mercredi 8 juillet 2020

La fusion du beurre


A propos de changement d'état, nous avons précédemment considéré la cristallisation du sel,  mais pas la congélation de l'eau. Dans le cas le plus simple, de l'eau que l'on refroidit se transforme en glace solide à la température de zéro degré. On peut faire l'expérience de placer une casserole d'eau dans un bain d'azote liquide, à  -196 degrés, et de voir que l'eau dans la casserole congèle. Pas d'un coup, évidemment, mais un peu comme le sel dans la casserole d'eau salée que nous avions chauffée : il y a le même type de phénomènes, à savoir qu'un refroidissement rapide fait de tous petits cristaux, alors qu'un refroidissement lent fait des cristaux plus gros.
C'est la raison pour laquelle les sorbets à l'azote liquide sont si merveilleux : les cristaux sont tout petits, et la consistance est merveilleusement souple.

Cela étant, il y a deux précisions à apporter. La première, c'est que notre eau peut rester liquide à une température inférieure à zéro degré. Ce n'est toutefois pas un état stable : une poussière qui tombe dans cette eau  déclenche une congélation brusque, et tout prend en masse d'un coup.
En effet, il faut des espèces de "support" (on parle de "germes") pour que la cristallisation s'opère et ces supports peuvent être à peu près n'importe quoi : des poussières, du sel, des rayures de la casserole...

La deuxième précision qu'il faut apporter concerne la fixité de la température de fusion de la glace  : tant que de la glace solide est en présence d'eau liquide, la température est 0 degré, constante.
C'est là une propriété qui est utilisé pour l'étalonnage des thermomètres : on les plonge dans un mélange d'eau et de glace que l'on agite un peu pour que la température soit homogène, et la température es alors fixe, de 0 degrés

Avec le beurre, nous n'avons plus un composé pur, mais un mélange de très nombreux composés.
D'abord, le beurre contient une solution aqueuse, comme on s'en aperçoit en le clarifiant : on chauffe doucement, et l'on voit alors trois parties (si l'on fait l'opération dans un récipient transparent :
1. à la partie supérieure, on voit une petite écume
2. dessous, environ 80 pour cent de la masse fait une couche jaune liquide, qui est le beurre clarifié
3. à la base, il y a le "petit lait", qui est une solution aqueuse où sont dissous le lactose (le sucre du lait), des sels minéraux et des protéines (celles qui font noircir le beurre ordinaire quand on le cuit).

Préparer du beurre clarifié, clarifier du beurre, cela consiste à éliminer la couche supérieure, à décanter le récipient pour récupérer la couche liquide intermédiaire, et à séparer donc le petit lait qui est en bas du récipient.
 On notera que c'est dans la couche inférieure que se trouvent nombre de protéines qui peuvent être utilement employées en cuisine, d'autant que cette couche inférieure un goût remarquable.

Mais enfin, maintenant que nous avons clarifié le beurre, nous pouvons étudier expérimentalement le beurre clarifié.
La première des choses à faire, c'est de le refroidir, et nous le voyons reprendre une consistance solide et molle. Si nous refroidissons davantage, alors la consistance devient plus fermes et oui, il y a une évolution de la consistance entre les hautes températures et les basses températures, et inversement. Pour ce beurre clarifié, la fusion commence à - 10 degrés, et elle se termine à environ 55 degrés.

Car il a des composés du beurre qui fondent à -10 degrés, d'autres à -9 degrés, d'autres à moins 8 et ainsi de suite jusqu'à 55. Évidemment, plus il fait chaud, plus la proportion de  composés fondus dans la masse du beurre augmente, de sorte que le beurre devient de plus en plus mou.*







* Des collègues me font observer que les mélanges ne se comportent pas comme des sommes de composés isolés... mais c'est une naïveté de leur part de croire que j'ignore cela, car c'est un phénomène important pour la confection du chocolat. On lira avec intérêt : Kiyotaka Sato, Crystallization behaviour of fats and lipids ; a review,  Chemical Engineering Science 56 (2001) 2255-2265.
Et cela doit nous faire souvenir de la blague selon laquelle Dieu aurait créé le professeur d'université pour couronner la création... mais le Diable aurait créé le "cher collègue" ;-)

mardi 7 juillet 2020

L'ébullition


Parmi les changements d'état, il y a le passage de l'état liquide à l'état gazeux, qui a pour nom "évaporation". Et c'est ainsi que l'eau s'évapore à toute température, par exemple.

