mercredi 25 novembre 2020

Des réponses à un interlocuteur pas parfaitement honnête !

 Je reçois indirectement, à propos du rapport sur les nitrates et les nitrates publié récemment par l'Académie d'agriculture  


Je reconnais la patte de Hervé This et de de la Confédération de la charcuterie CNCT).
Hervé This a une vue réductive de la cuisine, il la considère comme de la chimie. C'est comme si le vin était de l'alcool éthylique et de l'eau :  (CH3-CH2OH) + H2O.
La CNCT est un organisme vieillissant.
Il n'y a rien d'autre dans cette "étude"  qu'une compilation d'informations à décharge.
Des milliers de page "d'études" ont été faites par l'industrie des charcuteries anglo-saxonnes depuis de décennies (avec toujours la mise en exergue du clostridium botulinum qui est en fait hors sujet), celle-ci n'en est qu'un dernier avatar français sans intérêt.
En fait toutes ces "études" sont un combat d'arrière garde de l'industrie de agrochimique pour conserver  un marché juteux, le même combat qu'a mené avec un succès mitigé l'industrie du tabac depuis la fin de la seconde guerre mondiale pour finir par le perdre.
Si vous voulez mieux connaître le sujet, lisez juste ce livre de xxxx [je supprime pour ne pas faire de publicité à un ouvrage douteux]
Vous y trouverez notamment pourquoi le consortium Jambon de Parme a interdit le sel nitrité et le salpêtre dans ses jambons AOP il y a 25 ans. Un combat d'arrière garde, je vous dit. !!! On a 25 ans de retard sur les italiens.


Mon interlocuteur se trompe de plusieurs points de vue :

1. le rapport est une analyse serrée, et je ne cherche pas personnellement à mettre du sel nitrité partout : il me fait donc un procès d'intention, et cela est malhonnête !

2. le rapport n'a rien à voir avec la CNCT ; celle-ci a été auditionnée, tout comme les opposants (ceux qui ont accepté de venir débattre), et c'est tout

3. Je n'ai pas une vue réductive de la cuisine : mon interlocuteur projette ses fantasmes (qu'il lise mon "La cuisine, c'est de l'amour, de l'art, de la technique" avant de proférer des âneries). C'est à nouveau un procédé intellectuellement douteux.

4. Non, le rapport n'est pas à décharge... car il n'y avait aucun intérêt pour, ou bien contre les nitrites ; seulement une volonté d'y voir clair, et d'avoir des faits bien établis, indépendamment des idées préconçues

5. Des milliers de pages : c'est bien ce que les membres de l'Académie d'agriculture de France ont lu, et bien lu (mais mon interlocuteurs, a-t-il lu les publications ? les a-t-il seulement eues entre les mains ? ou cause-t-il de ce qu'il n'a jamais vu  ;-))

6. Clostridium botulinum hors sujet ? J'aimerais le croire, mais si les incidences diminuent, il y a encore eu des tapenades toxiques il n'y a pas si longtemps.

7. Le "combat juteux" ? bof, je vois mal pourquoi, car le chiffres d'affaires du sel nitrité ne doit pas être considérable ;-). Et puis, personnellement, cela ne m'intéresse pas (je rappelle que je ne touche pas un centime de toute cette affaire).

8.XXXX : s'il y a bien quelqu'un de peu recommandable, c'est lui ; moi, je cite des scientifiques, et mon interlocuteur cite des journalistes bizarroides... qui me calomnient sur twitter (je dis bien calomnient, pas médisent : mon interlocuteur sait-il la différence entre les deux mots ?)

9. Oui, on peut parfaitement faire des jambons secs, voire des jambons de Paris sans sel nitrité, à condition de bien faire.

10. Il y a eu des artisans (je dis bien des artisans) qui utilisaient le sel nitrité pour la couleur, comme colorant... tout comme il y en a qui font du fumage pour la couleur ; ce ne sont pas des pratiques recommandables (dans le second cas, car les produits de fumée ne sont pas ce qu'il y a de plus sain, surtout avec les procédés de fumage anciens).

