lundi 29 novembre 2021

Décidément, ces jaunes brûlés n’ont pas fini de susciter des questions.



Apparemment je n'ai pas suffisamment expliqué les phénomènes qui ont lieu quand on ajoute du sucre à du jaune d’oeuf, lors de la préparation des crèmes anglaises, par exemple. 


Dans des textes précédents, je répondais à des questions sur les jaunes (d’oeufs) auraient été « brûlés », quand on les stocke avec du sucre en poudre. 


Dans mes explications à propos de des phénomènes,  je ne parviens pas à savoir si c'est moi je suis incompréhensible ou si c'est mon interlocuteur qui ne comprends pas, notamment parce qu’ils ne lisent pas suffisamment bien, ou lentement, ou précisément (car je maintiens que tous les mots que j’écris sont choisis, ont un sens). 


Je crois avoir pourtant bien expliqué que le jaune d' œuf est comme de l'eau dans laquelle seraient dispersés des petits grains que l'on nomme des granules. 


Ces granules ne sont pas des « cellules » au sens des cellules vivantes ; ce ne sont pas des « molécules », mais ce sont de petits agrégats de molécules. 


Ces granules, ou agrégats de molécules, sont  dispersés dans l'eau. Certes, pas de l’eau pure, mais un « plasma », c'est-à-dire une solution aqueuse, à savoir de où sont sont dissoutes des protéines et sans doute d'autres molécules. 


Mais à ce stade, je vois bien qu'il y a le mot « molécules » qui peut poser problème, jusque chez des étudiants à l'université. Certes, j’ai déjà souvent expliqué ce que c’est, mais  j'ai l'impression que mon interlocuteur n’est pas allé ailleurs chercher les explications, que j’avais données, de sorte qu’il faut sans doute dire ici que l'eau n'est pas un milieu continu :  si on la regardait avec un super microscope, alors on verrait de petits objets tous identiques, les molécules d'eau, qui bougent en tous sens. Et, entre les molécules, rien, du vide. 


Les protéines ? Ce sont des molécules qu’il est bon d’imaginer comme des pelotes. Pour chaque protéine, chaque sorte de protéine, il y a de très nombreuses molécules. 


Et les pelotes sont dispersées au milieu des molécules d’eau. 


Voilà pour le jaune d' œuf, car je ne rentre pas dans le détail des granules, dont la structure est un peu compliquée et assez mal connue. Disons seulement que ce sont des agrégats, ce qui signifie que des molécules variées sont regroupées par des forces chimiques ou physiques. 


Donc le jaune d' œuf est comme est une dispersion de granules dans le plasma. 


Si l'on ajoute un cristal de sucre, alors on ajoute quelque chose de beaucoup plus gros que les granules, et, par conséquent de beaucoup plus gros que les molécules d'eau. 


Ce cristal est d'un empilement égulier de molécule de saccharose. 


Et quand on le met dans le jaune d' œuf,  les molécules d’eau cognent les molécules de saccharose de la surface de chaque cristal de sucre, de sorte que les molécules de saccharose sont détachées du cristal, et viennent se disperser dans le plasma. 


Quand tous les sucre est dissous, alors on récupére de l’eau où sont dispersées : 

- les molécules de protéines qui étaient initialement dans le plasma

-les granules

- les molécules de saccharose.


Certes, la présence du saccharose peut changer la structure des granules, mais c’est une autre histoire. Arrêtons-nous là pour cette fois. 

jeudi 25 novembre 2021

Les jaunes brûlés (il faut hélas insister)

 



Je reçois un message qui contient un nombre de fautes d'orthographe considérable, mais, surtout, qui invite à donner des conseils à nos jeunes amis à propos de méthodologie. 

