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vendredi 8 novembre 2019

Surimis et diracs fibrés

Comme dit dans d'autres billets, il y a lieu d'être particulièrement prudent à propos de dénomination de produits alimentaires, car leur commercialisation ne doit jamais conduire à de la déloyauté.

Ici, la question est de nommer des produits qui auraient la texture de surimis sans en être. 

Mais avant d'en décider, il faut que je présente les deux protagonistes de l'alternative terminologique dont il est question maintenant.
D'une part, les surimis sont des produits traditionnels dans certaines parties de l'Asie, qui sont fait à partir de poisson broyé, d'amidon (pensons à de la sauce blanche) et de matière grasse, la pâte ainsi constituée est striée par passage sous un peigne, et les feuillets striés sont cuits, puis roulés sur eux-mêmes en bâtonnets, colorés avec du paprika et reçoivent une dispersion d'un aromatisant qui rappelle le goût du crabe, par exemple.
Qu'en dit la réglementation ? Les surimis font l'objet d'une norme d’application volontaire, numérotée NF V45-068, qui encadre les conditions d’usage du mot « surimi » et la composition de ces petits bâtonnets et de leurs dérivés. Ce document a été élaboré par des représentants des industriels, des distributeurs, des autorités réglementaires (dont la DGCCRF et le Service commun des laboratoires, SCL), des centres techniques, des laboratoires d’analyses et des organismes de certifications. Ils font partie de la commission de normalisation AFNOR / V45C « Produits transformés issus de la pêche et de l’aquaculture ».
La norme volontaire indique que le produit surimi doit contenir au minimum 30 % de chair de poisson ou de céphalopode. Elle autorise aussi l’ajout d’ingrédients pour aromatiser ou valoriser le surimi. Si l’ingrédient d’origine aquatique (poissons, crustacés, mollusques, algues, etc.) représente plus de 5 % – en poids – du produit fini, la norme autorise le fabricant à le mentionner sur l’emballage, avec une phrase-type telle que « surimi à xxx », ou « surimi de chair de poisson à xxx ». Pour les autres ingrédients, qu’ils soient d’origine terrestre (chorizo, lard fumé, etc.), végétale (fruits, légumes, épices, aromates, etc.) ou comportant de l’alcool (mirin, vin, etc.), la norme volontaire ne fixe pas de pourcentage minimal ou maximal. Concernant les aromatisants, additifs et colorants, la norme rappelle la nécessité de respecter les réglementations concernées, mais proscrit les additifs à usage de blanchiment. Elle autorise l’usage de liants (lait, dérivés de lait, farines), d’huiles et graisses végétales (hormis certaines, comme l’huile de palme), d’huiles d’animaux aquatiques, des fibres végétales, de l’eau, du sucre et du sel.

D'autre part, il y a très longtemps, j'ai nommé diracs ces préparations qui reproduisent des tissus musculaires (viandes, poissons), pour ce qui concerne la composition chimique, à savoir environ 70 % d'eau, 20 % de protéines et 10 % de matière grasse. Et c'est ainsi que l'on obtient une sorte de steak quand on mélange 7 cuillerées d'eau, 2 cuillerées de protéines coagulables (par opposition à la gélatine qui coagule pas  à la chaleur) et une cuillerée d'huile. Un tel dirac est très élémentaire, mais on peut en produire de nombreuses versions  : on peut émulsionner plus d'huile pour obtenir un dirac émulsionné, on peut foisonner afin d'obtenir un dirac mousseux, foisonné. On peut aussi l'étaler en couches très minces superposées pour faire des dirac feuilletés... et l'on peut enfin le strier, un fois en couche mince,  pour obtenir un diras  fibré.
Et puis, on peut aussi mélanger lla pâte faite de protéines, d'eau et de lipides, avec une sauce blanche, et l'on  retrouve alors une composition analogue à celle du surimi, avec la même consistance. Pour le goût et la couleur, on met ce que l'on veut et l'on obtient tout aussi bien des diracs striés bleus, ou rouges,  ou jaunes,  ou verts, avec des  goûts de poire, de rhum, de poisson, le citron...

D'où la question : un dirac fibré serait-il un surimi ? Vu la norme volontaire actuelle, ce serait abusif, car le surimi est aujourd'hui connu pour être un produit délimité tel que je l'ai expliqué plus haut, même si la norme volontaire peut évoluer.

Bref, finalement, je crois qu'un dirac fibré doit être nommé dirac  fibré.

Un dirac strié replié sur lui-même, réalisé à l'Institut technique d'hôtellerie du Québec en 2012.

mercredi 21 mars 2018

Demain, les diracs... à toutes les sauces

Décidément, il y a lieu d'aider mes amis qui se lancent dans la cuisine note à note, et qui s'interrogent : comment remplacer la viande et le poisson ? La réponse est : avec des "diracs".

Pour commencer simplement, expliquons qu'une viande ou un poisson, c'est un matériau fait de 25 pour cent de protéines et de 75 pour cent d'eau.
Autrement dit, on obtient une matière de la même fermeté qu'une viande en mêlant une cuillerée de protéines et trois cuillerées d'eau, puis en cuisant. D'autre part, on obtient une matière de la même fermeté qu'un blanc d'oeuf cuit sur le plat en cuisant un mélange fait de 10 pour cent de protéines et de 90 pour cent d'eau : une cuillerée de protéines pour neuf cuillerées d'eau.
Et on obtient quelque chose d'encore plus dur que la viande si l'on augmente la teneur en protéines.
On n'obtient ni de la viande, ni du blanc d'oeuf, mais une matière que j'ai proposé de nommer un "dirac".

Et il y a donc des diracs durs, des diracs mous... mais bien d'autres diracs. Certains peuvent être "mousseux", foisonnés... et ce sont donc des "berthollets". Certains peuvent être striés, et ce sont des surimis; Mais on peut imaginer bien d'autres possibilités : des systèmes feuilletés, des systèmes émulsionnés.


Pour un dirac foisonné ? On part d'eau et de protéines, on fouette, on ajoute les couleurs, odeurs, saveurs, puis on cuit (par exemple, à la poêle, ou bien dans un four à micro-ondes, mais on pourrait égale ment verser des cuillerées dans de la friture, par exemple. Et je nomme cela un "berthollet".

Pour un dirac émulsionné ? Puisque les protéines stabilisent merveilleusement des émulsions, on comprend que l'on puisse ajouter de la matière grasse au mélange eau+protéines. Combien ? Jusqu'à environ 19 fois plus que d'eau. Et l'on a évidemment quelque chose d'alors très gras... et de très moelleux.
D'ailleurs, j'y pense : pourquoi ne pas faire comme avec le chocolat, à savoir classer par proportion de matière grasse ? 

Pour un dirac haché : c'est comme pour un steak haché, à savoir que l'on prépare un dirac, puis que l'on hache, dans le même hachoir que d'habitude. 

Pour un surimi de dirac : on part d'un mélange de protéines et d'eau, on ajoute un empois d'amidon, puis on coule sur une plaque plate, et l'on strie (à l'aide d'une fourchette ou d'un peigne) avant de cuire (vapeur, micro-ondes, etc.)

dimanche 28 février 2016

Les diracs

Les diracs sont des préparations qui ont la composition des viandes, au premier ordre : comme elles, ils sont composés de 25 pour cent de protéines et de 75  pour cent d'eau. A cette pâte initiale, on peut  évidemment ajouter de la matière grasse (2 à 10 pour cent), des colorants, des composés qui donnent de la saveur et de l'odeur. Puis on cuit cette pâte soit directement à la poêle, soit après foisonnement, soit après filage... Et l'on obtient des systèmes ayant la fermeté des viandes... ou une consistance différente : il ne tient qu'à nous de faire quelque chose d'intéressant.

Pourquoi ces systèmes ont-ils été nommés des diracs ? Parce que le physicien britannique Paul Adrien Maurice Dirac est à l'origine de ce que physiciens et mathématiciens connaissent sous le nom de « pics de Dirac » : des distributions, vues comme des limites de fonction.

Pensons à une courbe gaussienne (f(x) = K exp(-x^2))  d'aire égale à 1.
Nous décidons de rétrécir la fonction en prenant toujours l'équation de la gaussienne, mais en faisant K2 exp(-k x^2), de sorte que l'aire reste égale à 1. A la limite, quand la largeur tend vers 0, l'aire restant toujours égale à 1, la hauteur devient infinie... et l'on obtient ce que l'on nomme un "pic de Dirac".

C'est un point isolé et merveilleux, tout comme l'est la proposition faite ici, dans l'ensemble des possibles reproductions de viande. On peut faire une copie de viande du  point de vue de la consistance, de la saveur, de la couleur, etc... mais cette proposition est très particulière. Et aucune copie de viande n'est de la viande. Il fallait donc donner un nom. Et comme cette copie était initialement isolée, comme un pic, j'ai choisi dirac (toutes les innovations que je fais, ou du moins la plupart, ont un nom de chimiste ou de physicien. Voir le Cours de gastronomie moléculaire N°1 (ed quae belin).

samedi 16 décembre 2017

Ce matin, un groupe d'élèves me contact pour avoir des informations sur la cuisine note à note.

Je me réjouis, tout d'abord, car ces élèves sont de ceux qui ont compris que la cuisine moléculaire est dépassée, et que c'est la cuisine note à note qui sera présente demain.
Mais il faut que je leur réponde, et voici leur message : 

Nous souhaiterions réaliser une viande "note à note". Nous avions trouvé une recette qui s'en approchait légèrement : le Dirac qui se trouve sur youtube, mais nous n'avons pas de renseignements sur la quantité et les ingrédients utilisés. 


La première des questions est : qu'est-ce que la "viande" ? Il peut y avoir une définition du dictionnaire, une définition réglementaire... Par exemple, pour le TLFi, la première définition est " Aliment dont se nourrit l'homme; nourriture quelconque", mais c'est une définition dépassée, et l'on conservera donc plutôt :
"Chair comestible d'un animal".

Or la cuisine note à note est une cuisine de synthèse, qui n'utilise pas les ingrédients classiques que sont les viandes, poissons, légumes, fruits... mais des composés.
Une "viande note à note", c'est donc impossible ! Aucune construction note à note ne sera jamais une viande, et aucune viande ne peut faire de cuisine note à note !

