vendredi 31 octobre 2025

À propos de la rédaction scientifique

Plus je publie d'articles dans des revues scientifiques plus je suis exposé à une diversité de rapporteurs de différentes qualités. 

Hier, il y en avait un qui me faisait observer  qu'on devait pas le utiliser le mot "etc.". La fois précédente, il y en avait un qui me signalait qu'il ne fallait pas poser de questions sous une forme interrogative. Une autre fois encore, il y en avait un qui récusait les mots ayant la moindre connotation rhétorique. Plusieurs fois, j'en ai fréquenté qui imposaient une structure tout à fait particulière du résumé, et ainsi de suite. 

Mais d'ou tirent-ils ces oukases ? S'il y a une sorte de loi, elle doit être donné par les sociétés savantes, telle l'Académie des sciences ou l'American Chemical Society, ou encore la Royal Society of Great Britain... mais  comme je ne trouve pas leurs indications dans ces institutions,  je suis tenté de répondre à des rapporteurs  qu'ils doivent doivent justifier leurs dires ;-)

jeudi 30 octobre 2025

Parfois c'est pour masquer les insuffisances et parfois c'est seulement de l'insuffisance ou de l'ignorance, ce qui revient un peu au même (l'ignorance est une forme d'insuffisance, n'est-ce pas ?)

Lisant des documents ce matin, et notamment des publications scientifiques, je ne cesse de trouver des adjectifs ou des adverbes qui font un discours très vague et révèlent des faiblesses des auteurs.

Par exemple, quand je lis "une quantité significativement augmentée", j'attends évidemment un seuil quantitatif de significativité statistique pour cela... mais trop souvent, l'adjectif "significativement" est une contamination, un cliché, et les auteurs veulent dire qu'il y a simplement une augmentation notable.

Notable mais de combien, d'ailleurs ? Rien n'est dit et l'information est donc nulle et non avenue.

Généralement ce sont les mêmes textes qui contiennent des adjectifs et des adverbes inutiles, qui font une lecture très pénible, pendant laquelle on a l'impression de perdre son temps.

A ce propos, je m'aperçois que j'ai publié en anglais un éditorial à ce propos mais que je n'en ai pas fait de version française, et je me dis qu'il serait bon d'en faire une version à l'attention des étudiants.

Allez, je m'y colle

 

https://seafile.agroparistech.fr/seafhttp/f/5f3cfe3440f444d68495/?op=view

 

Comment s'inscrire ?

 Un commentaire du blog demande comment s'inscrire aux cours, séminaires, etc. 

Et la réponse : il suffit de le demander à icmg@agroparistech.fr

 

A noter qu'il y a aussi les livres que je publie, notamment. 

mercredi 29 octobre 2025

A tous les amis qui lisent ce blog

Récemment, j'avais pris la résolution de répondre aux commentaires de ce blog, commentaires trop longtemps négligé, parce que je ne les voyais pas, en raison d'un  réglage mal fait du blog. 

Mais là, je viens de prendre les choses en main, et j'ai fait : 

- des billets, qui répondront un à un à toutes les questions posées

- des affichages des commentaires (quand ils n'étaient ni délirants ni publicitaires)

- des ajouts d'adresses email à la liste de distribution "séminaires de gastronomie moléculaire", pour renvoyer vers les comptes rendus rédigés de ces séminaires, où de nombreuses questions sont traitées. 

 Mes excuses pour mon retard. 

Que signifie "pocher" ?

Les questions de terminologie sont-elles accessoires ? 

J’aime prendre la comparaison de la technique culinaire avec celle de la marine à voile : si un capitaine demande qu’on libère l’écoute de grand voile et qu’un marin qui ignore l’usage des mots détache la drisse plutôt que l’écoute, le bateau peut chavirer ! En musique, si un chef d’orchestre demande de jouer le mi plus fort que le sol et qu’un musicien ignare confond le mi avec le fa, rien de beau ne pourra se faire entendre. En chimie, c’est peut-être encore pire, car l’explosion et l’empoisonnement sont  à chaque bout de paillasse. En cuisine ? Une julienne n’est pas une brunoise, un poêlage (dans un poêlon) n’est pas un sautage (dans une poêle). Et ce qui vaut pour la pratique vaut pour l’enseignement, qui fonde ensuite la pratique. 