Cette évaporation diffère de l'ébullition, transition qui, elle, s'effectue à la température fixe  de 100 degrés.

 
Mais rien ne vaut l'expérience qui consister à chauffer de l'eau après y avoir mis un thermomètre.

On rappelle que l'eau est un composé pur, ce qui signifie qu'elle est fait d'une myriade d'objets tous identiques, qui sont des "molécules d'eau".

L'eau n'est pas "une molécule", comme certains le disent certains de façon erronée, mais c'est un composé fait d'un nombre immense de molécules. Et c'est parce que ces molécules sont identiques que l'eau est ce que l'on nomme un composé, ou espèce chimique.
Je parle bien sûr de l'eau pure, et non pas de l'eau du robinet, qui doit son goût à de nombreux "ions" et autres molécules, qui y sont dissous.

Soit donc une casserole d'eau que l'on chauffe, un thermomètre plongé dedans. On voit la température de l'eau passer lentement de 20 degrés à 21 degrés, à 22 degrés, à 23 degrés, etc.

Vers 50 degrés, on commence à voir une fumée bleutée : l'eau commence à s'évaporer notablement, et la vapeur se recondense en microscopiques gouttes de liquide, en arrivant dans l'air plus froid.

Et, finalement, on atteint des températures plus élevées :  70, 80, 90, 91, 92,  93... Et, dans les conditions habituelles, on ne dépasse pas 100 degrés : on a beau pousser le feu, l'ébullition se fait plus tumultueuse mais la température est toujours de 100 degrés, preuve qu'il faut beaucoup d'énergie pour arriver à évaporer l'eau.

En terme microscopiques, cela signifie que l'on a agité les molécules d'eau au point qu'elle puissent se détacher les unes des autres. Et il faut beaucoup d'énergie, car elles "collent" énergiquement.

Voilà pour l'ébullition. Et cette dernière engendre donc de la vapeur, à savoir un gaz, c'est-à-dire un ensemble de molécules d'eau assez éloignées les unes des autres. La vapeur est incolore, invisible... mais quand les molécules d'eau évaporées arrivent  dans l'air,  plus froid, elles n'ont plus assez d'énergie pour rester en phase liquide, et elles forment de petites gouttelettes,  qui sont la raison pour laquelle on voit cette fumée blanche au-dessus des casseroles.
J'insiste : ce que l'on voit, ce n'est pas la vapeur, mais des gouttes d'eau, comme dans les nuages.

Tiens, pour terminer, ajoutons quand même que, dans toute cette affaire, il n'y a pas de réarrangement d'atomes  : les molécules d'eau dans l'eau liquide sont les mêmes qu'en phase vapeur. Et il n'y aura pas d'usure à répéter évaporation et condensation, autant de fois que l'on voudra.


lundi 6 juillet 2020

À propos de distillation : prenons garde aux premières fractions



 Certains de mes amis qui distillent ont appris des anciens à ne pas conserver le liquide qui se condense immédiatement après le début de l'opération : on leur a dit que cette fraction contenait des composés toxiques, et, bien que cela apparaisse comme une "perte", ils ont à coeur de bien faire. Certains jettent un verre de liquide, et d'autres, qui veulent faire mieux, jettent jusqu'à un demi litre (d'accord, cela dépend de l'installation, mais je donne une indication pour fixer les idées).

Pour autant, je sais que beaucoup font cela parce qu'ils reproduisent des pratiques qu'on leur a montrées, et pas parce qu'ils comprennent le mécanisme de la chose. Or je crois que rien ne vaut une bonne explication, en plus de la démonstration de l'opération.

Commençons donc par un marc,  c'est-à-dire le résidu d'une fermentation de raisin pressé. Il y a une partie solide, et il y a une partie liquide, et, dans tout cela, il y a des composés odorants, des composés sapides, des composés frais ou piquants que l'on veut récupérer...  avec l'alcool : le but de l'opération, c'est de passer de 10 pour cent en volume d'alcool à 40 à 50 pour cent, en évaporant du liquide sans évaporer de l'eau.

Il faut immédiatement ajouter que l' "alcool" dont on parle ainsi est l'alcool éthylique, ou éthanol. On le nommait jamais "esprit de vin". On sait qu'il est toxique, mais on aime le boire parce qu'il engendre une sensation de bien être... quand c'est avec modération, en plus d'un goût remarquable.