Voici  le message : 
Je suis étudiente [sic] en deuxième année de physique-chimie et j'ai lu votre blog au sujets des "jaunes brûles" [sic]
Je doit [sic] faire des recherches à ce propos, mais je n'ai pas bien compris ce que vous expliquer [sic] au sujet des lipides. 
On m'avais  [sic] dit que les jaunes d'oeuf contenais [sic] des cellules lipides et que ces cellues [sic] sont attirés [sic] par les glucides et qu'il se produit une reaction chimique avec un degagement [sic] de chaleur. 
Si je part [sic] de ce que vous dites cela signifie que ce que je viens d'énoncer est faux.  
Mais dans ce cas que ce [sic] passe t-il lors du malange [sic] sucre plus jaune d'oeuf? 

Notre jeune ami est  d'autant plus mal parti qu'il a de mauvaise lecture :  quand on est à l'université, il est hors de question d'aller chercher des ouvrages de vulgarisation pour faire des travaux ; il faut contraire chercher des manuels universitaires, assortis de références à des articles scientifiques. 

D'autre part, je m'étonne que mon interlocuteur n'ai pas compris mon blog au sujet des des jaunes brûlés (et non "brûles", mais cela fait sans doute partie des fautes d'orthographe). 
Voici ce que j'ai écrit  : 
N'est-ce pas clair ? 

Apparemment notre jeune ami aurait lu (ailleurs que sous ma plume) que les jaunes d'oeufs auraient contenu des « cellule lipides »... mais cela n'a aucun sens en français ! Les cellules, ce sont des organismes vivants qui composent les tissus végétaux ou animaux. Et le jaune d'oeuf est majoritairement une "suspension", avec des "granules" dispersés dans un "plasma", à savoir une solution aqueuse de protéines (notamment). 

Quant aux lipides, ce sont des molécules, donc ni des granules, ni des cellules. 

Quand on ajoute du sucre à des jaunes d' œuf, les molécules (j'ai bien dit "molécules") de saccharose (ces molécules sont empilées régulièrement dans les cristaux de sucre) se dissolvent dans la partie aqueuse du jaune d' œuf,  le plasma. C'est tout simple ! 

D'autre part, d'où sort cette réaction chimique qui serait exothermique ? Qui l'aurait mesurée ? Où est l'article scientifique cité en référence ? En réalité, ce n'est pas la peine de chercher les réponses à ces questions, car tout ce qui a été dit est complètement faux. 

J'y reviens  : que se passe-t-il lors du mélange de sucre du jaune d' œuf ? Le sucre se dissout dans l'eau éventuellement, il peut y avoir des dénaturations de protéines. Oui, le sucre captant l'eau, il peut y avoir des dépots de protéines à la surface des cristaux, ce qui aurait comme conséquences que la dissolution des cristaux est plus difficile, d'où les "jaunes brûlés" (une mauvais expression, car "brûler", en français, signifie "détruire par le feu" (Trésor de la langue française informatisé, dernier accès 2021-11-25 : je montre le bon exemple). 

Moralités : 
- à l'université, utiliser des textes scientifiques, pas de la vulgarisation pourrie
- quand il est question de science, se référer à des... références (scientifiques, j'insiste)
- n'admettre que ce que l'on comprend
- utiliser des bons mots : la science est dans le détail... et c'est ce qui me gêne dans les fautes d'orthographe que j'ai dépistées dans le message ci dessus.

dimanche 21 novembre 2021

L'influence des alcools ou des acides sur les sabayons



En février 2020, nous avions fait un séminaire pour discuter la question des proportions dans les sabayons, en partant d'une recette de base avec un jaune d' œuf (soit environ 20 g), 20 grammes de sucre, et 20 grammes de liquide. Avec cette recette, on obtenait une préparation foisonnée, quand on la fouettait en la chauffant doucement.

Nous avions alors augmenté la proportion d'eau, et nous avions vu que nous pouvons avoir des quantités de volumes de sabayon qui augmentaient avec la quantité d'eau. Nous étions allé jusqu'à quatre fois plus d'eau que de jaune en obtenant des mousses très volumineuses, moins stables évidememment.

Mais nous n'avions pas eu le temps d'examiner l'influence de la présence d'alcool, d'acide... Aussi, hier, avons-nous repris expérimentalement la question, toujours avec la même base, mais soit avec de l'eau, soit avec du vin, soit avec de la vodka, soit avec duvinaigre blanc.