Souvent,  je m’amuse à examiner dans les Nouvelles gastronomiques  (https://nouvellesgastronomiques.com/) des termes inconnus, parce que j’ai foi que la connaissance de préparations culinaires méconnues s’apparente à l’ajout de notes supplémentaires au piano du cuisinier… mais, depuis peu, je comprends que même les termes les plus courants méritent qu’on les examine de plus près. Aujourd’hui, des discussions avec un formateur me conduisent à réexaminer la « véritable » signification du mot « pochage ».

Pocher ?

Peut-on vraiment nommer « pochage » la cuisson de légumes dans de l’eau ? La réponse doit dépasser nos maigres connaissances actuelles, surtout quand nous sommes assez sages pour en douter, quand nous n’avons pas de prétention, mais l’envie de nous améliorer… et d’aider les autres à le faire. En l’occurrence, on sait ma méthode : je cherche le sens des mots dans les livres de cuisine anciens, en remontant du Viandier, publié au 14e siècle, jusqu’à aujourd’hui. Et la réponse à la question du sens du pochage est sans appel : on nommait pochage la formation d’une « poche » coagulée, autour des œufs justement dits « œufs pochés ».
Et c’est ainsi que, en 1651, Pierre François La Varenne donne une recette d’ « œufs pochés en l’eau » : « Choisissez les œufs les plus frais que vous pourrez, faites bouillir de l'eau & lorsqu'elle bout, cassez vos œufs dedans cette eau ; laissez-les un peu cuire frappant sur la queue du poêlon, de peur qu'ils ne s'attachent au fond ; puis tirez les doucement & les mettez égoutter pour servir ; faites une sauce rousse, ou verte avec une poignée d'oseille, dont vous tirerez le jus, puis faites fondre peu de beurre avec sel, muscade, &  un jaune d'œuf, le tout bien mêlé & délayé ensemble ; après quoi vous y mettez votre jus, &  les remuez; & servez aussitôt.»
 

C’est clair, net, précis. Et, en passant, on observe qu’il n’est pas fait usage de sel ou de vinaigre dans l’eau de cuisson. 

Sautons dans le temps jusqu’en 1867, avec ce Jules Gouffé toujours précis, qui donne une recette d’oeufs pochés au jus, à l’oseille, à la chicorée

« Mettez dans le petit plat à sauter de l'eau jusqu'à 1 centimètre du bord; Ajoutez 1 pincée de sel et 1 demi-décilitre de vinaigre; Faites bouillir l'eau ; lorsqu'elle bout, cassez dedans 6 oeufs très-frais, et couvrez le plat à sauter d'un couvercle ; Après 1 minute, retirez du feu; si le blanc enveloppe le jaune d'une couche solide, l'oeuf est cuit; Ayez, dans une terrine, 1 litre et demi d'eau tiède ; enlevez chaque oeuf avec la cuiller percée pour les mettre dans la terrine ; Laissez-les 10 minutes, égouttez-les, puis coupez les parcelles de blanc autour de l'oeuf, afin de lui conserver une forme ovale bien nette ; Mettez-les sur un plat, et servez 6 décilitres de jus de ménage réduits à 3 ; Saupoudrez sur chaque oeuf 1 prise de mignonnette. On sert également les oeufs pochés sur chicorée et oseille. Observation. — On doit apporter les plus grandes précautions à l'opération, beaucoup plus minutieuse qu'on ne croit, qui consiste à faire pocher les oeufs. Il est très-facile, si l'on n'y prend garde, de crever le blanc, ce qui empêcherait de pouvoir servir les oeufs sur table."


 A ce stade, tout va bien… mais on voit aussi Gouffé pocher des quenellles, des boudins, de la farce. Est-ce légitime ? Oui, parce que, pour ces trois préparations qui contiennent des protéines qui coagulent, il y a bien la formation d’une poche, quand on met la préparation dans l’eau, et mieux encore dans l’eau bouillante. En corollaire, on peut d’ailleurs observer que ce serait un contresens que d’utiliser le mot « pochage » pour une coagulation à partir d’eau froide : catastrophe assurée ! 