Les diracs, dans cette affaire ? C'est parce que je copiais la composition moléculaire des viandes, avec environ 75 pour cent d'eau et 25 pour cent de protéines que j'ai cherché un nom qui ne soit pas "viande" : on se rappelle que le commerce des denrées alimentaires doit être loyal ; ce qui est de la viande est de la viande, et ce qui n'en est pas n'en est pas.
Bref pour mes reproductions de viande (reproduction de viande du seul point de vue de la composition), j'ai introduit le nom de "dirac". D'ailleurs, je discute tout cela dans un article dont je vous conseille la lecture : https://www.academie-agriculture.fr/publications/notes-academiques/n3af-2016-6-note-de-recherche-what-can-artificial-meat-be-note-note

Faire un dirac ? Rien de plus simple : dans un récipient, mettre une cuillerée à soupe de protéines, trois cuillerées d'eau, une rasade d'huile, des colorants, des composés sapides et odorants, éventuellement des vitamines, des oligo-éléments... Et cuire comme un steak, à la poêle.

On obtient comme un steak, mais ce n'est pas de la viande : c'est un dirac... et quand c'est bien fait, c'est TRES BON !










Vient de paraître aux Editions de la Nuée Bleue : Le terroir à toutes les sauces (un traité de la jovialité sous forme de roman, agrémenté de recettes de cuisine et de réflexions sur ce bonheur que nous construit la cuisine)

mardi 12 mai 2020

Des questions à propos de cuisine note à note



Aujourd'hui, voici le message intéressant qui m'arrive :

Je me permets aujourd'hui de vous contacter, suite à un Fun Mooc intitulé "L'aromatique alimentaire au service du goût" que j'ai suivi, réalisé par Isipca, où vous intervenez.
En effet, la séquence portant sur les enjeux alimentaires de demain m'a fortement interpellée. Vous y présentez la cuisine note à note. Je suis actuellement étudiante à xxxxxx, mais je n'ai jamais entendu parler de votre concept avant aujourd'hui.
J'ai donc fait quelques recherches, et notamment regardé vos vidéos où vous créez le "dirac". Ces dernières m'ont permis de répondre à quelques unes de mes questions, mais j'en ai toujours d'autres en tête. Je vous joins aujourd'hui pour savoir si vous seriez disposé à y répondre !
1. Le "Dirac" est présenté comme une sorte de viande, mais comment peut-on avoir la même mâche en bouche avec un aliment composé uniquement de poudre et d'eau ? Est-ce grâce à une réaction purement chimique que cette texture est recréée ? La texture d'un aliment me semble importante dans la notion de plaisir de manger, d'où ma question.
2. Est-ce que tous les éléments nutritifs aujourd'hui nécessaire à l'Homme sont reproduisibles dans la cuisine note à note ?
3.Existe-t-il aujourd'hui des restaurants servant au moins un plat note à note en France, et sinon à l'étranger ? (j'ai regardé, je n'ai pas trouvé)
4.Ce type de cuisine est-il vraiment peu cher ? Je pars du postulat que toute nouveauté est souvent synonyme de prix élevés.
5.La tendance culinaire d'aujourd'hui tend vers le retour aux aliments "vrais", peu modifiés, comme les champignons, les poissons crus, les céréales telles que l'orge, le sarrasin... La cuisine note à note n'est-elle pas complètement à contre-courant des désirs actuels des consommateurs ?
6.Aujourd'hui, de nombreux maux viennent d'une alimentation très modifiée de ce qu'elle était à l'origine (blé OGM par ex). La cuisine note à note ne va-t-elle pas empirer le problème ?
7. Je n'ai que très peu de connaissances en chimie. Mais je suppose qu'afin de créer un arôme de champignons, plusieurs produits chimiques sont utilisés. Ingérés en grande quantité lors d'une consommation de cuisine note à note,ne sont- ils pas dangereux pour la santé ?

Merci à mon interlocutrice, à qui je m'empresse de répondre, en partageant la réponse à tous, puisque mon objectif est de diffuser de l'information juste, à tous (je n'oublie pas qu'agent de l'état, je dois mon travail à tous ceux qui y contribuent).
Et pour faire simple, je reprends systématiquement les phrases du message dans l'ordre, en ajoutant des commentaires et des réponses :

Je me permets aujourd'hui de vous contacter, suite à un Fun Mooc intitulé "L'aromatique alimentaire au service du goût" que j'ai suivi, réalisé par Isipca, où vous intervenez.

Je me réjouis que des étudiants en cuisine s'intéressent à des questions traitées par l'ISIPCA : il est temps que l'on dépasse l'idée naïve de la "cuisine naturelle" (une impossibilité, puisque est naturel ce qui ne fait pas l'objet d'une transformation par l'être humain), et que le monde culinaire ne se prive pas de possibilités extraordinaires.
Et puis, des étudiants qui étudient en plus de leur cursus : quel bonheur ! Mille bravos !

Et oui, j'interviens dans ce MOOC, parce qu'il est question de permettre à tous d'étudier, sans nécessaire suivre un cursus diplômant, mais, surtout, pour avoir des connaissances supplémentaires.
Et j'ai profité de mon intervention (je n'ai pas eu le temps de voir le résultat) pour :
-expliquer que la terminologie du goût était à utiliser proprement : si l'on confond les termes, on risque de faire du mauvais travail
- promouvoir des techniques vraiment modernes
- diffuser ds connaissances utiles à tous les cuisiniers (depuis 1980, ce sont les cuisiniers domestiques ou de restaurant qui m'intéressent en priorité, même si l'industrie alimentaire s'intéresse beaucoup à nos travaux
- présenter cette cuisine note à note, qui sera la prochaine grande tendance (à part elle, rien de neuf sous le soleil ; je rappelle que j'ai introduit la cuisine moléculaire il y a 40 ans ! Les cuisiniers qui font de la cuisine moléculaire sont donc très en retard par rapport à ceux qui font de la cuisine note à note, puisque je n'ai introduite cette dernière que vers la fin des années 1990).
Est-ce ceci  : https://www.fun-mooc.fr/courses/course-v1:isipca+111002+session01/about  ?


En effet, la séquence portant sur les enjeux alimentaires de demain m'a fortement interpellée. Vous y présentez la cuisine note à note. Je suis actuellement étudiante à xxxxxx, mais je n'ai jamais entendu parler de votre concept avant aujourd'hui.

Là, je trouve étonnant qu'une institution de formation fasse l'impasse sur une possibilité aussi importante que la cuisine note à note. Bien sûr, savoir cuisiner, c'est savoir se pencher précisément sur les casseroles, mais quand même, levons le nez un peu, et observons qu'il y aura sans doute 10 milliards d'humains sur la Terre, et qu'il faudra les nourrir. A votre avis, comment fera-t-on pour trouver de quoi nourir presque la moitié de plus que ce que nous sommes aujourd'hui ? Ne pas s'en préoccuper me semble un peu irresponsable. A qui laisse-t-on le soin de se poser ces questions, et pourquoi ?
Je propose que mes amis regardent ces séances de l'Académie d'agriculture de France, où la question est discutés : https://www.academie-agriculture.fr/actualites/academie/seance/academie/la-cuisine-note-note-questions-nutritionnelles-toxicologiques?191212
Ainsi que mon cours de 2012: http://www2.agroparistech.fr/podcast/-Cours-2012-La-cuisine-note-a-note-.html
Et je leur signale que le gouvernement de Singapour, lui, a lancé un programme national "Sustainable food without waste" : cela me semble responsable !


J'ai donc fait quelques recherches, et notamment regardé vos vidéos où vous créez le "dirac". Ces dernières m'ont permis de répondre à quelques unes de mes questions, mais j'en ai toujours d'autres en tête. Je vous joins aujourd'hui pour savoir si vous seriez disposé à y répondre !

Un étudiant qui cherche par lui-même : c'est gagné !
Le dirac : oui, c'était un exemple parmi mille, choisi pour frapper l'imagination, comme le gibbs (un soufflé en quelques secondes : cela marche toujours, dans le monde culinaire !).
Des questions qui demeurent ? Ca, c'est merveilleux : on doit sans doute préférer les gens qui se posent des questions que ceux qui sont trop sûrs d'eux, n'est-ce pas ? D'ailleurs, j'ajoute que j'ai moi-même mille questions, notamment à propos de la cuisine note à note... et j'en avais encore plus en finissant d'écrire mon livre sur le sujet qu'avant !


Disposé à répondre aux questions ? Oui, mille fois oui si...
... si mes interlocuteurs sont prêts à "entendre" les réponses. Cela semble être le cas de mon interlocutrice, mais je me souviens d'un cuisinier écossais qui était fermé à toute discussion, figé qu'il était sur l'idée que la cuisine note à note n'aurait pas été de la "vraie cuisine" : je lui ai demandé ce qu'il entendait pas vraie cuisine, mais j'attends toujours une réponse sensée de sa part;
... si je peux partager mes réponses avec tous ;-). C'est d'ailleurs cela que je fais maintenant, après avoir anonymisé la réponse
... si j'ai le temps... mais je crois suffisamment intéressantes les questions pour le prendre, même si je n'en ai guère;
... si les questions sont de ma compétences ; et l'on se souvient que j'ai fait le serment de ne plus parler publiquement de toxicité ni de nutrition, puisque (1) ce n'est pas mon métier (même si je commence à bien connaître) et (2) cela ne sert généralement à rien, puisqu'on ne convainc pas (ce qui est le cas, aussi, pour les OGM, où les positions sont braquées) : ne perdons pas des amis à vouloir donner des arguments qui ne sont pas écoutés.


1. Le "Dirac" est présenté comme une sorte de viande, mais comment peut-on avoir la même mâche en bouche avec un aliment composé uniquement de poudre et d'eau ? Est-ce grâce à une réaction purement chimique que cette texture est recréée ? La texture d'un aliment me semble importante dans la notion de plaisir de manger, d'où ma question.


Tout d'abord, je préfère parler de diracs au pluriel, et sans majuscule : comme un parmentier de pomme de terre, le terme est commun, maintenant.
Ensuite, oui, la composition moléculaire est analogue à celle de la viande, puisque c'est effectivement une copie de la viande, en terme de nutrition ; ou disons plutôt que la viande est une inspiration pour ces systèmes, à base d'eau, de protéines et de lipides, structurés.
Peut-on avoir la même mâche ? Il faudrait tout d'abord savoir ce qu'est la mâche de "la" viande, car il y a mille viandes, entre l'araignée, la bavette, l'entrecôte, d'animaux jeunes ou vieux, différemment nourris, ayant différemment fait de l'exercice, entre le boeuf et l'agneau, le poulet ou le canard...
Mais pour faire simple, pourquoi craindre qu'on ne puisse pas reproduire des mâches particulières, bien définies ? En réalité, je sais que se cache, derrière la question, la crainte de ne pas avoir de "dur", mais considérons le caramel, qui est typiquement note à note : c'est dur !
Ou en termes de dirac, je ne saurais assez proposer de comparer des verres où l'on a mis respectivement 5  pour cent de protéines avec de l'eau, puis 10 pour cent, 20 pour cent et 30 pour cent : on chauffe ces verres ensemble, au four à micro-ondes, et l'on compare : la consistance passe du blanc d'oeuf sur le plat, tendre,  à celle de la viande la plus dure !
Oui, on peut tout faire, et si l'on strie, on a comme du surimi, mais mieux, on peut faire foisonner, émulsionner plus ou moins, feuilleter, et à l'infini.
Et oui, la consistance (plutôt que la texture, car la consistance est ce qui est, et la texture ce que l'on sent, selon la façon de manger) est un plaisir important de la dégustation.