11. Mais je suppose que mon interlocuteur est braqué, donc pas la peine de discuter avec des personnes comme cela.

12. J'ajoute que je n'ai aucun intérêt dans toute cette affaire, comme je l'ai expliqué publiquement sur twitter.

Mais  les chiens aboient, et la caravane passe.

mardi 24 novembre 2020

Dégraisser l'huile ? Tout faux !



Je lis, dans le livre de cuisine de François Massialot intitulé Le cuisinier moderne (1705): "Pour dégraisser l'huile, vous faites chauffer de bonne huile d'olive bien chaude dans une terrine, vous y mettez le feu comme à de l'eau-de-vie, & le soufflez dans le moment, car elle brûlerait, ou bien pour l'éteindre, vous y jettez un filet de vinaigre.
D'autres pour la dégraisser font chauffer l'huile bien chaude, comme ci-dessus, la versent dans un peu d'eau froide & la fouettent, & s'en fervent à ce qu'ils en ont besoin."
Oui, on a bien lu : il s'agit de "dégraisser l'huile" ! Et en y mettant le feu ! Et en versant de l'eau sur de l'huile qui flambe ! Tout faux !

Tout faux, d'abord parce que l'huile est de la graisse, et n'est rien que cela, de sorte que l'on aurait bien du mal à la "dégraisser", à moins que, par ce terme, Massialot entende autre chose qu'enlever l'huile (par exemple des impuretés particulières, telles des cires).

Tout faux, parce que l'huile qui flambe s'oxyde, et devient malsaine. On sait aujourd'hui que, parmi les composés formés, il y a l'acroléine, particulièrement toxique.

Tout faux, enfin, parce qu'il ne faut surtout pas jeter un liquide aqueux sur de l'huile qui flambe, sous peine de provoquer une grave explosion : le liquide tombe au fond du récipient, sous l'huile, et,  là, il s'évapore, de sorte que la vapeur projette partout de l'huile enflammée.

Comment est-il possible de que telles âneries aient été écrites ?  

lundi 23 novembre 2020

Des indications pour le concours de cuisine note à note

 A propos de "suspensions" : la fondue ?

On m'interroge à propos du prochain concours international de cuisine note à note dont le thème est  : les suspensions.

Les suspensions ? Ce sont des dispersion colloïdales de particules solides dans un liquide, pour les suspensions liquides, et de particules solides dans un solide pour les suspensions solides.

Mais je m'aperçois que cette définition abstraite ne suffit pas puisque l'on m'interroge en me demandant par exemple si les fondues au fromage sont des suspensions.
Commençons donc par les fondues au fromage que l'on fait classiquement en chauffant du fromage dans du vin. Le gel laitier qu'est le fromage se désagrège et laisse partir dans le liquide des gouttelettes de matière grasse et, sans doute aussi, des micelles de caséine, de sorte que l'on obtient une émulsion, qui est donc une dispersion d'un liquide dans un autre, mais pas une suspension.

Des exemples de suspension, alors ?

Il y a d'abord les frappés aux fruits ("smoothies"), que l'on obtient en broyant un tissu végétal dans un liquide : le broyage désagrège le tissu végétal  macroscopiques en particules qui peuvent avoir des tailles variées, des gros morceaux jusqu'à des résidus de cellules. Car effectivement, les tissus végétaux sont des agrégats de sacs vivants, les cellules végétales en l'occurrence, et le broyage forme des morceaux plus ou moins petits qui vont du gros agrégats de nombreuses cellules jusqu'au morceau de paroi végétale brisée.
Il y a donc là des petits solides dispersées dans un liquide, et donc une suspension.
Très analogue est la purée de légumes, bien évidemment, à cela près que la phase aqueuse est réduite.

Une autre  : la crème anglaise, que l'on obtient en chauffant une solution de protéines, classiquement du jaune d' œuf avec du sucre et du lait.
Cette fois, le processus est inverse du précédent, à savoir que l'on part des molécules pour former des agrégats de plus en plus gros... jusqu'au grumeau, quand la crème anglaise est ratée. Mais en tout cas, pour une crème anglaise réussi, l'épaississement vient de la formation d'une suspension.