A ne pas confondre avec un autre composés de la même famille des alcools, le méthanol (notons le m en début de mot), ou alcool méthylique, ou encore esprit de bois. Dans les jus fermentés, l'alcool éthylique (l'éthanol) est majoritaire, et il y a du méthanol en moindre quantité.

J'insiste un peu : l'éthanol est un composé merveilleux (avec modération toutefois), parce qu'il donne du peps à des breuvage. Il provoque un sentiment d'euphorie, à petite dose, la seule à laquelle un vrai gourmand le consomme.
En revanche, le méthanol est vraiment  terrible, et l'on n'insistera pas assez sur la différence entre l'éthanol et le méthanol même s'il n'y a qu'une lettre de différence pour la dénomination chimique.

Mais je m'arrête un peu à cette question de dénomination maintenant. Le premier alcool de la famille des alcools, c'est le méthanol, dont les molécules ne contiennent qu'un seul atome de carbone.
Ce méthanol, ou alcool méthylique, est aussi nommé esprit de bois, comme signalé précédemment, car on l'obtient notamment par la pyrolyse du bois : si on chauffe du bois à sec, se dégage du méthanol, et c'est ainsi qu'on l'a produit  pendant longtemps.

Le méthanol, répétons-le,  est toxique,  et l'on doit  absolument l'éviter dans les eaux-de-vie, blanches notamment, sous peine d'empoisonner ceux à qui on offre le breuvage. Il engendre, quand une dose commence à être un peu notable, une crispation des mâchoires, puis, à plus haute dose, il a des effets terribles.

Dans la famille chimique des alcools, après le méthanol, il y a donc l'éthanol, ou alcool éthylique, qui,  lui a 2 atomes de carbone dans sa molécule. C'est celui-là que l'on veut récupérer quand on distille :  dans un vin,  il y en a dix pour cent en volume environ,  et la distillation cherche à porter cette proportion à 40 ou 50 pour cent, ce que l'on nomme des degrés.

Mais, dans la famille des alcools, méthanol, puis éthanol, ne sont pas seuls : il y a aussi le propanol ou alcool propylique ;  le butanol ou alcool butylique ; pentanol, ou alcool pentylique ;  et ainsi de suite avec trois, quatre, cinq, six, sept, huit, etc.  atomes de carbone dans la molécule. Je fais simple, parce qu'il y a des complications : je veux seulement dire que la famille des alcools est immense.

Le distillateur empirique, "traditionnel",  se contente, pour un appareil donné, d'éliminer une certaine quantité du produit qui est distillé en début d'opération  : un verre, un demi litre... Et effectivement, le méthanol bout à une température  de 65 degrés, alors que l'éthanol, lui, bout à la température de 79 degrés.
Bref, si l'on conduit doucement la distillation, c'est bien le méthanol qui part en premier, puis ensuite l'éthanol, et enfin l'eau vers 100 °C.
Ce que je dis là n'est pas parfaitement juste, comme on s'en doute quand on sait que le diable est caché dans les détails, mais c'est une idée qu'il faut certainement avoir pour commencer.

Une conclusion merveilleuse : si l'on introduit un thermomètre dans le système, on verra d'abord la température augmenter, puis se stabiliser un peu tant que du méthanol passe dans les vapeurs, et c'est ensuite que la température réaugmentera pour atteindre un nouveau palier, pendant lequel l'éthanol distille... avant que la température n'augmente à nouveau, jusqu'à atteindre les 100 degrés auxquels l'eau s'évapore.
Autrement dit,  l'usage du thermomètre qui facilite considérablement la conduite des opérations.

Je termine sur cette observation essentielle, qui est à la base de la distillation fractionnée  : généralement, les composés s'évaporent à une température d'ébullition fixe, et tant que le composé présent, alors la température d'ébullition change ne change guère.

Il y a donc mieux que la technique empirique, à condition de comprendre ce que l'on fait. Et c'est là un des apports (anciens) de la chimie. Le fait que ce que j'expose plus haut ne soit pas connu de tous doit nous faire réfléchir aux études que la nation organise pour les citoyens.


dimanche 5 juillet 2020

Les gels trop collés perdent-ils du goût ?


Les gels trop collés perdent-ils du goût ? Il y a dans cette question le mot technique "collé", qui signifie chargé d'agent gélifiant : pectine, gélatine, agar-agar, alginate, protéines...