 Quelques années plus tard, en 1905, Joseph Favre publie son Dictionnaire universel de cuisine pratique<

, où il évoque encore les œufs pochés. Faut-il que je donne sa recette ? Nous allons voir que oui : 

« Oeufs pochés. — Formule 3,573. Procédé général. — Faire bouillir une quantité relative d'eau salée et acidulée de jus de citron ou à défaut du bon vinaigre. Plonger les oeufs frais dans l'eau bouillante ; les ressortir après trente secondes ; les casser alors un à un en les faisant tomber en une seule masse dans l'eau acidulée en ébullition. Retirer la casserole et les laisser ainsi pendant quatre minutes. Les sortir à l'aide d'une écumoire et les plonger dans l'eau fraîche. On les pare avec le couteau ou avec l'emporte-pièce. 

Remarque. — La condition essentielle pour réussir les oeufs pochés, c'est de les avoir frais. On obtiendra un meilleur résultat en employant du jus de citron à la place de vinaigre. Les propriétés astringentes du jus de citron agissent plus promptement sur le blanc d'oeuf et le maintiennent beaucoup plus blanc. Lorsqu'on a une grande quantité d'oeufs à pocher on doit les casser par deux ou trois sur une assiette et les mettre dans une bassine. Lorsque l'eau cuit, on fait couler doucement les oeufs dans l'eau. Ainsi préparés, les oeufs ne se mélangent pas et l'on peut pocher 50 oeufs à la fois ; il ne s'agit que d'avoir des oeufs très frais et un récipient très évasé et suffisamment grand pour la quantité d'oeufs à la nage. On peut se servir de la même eau pour plusieurs opérations. Si les oeufs doivent être servis de suite et destinés aux potages, on; peut les remettre dans une petite casserole ou timbale avec du consommé bouillant."

Ici, on retrouve la précision culinaire relative à la fraîcheur des œufs, mais je vois surtout cette idée de mettre d’abord l’oeuf entier pendant 30 secondes dans l’eau bouillante. Puis on voit l’ajout de jus de citron à l’eau de pochage, jus de citron privilégié au vinaigre : je ne l’ai jamais testé, et je vais le faire aussitôt, puisqu’on nous parle de « meilleur » résultat ! 

Autre idée : le pochage se fait à chaleur tombante, comme un infusion, mais en comptant quatre minutes : cette précision culinaire a l’inconvénient qu’elle donnera des résultats irréguliers, puisque la variation de température dépendra de la quantité d’eau, de la forme, de la taille et de la nature de l’ustensile de cuisson. 

Puis Favre donne une recette d’oeufs pochés à la cendre : cette fois, les œufs sont placés dans de petits moules foncés de pâte feuilletée, et la cuisson se fait au four. Pochage ? Oui, parce que, l’oeuf étant protégé par du papier beurré, il poche effectivement. 

Et Favre d’ajouter, à l’article « pocher », que l’on poche aussi un pain ou une farce de poisson, des filets de poisson, de volaille, soit à la vapeur, soit au four, soit dans l’eau. Il a raison, puisque, dans chaque cas, on forme une poche coagulée. Et l’on observe qu’il ne poche pas des légumes… ce qui est également judicieux, puisque des légumes dans de l’eau bouillante (par exemple) s’attendriraient dans la partie externe, au lieu de « pocher », au sens de former une poche ! 

Parler de pocher des légumes, c’est tout faux ! Et voilà pourquoi on peut critiquer ceux qui ont suivi, et notamment ces auteurs du Guide culinaire  qui a fait tant de mal : pour de l’enseignement, soyons irréprochables sous peine d’être particulièrement fautifs ! S’exprimer en public impose encore plus de rigueur que parler en petit cercle… bien que, de même que la vertu est sa propre récompense, ne devons-nous pas penser que notre rigueur s’impose à nous-même pour que nous puissions sans honte nous regarder dans la glace le matin ?

mardi 28 octobre 2025

Caféine, théine, théobromine, guaranine, théanine, théophylline… On s’y perd !

Observons les consommations de boisson, dans le monde : le thé est la deuxième boisson la plus consommée après l’eau ; en France, c’est le café qui vient après l’eau ; en Chine, l’eau est suivie par le thé et le café ; en Inde, le thé reste la boisson nationale… même si le café augmente ; aux États-Unis, c’est l’eau en bouteille qui est la première consommation (25 %), avant les boissons gazeuses (22 %), mais vient ensuite le café (13 %).