Pour le concours  de cuisine note à note, les deux processus, du macroscopique vers le moléculaire, ou du moléculaire vers le microscopique, sont utilisables bien évidemment.
On pourrait constituer un solide macroscopique, note à note, que l'on diviserait, ou, au contraire, dissoudre les molécules dans un liquide et provoquer l'agrégation.


Reste la question de la fondue.

Au fond, si on veut simplement faire une fondue, que l'on fasse une fondue, mais la probabilité de gagner le concours est réduite, car qu'a-t-on le fait plus que la cuisine traditionnelle ? En revanche, s'il s'agit d'abstraire et de généraliser, alors on voit un gel qui se dissocie et qui laisse partir dans la solution ses constituants, et là, oui, il y a une idée car nous sommes encore dans le mouvement descendant, du macroscopique au moléculaire, mais nous avons remplacé ici l'agitation thermique par la dissociation.
Un exemple ? Partons de grains d'amidon (des solides, de la fécule) que nous dispersons dans un gel de gélatine (aspic) ou de pectine (confiture). Puis mettons ce gel dans un liquide chaud : il fond, et libère les particules solides qu'il contenait.

Reste à donner du goût !

vendredi 20 novembre 2020

De nouveaux éléments de cours, à propos de soufflés

Il y a quelques jours, j'avais mis au net des considérations "calculatoires" à propos de soufflés, et l'on m'a interrogé depuis :

La recette et les quatres règles fonctionnent à la perfection, cela dit cela vient probablement de mon soufflé mais je n'ai pas observé de doublement ou plus du volume du soufflé à la cuisson, aurais-tu des valeurs de mesures de hauteur avant et après gonflement ?
Dans quel cas et par quels mécanismes un soufflé peut retomber (se dégonfler) ? Est-ce qu'un soufflé retombe aussi quand la cuisson est parfaite ?
Les artisans et amateurs sont de plus en plus équipés en matériels et rigoureux sur les pesées, rajouter une quantité de farine, tel que 25g, à la place de "deux cuillères à soupe bien pleines" serait encourager cet élan.

Dans l'équation des gaz parfaits T est en Kelvin mais le T2/T1 obtenu ensuite est adimensionnel. Comment se fait-il que convertir des Celsius en Kelvin soit dans ce cas encore nécessaire ? Est-ce parce que l'égalité comprend encore le volume, volume qui est issu d'une équation ou la température est en K ? Si l'unité Celsius est conservée le facteur de passage de V1 à V2 est de 5.
Comment continuer le calcul avec les P1 et P2 quantifiées ? En faisant une recherche rapide je n'ai pas trouvé de conversion de mm huile en Pa.

Dans l'article de 2002 dans la légende de la figure relative au mesure de température il est indiqué que le soufflé est parfaitement cuit quelque minutes après que la température est atteinte 65-70°C. Cette température correspond à un temps d'environ 10-12 min mais dans la recette donnée le soufflée cuit 30 min et sur la figure 1  T(25) = 90-95°C. Quelle est la température finale de cuisson d'un soufflé parfaitement cuit ?
Pour le calcul de la théorie du gonflement du à la dilatation des bulles d'air, rectifée par rapport à la température observée, avec T2= 353/ T1 = 293,  353K égale 80°C mais sur la courbe T(t) Tmax est d'environ 95°C.

1 mol de gaz parfait = 24L à Patm et 25°C, le volume d'un gaz augmentant avec la température, et à l'intérieur du soufflé la température de la vapeur étant de 100°C, existe-t-il des valeurs de volumes molaire du gaz parfait en fonction de la température ? Si oui faut-il le prendre en compte dans les calculs ?
Comme tu avais précedemment donné des eléments de réponse sur ce calcul -je t'en remercie- la division 10/18 a été comprise mais je ne suis pas certain que sans l'information 1 mole d'eau = 18g non présente dans le document que j'eus saisi.