Autrement dit, les gels qui doivent leur consistance à beaucoup d'agent gélifiant ont-ils moins de goût que les gels fait du même agent gélifiant en moindre quantité ? La réponse est oui :  des gels trop collés perdent du goût.

Mais restons sur cette question des gels. On connaît classiquement les gels de gélatine, ou aspics, ou encore les gelées de fruit, pour lesquelles l'agent gélifiant n'est plus la gélatine, extraite des tissus animaux, mais la pectine, extraite des fruits ou des légumes.
Mais il y a bien d'autres "gels" : on désigne sous ce nom un liquide tenu par un "réseau" (comme un filet à trois dimensions), qui empêche le liquide de couler.
Dans les gels de gélatine, c'est la gélatine qui forme un tel réseau (pensons "échaffaudage"). Dans les confitures, marmelades ou gelées, c'est la pectine, comme dit précédemment. Dans le yaourt, ce sont les protéines ("caséines"). Dans le blanc d'oeuf qui a cuit sur le plat (par exemple), ce sont les protéines du blanc d'oeuf ; dans le jaune d'oeuf cuit, ce sont les protéines du jaune d'oeuf. Dans les terrines de viande ou de poisson, ce sont des protéines nommées actines ou myosines.
Et il y a encore bien d'autres possibilités : agar-agar, carraghénanes, etc.

On comprend que plus le réseau est "serré", plus le gel est ferme : le liquide est mieux tenu.
Par exemple, un blanc d'oeuf bien cuit est plus ferme que le même blanc d'oeuf additionné d'une fois son volume d'eau et cuit dans les mêmes conditions que le premier. Autrement dit, plus il y a d'agent gélifiant dans un gel, et plus il est ferme.

D'accord pour la fermeté, mais le goût ?

Il est dû à des composés sapides, à des composés odorants, et à des composés qui stimulent d'autres récepteurs, tels ceux du piquant ou du frais, par exemple.
Or pour agir, ces composés doivent être libérés, pour aller se lier à des récepteurs (des sortes de "serrures", à la surface des muqueuses de notre bouche ou de notre nez). Pensons que les molécules de ces composés sont comme des poissons au milieu d'une mer grouillante de molécules d'eau, le tout dans le "filet" formé par l'agent gélifiant.

Les "poissons" sont un peu tenus par l'eau, mais beaucoup par l'eau tenue elle-même par l'agent gélifiant.
Bref, les molécules qui ont une action gustative sont moins libres quand elles sont dans une gelée fortement collée. Le gel plus collé a moins de goût.

A cette première considération de liaison entre les molécules du goût et le réseau formé par l'agent gélifiant s'ajoute le fait que certains gels fondent quand on les chauffe, notamment dans la bouche. C'est le cas en particulier pour la gélatine dont les gels fondent vers 36-37 degrés. Mais bien sûr, la fonte se fait plus facilement quand il y a moins d'agent gélifiant, plus rapidement. Avec plus d'agent gélifiant, les fragments de gels formés par la mastication n'ont pas le temps de fondre avant de passer dans l'estomac... sans libérer leur charge gustative.

Et il y a encore d'autres mécanismes, mais ce serait entrer dans trop de détails.

Bref, ne collons pas trop les gels si nous leur voulons du goût, ou bien augmentons la charge gustative pour les gels fortement collés... et en tout cas, mastiquons lentement : c'est là le signe de la véritable gourmandise.

Dans un gel de gélatine, les molécules de gélatine forment un réseau qui piège les molécules d'eau... ainsi que les molécules qui donnent du goût. Plus sur cette question dans "Mon histoire de cuisine" (Belin, Paris)

samedi 4 juillet 2020

Sport et sciences de la nature


Il y a dans notre monde bien des phénomènes que je ne comprends pas, et l'un d'entre eux est le suivant :  il y a quelques années, dans une ville de France qui n'est pas Paris, une équipe de sport est devenue championne de France, et  l'école de chimie -une école d'ingénieurs- de cette ville est montée dans le classement national.

Mais commençons doucement, avec une incompréhension plus fondamentale : l'engouement pour le sport au point que la vie s'y centre. Je comprends que l'on puisse avoir envie d'avoir un corpore sano à côté d'un mens sana, un corps sain pour abriter un esprit sain, mais je vois une différence entre faire du sport, faire de la compétition, ou encourager des sportifs.