Bref le thé et le café sont largement consommés dans le monde. Pourquoi ? Le « goût » de ces boissons est important, évidemment, mais elles contiennent de surcroît des composés stimulants, dont les noms sont…


Les hésitations de la chimie des alcaloïdes


Oui, quels sont vraiment les composés stimulants présents dans les cafés, thés, chocolats, guaranas ou matés ? Il y a de la confusion, notamment parce qu’il y a les scories de l’histoire de la chimie, et que, de ce fait, il y eut des hésitations à propos des dénominations, avant que l’Union internationale de chimie pure et appliquée (UICPA ;  en anglais IUPAC) ne fasse finalement son salutaire travail terminologique.

La caféine, pour commencer, fut initialement isolée en 1819 – et nommée Kaffein- par le chimiste allemand Friedlieb Ferdinand Runge (1794-1867), à qui le romancier Johann Wolfgang von Goethe avait confié des grains de café (Coffea). Runge était un chimiste précoce : il n'avait que 25 ans quand  il parvint à isoler des cristaux blancs, à partir de la matière première que Goethe lui avait donnée. Lors de ce travail, il avait procédé classiquement, suivant l'exemple des pionniers de la chimie végétale, avec des dissolutions, des évaporations, des cristallisations… qui établissent finalement la pureté des corps séparés : les cristaux sont faits de molécules régulièrement empilées, et de tels empilement ne se forment que si les molécules sont toutes identiques, excluant les molécules d’autres composés qui auraient été initialement présentes dans l’extrait que l’on cristallise.
Le travail de Runge étant passé inaperçu, la caféine fut redécouverte une première fois par le pharmacien français Pierre-Jean Robiquet en 1820, qui présenta son travail à l’Académie de pharmacie en 1821, sans le publier (Wisniak, 2013), puis une seconde fois par Joseph-Bienaimé Caventou et Pierre-Joseph Pelletier en 1821. Quelques années plus tard, en 1827, Alphonse Oudry isola de même la « théine » à partir des feuilles de thé, tandis que, en 1840, Marcelin Berthelot et Claude Dechastelus isolèrent le composé actif du guarana, qu’ils nommèrent guaranine (Dechastelus, 1860).
Dans tous les cas, on trouve des cristaux blancs, de saveur amère, mais les chimistes allemands montrèrent ensuite qu’il s’agissait dans tous les cas de caféine (Würtz, 1870), dont la structure de la molécule fut établie par le génial chimiste allemand Emil Fischer, qui en réalisa la synthèse en 1895. Finalement, la théine est en réalité la caféine, tout comme la guaranine, et si l’on veut utiliser le nom de l’IUPAC), c’est même la 3,7-dihydro-1,3,7-trimethyl-1H-purine-2,6-dione (nous conserverons le nom « caféine », dans la suite).
La caféine est un « alcaloïde », ce qui signifie que c’est un composé extrait de plantes, dont la molécule est organique, avec des atomes de carbone, hydrogène, oxygène, et azote. Ces atomes sont arrangés en « hétérocycles », avec des atomes de carbone enchaînés en cycles (cinq ou six atomes) et possiblement des atomes d’azote ou d’oxygène (IUPAC, 2019). La figure 1 montre ainsi la molécule de caféine.




 Sur cette représentation de la molécule de caféine, les sommets sont occupés par des atomes de carbone (C), sauf quand une lettre N est indiquée, ce qui correspond à un atome d’azote. Les lettres O et H désignent respectivement des atomes d’oxygène et d’hydrogène. Pour plus de clarté, certains atomes d’hydrogène sont omis, mais les atomes de carbone ont toujours quatre liaisons et les atomes d’azote en ont trois.

Finalement, la caféine est donc un alcaloïde de la famille des méthylxanthines que l’on trouve dans le café, mais aussi dans le chocolat, le thé, la noix de kola, la guarana (la plante qui a la plus haute concentration), le maté… Soluble dans l’eau, elle se retrouve dans les boissons que l’on prépare à partir de ces plantes.
 


