Ce blog contient: - des réflexions scientifiques - des mécanismes, des phénomènes, à partir de la cuisine - des idées sur les "études" (ce qui est fautivement nommé "enseignement" - des idées "politiques" : pour une vie en collectivité plus rationnelle et plus harmonieuse ; des relents des Lumières ! Pour me joindre par email : herve.this@inrae.fr
jeudi 25 décembre 2008
Bon et sûr !
Bon goût et sécurité des aliments ne sont pas synonymes. Pour manger « bon et sain », mangeons de tout, en quantités modérées… et sachons cuisiner.
On parle d’aliment ? Il faut donc parler de plaisir, et le plaisir, c’est aussi la bonne conscience que nous avons à manger des aliments « sains », « sûrs »…
Les aliments font l’objet de discussions passionnées, à propos de leur qualité, chimique, microbiologique, génétique… Evidemment, nous voulons des « aliments santé », mais, contrairement à ce qu’une certaine publicité laisse croire, ce n’est pas une nouveauté : la Suite des Dons de Comus, livre de cuisine du XVIIe siècle, utilise déjà le terme ! Hippocrate, il y a plus de deux millénaires, savait déjà les relations entre notre aliment et notre santé. Et puis, de toute façon, nous la savons, cette relation : n’y a-t-il pas des plats qui nous laissent pesants, assoupis ? Et d’autres qui nous laissent plus alertes, vifs ? Cela, c’est pour la partie perceptible… mais ce qui est en cause, aussi, c’est ce qui n’est pas visible, les effets à long terme de composés dont nous ignorons la présence dans nos mets, et qui pourraient nous rendre malades.
Il y a des choses simples à savoir. Par exemple, que le « bon goût » des aliments n’est pas synonyme d’absence de toxicité. Par exemple, la noix muscade, avec son goût merveilleux dans une purée, dans un gratin, par exemple, contient assez de myristicine pour tuer un être humain qui en consommerait une noix entière, réduite en poudre fine ! La noix muscade est « exotique » ? Parlons alors de la girolle, qui contient en très petites quantités cette molécule nommée amanitoïdine, laquelle est le principe mortel de la redoutable amanite phalloïde.
Et voilà pourquoi Paracelse, médecin suisse, avait bien raison de dire : « tout est poison, rien n’est poison, c’est la dose qui fait que quelque chose n’est pas poison » (stricto sensu, il a tort, car les allergies sont des réactions terribles à des doses infinitésimales).
La question du barbecue
Reste que, à fortes doses, certaines molécules sont notoirement mauvaises ! Par exemple les benzopyrènes, très cancérogènes. Or, quand viennent les beaux jours, nous mettons nos barbecue sont dans tous les jardins, et nous mangeons ainsi, avec « plaisir », des quantités considérables de benzopyrènes ! Là, plus question d’émeute publique, pas de manchette dans les journaux... parce que nous « aimons » la viande cuite au barbecue et que nous ne supporterions d’ailleurs pas que des lois nous l’interdisent. Pourtant, je le répète, cette viande est pleine de molécules cancérogènes. Et que ces molécules sont nuisibles. Le fumé, délicieux, ne doit pas, non plus, faire l’objet d’une consommation excessive : les populations nordiques qui en abusent souffrent de cancers de l’estomac, et, cette fois, ce sont des molécules nommées hydrocarbures aromatiques polycycliques qui sont en cause. Des études scientifiques s’imposent pour mieux connaître tout cela.
En attendant, revenons à notre pauvre barbecue, que nous utilisons bien mal ! Oui, bien mal, parce que, quand nous faisons les barbecues, nous allumons le charbon de bois, puis, quand il n’y a plus de flammes, nous posons la grille, et la viande ; la graisse de la viande, qui fond alors, tombe sur les braises et provoque l’apparition d’une flamme qui vient lécher la viande, déposant des flammèches noires, toxiques et, pis encore ( ;-) ), amères !
Pourtant, nos ancêtres savaient bien que le feu chauffe dans toutes les directions, par les rayonnements infrarouges qu’il émet. De ce fait, ils plaçaient la viande devant le feu, et non dessus. Du coup, ils avaient la possibilité de placer une lèchefrite sous la viande, afin de récupérer les délicieux jus. Mieux encore, ils plaçaient derrière la viande une sorte de demi bidon métallique, la « coquille », qui servait de réflecteur, et activait la cuisson.