Faire du sport, je me suis exprimé : il est vrai que, parfois, on a besoin de prendre l'air, de bouger, respirer profondément... Il est vrai que l'exercice modéré évite l'obésité et son cortège de maladies.
Mais faire de la compétition ? Pour quoi ? Quel est l'objectif ? Et puis, je vois tant de personnes qui font cela sans avoir d'autre chance que d'être un "champion" tout à fait local... Oui, pourquoi ? Pourquoi s'engager avec insuffisamment d'engagement dans un voie où l'on restera médiocre ?

Supporter (encourager), enfin ? Je veux bien que l'on aille encourager des enfants, des amis... mais je crois voir surtout la force de la socialité, dans cette affaire. L'être humain étant un être social, il y a des mécanismes de récompense quand il est en groupe ;  et comment être plus en groupe que dans un stade,  à des milliers ? Or si l'humain est social, les fourmis le sont aussi : nous résignerons-nous à de l'animalité ?
Bien sûr, j'ai le sentiment d'être très "innocent", et  j'attends que mes amis m'éclairent un peu, corrigent mes analyses précédentes. D'ailleurs, à propos du sport, je me souviens avoir entendu des collègues professeurs me dire que le sport d'équipe renforce la cohésion et  contribue à enseigner le travail en groupe. Pourquoi pas, donc, mais mon collègue n'était-il pas en train d'habiller de mauvaises raisons un goût personnel ?

Je reviens maintenant à ma question initiale qui était d'observer cette promotion d'une école de chimie, dans une ville où une équipe sportive était devenue championne de France. En quoi  les capacités sportives d'une équipe d'une ville améliorent-elles l'école de chimie ? Les locaux n'ont pas changé, ni les professeurs... En quoi la carrière  ultérieure des étudiants sera-t-elle améliorée par le classement de l'équipe de sport ?
Je compte sur mes amis pour m'expliquer  : n'hésitez pas à mettre des commentaires sur ce blog.


vendredi 3 juillet 2020

Une amusante question à propos des rapports entre la science et l'industrie


Ailleurs, j'ai décrit un tableau à cinq colonnes pour mieux coordonner les relations de la science et de l'industrie.
En substance, j'y dis que la science doit produire des connaissances nouvelles,  et non pas faire le travail de l'industrie, même si on lui propose de l'argent pour cela. En revanche, il est inutile que l'industrie fasse de la science, puisqu'elle la subventionne par ses impôts, mais c'est un gâchis si elle n'utilise pas les résultats (publics) de la science pour faire de l'innovation.
Et dans le cadre de contrats particuliers, on peut t'imaginer que les scientifiques et les industriels se retrouvent pour imaginer ensemble des applications des résultats scientifiques. L'investissement en temps et compétence des scientifiques, lors de ces collaborations, doit  évidemment être assorti d'une rétribution du laboratoire par les industriels qui feront tout usage des connaissances et des compétences des scientifiques.

M'arrive aujourd'hui le cas amusant -mais ce n'est pas la première fois que je le rencontre et c'est pour cela que je l'évoque-  d'un étudiant qui est en stage de fin d'études dans une société industrielle et qui me consulte à propos du sujet -technologique donc- qui lui a été confié.
Cet étudiant ayant assisté à mes cours, il a compris que j'étais capable de résoudre le problème qui lui a été confié, même si c'est un problème technologique,  et donc en dehors du champ scientifique auquel je dois me consacrer.
Cet étudiant me demande de l'aider à résoudre le problème posé.


Bien sûr, mon bon cœur, et peut-être un atavisme d'enseignant, pour lequel une question d'un étudiant est un torchon rouge devant le taureau, me poussent à l'aider. Mais faut-il vraiment que je fasse cela ?
Si je résolvais son problème (et c'est facile pour moi), alors l'industriel qui emploie cet étudiant recevrait à titre gratuit l'information technologique que je lui donnerais... sans que mon laboratoire reçoive rien en échange : ce serait injuste... et l'argent de l'état serait mal employé, puisque mon temps et ma compétences seraient donnés dans un cadre non légal.

Il y a donc lieu de cadrer les choses  : puisque l'étudiant est mandaté par l'industriel, ce n'est plus un de mes étudiants, mais un personnel de la société qui l'emploie. D'ailleurs, l'étudiant ferait une faute professionnelle en me confiant les données du problème, car cela relève de la confidentialité industrielle à laquelle il s'est sans doute engagé !
Pour me donner de l'information, l'étudiant doit me faire signer un contrat de confidentialité... que je ferais assortir d'une rétribution (à mon laboratoire) de mes temps et compétences.
Bref, il y a lieu de ne pas nous comporter, ni moi ni lui, comme les professeur et étudiant que nous étions, parce que nous ne sommes plus cela. Il est maintenant un employé de l'industrie, et je suis un chercher, et non plus un professeur.