2. Est-ce que tous les éléments nutritifs aujourd'hui nécessaire à l'Homme sont reproduisibles dans la cuisine note à note ?

Reproduisibles ? J'aurais "reproductibles"... mais c'est parce que je suis pédant. D'ailleurs, je croyais que le mot n'existait pas en français... et le TLFi  me montre qu'il existe, mais pour un sens un peu différent  ("Qui peut recommencer, se répéter une nouvelle fois.") : j'ai appris grâce à mon interlocutrice, que je remercie... et en échange, je lui ai appris qu'on aurait dû écrire "reproductible". 
Cela dit, il ne faut pas esquiver la question... qui, hélas, est une question de nutrition ! Or on se souvient de mon serment : je vais donc répondre sans sortir de ma compétence que, si l'on fractionne les végétaux sans rien jeter, on aura, dans toutes les fractions, l'ensemble des produits important pour la santé humaine.
D'autre part, il faut bien dire que la chimie de synthèse reproduit aujourd'hui jusqu'aux molécules les plus complexes. Et le cas de la vitamine B12 est intéressant : dans les années 1950, il a fallu 300 chimistes talentueux pour la reproduire... mais on la produit aujourd'hui par des fermentations  et des extractions qui s'apparentent à de la préparation du pain ou de la bière.
Pas de problème, donc.


3.Existe-t-il aujourd'hui des restaurants servant au moins un plat note à note en France, et sinon à l'étranger ? (j'ai regardé, je n'ai pas trouvé)


Des restaurants qui font de la cuisine note à note ? Disons que la cuisine note à note pure est sans intérêt, et que c'est de la cuisine note à note pratique, tout comme cela a été le cas pour la cuisine moléculaire.
Je m'explique, en prenant les choses à rebours de la phrase précédente.
Pour la cuisine moléculaire, la définition est d'utiliser des ustensibles venus des laboratoires : évaporateurs rotatifs, sondes à ultrason pour faire les émulsions, siphons ou foisonneuses pour faire des mousses, thermocirculateurs pour cuire à température contrôlée, et j'en passe. Même les cuisiniers les plus moléculaires, si l'on peut dire, font jouxter cela avec des casseroles classiqus (hélas), et l'on voit que cela n'a pas empêché des progrès.
De même pour la cuisine note à note : pas besoin d'être un puriste, et il suffit pour mon intérêt gourmand que quelques cuisiniers sortent du classique pour que je puisse les admirer (si le résultat est bon), les aider, les encourager.
Et c'est ainsi qu'Andrea Camastra, à Varsovie, a fait des choses tout à fait extraordinaires, tout comme beaucoup de cuisiniers dont les travaux sont montrés dans le Handbook of Molecular Gastronomy que nous publions tout prochainement.
N'oubliez pas, aussi, d'aller voir les résultats des concours de cuisinier note à note... et de vous procurer des produits de la société Iqemusu, pour les tester : ils sont remarquables (www.iqemusu.com).

4.Ce type de cuisine est-il vraiment peu cher ? Je pars du postulat que toute nouveauté est souvent synonyme de prix élevés.


Cher, un mélange de protéines laitières extraites à la tonne, de l'huile et de l'eau ? Non, au contraire.
Cela dit, je veux que cela coûte cher, au début, parce que c'est la stratégie que j'utilise pour promouvoir le public : je reprends l'idée de Parmentier, qui réservait la pomme de terre au roi ! Et c'est ainsi que j'ai réussi à promouvoir la cuisine moléculaire, il y a 30 ans.
Je n'oublie pas que c'est pour tout le public, pas nécessairement fortuné, que je propose cette cuisine, qui pourra être soit bon marché, soit chère.
Mais j'ajoute aussi qu'un dessin au fusain de Picasso vaut des millions : on ne paye pas le papier ni le fusain, mais l'art de l'artiste.
Et c'est ainsi que l'on doit payer très cher la cuisine d'un grand artiste culinaire.
Non, ce n'est pas nouveauté qui doit faire le prix. Tiens, d'ailleurs, j'insiste pour dire que je ne touche pas un centime dans l'affaire, alors pourquoi pensez-vous que j'y passe tant d'énergie ?


5.La tendance culinaire d'aujourd'hui tend vers le retour aux aliments "vrais", peu modifiés, comme les champignons, les poissons crus, les céréales telles que l'orge, le sarrasin... La cuisine note à note n'est-elle pas complètement à contre-courant des désirs actuels des consommateurs ?

Oui, je sais cela... et il y a lieu de s'en inquiéter. D'ailleurs, les académies d'agriculture du monde entier s'inquiètent de cette mode un peu naïve, un peu bobo, car la nature n'est pas bonne. Les poissons crus ? Attention quand même aux parasitoses (qui se multiplient). Eviter les pesticides ? Attention quand mêmes aux mycotoxines toxiques. Eviter le nitrite des charcuteries ? Attention quand même au botulisme, et ainsi de suite : il faut avoir les moyens de nos revendications naïves.
D'autant que la vraie question est moins la sécurité sanitaire des aliments que la sécurité alimentaire, ce qui signifie produire assez pour que tout le monde sur terre ait assez à manger. Il n'est pas certain qu'il y ait assez de protéines pour tous en 2050, date à laquelle je serai sans doute mort, mais je vous pose la question à vous qui avez vingt ans : que comptez vous faire pour passer ce cap ?
Et puis, les temps changent : j'ai déjà essuyé les critiques de la cuisine moléculaire, qui s'est imposée, alors ne comptez pas sur moi pour tenir compte d'opinions changeantes du public... d'autant que je n'ai rien à vendre.
Et j'ajoute que je déteste le terme de "consommateurs", qui est un terme mercantile. Moi, je parle de citoyens et de citoyennes.


6. Aujourd'hui, de nombreux maux viennent d'une alimentation très modifiée de ce qu'elle était à l'origine (blé OGM par ex). La cuisine note à note ne va-t-elle pas empirer le problème ?


Etes-vous bien certaine que les maux viennent de la modification de l'alimentation ? Moi pas, et je vous renvoie sur les séances récentes de l'Académie d'agriculture de France où a été discutée la notion très contestable d'aliments "ultratransformés" (en gros, ce terme ne veut rien dire, comme vous le découvrirez).
Je rappelle que c'est l'abondance et un mauvais comportement qui fait l'obésité. On peut bien sûr être maigre en n'ayant pas assez, mais c'est étonnant de voir que ce sont les groupes les plus pauvres qui souffrent le plus d'obésité. Il faut enseigner à manger : équilibré, pas des frites à tous les repas, pas du gras et du sucre en excès, et ainsi de suite.
Et personnellement, je milite pour que l'on enseigne, dès l'école, à cuisiner et à manger.
Dans ce débat, la cuisine note à note n'est pas, et ne sera pas en cause. Ne confondons pas l'objet et l'usage que l'on en fait : un couteau peut aussi bien nous aider en cuisine que tuer. Idem pour la cuisine note à note.


7. Je n'ai que très peu de connaissances en chimie. Mais je suppose qu'afin de créer un arôme de champignons, plusieurs produits chimiques sont utilisés. Ingérés en grande quantité lors d'une consommation de cuisine note à note,ne sont- ils pas dangereux pour la santé ?

Faire un goût de champignons ? Rien de plus simple : le 1-octène-3-ol est merveilleux... et je l'utilise très souvent, dans ma cuisine. Faites donc l'essai avec le produit nommé Chlole d'Iqemusu.
En pratique, les aromaticiens utilisent moins de 11 composés pour faire les reproductions les plus extraordaires (j'ai ainsi de la truffe, du Haut-Brion 1985, du gewurtztraminer vendanges tardives...), mais là, avec la cuisine note à note, on redonne au cuisinier le choix de ses goût.
Dangereux pour la santé ? Ces composés sont présents dans les aliments, et ils sont en quantités infimes des parties par milliards ou par trillon !
Mais j'ai fait le serment de ne pas parler de toxicologie.


Allons, il faut conclure, et on ne va quand même pas rester sur une note négative, alors que s'offre à nous un continent de goût nouveaux !
Réjouissons-nous  :
- que mon ami Pierre Gagnaire soit le premier artiste à avoir servi un plat note à note (en 2009, à Hong Kong), avec mon aide
- qu'Andrea Camastra ait bouleversé la cuisine
- que Michael Pontif ait créé cette société Iqemusu
- que la société Louis François procurent d'autres composés
- que Singapour se soit nationalement lancé sur une piste utile
- que  des jeunes cuisiniers débordent leurs professeurs en s'intéressant à ce futur qu'ils doivent dès aujourd'hui construire !


vendredi 9 février 2018

A propos de cuisine note à note/ About note by note cooking

Souvent, ce sont des étrangers qui m'interrogent en anglais... et je leur réponds en anglais. Pour une fois, ce seront des francophones qui devront utiliser un logiciel de traduction pour me comprendre.



About note by note cooking, some questions today, with comments :

I searched some award-winning Note by Note dishes done by students.
Why only "by students" ? I don't see any difference between students, lay people, chefs... And remember that often, chef design recipes for others, who have simply to follow.

They look really high-end fine dining. 
I don't know what you where you looked at, but if you go on the site of the International Centre for molécular gastronomy AgroParisTech-Inra (hosted on AgroParisTech), you can see many recipes. Some are fine dining, and some are more simple. For example, the demonstration of the dirac, of the gibbs, etc. are very simple.

But the article only mentioned equipment like a siphon and alginate bath were used. 
You say "the article", but there are hundreds of pages, dozens of articles.
Siphons can be obtained in very popular supermarkets today. And "alginate bath" does not mean anything. A bath is a bath, which mean a vessel full of water. Alginate (generally sodium alginate) is something that you can find in supermarkets as well. It is a powder that you just need to put in water, in order to get a sodium alginate solution. But I don't see the relationship with note by note cooking in particular.