Bref, il y a bien des façons de mieux faire que nos minables barbecues, dangereux de surcroît.
Comment manger sain ?
Manger sain ? Les discours moraux ne servent à rien, sauf à donner bonne conscience à ceux qui les tiennent et à ennuyer ceux qui les reçoivent. Je crois –mais c’est une idée personnelle- qu’il est inutile de dire « ne mangez pas… » ou bien « mangez… ». Il vaut bien mieux poser des questions, et éventuellement y répondre.
La démarche commence dès l’Ecole. Par exemple, comment montrer à nos enfants qu’il « faut » se laver les mains avant de passer à table ? Leur répéter ne sert à rien : la preuve, nous ne cessons de le faire et ils ne se lavent pas les mains, sauf quand ils sont en notre présence. Les Ateliers expérimentaux du goût(http://www.inra.fr/fondation_science_culture_alimentaire/les_travaux_de_la_fondation_science_culture_alimentaire/les_divisions/division_education_formation/ateliers_experimentaux_du_gout), introduits en 2001, proposent d’attaquer la question par une activité de classe, dès les premières classes de l’école : on propose aux enfants de couper des pommes de terre soit à mains nues, soit à mains nues après avoir lavé leurs mains, soit après avoir enfilé des gants stériles. Les rondelles coupées sont mises dans de petits pots de verre (des pots de yaourt conviennent) préalablement passés quelques instants dans de l’eau bouillante par le maître, puis les pots sont couverts d’un film plastique… et l’ensemble est conservé dans un coin de la classe pendant quelques jours. Ainsi, les enfants observent que les pommes de terre coupées à mains nues pourrissent davantage que les pommes de terre coupées avec des mains lavées ; les dernières sont celles qui pourrissent le moins. Preuve que les mains sales portent de quoi faire pourrir les pommes de terre !
La leçon ? Ce sont souvent nos pratiques culinaires ou alimentaires qui sont essentielles dans notre alimentation. Pas les produits que nous utilisons. Nos pommes de terre sont saines, nos viandes aussi, nos poissons, nos fruits… Nous devons apprendre à utiliser les produits pour ce qu’ils ont de beau. Nous ne devons pas « respecter les produits », expression que les cuisiniers utilisent je crois à tort : respectons d’abord les êtres humains, pas les pommes de terre ! Oui, n’hésitons pas à faire subir aux légumes, fruits, viandes, poissons, etc. les transformations que nous avons décidé de leur faire subir, précisément, rationnellement, mais pensons que, plus en amont, des professionnels ont cultivé les produits végétaux, ont élevé des animaux. Le plus souvent, les produits sont « beaux » : alors, en cuisine, ne devons-nous pas magnifier les propriétés de ces produits ?
Reste alors la question : comment ? Et je reviens alors à ma conclusion du billet précédent : c’est à l’école que nous devons apprendre tout cela, en nous fondant sur des données fiables, produites par la science. La science de l’aliment s’élabore essentiellement à l’INRA ; elle produit des connaissances, et ces connaissances ont des applications technologiques et pédagogiques. La technologie, c’est l’amélioration des techniques. La pédagogie, c’est… faire demain un monde meilleur. En l’occurrence, un monde alimentaire meilleur !
Question :
Pour bien manger, il faut manger des aliments sains et sûrs. Puisque le goût n’est pas une garantie de santé et de sécurité. A quoi se fier ?
dimanche 14 décembre 2008
Les mots du goût : pas seulement une affaire de mots !
Qu’est-ce que le goût d’un aliment ? Une sensation synthétique que l’on gagne à analyser.
Nous mangeons un mets (pas un « aliment » !), nous lui trouvons « bon goût ». De quoi s’agit-il ?
La question est importante, notamment parce qu’elle détermine ce que nous pouvons ultérieurement demander à notre alimentation, aux produits de l’agriculture et de l’élevage, à la façon dont ces produits sont transformés, élaborés, jusqu’à l’étape finale de la cuisine, voire de la consommation.
Le goût, c’est la sensation synthétique que nous avons quand nous mangeons. Par exemple, quand nous mangeons un coq au vin, nous avons en bouche le goût du coq au vin. Parfois, surtout si la cuisine est bien faite, nous « reconnaissons » des goûts, dans le goût complet. C’est ainsi que, tombant sur un morceau, nous reconnaissons une échalote, un pétale d’ail grillé, un oignon nouveau…
Cette sensation que nous avons, en bouche, le goût, est déterminée par mille facteurs… et ce billet du jour veut à la fois analyser la chose et tirer des conclusions pratiques… en vue d’augmenter le plaisir que nous avons à manger de « bonnes choses ».