Quel est la réponse prépondérante du facteur croûte sur le gonflement ? La diminution du volume du à l'augmentation de pression une fois celle-là formée ("Quand à la pression, elle augmente un peu, parce que la croûte se forme, de sorte que les gaz de
l'intérieur n'ont alors plus la possibilité de se détendre aussi facilement qu'au début de la cuisson") ou bien la hausse du volume par rétention du gaz une fois celle-là formé ("si l'on cuit un soufflé dans un récipient transparent, tel un bécher en Pyrex, dans un four dont la porte est vitrée, on voit des bulles qui montent dans la préparation et viennent crever au sommet du soufflé, quand la croûte n'est pas encore faite") ?
Qu'est-ce qui augmente la pression interne du soufflé ? Est-ce la formation de la croûte imperméabilisant l'intérieur du soufflé (article 2002 "which means that a volume of about 10 L could be obtained if the upper surface were made vapor proof!") ou bien la masse augmentante du soufflé pesant sur le gaz ("d'où d'ailleurs une pression qui augmente en raison de la masse de soufflé, qui pèse sur le gaz") ?

Pourquoi les blancs en neige fermes retiennent-ils mieux les gaz à la cuissson alors qu'ils sont incorporés et dissous dans la béchamel avant cuisson ? Est-ce l'augmentation de la viscosité des blancs qui permet le meilleur gonflement ou bien peut-on formuler l'hypothèse que le nombre de bulles supérieure, des blancs plus montés, qui s'éclatent lors du mélange dans la béchamel, puisse former les nucléis des futures alvéoles du soufflé et que plus ces nucléis sont en nombre conséquents plus il y a de cavités retenant la vapeur d'eau et donc de gonflement possible ? (désolé d'avoir fait une hypothèse sans mesures)

 

Là, manifestement, notre interlocuteur ne réfléchit pas assez, parce que je suis certain qu'il aurait pu -en réfléchissant !- trouver comment convertir des millimètres d'huile en pascals, par exemple. Et il aurait également dû passer plus de temps sur les autres questions, au lieu d'attendre qu'on lui donne la bécquée. 

 Mais bon, j'ai voulu faire plus simple, et un nouveau document se trouve sur : 

https://tice.agroparistech.fr/coursenligne/main/document/document.php?cidReq=PHYSICOCHIMIEPOURLAF&curdirpath=/Des%20elements%20de%20cours

mardi 17 novembre 2020

Guy Ourisson, à propos de Laurent Schwartz, à propos des universités : le dernier morceaux 7/7

 



Le livre de Laurent Schwartz comprend d'autre part de nombreux passages qui ont une importance intrinsèque, indépendante des discussions de 1983, et qui nous livrent des trésors : ceux que recèlent les réflexions de quelqu'un qui a autant fait, autant vu, et autant compris que l'auteur. Souvent, sur les mêmes thèmes, des études précises ont été faites depuis plus de deux ans dans les bureaux du ministère. Très fréquemment les propositions de Laurent Schwartz coïncident avec celles qui ont été envisagées. Malheureusement,  les obstacles révélés par les études des services de la rue Dutot sont souvent les mêmes que ceux qu'il repère, sans d'avantage savoir comment les abattre ou les contourner.
Il en est ainsi de son analyse des dangers du recrutement local, des réformes nécessaires (et souvent en cours) dans les grandes écoles, des dangers extrêmes posés par les recrutements "en accordéon" et par une pyramide des âges catastrophique, des relations entre universités et organismes de recherche, de la nécessité (prévue dans la loi, mais attendue avec scepticisme -après tout la loi de 1968 prévoyait bien des CRESER...) d'une évaluation critique de l'activité des enseignants-chercheurs, des avantages des diplômes d'université, etc., etc.
Tout ceci doit se lire, et devrait rapidement être discuté dans l'ensemble du milieu universitaire et para-universitaire ; je souhaite aussi que quelques-uns de nos parlementaires trouvent le temps de le lire avant de le citer. Mais ce livre mériterait une audience plus large : ce sont là des questions capitales, qui devraient sortir du ghetto universitaire. Pour l'essentiel, cependant, "la suite dépend de nous".
Une seule conclusion s'impose et je l'ai déjà tirée : il faut lire ce livre. Le lire, c'est se préparer à bien analyser, quand elles sera définitive, la loi qui nous régira pendant quelque temps, pour en tirer un mode d'emploi. Espérons, je l'ai aussi déjà dit, que des décrets d'application restrictifs ne viendront pas, comme après 1968, rendre impossibles toutes les expérimentations, toutes les diversités, toutes les prises de responsabilité, toutes les entreprises de qualité.
Encore un mot pour terminer, sur une idée qui m'est chère. Dans ma première phrase, j'ai reproché à Laurent Schwartz son "provincialisme parisien". C'était évidemment une provocation puérile, mais elle me sert de prétexte pour regretter que Laurent Schwartz, en de nombreux passages de son texte, méconnaisse superbement la situation réelle de nombreuses universités non-parisiennes. Je pense ne pas être le seul ancien responsable des enseignements supérieurs à avoir parfois souhaité ne pas avoir à "sauver" aussi  les universités parisiennes et à avoir rêvé aux délices d'une Direction générale n'ayant à résoudre que des problèmes réels et mesurables, comme ceux de beaucoup d'université de province. Un exemple seulement d'affirmation qui fera sourire nos universités éloignées : "Paris était autrefois l'aboutissement d'une carrière. On cherche aujourd'hui à tout prix à y débuter, alors que d'excellentes équipes existent en province...". Merci pour elles, mais je tiens à la disposition de l'auteur des lignes de jeunes gens éminents qui ont tout fait, et font tout, avec succès, pour éviter de tomber dans le "piège parisien", lequel était bien plus efficace (en tout cas dans les sciences expérimentales) il y a 20 ou 30 ans ! Ceci, bien que d'"excellentes équipes existent" aussi à Paris.