Moralité : parce que je suis "aimable", j'ai envoyé à l'étudiant des documents publics, à savoir ceux que je distribue lors de mes cours, et qui ont un rapport avec le problème posé, et j'ai engagé mon jeune ami à proposer à sa hiérarchie de me proposer un contrat de collaboration.
J'ajoute d'ailleurs que j'ai indiqué qu'il serait plus intéressant pour l'industriel de payer une thèse qu'une rémunération sèche : lors de la thèse, le doctorant sera formé, de sorte que l'industrie récupérera à la fois des résultats de la thèse et d'un personnel (bien) formé.

jeudi 2 juillet 2020

Répondre à une question

 Souvent, dans mon groupe de recherche, je discute la question de répondre à des questions. On pourra se reporter à un billet où j'avais discuté la question de répondre à un examinateur.
Dans les deux cas, il faut donc faire une réponse. Cela signifie que l'on part d'un point,  qui est celui qui correspond à l'énonciation de la question,  et que l'on doit arriver au point où la réponse à la question  est donnée.
Une fois l'objectif déterminer, il faut considérer le chemin et le mode de transport  :  à pied, en vélo, en train, en avion.. avec l'idée supplémentaire que  souvent le chemin et le mode de transport vont de pair, comme on le sait parfaitement quand on utilise une carte GPS qui vous propose un itinéraire différent selon qu'on est à pied, ce qui permet de prendre des sens interdits aux voitures, ou en voiture.

Mais imaginons le cas où l'on ne sait pas l'objectif, ce qui correspond au fait de ne pas savoir la réponse à une question :  par exemple, dans un examen, quand on ne sait pas répondre à un examinateur.

Il y a un type de personnes qui cachent leur ignorance, et cela est le pire, car il y a du mensonge dans cette façon de faire, de la malhonnêteté. Moi, examinateur devant donner une note entre 0 et 20, je mettrais volontiers - 5 ou - 10 selon le degré de malhonnêteté qui est employée.
L'humour, en particulier, ne vaut rien ; les mots approximatif non plus, et il y a beaucoup de naïveté à croire que l'on peut véritablement tromper l'examinateur avec les artifices de ce genre.

Un peu mieux, c'est l'honnêteté de dire "je ne sais pas". Mais ce n'est pas très malin, car on recueille un zéro sec. Certes,  cela ne porte pas à conséquence morale, et en tout cas on est pas ensuite crédité de  la réputation de malhonnêteté, ce qui est déjà beaucoup, mais quand même, on échoue.

Puis vient une méthode bien meilleure, qui consiste analyser à voix haute la question à laquelle on ne sait pas répondre, et, progressivement, à élaborer devait l'examinateur une réponse, en faisant état de ce qu'on sait.
Car, au fond, les examinateurs ont  bon cœur  : ils aimeraient tant  que les étudiants réussissent !  De sorte qu'ils sont à l'affût de la moindre possibilité de les aider, de leur donner des points.
Surtout, un étudiant qui, face à un problème, l'analyse, le décortique, cherche des ressources pour le résoudre, structure ce cheminement, sera immensément apprécié pour cette capacité précisément analytique, précise, un peu savante, de répondre à la question .
D'ailleurs, parfois il est moins important de répondre à la question que de cheminer de façon intelligente et c'est en réalité cela que je propose  : cheminer de façon intelligente, à haute voix, devant l'examinateur. Certes, on pourra peut-être ne pas répondre à la question, mais, en tout cas, on aura bien identifié à la fois une stratégie de réponse, des possibilités d'amélioration personnelle, et, peut-être même que dans certains cas, l'analyse aura conduit à l'invention de la réponse que l'on n'avait pas.
Ainsi, dans plusieurs dialogues de Platon, et notamment dans le Thététète, Socrate interrogeant un interlocuteur, lui fait "accoucher" d'une réponse que cet interlocuteur ne savait pas avoir. Cette méthode de la "maïeutique" peut se faire avec un interlocuteur,  mais nous pouvons aussi apprendre à nous la faire à nous-même à haute voix, devant un témoin, l'examinateur par exemple.