Convivialité, plaisir… : de quoi s’agit-il ?
Il serait notamment simpliste (et donc faux !) de dire que le goût résulte de la perception de la saveur, de l’odeur, de la consistance, de la température… La preuve ? Pensons intensément au mot « vinaigre »… et nous salivons (pour certains d’entre nous, le mot « citron » fait mieux l’affaire) : en effet, nous avons un réflexe conditionné de salivation qui nous protège les muqueuses de notre bouche contre l’acidité du vinaigre ; la salive est ce que les chimistes nomment un « tampon », qui évite l’acidification de la bouche quand un acide y est placé. Merveille de notre constitution physiologique ! Merveille de l’Évolution, qui nous a progressivement doté de telles adaptations salvatrices, après des millions, voire des milliards d’années de sélection.
Oui, tout compte (ou presque), dans le goût : les mots, l’humeur du jour, l’ « ambiance », la façon dont nous sommes assis, l’heure de la journée, notre « appétit » (lequel est un état merveilleusement complexe, qui mêle de la physiologie, avec notamment la concentration en glucose dans le sang, la présence d’insuline… et une activité cérébrale)…
Un exemple : la compagnie. N’avons-nous pas fait cent fois l’expérience de partager un simple sandwich avec des amis, et de trouver merveilleux ce sandwich pourtant rudimentaire ? C’est que nous « mangeons l’amour des commensaux » : espèce sociale, nous recevons de notre cerveau des informations de « plaisir » quand nous sommes en groupe.
Connaître et reconnaître
Au-delà de ces mille conditions du plaisir, il reste que nos sens sont importants. Je propose de continuer à penser que l’Évolution a été importante et que nombre de faits alimentaires doivent s’interpréter à son aune. Que dit la théorie de l’évolution ? Que nous sommes une espèce qui a eu du succès, en échappant aux prédateurs et en trouvant des proies, suffisamment en tout cas pour nous reproduire. Or pour trouver les « proies », il est important de les reconnaître visuellement : un fruit dans un arbre, par exemple, un champignon sur le sol… Pas étonnant, alors, que l’aspect visuel des aliments soit une condition de leur appréciation… et les métiers de bouche, qui s’efforcent de donner aux aliments un bel « aspect » ont bien raison, puisqu’ils satisfont ainsi ce qui nous fait humain au plus profond de nous-mêmes !
A noter qu’il s’agit de « reconnaître » : pour reconnaître, il faut avoir connu. Or nous ne serions pas là pour discuter du plaisir de manger si notre espèce mangeait n’importe quoi. C’est dans le ventre de notre mère, puis enfants, que nous apprenons à distinguer ce qui est « bon » de ce qui est mauvais… et c’est sans doute la raison pour laquelle nous avons tant de difficultés, ensuite, à goûter des aliments qui ne font pas partie de notre répertoire alimentaire « culturel ». Le réflexe qui nous prémunit contre l’ingestion de mets potentiellement dangereux est la « néophobie alimentaire ». Il y en a bien d’autres, telle l’aversion conditionnée, qui nous fait rejeter des aliments qui ont été associés à un malaise : hors de question, dit l’Evolution, de manger à nouveau quelque chose qui n’est pas comestible !
En bouche : milles sensations à analyser
Nous en étions à la vue. Passons en bouche. Au passage, l’aliment aura libéré vers le nez des molécules odorantes, qui auront donnée une odeur. Puis, en bouche, la mastication nous donne accès à la consistance : la sensation que nous avons est celle de la texture, et les capteurs de pression qui sont mis en jeu sont notamment les dents, raison pour laquelle il vaut mieux conserver des dents saines et naturelles pour mieux goûter les mets. Des capteurs de la bouche perçoivent aussi les températures, le chaud, le froid, les différences de chaud ou de froid… et c’est un bon conseil culinaire que de ne pas oublier de jouer avec les températures. La règle ? Des variations, des contrastes ! Par exemple, mettez une quenelle de sorbet à la tomate dans un consommé de tomate glacé… et la différence de température, même faible, révèle un plaisir supplémentaire. Autre exemple : préparez un chocolat au lait, et divisez le en deux parties ; mettez en la moitié dans un verre, au réfrigérateur, et faites chauffer l’autre, puis assemblez délicatement les deux parties dans le verre. Les différences de densité éviteront le mélange, et vos convives auront la surprise d’avoir d’abord du brûlant, puis du glacé. Tout cela pour un simple chocolat au lait !