I'm wondering: is Note by Note cooking very difficult for common people? 
The answer is no. And the dirac and gibbs demonstrate this fully.
Indeed, the issue of note by note cooking is not to use modern tools (this was for molecular cuisine), but instead to have new ingredients. Making a "dirac" by mixing 25% proteins, 75% water, plus compounds for color, taste and odor is straightforward. And this is one goal: to make it easy!
 
What tools are they required?
Is it difficult? No! And I would even say that it will be even easier in the past. Remember the comparison with electronic music: at the beginning, one room full of computers was needed, but today a synthesiser for children costs only 20 euros.
At home, today, I don't have particular tools, only the traditional ones, as anybody.

Is it possible to bring it to people's home? 
Yes. Remember that I succeeded in having siphons everywhere in the world, as well as agar-agar... even to the point that people speak today of "plant gelatin", which is meaningless, because gelatin is an animal product; indeed they want to say plant jelling agent.

And do you want to bring common people cook in Note by Note way?
Yes, for sure, otherwise I would not take one second answering your questions. Coming back to tools: they are not the difficulty for todays practitioners. The difficulty is that fact that I have, and they lack, the knowledge for deciding which compounds to mix. This means that, for the lay people in the future, already make "mixes" or kits will have to be designed and sold (remember that you find that already today, with ready to use custards, flours for bread, etc.
By the way, it is exactly as in the beginnings of synthetic music: a room full of computers was needed... and today it's simmle.

You mentioned "note by note cooking" is the key, in particular in regard to food 3D printing. Can you explain it in detail? 
In order to use the full potential of 3D printers, it's better to use products that have a very specific functionality, and this means pure compounds, hence note by note cooking.

How do you see the relationship between food 3D printing and Note by Note cooking?
Same answer than above.

Is it possible that food 3D printing combines and prints the compound for people?
This sentence has no meaning. A compound is a compound: sucrose, amylopectin, ovalbumin... You cannot "print a compound" (sorry, but you need to know more chemistry, and I cannot make a full course here).

I personally think that cooking with compounds make people lose the primary emotional attachment and memory to food (raw material). 
I don't care about personal opinions of people (and yours in particular, sorry). And all this is old stuff. What do you think about the "primary emotional attachment and memory" concerning sugar? Would you be ready to extract sugar from beetroot yourself?
And more generally do you still ride a horse or do you have trains, planes? And do you make your own ink, writing with feathers?
Such "attachment" is fantasy, and you can trust me that when people are hungry, they don't behave like well fed city dwellers. By the way, do you cultivate your vegetables yourself?
Finally, you should have a look to the history of potato introduction in France, at a time when the Faculty of medicine was publishing that this Solanacae was a cause of lepra. Don't forget, as well, to read about the times when it was said that trains would make the milk "turn" into cows, or about the "heavier than air" that would never fly.
Please stop being afraid.

As compounds don't have any shape, color, texture or smell, it cannot trigger people's memory to food. 
Why do you confuse compounds and dishes. By the way, compounds can have shape, and note by note dishes have a shape: this is even the first step of note by note cooking, i.e. deciding for a shape.
And finally, do we need to trigger people's memory to food? Really?

In this way, people cannot predict what this dish would be smell or taste in the end, and they think compounds cannot bring the cooking pleasure as meat & vegetable did. 
Wrong idea based on the previous wrong idea.
But yes, you can make a dish for which the guest have no idea of the flavour... but it's already the case with old cooking. Imagine that you make a pie: can you guess if the stuffing is sweet or not ? No.
About "cooking pleasure", perhaps you mean "the pleasure of cooking", or "the pleasure of eating".
When I am cooking note by note, I have the same pleasure than when I am cooking in the old way: I am doing my best, so that :
1. my friends are happy
2. it is "good", i.e. beautiful to eat.

What do you think about this? Note by Note cooking is a big leap, how do you think people can adapt it?
I don't care, because I have nothing to sell. Remember that I don't get one pence on note by note cooking, no investment in companies, no patent... and I don't care about being "famous" (what's the use when you are dead?).
Indeed, note by note cooking will be here soon for many reasons :
- 10 billions people in 2050
- spoilage to fight
- energy crisis
- water crisis
- high demand for proteins
- farmers to enrich (because they are in charge of environment, landscapes and primarily food security) (please don't confuse food security and food safety).
But finally, remember that I shall succeed, because:
1. I am using the right strategy (give it to the king, and the public will ask for it)
2. it is the only new culinary art trend
 3. it is new (and the media have to advertise new ideas, not old ones)
 4. it is already spreading.

jeudi 18 novembre 2021

A propos de viandes et de diracs



À ce colloque de l'Académie de l'agriculture sur les reproductions de viande, je vais essentiellement montrer que des mélanges d'eau et de protéines conduisent,  après cuisson, à des solides d'autant plus durs que la concentration en protéines est élevée.

À la base de cette observation, le fait que le blanc d'oeuf sur le plat reste à solide très mou, tandis qu'un steak cuit est beaucoup plus dur. Dans le premier car, il y a 10 % de protéines et 90 % d'eau, tandis que dans le second, il y a environ 20 % de protéines et donc 80 % d'eau : le doublement de la quantité de protéines conduit alors à la formation d'un gel beaucoup plus ferme, c'est-à-dire d'un produit beaucoup plus consistant, et l'on peut avoir toutes les graduations entre les deux.

Dautant qu'il y a, dans les viandes un troisième paramètre, à savoir la quantité de matière grasse, ce que l'on nomme le persillé.

Évidemment, je n'utilise pas le mot "viande" pour désigner des solides mous obtenus à partir d'eau et de protéines, et j'ai proposé le mode "dirac", d'après le physicien Paul Andrien Maurice Dirac, qui était la loyauté même :  pour les dénominations de produits alimentaires, nous devons être parfaitement loyaux, et certainement  ne jamais utiliser le mot de viande pour désigner des mélanges de protéines et d'eau, ni pour désigner les produits obtenus par des cultures in vitro de cellules musculaires.

Je rappelle que la loi de 1905 sur le commerce les produits alimentaires réclame des produits loyaux, marchands et sains.
La loyauté, c'est-à-dire l'honnêteté, consiste à reconnaître que la viande est la viande, et que ce qui n'est pas la viande n'est pas la viande. Simple, non ?

mardi 6 février 2018

Mes inventions mensuelles

Je m'y perdais avec mes inventions données chaque mois (depuis 17 ans) à mon ami Pierre Gagnaire.

J'ai donc récapitulé ici celles qui ont des noms de chimistes (plus quelques unes qui sont souvent confondues) :



avogadro : royale dont on change le liquide
baumés : œuf stocké dans un alcool
berzélius : crème anglaise où l'on remplace le jaune d'oeuf par des protéines
chantillys : généralisation de la crème fouettée
braconnot : confiture à froid ou tomate mixée
cailletets : glace à l'azote liquide
caventous : vert de légume vertueux
chaptals : mousse de blanc d'oeuf foisonnée à l'extrême
chevreul : avec contraste simultané des goûts
cristaux de vent : chaptal cuit en meringue
debye : suspensions de microgels (dans O ou W)
degennes : perles d'alginate à coeur liquide
descartes : garniture de grosse pièce composée de cailles aux truffes à la sauce allemande, et servie dans des croustades
dirac : steak de protéines
faraday : ((G+S1+H) / E) / S2
ficks : petites boules de liquide dans une pâte à nouilles
fischers : gel d'un liquide additionné de caséines
florys : spaghetti gélifiés en tuyau
gauss : généralisation des millefeuilles
gay lussac : velouté foisonné
geoffroy : émulsion de blanc d'oeuf
gerhardts : systèmes feuilletés généralisant les pâtes feuilletées
gibbs : émulsion gélifiée chimiquement
grahams : des gibbs séchés
kesselmeyer : farine, eau, matière grasse, travailler, levure, travailler, fermentation, cuisson à la vapeur comme un Dampfnudeln
laplace : comme une omelette souflée, mais eau et protéines
lavoisier : royales extrèmes
lechatelier : végétal artificiel fait d'un matériau gélifié divisé, puis solidarisé avec un gélifiant
liebig : émulsion gélifiée physiquement
maillards : demi glaces de légumes
mendeleiv : infusions généralisées (huile, alcool…)
nollet : salade artificielle
onnes : flocons givrés
paré : émulsion dans une chair broyée
parmentier : avec farine sans gluten plus gluten de blé
pasteur : avec acide tartrique
peligot : caramels de glucose, fructose, etc
poiseuilles : les fibrés
pravaz : avec intrasauce
priestley : crème anglaise de viande ou poisson
quesnay : gougères ou choux dont l'oeuf a été remplacé par des protéines
thenard : coction à l'alcool
vauquelin : appareil de cristal de vent (chaptal) cruit aux micro-ondes
wöhler : sauce aux polyphénols
würtz : eau gélatine foisonnée

mardi 9 avril 2013

Des fourmis ? Quel mépris !

Alors que je discute de la question grave de la "stratégie scientifique" (comment faire de la recherche scientifique pour se mettre en position de faire des découvertes ?), un ami me rétorque que là n'est pas la question, et qu'il vaut mieux orchestrer une activité aléatoire d'une armée de scientifiques, qui, tels des fourmis, exploreraient le monde au hasard, et sortiraient -par hasard, donc- des découvertes.

Quel mépris pour les scientifiques ! Et pour la science !

De toute façon, cette idée fausse est réfutée par les faits : les mêmes Davy, Faraday, Lavoisier, Einstein, Dirac, Bohr, De Gennes, Lehn... ne sont pas hommes d'une découverte par hasard, mais de beaucoup ! Einstein ? Il a à son crédit l'effet photoélectrique, la diffusion, la viscosité, la relativité restreinte, la relativité générale... De Gennes ? La supraconduction, les cristaux liquides, les polymères, le mouillage...

Allons, Messieurs des Décideurs, un peu de respect pour des choses qui vous dépassent ! Un peu de considérations pour les "belles personnes", s'il vous plait. Si vous êtes administrateur, contentez-vous d'administrer, d'aider une activité merveilleuse à se faire dans de bonnes conditions.

Et c'est ainsi que la physico-chimie sera de plus en plus belle !

dimanche 31 décembre 2017

A propos de stage de gastronomie moléculaire

Par email, par courrier, par téléphone, par sms, je reçois de très nombreux messages d'étudiants intéressés par la gastronomie moléculaire ou par la cuisine moléculaire, voire la cuisine note à note, ce qui me réjouit évidemment, car cela prouve que je réussis à partager ma passion pour la connaissance et ses applications.