C'est ainsi que nous avons observé régulièrement que la vodka donne des crèmes qui ne sont pas foisonnées : elles restent plates, un peu comme des crèmes anglaises.

L'acide donne de bons résultats, mais un peu moins bien qu'avec l'eau.

Pour l'eau, nous avons comparé des préparations qui avaient été initialement travaillées "au ruban", avec le battage du jaune avec du sucre seul, jusqu'à ce que la préparation blanchisse, et d'autres préparations qui avait été faites directement, avec les trois ingrédients :  on obtient un peu près le même résultat dans les deux cas.

Évidemment avec de l' œuf entier, on a une mousse plus volumineuse, mais il n'y a pas lieu de s'étonner, parce que le blanc apporte beaucoup d'eau, de sorte que nous nous retrouvons isdans les conditions du séminaire précédent.

Finalement, il y a cette observation importante selon laquelle il ne faut pas chauffer trop fort au début pour avoir le temps de foisonner la préparation avant que le chauffage des protéines ne conduise à leur coagulation, et donc à la stabilisation de la mousse formée

Oui, ce seront de telles explorations expérimentales qui nous conduiront à perfectionné les techniques culinaires, afin de laisser aux praticiens du temps et  de l'énergie pour se focaliser sur les questions artistiques, bien plus difficiles.

vendredi 19 novembre 2021

Gels congelés et décongelés

J'ai peur de ne pas avoir été assez clair, mais ce qui m'inquiète n'est pas mon obscurité, mais le fait que je ne comprenne pas en quoi j'étais obscur ! 

Voici les faits : dans un billet précédent, j'expliquais que la prise en gel était réversible, à savoir que de la gélatine (des polypeptides formés par dissociation des trois brins de cette protéine qu'est le collagène) placée dans l'eau chaude s'y dissout, formant ensuite un gel quand elle refroidit. 

Puis, si l'on congèle ce gel, l'eau qui est piégée dans le réseau établi par les molécules de gélatine forme de la glace. De sorte qu'au réchauffement à température ambiante, on récupère un gel, car les molécules de gélatine n'ont pas été modifiées physiquement. 

Or on m'interroge sur ce point. Ne suis-je pas clair ? 


Puisque la description microscopique ne suffit pas, expliquons la chose expérimentalement, macroscopiquement. J'ai refait hier l'expérience suivante : 

1. j'ai préparé un gel à  7 % de gélatine dans l'eau, 

2. puis je l'ai congelé, 

3. et quand je l'ai décongelé, il était normalement gélifié.
Bien sûr, il y avait des irrégularités dans l'intérieur du gel, mais rien de grave. 

4. et quand j'ai passé ce gel au micro-ondes pour le reliquéfier, puis que j'ai ensuite attendu la prise, elle s'est refaite sans difficulté. 


Comme je le disais, la congélation n'endommage pas chimiquement les molécules de gélatine, qui restent parfaitement fonctionnelles. 

Et la consistance d'un gel refondu reste la même (à condition de ne pas cuire comme une brute, sans quoi on dégrade les polypeptides, ce qui change la force du gel). 

jeudi 18 novembre 2021

Des sabayons jusqu'aux omelettes soufflées


Aujourd'hui, lors du séminaire de gastronomie moléculaire, nous allons explorer les sabayons.

Rien de plus simple, en quelque sorte que ces systèmes qui permettent de faire un dessert en quelques coups de fouet.

Il s'agit de prendre de l' œuf, du sucre, d'ajouter un liquide (un jus de fruit, du vin...), puis de fouetter en chauffant.

Quand les proportions sont bonnes, alors les bulles qui viennent se mettre dans le liquide sont nombreuses, et la cuisson de l' œuf les stabilise relativement.

Bien sûr, on a intérêt à garder des principes simples, à savoir notamment que les petites bulles sont mieux stabilisées que les grosses...