Toujours en bouche, nous percevons les molécules sapides, celles qui viennent stimuler les récepteurs de papilles. Là, il est important de dire d’abord que la théorie des quatre saveurs (acide, amer, sucré, salé) est fausses ! Il y a sans doute un nombre infini de saveurs : de quoi donner plus de notes aux artistes du goût ! D’autre part, lors de la mastication, l’aliment libère encore des molécules odorantes, les mêmes que précédemment, qui remontent par les fosses rétronasales, à l’arrière de la bouche, de sorte que nous « sentons » en mangeant.
Et il ne faut pas oublier les molécules qui stimulent le nerf trijumeau, donnant les sensations de frais, de piquant…
Enfin, il faut dire que toutes ces stimulations sont importantes pour rassasier ! Et qu’il faut entre 10 et 20 minutes pour que le message parvienne au cerveau et que celui-ci nous fasse cesser de manger. Une bonne idée culinaire, pour rester mince ? Manger lentement, afin de profiter de toutes les molécules du goût, de toutes les sensations, mais, aussi, penser à stimuler tous les récepteurs, et donner du temps pour nous rassasier.
Ne peut-on penser que de telles informations seraient bienvenues dès l’Ecole ?
Question :
Si le rassasiement, clé de la lutte contre l’obésité, résulte d’une organisation (culinaire) des odeurs, saveurs, consistances…, ne devrions-nous pas enseigner, dès l’Ecole, comment donner du goût aux mets ?
Nous mangeons un mets (pas un « aliment » !), nous lui trouvons « bon goût ». De quoi s’agit-il ?
La question est importante, notamment parce qu’elle détermine ce que nous pouvons ultérieurement demander à notre alimentation, aux produits de l’agriculture et de l’élevage, à la façon dont ces produits sont transformés, élaborés, jusqu’à l’étape finale de la cuisine, voire de la consommation.
Le goût, c’est la sensation synthétique que nous avons quand nous mangeons. Par exemple, quand nous mangeons un coq au vin, nous avons en bouche le goût du coq au vin. Parfois, surtout si la cuisine est bien faite, nous « reconnaissons » des goûts, dans le goût complet. C’est ainsi que, tombant sur un morceau, nous reconnaissons une échalote, un pétale d’ail grillé, un oignon nouveau…
Cette sensation que nous avons, en bouche, le goût, est déterminée par mille facteurs… et ce billet du jour veut à la fois analyser la chose et tirer des conclusions pratiques… en vue d’augmenter le plaisir que nous avons à manger de « bonnes choses ».
Convivialité, plaisir… : de quoi s’agit-il ?
Il serait notamment simpliste (et donc faux !) de dire que le goût résulte de la perception de la saveur, de l’odeur, de la consistance, de la température… La preuve ? Pensons intensément au mot « vinaigre »… et nous salivons (pour certains d’entre nous, le mot « citron » fait mieux l’affaire) : en effet, nous avons un réflexe conditionné de salivation qui nous protège les muqueuses de notre bouche contre l’acidité du vinaigre ; la salive est ce que les chimistes nomment un « tampon », qui évite l’acidification de la bouche quand un acide y est placé. Merveille de notre constitution physiologique ! Merveille de l’Évolution, qui nous a progressivement doté de telles adaptations salvatrices, après des millions, voire des milliards d’années de sélection.
Oui, tout compte (ou presque), dans le goût : les mots, l’humeur du jour, l’ « ambiance », la façon dont nous sommes assis, l’heure de la journée, notre « appétit » (lequel est un état merveilleusement complexe, qui mêle de la physiologie, avec notamment la concentration en glucose dans le sang, la présence d’insuline… et une activité cérébrale)…
Un exemple : la compagnie. N’avons-nous pas fait cent fois l’expérience de partager un simple sandwich avec des amis, et de trouver merveilleux ce sandwich pourtant rudimentaire ? C’est que nous « mangeons l’amour des commensaux » : espèce sociale, nous recevons de notre cerveau des informations de « plaisir » quand nous sommes en groupe.