Pourtant j'ai souvent peur que  nos amis soient déçus, notamment quand il s'agit d'étudiants qui me demandent s'ils peuvent venir faire un stage dans notre équipe de recherche. Par exemple, ce matin, une étudiante anglaise me disait s'être amusée beaucoup à faire des chocolats chantilly, des berzélius, des gibbs…  La semaine dernière, c'était un correspondant autrichien qui  faisait un dirac et un gibbs.  Je ne parle pas de ceux qui font des perles d' alginate ou qui utilisent des siphons, car il s'agit là de cuisine moléculaire, telle que je l'ai proposée il y a 35 ans, et ma réponse est alors qu'ils feraient mieux de s'intéresser à la cuisine note à note.
Ce qui me trouble, c'est que mes interlocuteurs me parlent souvent de cuisine, quand je parle moi de gastronomie moléculaire,  et je veux profiter d'un message reçu il y a  quelques instants pour donner deux exemples des travaux que nous faisons au laboratoire afin de donner des explications pour le futur.

Nos jeunes amis sont de deux types principaux : il y a les cuisiniers, et les étudiants en science et en technologie, mais invariablement, je réponds  à tous que, dans notre groupe de recherche, notre travail quotidien consiste à mettre en oeuvre des méthodes d'analyse, telle la spectroscopie de résonance magnétique nucléaire, la fluorimétrie, l'électrophorèse capillaire, la chromatographie en phase gazeuse avec spectrométrie de masse, ou bien,  pour la partie théorique, nous cherchons à résoudre des équations différentielles ou des  équations aux dérivées partielles. Je donne maintenant un exemple de chaque cas.


Des manipulations, base de la science expérimentale

Pour chercher les mécanismes des phénomènes (ce qui est l'objectif des sciences de la nature), il faut identifier les phénomènes,les caractériser scientifiquement, en vue de disposer de beaucoup de données quantitatives, que l'on réunira en équations.
Commençons donc par une étude de spectroscopie par résonance magnétique nucléaire  (RMN), faite il y a peu : à  l'occasion d'un travail sur la « cuisson des aliments », avec une étudiante venue de l'Ecole de chimie de Strasbourg, nous avons cherché les performances d'une méthode analytique que j'avais proposée il y a quelques années et qui a pour nom « spectroscopie de résonance magnétique nucléaire in situ quantitative ».
Commençons avec la « résonance magnétique nucléaire », ou RMN. L'idée est de mettre un échantillon de matière (pensons à de l'eau, pour  faire simple) dans un gros aimant, puis d'appliquer  pendant quelques instants un petit champ magnétique  perpendiculaire au champ du gros aimant.




De la sorte, les aimantations des noyaux d'atome d'hydrogène (par exemple) de l'échantillon de matière sont d'abord basculés par le gros  aimant, jusqu'à ce qu'un état d'équilibre soit atteint ; l'application du second champ magnétique fait comme quand on tape sur une cloche, et l'analyse par  RMN s'apparente à l'analyse mathématique du bruit de la cloche. En pratique, on mesure le retour des aimantations des atomes  à l'équilibre… et l'on en déduit  comment les atomes  sont liés dans les molécules.
Par exemple, quand on analyse ainsi de l'éthanol, l'alcool des vins  et eaux—de-vie, on détecte, à partir des "spectres" obtenus, que trois atomes d'hydrogène sont liés à un premier atome de carbone, lequel est lié à un second atome de carbone, lequel est lié à deux atomes d'hydrogène, et à un atome d'oxygène, qui  est lui-même lié à un atome d'hydrogène.

Voilà donc pour la résonance magnétique nucléaire, laquelle ne fait usage d'atomes radioactifs, comme le craignent ceux qui entendent le mot « nucléaire » sans le comprendre (ils ont  raison d'être prudents, mais il ne faut  pas être timoré).
Bref, nous utilisons, dans  notre  équipe, de l'analyse par RMN pour analyser des liquides variés, par exemple du bouillon de carotte, lequel  est fait  d'eau et de divers sucres et acides aminés, ou des yaourts, des sauces,  etc. A partir des analyses, nous dosons notamment les  sucres et les acides aminés, mais tout aussi bien les matières grasses, l'acide lactique, etc.
Il y a plusieurs années, j'avais eu l'idée que notre technique pouvait s'appliquer à des morceaux de carotte, par exemple, et pas seulement à des liquides. C'est ce que j'ai nommé « analyse par RMN in situ quantitative ». La proposition est merveilleuse, parce qu'elle évite les « extractions », que les physico-chimistes pratiquent couramment. En effet, habituellement,  pour faire des analyses par résonance magnétique RMN, on produit d'abord une solution des composés que l'on veut doser et l'on dose cette solution. Par exemple pour analyser les sucres présents dans la racine de carotte, on met la carotte sous vide pendant quelques jours, on la broie, puis on la fait bouillir longuement dans des solvants organiques, tel le méthanol (évidemment, on utilise des matériels qui n'ont rien de casseroles!); on filtre et on centrifuge (avec une centrifugeusee qui n'est pas celle d'une cuisine !) la solution obtenue, et l'on récupère finalement une solution que l'on dose. Tout cela se fait sur des quantités aussi petites que possible : en général, on manipule sur des quantités qui ne sont même pas la pointe d'un couteau.
Par RMN (c'est aussi vrai pour  d'autres méthodes d'analyse), on obtient un spectre, c'est-à-dire une sorte de  figure avec des montagnes pointues… à condition, bien sûr, d'avoir fait correctement les choses, d'avoir appris à "conduire" la machine, ce qui impose de comprendre comment elle fonctionne, donc de savoir la constitution de la matière, mais aussi les phénomènes de physique quantique, d'électromagnétisme...


On doit apprendre à reconnaître à quels atomes correspondent les  « montagnes », mais, pour doser, on doit calculer leur aire, c'est-à-dire la quantité de surface comprise entre  les montagnes et  la ligne de base.

Ajoutons que ces calculs d'aires ne sont qu'une toute petite partie du travail. Une  fois une aire obtenue, il faudra la comparer à des aires obtenues pour des solutions connues, avec des quantités connues de sucres dans de l'eau.
Ce que ma description ne dit pas, surtout, c'est que le spectre n'est obtenu qu'au terme d'une infatigable minutie.  Préparer la moindre solution suppose d'avoir lavé de la verrerie, de l'avoir séchée, de l'avoir pesée (trois  fois, sur une balance de précision), d'avoir calculé la moyenne des masses mesurées,  la dispersion des mesures, d'avoir ajouté un liquide, d'avoir pesé à nouveau, en pesant la différence de masse du flacon dont on extrayait le liquide pour le transvaser…
Bref, il  a fallu peser des milliers de fois, avec le plus  grand soin, souvent  sous des hottes aspirantes, en portant des gants et des lunettes de protection, quand on manipule des produits tels que les solvants organiques. En outre, peser, cela semble simple, mais, pour de la recherche scientifique, il faut  d'abord s'assurer que la balance est fiable, qu'elle est bien horizontale, qu'elle donne des résultats cohérents… Il faut lui éviter les courants d'air, tarer lentement, prendre son temps pour que la balance (de précision) se stabilise, tarer encore, peser plusieurs fois de suite avec, chaque fois, ces attentes, ces gestes minutieux qui ne doivent rien renverser des produits dangereux que nous manipulons… Des heures, des journées, des semaines, des mois… Sans compter qu'il faut  consigner le plus précisément possible la totalité des détails expérimentaux, du premier au dernier,  en ajoutant que je suis passé extrêmement rapidement sur de nombreuses opérations. Et c'est seulement un soin extrême qui permet finalement d'obtenir un résultat que l'on pourra interpréter, à l'issue, évidemment, de beaucoup de calculs… ce qui déplaît à ceux qui n'aiment pas le calcul, mais donne du bonheur  à ceux qui aime la composante expérimentale de la science bien faite.

La composante théorique

Passons maintenant à la partie théorique de notre activité, encore avec un exemple. Un des travaux de notre équipe, il y a quelque temps, a consisté en une « modélisation » de la libération de composés par des gels complexes. Pour ce travail, il s'agissait de résoudre  numériquement des équations qui décrivent comment  un composé présent initialement dans un gel peut en sortir, pour aller se dissoudre dans une solution où le gel est placé, ce qui « représente » le cas d'un aliment dans la bouche.
En pratique, il faut utiliser un ordinateur pour construire une  représentation d'un gel (un ensemble de points de l'espace pour lesquels on définit des propriétés qui sont celles des gels), et placer ce « modèle de gel » dans un « modèle de solution », à savoir un ensemble de point de l'espace dont les propriétés sont celles d'un liquide. En utilisant des équations, telles celles qui décrivent le mouvement des molécules (dans le gel, dans le liquide), on calcule le mouvement de ces molécules, par « pas » de temps : par exemple, au  début de la mise en contact du modèle de gel et du  modèle de liquide, puis tous les millièmes de seconde.
Là, il s'agit donc d'utiliser un ordinateur, et de faire des programmes pour résoudre des équations. Là encore, l'activité plaît  à ceux  qui l'aiment, et déplaît à ceux qui  ne l'aiment pas, et, là encore, on programme pendant des jours, des semaines, des mois…
J'oublie, enfin, de signaler que les « expériences », réelles ou informatiques, doivent faire l'objet de « validations » : nous les répétons afin de les vérifier, nous les remâchons, nous les ruminons, nous y pensons sans cesse, car nous savons que le diable est caché derrière tout calcul, toute manipulation. Et tout prend beaucoup de temps.

Ce n'est pas de la cuisine, mais de la gastronomie moléculaire !

Bien sûr, ces exemples ne sont que des exemples, mais ils montrent bien à quel point notre activité de recherche n'est pas de la cuisine ! Quand nous fabriquons des bouillons de carotte, nous les faisons cuire pendant des semaines, des mois, des années… Et nous faisons évidemment des choses immangeables, parce que l'objectif n'est pas de préparer des aliments, mais de comprendre comment les aliments s'obtiennent, de comprendre les mécanismes des phénomènes qui ont lieu lors des transformations des ingrédients en aliments.

Finalement, il y aura la communication des résultats obtenus, et elle ne surviendra donc qu'après des années de travail, mais c'est ainsi que l'on produit  de la connaissance fiable, de bonne qualité. Il faut beaucoup de temps, d'énergie, beaucoup de patience,  mais il est vrai que l'on a immense plaisir, en fin de travail, d'avoir repoussé un peu les limites de la connaissance. Un peu seulement … mais ce peu est pour nous essentiel, parce que c'est la mission que  nous nous sommes donnée.

