations analogues, reconnues comme telles. En gros, on se fait des « cals » pour éviter les ampoules.
Du coup, imaginons que les élèves ingénieurs pratiquent la science au cours de leurs études, ils auraient des cals appropriés à la science (recherche des mécanismes)… mais pas à l’innovation ! Et c’est un fait que, personnellement, mes enseignants à l’ESPCI nous ont plus d’une fois répété que nous apprendrions ensuite, sur le tas. A quoi bon, alors, suivre des enseignements qui ne forment pas aux compétences nécessaires ?
Révisons la question de la science dans les écoles d’ingénieurs. S’il faut innover, il faut des connaissances pour innover, et une méthode pour transformer ce savoir en techniques, méthodes… C’est là une des branches de la technologie : le transfert technologique. Bien sûr, si l’on dispose de connaissances anciennes, il y a fort à parier que d’autres, avant nous, auront fait le transfert innovatif. Il faut donc transmettre aux étudiants des connaissances nouvelles, de pointe, afin qu’ils puissent ensuite en faire des applications innovantes, modernes.
Conclusion : c’est la science la plus moderne qu’il faut que les écoles d’ingénieurs transmettent aux étudiants.
Ce n’est pas suffisant, bien sûr : il faudra enseigner la méthode de transfert. Qui peut l’enseigner : des personnes qui la connaissent bien, ou des personnes qui ne la connaissent pas bien ? Les premières, semble-t-il ! Or les premières sont des personnes qui ont du succès, qui ont fait leurs preuves dans ce transfert. Ce sont les ingénieurs les plus remarquables que les écoles d’ingénieurs doivent inviter, en leur demander de formaliser leurs connaissances, de proposer un savoir théorisé, et non seulement des exemples.
_____
Cette réflexion s’assortit d’une réflexion sur les stages. Où faire des stages, quand on est élève ingénieur ? Si le métier d’ingénieur est dans le transfert technologique et l’innovation, alors il faut sans doute avoir fait un stage où l’on découvre des techniques de pointe, scientifiques, afin de pouvoir faire du transfert, ultérieurement, mais il faut aussi un stage industriel, où l’on découvre non pas le monde industriel, comme une tarte à la crème le dit parfois, mais plutôt du transfert !
Merci de bien vouloir m'aider à corriger des idées simples ("tout ce qui est simple est faux, mais tout ce qui est juste est inutilisable").
La question est compliquée. Abandonnons-là pour l’instant, et revenons au constat : les écoles d’ingénieurs forment des ingénieurs. De quoi s’agit-il ?
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Pour la partie « technique » du métier d’ingénieur, il y a de nombreux aspects, mais, a priori, il s’agit d'abord d’orchestrer la production et d’innover, afin que cette production se fasse dans des conditions modernes.
Oui, on peut travailler le métal à la main, mais une société qui ferait ainsi serait submergée par la concurrence, laquelle utiliserait des machines. Survivre dans le monde industriel, c’est innover… d’où l’emphase mise sur ce mot « magique » dans le monde industriel.
Une conclusion s’impose alors aux écoles d’ingénieurs : puisque les ingénieurs devront innover, qu’enseigner aux futurs ingénieurs ? A innover, notamment.
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Considérons les relations (simples) de la technique, de la technologie, de la science.
La technique, c’est le faire, la production : le mot techne, en grec, signifie « faire ».
La technologie (il suffit de lire le mot pour comprendre), c’est l’étude de la technique… évidemment en vue de son perfectionnement, de sa rationalisation.
La science, enfin, c’est la science, c’est-à-dire la recherche des mécanismes des phénomènes, par l’usage de la méthode scientifique.
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Observons que la technologie n’est pas la technique (ce qui semble clair), mais qu’elle n’est pas non plus la science.
Pourquoi, alors, les élèves ingénieurs pratiqueraient-ils la science ? La méthode de la « formation par la recherche » (tarte à la crème de l'enseignement supérieur) doit être questionnée.
Une métaphore pour commencer : l’expérience professionnelle conduit à donner des réflexes, fondés précisément sur la confrontation répétée avec des situations analogues, reconnues comme telles. En gros, on se fait des « cals » pour éviter les ampoules.
Du coup, imaginons que les élèves ingénieurs pratiquent la science au cours de leurs études, ils auraient des cals appropriés à la science (recherche des mécanismes)… mais pas à l’innovation ! Et c’est un fait que, personnellement, mes enseignants à l’ESPCI nous ont plus d’une fois répété que nous apprendrions ensuite, sur le tas. A quoi bon, alors, suivre des enseignements qui ne forment pas aux compétences nécessaires ?
Révisons la question de la science dans les écoles d’ingénieurs. S’il faut innover, il faut des connaissances pour innover, et une méthode pour transformer ce savoir en techniques, méthodes… C’est là une des branches de la technologie : le transfert technologique. Bien sûr, si l’on dispose de connaissances anciennes, il y a fort à parier que d’autres, avant nous, auront fait le transfert innovatif. Il faut donc transmettre aux étudiants des connaissances nouvelles, de pointe, afin qu’ils puissent ensuite en faire des applications innovantes, modernes.
Conclusion : c’est la science la plus moderne qu’il faut que les écoles d’ingénieurs transmettent aux étudiants.
Ce n’est pas suffisant, bien sûr : il faudra enseigner la méthode de transfert. Qui peut l’enseigner : des personnes qui la connaissent bien, ou des personnes qui ne la connaissent pas bien ? Les premières, semble-t-il ! Or les premières sont des personnes qui ont du succès, qui ont fait leurs preuves dans ce transfert. Ce sont les ingénieurs les plus remarquables que les écoles d’ingénieurs doivent inviter, en leur demander de formaliser leurs connaissances, de proposer un savoir théorisé, et non seulement des exemples.
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Cette réflexion s’assortit d’une réflexion sur les stages. Où faire des stages, quand on est élève ingénieur ? Si le métier d’ingénieur est dans le transfert technologique et l’innovation, alors il faut sans doute avoir fait un stage où l’on découvre des techniques de pointe, scientifiques, afin de pouvoir faire du transfert, ultérieurement, mais il faut aussi un stage industriel, où l’on découvre non pas le monde industriel, comme une tarte à la crème le dit parfois, mais plutôt du transfert !
Merci de bien vouloir m'aider à corriger des idées simples ("tout ce qui est simple est faux, mais tout ce qui est juste est inutilisable").