Connaître et reconnaître
Au-delà de ces mille conditions du plaisir, il reste que nos sens sont importants. Je propose de continuer à penser que l’Évolution a été importante et que nombre de faits alimentaires doivent s’interpréter à son aune. Que dit la théorie de l’évolution ? Que nous sommes une espèce qui a eu du succès, en échappant aux prédateurs et en trouvant des proies, suffisamment en tout cas pour nous reproduire. Or pour trouver les « proies », il est important de les reconnaître visuellement : un fruit dans un arbre, par exemple, un champignon sur le sol… Pas étonnant, alors, que l’aspect visuel des aliments soit une condition de leur appréciation… et les métiers de bouche, qui s’efforcent de donner aux aliments un bel « aspect » ont bien raison, puisqu’ils satisfont ainsi ce qui nous fait humain au plus profond de nous-mêmes !
A noter qu’il s’agit de « reconnaître » : pour reconnaître, il faut avoir connu. Or nous ne serions pas là pour discuter du plaisir de manger si notre espèce mangeait n’importe quoi. C’est dans le ventre de notre mère, puis enfants, que nous apprenons à distinguer ce qui est « bon » de ce qui est mauvais… et c’est sans doute la raison pour laquelle nous avons tant de difficultés, ensuite, à goûter des aliments qui ne font pas partie de notre répertoire alimentaire « culturel ». Le réflexe qui nous prémunit contre l’ingestion de mets potentiellement dangereux est la « néophobie alimentaire ». Il y en a bien d’autres, telle l’aversion conditionnée, qui nous fait rejeter des aliments qui ont été associés à un malaise : hors de question, dit l’Evolution, de manger à nouveau quelque chose qui n’est pas comestible !
En bouche : milles sensations à analyser
Nous en étions à la vue. Passons en bouche. Au passage, l’aliment aura libéré vers le nez des molécules odorantes, qui auront donnée une odeur. Puis, en bouche, la mastication nous donne accès à la consistance : la sensation que nous avons est celle de la texture, et les capteurs de pression qui sont mis en jeu sont notamment les dents, raison pour laquelle il vaut mieux conserver des dents saines et naturelles pour mieux goûter les mets. Des capteurs de la bouche perçoivent aussi les températures, le chaud, le froid, les différences de chaud ou de froid… et c’est un bon conseil culinaire que de ne pas oublier de jouer avec les températures. La règle ? Des variations, des contrastes ! Par exemple, mettez une quenelle de sorbet à la tomate dans un consommé de tomate glacé… et la différence de température, même faible, révèle un plaisir supplémentaire. Autre exemple : préparez un chocolat au lait, et divisez le en deux parties ; mettez en la moitié dans un verre, au réfrigérateur, et faites chauffer l’autre, puis assemblez délicatement les deux parties dans le verre. Les différences de densité éviteront le mélange, et vos convives auront la surprise d’avoir d’abord du brûlant, puis du glacé. Tout cela pour un simple chocolat au lait !
Toujours en bouche, nous percevons les molécules sapides, celles qui viennent stimuler les récepteurs de papilles. Là, il est important de dire d’abord que la théorie des quatre saveurs (acide, amer, sucré, salé) est fausses ! Il y a sans doute un nombre infini de saveurs : de quoi donner plus de notes aux artistes du goût ! D’autre part, lors de la mastication, l’aliment libère encore des molécules odorantes, les mêmes que précédemment, qui remontent par les fosses rétronasales, à l’arrière de la bouche, de sorte que nous « sentons » en mangeant.
Et il ne faut pas oublier les molécules qui stimulent le nerf trijumeau, donnant les sensations de frais, de piquant…
Enfin, il faut dire que toutes ces stimulations sont importantes pour rassasier ! Et qu’il faut entre 10 et 20 minutes pour que le message parvienne au cerveau et que celui-ci nous fasse cesser de manger. Une bonne idée culinaire, pour rester mince ? Manger lentement, afin de profiter de toutes les molécules du goût, de toutes les sensations, mais, aussi, penser à stimuler tous les récepteurs, et donner du temps pour nous rassasier.
Ne peut-on penser que de telles informations seraient bienvenues dès l’Ecole ?
Question :
Si le rassasiement, clé de la lutte contre l’obésité, résulte d’une organisation (culinaire) des odeurs, saveurs, consistances…, ne devrions-nous pas enseigner, dès l’Ecole, comment donner du goût aux mets ?