On le voit, finalement : pas de chocolat chantilly, pas de sauce, pas de viande grillée… mais de la recherche scientifique, soigneuse, rigoureuse, et, surtout, l'immense bonheur de contribuer à la production connaissance par la recherche scientifique.

Vive les sciences quantitatives, vive les sciences de la nature !






























Vient de paraître aux Editions de la Nuée Bleue : Le terroir à toutes les sauces (un traité de la jovialité sous forme de roman, agrémenté de recettes de cuisine et de réflexions sur ce bonheur que nous construit la cuisine)

mardi 20 mars 2018

Des "viandes foisonnées"... ou plutôt non, plutôt des "diracs foisonnés" : les berthollets

En cuisine note à note, les diracs sont importants : ils  sont des matières obtenues par cuisson de solutions aqueuses de protéines : ce sont des "viandes artificielles". Il y en a de durs, de mous, de striés, de lisses...

Mais on peut aussi ne faire cuire qu'après fait foisonner, tout comme on obtient une omelette soufflée après avoir cuit de l'oeuf longuement battu, ce qui, soit dit en passant, a contribué à la réputation mondiale des omelettes de la "mère Poulard", au Mont Saint-Michel.

Mais, quand on n'utilise pas de l'oeuf, mais des protéines, on n'a pas le droit d'utiliser le mot "omelette", tout comme il aurait été déloyal d'utiliser le mot "viande", ce qui a conduit à introduire le nom de "dirac".

Pour des systèmes de protéines foisonnées coagulées ? Je propose le nom de "berthollet". Pourquoi ? Parce que ce chimiste, qui connut Lavoisier et poursuivit sa carrière après la Révolution française, n'avait que des rues à son nom. Il lui fallait un plat !

mardi 16 avril 2019

On me demande d'expliquer ce que sont les "protéines"

 Je vous présente les protéines, donc.  Et je commence en m'apercevant qu'il y a des abus de langage qui conduisent à des incompréhensions. Par exemple, alors que je demande à des personnes qui s'occupent d'une tante âgée de lui faire manger des protéines, je vois que ces personnes ne comprennent pas que je veux dire par là qu'il faut préparer des viandes, des poissons, etc. Et c'est le "etc." qui est ambigu, parce que, en réalité, les protéines se trouvent effectivement dans des viandes, des poissons, les oeufs, du lait, des fromages, mais aussi dans des produits dérivés de ces ingrédients ; on en trouve aussi dans les légumineuses, mais également dans la farine... En revanche,  il y en a très peu dans les fruits les légumes.
Avec la cuisine note à note, le problème de bien comprendre ce que sont les protéines se pose à nouveau,  car, quand on parle d'un dirac exemple, qui est fait de protéines et d'eau,  nos amis n'imaginent pas ce que sont les protéines qu'il faut mêler à l'eau.

 Commençons donc par présenter expérimentalement ces composé,  par exemple en partant d'un blanc d'oeuf que l'on sèche (dans un bol, à four très doux) : on récupère un solide jaune, qui, divisé, forme une poudre blanche.
Avec les viandes ou les poissons, une deuxième expérience permet d'extraire des protéines d'une autre sorte : la gélatine. Ainsi, si l'on cuit longuement des tissus animaux (muscles, tendons, peau, os...),  alors on récupère un bouillon qui   gélifie quand il refroidit. C'est d'ailleurs ainsi que l'on obtenait la gélatine jadis, à partir du pied de veau. La gelée très ferme qui est obtenue, peut être séchée, formant une poudre ou des feuilles selon la manière dont on s'y prend pour les préparer. La gélatine est également une protéine, mais d'un type différent des protéines musculaires.
Plus généralement, il y a de nombreux procédés pour extraire les protéines des tissus animaux ou des tissus végétaux comme ceux des légumineuses, plantes qui produisent plus que d'autres des protéines. Dans tous les cas, après extraction, on récupère le plus souvent des poudres blanche quand elles sont raffinées, et c'est ainsi que l'on peut obtenir aujourd'hui -cela s'achète à la tonne-  des protéines de viande, de poisson, de lait,  de pois, d'oeuf, de soja, de chanvre, etc.

A l'emploi, maintenant

Si l'on ajoute de l'eau à ces poudres, on obtient des solides mous.Par exemple, si on met 10 pour cent de protéines de blanc d'oeuf avec 90 pour cent d'eau que l'on chauffe, alors on obtient ce solide mou qu'est le blanc d' œuf cuit sur le plat. Si l'on mêle jusqu'à 20 ou 30 pour cent de protéines avec de l'eau, alors on obtient en cuisant la consistance d'un steak,  et si l'on augmente encore la proportion de protéines, alors on peut avoir quelque chose de vraiment très dur.
Il faut quand même ajouter que toutes les protéines ne coagulent pas. Ou du moins pas comme les protéines du blanc d'oeuf que nous venons d'évoquer. Par exemple, si l'on met de la gélatine dans l'eau et que l'on chauffe, on obtient alors un liquide, et pas un solide mou. En revanche, au refroidissement, alors ce liquide prend en gelée, formant un solide mou comme le blanc œuf cuit sur le plat. Autre exemple :  celui du lait, dont toutes les protéines ne coagule pas comme celles du blanc d'oeuf. Il y a d'une part les protéines sériques qui forment la peau coagulées que l'on voit sur du lait cru que l'on cuit, mais les autres protéines, les "caséines", ne coagulent que dans les circonstances différentes  : par l'ajout d'un acide ou de présure, et, cette fois, la coagulation se nomme caillage, et ce sont les fromages que l'on obtient, lesquels sont également des solides mous. 


 Et d'un point de vue moléculaire

Les chimistes, ceux qui pratiquent cette science qu'est la chimie, se sont demandés depuis longtemps quelle était la constitution de cette matière qu'est celle des protéines. Et c'est ainsi que, au terme d'une longue histoire, on a découvert que les protéines sont des "polymères", c'est-à-dire de très grosses (par rapport à la molécule d'eau, par exemple) molécules, comme des fils, ou plus précisément des chaînes d'arpenteur dont les maillons sont des "résidus d'acides aminés".
Certaines protéines ont des molécules repliées sur elles-mêmes comme des pelotes (protéines dites globulaires), tandis que d'autres sont étendues, par exemple les molécules de collagène, qui fait le tissu collagénique des cellules musculaires.
Et là, il y a des phénomènes merveilleux, mais je ne peux pas entrer dans les détails : vive la chimie !



J'oubliais : notre organisme, fait de divers tissus musculaires, est principalement composé d'eau et de protéines, dont la proportion atteint environ 25 pour cent.

vendredi 15 juin 2018

Atelier d'activités pratique note à note / Note by Note activities

Désolé pour mes amis qui ne parlent pas l'anglais : ce billet nécessitera l'utilisation de Google translate.

One word of explanation: I produced this after I did a workshop yesterday for a Swiss laboratory, after a  lecture. These are very easy experiments producing new food, and in particular note by note food.



Wöhler sauce

This one is a synthetic sauce, like a wine sauce.

1. in a pan, add 200 g water
2. add phenolics, tartaric acid, salt, msg, a spoon of grilled corn starch, and one small glass of ordinary oil.
3. put to the boil while whipping.

Wöhler was a remarkable German chemist.


 Würtz

Wurtz are gelified foams.

The protocole is the following:
1. in a large bowl, put 5 g gelatine
2. add 200 g aqueous solution
3. add  100 g sugar
4. heat until the gelatine is dissolved
5. whip extensively while cooling (put the pan in a larger pan with cold water or ice) until a large volume of foam is obtained
6. store in the fridge for gelification of gelatine.

The name is from Charles Adolphe Würtz, a famous chemist from Alsace.


 Gibbs

This is a soufflé that you can make in some seconds, but more precisely, it is a chemically coagulated gel.

The protocole is:
1. In a large bowl, put 1 tea spoon of coagulating proteins (such as egg white powder).
2. Add 2 spoons of water
3. Add oil while whipping until the system is like a white mayonnaise sauce  (probably about 200 g of oil)
4. Put this emulsion in small cups
5. Heat the cups in the microwave oven, until you observe an expansion by about 40 %: you get the chemically coagulated emulsions.

Now, repeat the experiment, but before cooking (step 5), add sugar (50-100 g), a pinch of salt, food colorant, odorant compound.

The name is from the famous American physical chemist Josiah Willard Gibbs.



Record volume for whipped egg white and Geoffreys

You have to know that today, we have the world record of the largest volume of foam from one egg white: we made more than 40 litres.
And if you try  to beat this record, be ready to spend some time, and have multiple collaborators, with large vessels.

1. put one egg white in a vessel
2. whip
3. when it is fully whipped, add 1 spoon of sugar, and whip
4. then add one spoon of a liquid (with no fat : apple juice, etc.), and whip
5. while whipping, add alternatively sugar and liquid
6. when the volume is more that can be stored in one vessel, divide in two vessels and whip the two
7. and so on until you beat the record.

In the end, you can add color, taste (sugar, salt, citric acid...), odorant compounds (taking into account that oil can "kill" foams).

Also in the end, you can distribute volume of foams in cups or glasses, and cook in a microwave oven, until a chemically gellified foam is obtained, and this is a Geoffroy, from a French chemist of the XVIIIth century.


Conglomeles

Conglomeles are artificial plant tissues. They are made from alginates pearls with liquid core, glued together.

1. In a large vessel, dissolve  2 g of sodium alginate in 300 g water
2. Mix with a blender
3. In 1 L of orange juice, add 200 g of calcium lactate.
4. Pour drops of orange juice in the water with alginate
5. Recover the pearls and rince them.

For making conglomeles :
6. put the pearls in a bowl
7. in a pan, heat water with citric acid, sugar and gelatine
8. Pour this liquide on the pearles and cool unti it is set.


 Liebig (sheets of dressing)

Liebigs are physically gellified emulsions.

The idea is to make an emulsion using gelatine as a surfactant. When cooling, it will gelify.
1. In a large vessel, put 1 g of gelatine
2. Add 100 g of vinegar
3. whip oil added slowly until a thick consistency is reached.
4. Pour this emulsion on a silicone sheet or in an oiled plate
5. put in the fridge
6. when gelified, detach the "sheet" of dressing.

Justus von Liebig was a German chemist. He began his studies in Giessen, and finished in Munich.


 Diracs

Diracs are artificial meats.