Et c'est cela qui doit nous conduire à faire le ruban avant d'ajouter le liquide.
Faire le ruban, cela signifie fouetter les oeufs avec le sucre jusqu'à ce que la préparation blanchisse.

Bien sûr,  on peut aussi séparer les jaunes des blancs préalablement, faire le ruban avec les jaunes et le sucre seulement, battre les blancs en neige, puis mêler les deux préparations, mais on obtient alors quelque chose qui s'apparente davantage à une omelette soufflée qu'à un sabayon.

En réalité tout est possible pour qui comprend que la question est simplement d'introduire des bulles, d'une part, et, d'autre part, de porter les oeufs jusqu'au point de la coagulation qui va stabiliser le système.

Le sabayon bien mousseux (il ne s'agit pas d'une émulsion, mais d'une suspension foisonnée, ou d'une mousse suspension) peut se servir froid ou chaud.

A propos de viandes et de diracs



À ce colloque de l'Académie de l'agriculture sur les reproductions de viande, je vais essentiellement montrer que des mélanges d'eau et de protéines conduisent,  après cuisson, à des solides d'autant plus durs que la concentration en protéines est élevée.

À la base de cette observation, le fait que le blanc d'oeuf sur le plat reste à solide très mou, tandis qu'un steak cuit est beaucoup plus dur. Dans le premier car, il y a 10 % de protéines et 90 % d'eau, tandis que dans le second, il y a environ 20 % de protéines et donc 80 % d'eau : le doublement de la quantité de protéines conduit alors à la formation d'un gel beaucoup plus ferme, c'est-à-dire d'un produit beaucoup plus consistant, et l'on peut avoir toutes les graduations entre les deux.

Dautant qu'il y a, dans les viandes un troisième paramètre, à savoir la quantité de matière grasse, ce que l'on nomme le persillé.

Évidemment, je n'utilise pas le mot "viande" pour désigner des solides mous obtenus à partir d'eau et de protéines, et j'ai proposé le mode "dirac", d'après le physicien Paul Andrien Maurice Dirac, qui était la loyauté même :  pour les dénominations de produits alimentaires, nous devons être parfaitement loyaux, et certainement  ne jamais utiliser le mot de viande pour désigner des mélanges de protéines et d'eau, ni pour désigner les produits obtenus par des cultures in vitro de cellules musculaires.

Je rappelle que la loi de 1905 sur le commerce les produits alimentaires réclame des produits loyaux, marchands et sains.
La loyauté, c'est-à-dire l'honnêteté, consiste à reconnaître que la viande est la viande, et que ce qui n'est pas la viande n'est pas la viande. Simple, non ?

mercredi 17 novembre 2021

A propos d'amour



J'ai fait une erreur, à propos d'une cassolette de moules pour laquelle j'ai oublié que la cuisine, c'est d'abord de l'amour.

La question est la suivante : j'avais donc des moules, que j'ai cuites avec vin blanc, ail et oignon, avant de les décortiquer. Et l'on voit bien donc là que je me suis préoccupé de mes convives puisque je leur ai évité de se salir les doigts.
Pour la sauce, j'avais sué de l'oignon et de la carotte dans du beurre, avant d'ajouter du vin blanc, un fond de volaille et de la crème, que j'avais fait un peu réduire.

Et c'est à ce moment-là, après l'assaisonnement, la rectification du goût du liquide, que j'ai eu l'idée de mixer  mon liquide contenant  la carotte et l'oignon.

Pas de problème technique pour cette opération, mais quand j'ai mis dans de jolis bols le liquide brûlant avec les moules, alors nous avions un sentiment un peu rustique, car il n'y avait pas la belle consistance lisse d'un consommé. Tout allait bien également du point de vue artistique, le goût y était, mais c'est la question de l'amour qui était mal réglée, car j'aurais bien mieux fait de passer mon liqude au chinois pour récupérer une préparation parfaitement lisse.

Oui, n'oublions pas que la cuisine,  c'est  de la technique, de l'art mais surtout de l'amour !