A propos de cuisson aux micro-ondes


On m'interroge  :
"Que dites vous de la cuisson au four à micro-ondes (tant du point de vue nutritionnel que pour une utilisation culinaire) ?

Allons-y en commençant par signaler qu'il y aura un chapitre sur cette question dans le Handbook of molecular gastronomy, qui paraît fin avril.

Puis ajoutons que les méthodes de cuisson médiévales (sauté, rôtir, poêler, bouillir...) sont... médiévales ! Les micro-ondes sont des outils nouveaux, avec un rendement énergétique bien supérieur : alors que l'on a classiquement un rendement de 20 % environ (ordre de grandeur), on aurait plutôt du 80 % pour des micro-ondes (ordre de grandeur). En ces temps de réchauffement climatique, cela n'est pas à négliger, civiquement parlant.

Nutritionnellement ? Je ne dois rien en dire, conformément à ma promesse ancienne : https://hervethis.blogspot.com/2019/10/ni-nutrition-ni-toxicologie.html

En matière culinaire, en revanche, je propose de ne pas comparer les micro-ondes avec du rotissage (infrarouges)... parce que les résultats sont différents, sauf à se tordre le bras avec des plats brunisseurs ou autres, qui ne font pas la même chose. En gros, les micro-ondes chauffent l'eau des aliments, mais jusqu'à coeur, de sorte que ce n'est pas un bon moyen d'obtenir un gradient. Et, d'autre part, puisque les matières qui contiennent de l'eau sont rarement portées à plus de 100 °C tant qu'elles sont humides, on n'atteindra pas les températures supérieures. Autrement dit, sauf équilibrisme, on ne va pas frire, croustiller, etc.

Pour bouillir, pas de problème. Pour braiser, cela va bien aussi. Pour pocher, pas de problème. Pour de la basse température, on y arrive avec le réglages intermittent.

Mais prenons un peu de recul : les micro-ondes chauffent l'eau des aliments, et cela a des effets :
- de nombreuses protéines dans l'eau coagulent, formant un gel chimique (par exemple, le blanc d'oeuf)
- les grains d'amidons dans l'eau chauffée s'empèsent (riz, pâtes, pommes de terre...)
 - les pectines sont hydrolysées et le ciment intercellulaire se dégrade (amollissement des légumes)
- l'eau peut s'évaporer (croûtage léger)
- les gels physiques fondent (gélatine, confiture, chocolat)
- et ainsi de suite.
 
Tout cela peut être utile... ou pas. Mais la panacée n'existe pas, ni l'outil universel : à chaque objectif son chemin, sa méthode, son outil.