In order to choose the right consistency (not too hard, not too soft), one has to make the following experiment:
1. In one large bowl, pit 50 % water and 50 % egg white proteins. Mix thoroughly.
2. Take a sample of this mixture and put it in a small cup or glass.
3. Then add 50 % water to the remnant, mix and keep a sample in another cup or glass.
4. And repeat, forming a series of glasses with decreasing quantities of proteins.
5. Put all glasses in the microwave oven and heat: you will get coagulated masses in decreasing order of toughness.

 Select now the consistency that you need, and make it again, adding finally color, odor, taste, and cook.

For emulsified diracs, you have to add oil in the dirac preparation before cooking.
For aerated or foramy diracs, whip the water+protein mixture before cooking.

Paul Adrien Marie Dirac was one founding father of quantum physics. He was from England.






 Chocolate Chantilly

This one is not "note by note", but it is frequently asked.  It is a chocolate mousse without eggs, with a very delicate consistency as whipped cream.

1. in a pan, put 200 g water
2. add 225 g of ordinary chocolate
3. Heat until the chocolate has melted and makes an emulsion
4. Put the pan on cold water or ice and whip until the consistency changes (as well as color: becoming whiter).
5. Stop immediately whipping. You can store it in the fridge.

samedi 19 août 2023

On me demande un plat note à note...

Ce matin, deux jeunes filles m'écrivent : 

 

Bonjour monsieur, Nous sommes élèves en classe de seconde, et nous avons choisi de faire un dossier de sciences et laboratoire sur le thème des transformations culinaires avec la cuisine note à note. Nous avons acheté votre livre, et aimerions avoir quelques informations supplémentaires. Pouvez vous nous aider en nous expliquant : le travail des molécules, et comment est-ce possible de faire s'assembler des molécules et ensuite consommer des produits chimiques; de plus pouvez vous nous donner une recette de cuisine simple a faire devant nos camarades en laboratoire afin de leur expliquer cette formation d'aliments. Nous vous remercions, en espérant une réponse qui pourrait fortement nous avancer dans notre projet. Cordialement.

 

Ma réponse : 

 

Bonjour 

1. Je ne comprends pas bien ce que vous voulez dire par "le travail des molécules". 

2. Pour "comment assembler des molécules, là encore j'ai un doute : quand vous faites cristalliser du sel, vous provoquez bien l'assemblage des ions sodium et chlorure, non ? Et quand vous faites une émulsion, en fouettant de l'huile dans de l'eau, à l'aide de gélatine comme tensioactif, vous faites bien une organisation moléculaire. 

3. Consommer des produits chimiques ? J'ai bien peur qu'il y ait une confusion, entre molécules, composés, produits, produits chimiques. Supposons que les "produits chimiques" soient des produits synthétisés. La cuisine note à note ne se fonde pas sur de tels produits (elle peut les utiliser sans difficulté du moment qu'ils sont sains), mais sur l'usage de "composés purs". Le saccharose, l'amylose, l'amylopectine, etc. 

4. Pour une recette, il y en a plein en fin de livre, mais vous pourriez faire la suivante : 

- prendre 20 g d'eau

- ajouter 5 g de protéines d'oeuf (principalement de l'ovalbumine)

- émulsionner 200 g d'huile (triglycérides)

- ajouter 50 g de sucre (saccharose)

- ajouter une pincée de sel

- ajouter colorant (si possible de synthèse ;-) )

- ajouter une goutte d'arôme amande (supermarché : c'est du benzaldéhyde en solution)

- cuire  au four à micro-ondes jusqu'à gonflement bien net (pas plus)

- démouler, servir.

 

Ce plat se nomme un "dirac"
Bon appétit 




jeudi 23 avril 2015

Deux podcasts pour présenter des plats note à note

La présentation de deux préparations note à note (le "dirac" et le "gibbs") est en podcast :
Sur le site AgroParisTech :

[http://www.agroparistech.fr/podcast/Un-plat-de-cuisine-note-a-note-le-gibbs.html->http://www.agroparistech.fr/podcast/Un-plat-de-cuisine-note-a-note-le-gibbs.html]
[http://www.agroparistech.fr/podcast/Un-plat-de-cuisine-note-a-note-le-gibbs.html->http://www.agroparistech.fr/podcast/Un-plat-de-cuisine-note-a-note-le-gibbs.html]

Et aussi sur Dailymotion :
http://www.dailymotion.com/video/x2mybw5_un-plat-de-cuisine-note-a-note-le-dirac_tech
http://www.dailymotion.com/video/x2nkkju_un-plat-de-cuisine-note-a-note-le-gibbs_school

mardi 15 janvier 2019

Il y a quand même des questions cocasses !

 Chaque jour, il y a un lot de questions qui m'arrivent par des élèves qui font des travaux personnels encadrés, et je les renvoie souvent sur mon site pour les questions auxquelles j'ai répondu précédemment. Mais il y a parfois des questions nouvelles, comme aujourd'hui, et mes réponses viendront s'ajouter à celles qui sont déjà présentes par milliers, en français et en anglais, sur : https://sites.google.com/site/travauxdehervethis/Home/et-plus-encore/pour-en-savoir-plus/questions-et-reponses

1. Peut-on considéré la gastronomie moléculaire comme une révolution scientifique, médicale et alimentaire ? 
On verra plus loin que nos amis confondent gastronomie moléculaire et cuisine moléculaire, science de la nature et technique+art (culinaire.
Il faut donc commencer par leur expliquer la gastronomie moléculaire, c'est une discipline scientifique (comme la physique, la chimie, la biologie, l'astronomie...), qui, tout particulièrement, cherche les mécanismes des phénomènes qui surviennent en cuisine.
Par exemple, quand un cuisinier fait de la cuisine, et qu'il fait par exemple griller une viande, la viande brunit : c'est un phénomène.
La question de savoir pourquoi la viande brunit n'est pas de la cuisine, mais si l'on s'interroge scientifiquement sur cette question, on fait de la science (de la nature; rien à voir avec les sciences de l'humain et de la société).
 J'insiste un peu : s'interroger scientifiquement, c'est mettre en oeuvre la méthode des sciences de la nature, expliquée dans plein d'autres billets et résumée sur la figure suivante :


Finalement, il y a la question de "révolution", mot souvent galvaudé. Que signifie-t-il ? Je montre pédagogiquement l'exemple en allant chercher son sens sur le TLFi, le seul dictionnaire qui vaille  :
http://stella.atilf.fr/Dendien/scripts/tlfiv5/visusel.exe?12;s=3944010540;r=1;nat=;sol=1;
Je trouve :
# Mouvement en courbe fermée autour d'un axe ou d'un point, réel ou fictif, dont le point de retour coïncide avec le point de départ : cela n'est pas le cas.
#  Trajectoire effectuée par un satellite artificiel : ce n'est pas le cas non plus.
# Retour périodique; durée déterminée par un cycle : ça ne va pas.
# État, forme de ce qui est enroulé sur soi-même : non plus.
# Changement brusque et profond : ah, oui, l'introduction de cette discipline scientifique a été un changement brusque et profond, en 1988.

Reste à savoir si c'était une révolution scientifique, médicale ou alimentaire. La création d'une nouvelle discipline scientifique est certainement une révolution scientifique. Mais la gastronomie moléculaire a-t-elle influé sur la médecine ? Je ne sais pas. Sur l'alimentation ? Certainement, puisque nous avons même rénové les études dans les lycées hôteliers.

3. Pouvez-vous nous expliquer la différence entre la cuisine et la gastronomie moléculaire ?
Ici, nos amis font une amphibologie, parce que l'on ne sait pas si l'adjectif "moléculaire" s'applique au mot cuisine, comme au mot "gastronomie". Je reformule donc pour répondre.
La cuisine : c'est la préparation des aliments à partir des ingrédients. Il y a des aspects techniques, artistiques, et sociaux, comme je l'explique dans mon livre que voici :
La gastronomie moléculaire, c'est donc une science de la nature.
La cuisine moléculaire : c'est une forme de cuisine qui, au lieu d'utiliser les ustensiles anciens, utilise aussi des ustensiles venus des laboratoires : siphons, azote liquide, sondes à ultrasons, thermocirculateurs pour la cuisson à basse température.

4. Peut-on dire que la gastronomie moléculaire joue déjà un rôle  dans notre alimentation quotidienne ? 

La gastronomie moléculaire joue un rôle par ses applications, qui sont de deux types :
- pédagogiques
- techniques.
Oui, la gastronomie moléculaire a un rôle éducatif... puisque les programmes incluent des considérations scientifiques sur l'aliment. Voir aussi les Ateliers expérimentaux du goût. Et l'on ne cuisine plus avec des dictons culinaires dépassés (par exemple, la croyance que les règles féminines auraient fait tourner les sauces !)
D'autre part, oui, la gastronomie moléculaire a eu une influence sur notre alimentation quotidienne : la cuisson à basse température est partout, les siphons sont en vente dans les supermarchés, et les agar-agar et autres se sont ajoutés à la gélatine, par exemple.

5. Des aliments déjà commercialisés comme le steak de soja ont-ils été fait suivant la gastronomie moléculaire ?
Le steak de soja est-il un produit de la gastronomie moléculaire ? 
Non.

6. La gastronomie moléculaire est-elle un atout pour résoudre les problèmes d’alimentation (malnutrition, sous-nutrition) dans le monde ? 
Certainement, et cela se fera par la "cuisine note à note"... qui devrait être le thème principal du travail de nos jeunes amis !

7. Pensez-vous que l’on puisse encore exploiter ce domaine ? Il y a-t-il encore des découvertes possibles sur ce sujet ? 
Des découvertes à faire ? J'ai 25 000 questions dont je n'ai pas la réponse, et, chaque jour, j'abonde sur le blog Inra pour proposer des questions testables aux internautes : http://blogs.inra.fr/herve_this_cuisine
Mais, surtout, quiconque connaît la méthode scientifique (image ci dessus) comprend que la science n'a pas de fin !

8. Comment avez-vous rencontré Nicolas Kurti ? D’où vous est venu l’idée de développer ensemble la gastronomie moléculaire? 
Là, la raison est déjà donnée dans mes "Questions/réponses" de mon site.

9. Pourquoi vous considérez vous comme un physico-chimiste ? 
 Là, j'ai bien rigolé. Parce que c'est mon métier ! D'ailleurs, on verra ci dessous que nos jeunes amis m'ont confondu avec un cuisinier.
Il faut qu'ils aillent en ligne voir comment est mon laboratoire, ce que l'on y fait. Tiens, j'ai un lien pour eux :
https://www.youtube.com/watch?v=IgpLkcDp8h4&feature=youtu.be

10. La cuisine moléculaire peut-elle amener tous les nutriments nécessaires (protéines, glucides, vitamines) au bon fonctionnement de notre organisme ?
Cette fois, nos amis parlent de cuisine moléculaire, et j'espère qu'ils savent bien :
- ce que c'est
- que c'est bien dépassé par la "cuisine note à note"
Et je crois que la question se pose pour la cuisine note à note... mais j'ai répondu de nombreuses fois sur ce blog : qu'ils aillent y  chercher les réponses.

11. Les plats de la cuisine moléculaire peuvent-ils constituer un régime alimentaire diététique ? 
 La cuisine moléculaire ne m'intéresse plus depuis longtemps, et la seule question intéressante est à propos de la cuisine note à note. La réponse est donnée dans mon livre :


Cela étant, j'invite mes amis à réfléchir à leur formulation "régime alimentaire diététique" ? La consultation du dictionnaire leur montrera que cela n'a pas grand sens.

12. Pensez-vous que la cuisine moléculaire peut répondre aux besoins alimentaires de toute la population mondiale de demain ?  
Pour la cuisine moléculaire, non. Pour la cuisine note à note, j'espère. Voir mon livre.

13. Est-ce que la cuisine moléculaire est-elle appropriée  pour une alimentation quotidienne au niveau de la santé ? Nuit-elle à l’environnement ? 
Même réponse que pour 12... et elle nuit certainement moins à l'environnement que la cuisine classique, qui est un véritable gaspillage !

14. Pensez-vous que c’est l’esthétique des plats qui attirent la clientèle ? 
J'ai peur que nos jeunes amis ignorent que l'esthétique est une branche de la philosophie : celle qui s'intéresse au beau.
Mais bon, j'interprète  : les jolis plats attirent-ils la clientèle ? Je le suppose. Et cela est discuté tout particulièrement dans mon livre "La cuisine, c'est de l'amour, de l'art, de la technique".


15. Avez-vous beaucoup de concurrents qui pratiquent aussi la cuisine moléculaire ? 
Mais moi je ne fais pas de cuisine moléculaire ! Je fais de la gastronomie moléculaire, à savoir de la science.
Et je n'ai pas des "concurrents", mais des tas de collègues merveilleux dans des tas de pays du monde... au point que nous faisons tous ensemble un gros Handbook of molecular gastronomy.
Et puis, je trouve cette idée de concurrents enfantine, limitée (pardon, mais c'est mon vrai sentiment). En musique, Bach et Buxtehude n'étaient pas "concurrents". En science, Einstein et Marie Curie n'étaient pas "concurrents".
16. Pensez-vous que la cuisine moléculaire est accessible pour le monde entier (possible dans tous les pays, prix abordables) ? 

Oui, et c'est pour le public que je l'ai créée, comme un moyen d'aider l'économie familiale... mais la réponse détaillée est dans les questions/réponses de mon site.

17. La cuisine moléculaire est-elle rentable ? Votre marge de profit est-elle inférieure ou supérieure à celle d’un restaurant servant des plats traditionnels ? Et vos coûts intermédiaires sont-ils plus ou moins élevés que ceux des autres restaurants d’autres types ? 
Je vous avais averti que nos jeunes amis croyaient que j'étais cuisinier !
JE NE SUIS PAS CUISINIER MAIS SCIENTIFIQUE, et plus particulièrement PHYSICOCHIMISTE !

18. Est-ce facile de se procurer les ingrédients (gomme de xanthane, alginate de sodium) ? Sont-ils chers ? Peut-on en acheter en masse et réduire son coût ? Où en achetez-vous ? 
Oui, non, au supermarché.

19. Quels sont les plats les plus coûteux (pour vous en terme de coût intermédiaire) que vous présentés sur votre carte ?
Au laboratoire, je n'ai pas de carte, désole (lol).

20. Comment justifiez-vous le prix élevé des plats de la cuisine moléculaire ? Ce coût dérange-t-il la clientèle ?  Pensez-vous qu’il est possible de diminuer son coût ? 
Voir mon site.

21. Pensez-vous que des particuliers puissent réaliser les mêmes plats que vous (trouver tous les ingrédients, matériels) ? 
Voir mon site.

22. Pourquoi pensez-vous qu’aussi peu de cuisiniers le pratiquent ? Avez-vous alors du mal à trouver des cuisiniers spécialisés dans ce domaine ? 
Il y a de la cuisine moléculaire dans le monde entier, mais, encore une fois, c'est dépassé par la cuisine note à note. Et ce n'est pas une question d'argent, mais de mentalité; voir les billets correspondants.

23. Les gens appréhendent-ils de goûter à vos plats ? Pensent-ils que cela est très chimique ?
Idem 22, mais, au fait, savez-vous ce que signifie le mot "chimique" ?

24. Avez-vous déjà rencontrés des clients qui n’ont pas pu tolérer vos plats ? Ont-ils rencontré des problèmes de santé ? Si oui, quels ont été les éventuelles causes de ces imprévus ?   
 Je ne suis pas cuisinier !

15. En moyenne, combien de temps vous faut-il pour confectionner vos plats ? Quels sont les plats les plus rapides ? Quels sont les plats qui vous prennent le plus de temps ? Quels sont les plats les plus populaires ? 
Je ne suis pas cuisinier !

16. Pouvez-vous nous donner une recette rapide et facile à faire chez soi ? 
Voir les podcasts d'AgroParisTech, en particulier ceux sur le gibbs ou le dirac, mais aussi les plats que fait mon ami Pierre Gagnaire à partir de mes inventions mensuelles  : https://www.pierregagnaire.com/pierre_gagnaire/pierre_et_herve

17. Dans vos plats, sur quels procédés vous reposez-vous pour solliciter les sensations cognitives de vos clients ?   
Je ne suis pas cuisinier !

vendredi 13 juillet 2018

Y a-t-il assez de science dans les programmes scolaires ?


Les élèves de l'enseignement primaire ou secondaire apprennent-ils assez de "science" ? L'un de mes interlocuteurs voudrait que je milite pour qu'il y en ait plus, et il me fait observer que les élèves intéressés par les sciences sont peu nombreux, en raison d'une culture familiale ou sociale qui ne les pousse pas assez dans cette direction. La culture scientifique se perdrait, elle serait négligée au profit des mathématiques.

Cela me fait penser à une lettre ouverte que l'association des professeurs de physique et de chimie avait adressé au ministre de l'éducation nationale, il y a quelques années, et que j'avais un peu décortiquée... pour m'apercevoir que si j'étais initialement tout à fait de leur bord, j'étais finalement opposé à leurs conclusions.
L'analyse était fondée sur mon observation selon laquelle la science n'est pas la technologie, laquelle n'est pas la technique. On observera que, au cours des études primaires ou secondaires, la technique et la technologie sont réduites à la portion congrue, au profit de ce qui est nommé "science". 

Mais on observera aussi qu'il y a lieu de s'interroger d'abord sur la mission de ces enseignements primaires et secondaires. Que doivent-ils donner ? D'abord, les élèves doivent tous apprendre à parler, lire, écrire, compter, et cela non seulement individuellement, mais aussi collectivement, si l'on peut dire. L'école et le collège doivent être des lieux de mixité sociale, des ferments de cohésion, des apprentissage de la tolérance.
Puis, pour en revenir aux diverses matières : dans le Second degré, passé l'apprentissage de la grammaire et de l'orthographe (mais ce n'est pas gagné,  si j'en juge les message des étudiants que j'ai le plaisir de fréquenter), il y a des idées sur la littérature, lesquelles sont une ouverture à l'art (littéraire), avec des considérations sur la rhétorique. Il y a des enseignements d'histoire et de géographie, afin de pallier ce "Un homme qui ne connaît que sa génération est un enfant" de Cicéron. Il y a des cours de "physique, chimie, biologie" ou des cours de "mathématiques"... dont je me suis toujours étonné que le nom corresponde si peu au contenu.
Les mathématiques ?  Elles ne sont pas réductibles au calcul. La chimie, la physique, la biologie ? Ce sont des "sciences", mais je m'étonne que l 'on ne m'ait jamais dit d'abord cette idée simple :

Les sciences sont des activités qui cherchent les mécanismes des phénomènes par l'usage d'une méthode qui inclut les six étapes :
1. identification d'un phénomène
2. caractérisation quantitative du phénomène
3. réunion des données quantitatives de la caractérisation en "lois" (c'est-à-dire en équations)
4. induction d'une théorie, avec l'introduction de concepts nouveaux, "bordés" par les équations
5. recherche de prévisions théoriques, de conséquences testables quantitativement des concepts introduits
6. tests expérimentaux des prévisions théoriques.

Oui, jamais au cours de mes études, je n'ai reçu ces idées simples. Je ne dis pas que je n'ai pas été content de ce que j'apprenais, mais je ne comprenais pas pourquoi il y avait des "mathématiques" (en réalité, du calcul) dans les cours de chimie, alors que croyais suffisant de voir l'eau de chaux se troubler quand on souffle dedans, ou le sulfate de cuivre précipiter avec de la soude, par exemple.

Et puis, interrogeons-nous un peu : veut-on faire découvrir aux élèves les connaissances actuelles produites par la science ? L'histoire des sciences s'impose alors. Veut-on leur donner la maîtrise de la méthode indiquée ci dessus ? A quoi bon, puisque très peu seront scientifiques. D'ailleurs, les cours de chimie, physique, biologie, sont le plus souvent des apprentissages des notions élémentaires de ces disciplines, et certainement pas de la chimie, de la physique ou de la biologie. Au mieux, on se met dans une peau fantasmée d'un Galilée... et l'on n'atteint pas le niveau d'un Einstein (début du 20e siècle) et encore moins d'un Dirac (il y a un siècle).
On m'objectera que, pour comprendre la mécanique quantique, il faut commencer par le commencement, mais je pose surtout la question de l'objectif : que vise-t-on avec ces cours de "sciences" ? Et pourquoi a-t-on cet objectif ? 
Les réponses sont parfois données dans les commentaires des programmes, et c'est par la discussion de cela qu'il faut commencer, n'est-ce pas ?

Mais surtout, pourquoi la confusion entre les sciences et la technologie ? Et pourquoi cette absence de la technologie dans l'enseignement ? Que vise-t-on et pourquoi ? Quand on aura répondu à cette question, on pourra s'interroger sur la place des sciences dans l'enseignement.



PS. Ici, j'ai essayé de ne pas déborder, mais quand même :
1. faut-il parler d'éducation , ou d'instruction ?
2. je rappelle que je ne crois pas  à l' "enseignement", mais que je propose de considérer l' "étude"