Quant aux espèces chimiques formées, ce sont, d'après les nombreuses études qui avaient été faites, les mêmes que celles qui se forment dans d'autres types de cuisson classiques, et, en tout cas, les micro-ondes sont bien moins "barbares"  que des méthodes classiques : aucun chimiste ne porterait des réactifs aux 300 ° C que l'on mesure sous un steak, ni ne chaufferait de l'huile jusqu'à l'enflammer. Alors les espèces néoformées et les dangers des micro-ondes...

lundi 16 novembre 2020

Guy Ourisson, à propos de Laurent Schwartz, à propos des universités 6/X

 "La suite dépend de nous"

 Comme on le voit par les exemples précédents, Laurent Schwartz a souvent plutôt tiré ses flèches contre les défauts d'un milieu qu'il connaît bien, que contre le texte de la loi. Mais  dans certains cas, rares, sa cible est précise, et il la rate.
C'est le cas, je crois, pour l'important passage relatif à la recherche. il souligne : "La recherche est presque totalement absente de la loi Savary". C'est incroyable ! Nous trouvons dans la loi, au 2e alinéa de l'art. 1, "la recherche, support nécessaire des formations dispensées", puis au paragraphe 3 du même article, "la participation au développement des connaissances et à l'évolution des technologies", puis les 6 paragraphes de l'art. 4 et le premier de l'art. 5 ; puis le 1er de l'art . 6, puis l'article 14 sur le troisième cycle, puis des indications diverses aux articles 16, 17, 18, 28, 30, 31, 33, 39, 43, 53, 56, 64 (sauf erreur ou omission). Ce n'est certes pas la recherche qui est absente de la loi, c'est son organisation qui n'est qu'esquissée, et c'est fort heureux ! Visiblement, c'est à d'autres sources de la loi Savary que Laurent Schwartz alimente ses craintes de "Menaces contre la recherche" (c'est le titre d'un de ses chapitres). Et je partage certaines de ses craintes, mais pas toutes (ainsi, je ne crois pas que son analyse des inconvénients de la "nouvelle thèse" et de l'habilitation soient justifiées) - mais je n'en parlerai pas ici. Je voudrais aborder un autre point.
Laurent Schwartz  pose une question à caractère général : "Quel sera le pouvoir du président d'une université élu par (des) conseils fortement syndicalisés ?" Il compare ce pouvoir faible, limité par des engagements pré-électoraux, à celui, incontestable, d'un directeur d'école, nommé par le ministre. Je défends depuis 15 ans que c'est le type même du faux problème. Ayant été président élu aussi bien que directeur (général) nommé, je prétends pouvoir donner un avis. Le pouvoir d'un président élu est considérable -ou peut l'être- lorsqu'il  est président de l'université, pas seulement de son conseil ; ce dernier, à moins d'être suicidaire, ne petu rester indifférent au courant de soutien dont peut bénéficier un président compétent (acceptez l'hypothèse) et actif. En outre, dès que les durées des mandats ne coïncident pas, la marge de manoeuvre devient considérable. Quand enfin le président n'est pas immédiatement rééligible, comme il est à nouveau prévu, son pouvoir réel devient immense, à condition bien sûr qu'il souhaite faire face à ses responsabilités. Quand au directeur nommé, Laurent Schwartz est évidemment trop profondément  démocrate pour suggérer qu'il soit nommé  par le ministre, comme au Chili ou à Novosibirsk, sans consultation du conseil qu'il aura à présider. Et je maintiens que si le roi de France ne devenait indiscutable qu'après avoir été sacré à Reims, la nomination par le ministre sur proposition des conseils  n'est qu'une variante de l'élection, et que la bénédiction du ministre ne transformera pas un directeur faible en homme de caractère. Je regrette donc que Laurent Schwartz  ait alimenté la discussion sur ce point. L'important est que la personne élue ou nommée ne soit pas imposée contre une volonté exprimée et expliquée dans des futurs dirigés, et que l'administration, dans ses rapports  avec l'institution, ne scie pas la branche sur laquelle est assis le président ou le directeur, en entretenant des rapports privilégiés avec ses opposants, ou simplement avec certains de ses collègues. Figurez-vous que cela s'est vu...