 D’autres composés stimulants

 
 Si la caféine se confond avec la théine ou la guaranine, voire la matéine (noms qui doivent être oubliés), elle diffère toutefois de deux autres stimulants de la même famille, qui sont la théobromine (3,7-diméthylxanthine) et la théophylline (1,3-diméthylxanthine) (Paula Lima et Farah, 2019). La caféine est présente dans le café, thé, maté, guarana et chocolat, mais la théobromine n’est que dans le maté, le guarana et le chocolat, tandis que la théophylline est présente dans le thé, le café, le maté, le guarana et le chocolat.
  



Les molécules de théobromine (en haut) et de théophylline (en bas).


En dépit de son nom, la théobromine ne contient pas d'atomes de brome : son nom est dérivé de Theobroma, nom générique du cacaoyer, composé des racines grecques Theo (« dieu ») et broma (« nourriture »), signifiant « nourriture des dieux ». On en trouve environ 5 à 10 milligrammes par gramme de chocolat. Et tous ces composés ont des actions semblables, avec des variations. La caféine, par exemple, est un psychostimulant ; il entraîne une accélération du rythme cardiaque et une vasodilatation, des performances sportives, ainsi qu’une capacité de travail mental accrues (Palatini et al., 2009; McLellan et al., 2016).
Les phénomènes d’accoutumance semblent réels : ils apparaissent à des doses de 3 fois 400 mg/jour pendant 7 jours. La dépendance ne semble pas d’ordre psychologique, mais liée à l’excès de récepteurs à l’adénosine et au manque de récepteurs à la dopamine. L’intoxication à la caféine exige plus de 600 mg de caféine par jour pendant une durée prolongée ; ce n’est pas véritablement un poison comme le sont beaucoup d’alcaloïdes végétaux, mais elle peut malgré tout être mortelle à des doses correspondant à 60 à 100 tasses prises en un temps limité (dose létale DL50 : 150 à 200 mg par kg de masse corporelle). Elle passe dans le lait maternel, et surtout traverse la barrière placentaire et le fœtus a une caféinémie identique à celle de sa mère.
Malgré l’existence de ces alcaloïdes dans plus de 100 espèces de plantes (Zulak et al., 2006), ils ne sont consommés par par le café (Coffea sp), le thé (Camelia sinensis), le maté (Ilex paraguariensis), le chocolat (Theobroma cacao), les graines de guarana (Paulinia cupana) et de cola (Cola nitida) (Tarka and Hurst, 1998). La caféine et -rarement- d’autres methylxanthines sont ajoutées à des boissons « énergisantes ». Comme beaucoup d’alcaloïdes produits par les plantes, la caféine serait à la fois un pesticide naturel détruisant les insectes s’attaquant à la plante et un inhibiteur de la germination des graines autres que celles produites par la plante, lui offrant ainsi une meilleure chance de survie.


La théanine : rien à voir !

Le nom « théanine » ressemble à celui -périmé, donc- de théine, mais il désigne un composé qui n’est pas un alcaloïde, mais un acide aminé non essentiel : la théanine, ou acide 2-amino-4-(éthylcarbamoyl)butyrique, est un acide aminé communément présent dans le thé. La fermentation réduit sa teneur. Tandis que l’exposition au soleil la convertit en polyphénols.
Ainsi, le thé vert ou le matcha japonais est le plus riche en théanine. Son activité sur le cerveau permet une réduction du stress mental et physique et produit un effet relaxant.
La figure 2 montre bien que les molécules de théanine et de caféine sont parfaitement différentes :

La théanine est un acide aminé (avec une fonction amine -NH2) et une fonction acide carboxylique (-COOH).</em> Terminons en signalant que nombre de sites internet, notamment des sites marchands en sont restés à des confusions terminologiques qui révèlent leur ignorance réelle de la chimie, tandis qu’ils affichent des données erronées sur les teneurs en divers composés, dans un affreux mélange des catégories chimiques qui révèle immédiatement une ignorance qui devrait alerter les visiteurs : n’a-t-on pas vu des confusions entre les xanthines et les composés phénoliques ? Des différences entre théine et caféine ? Sans compter les « effets bénéfiques » que ces marchands d’orviétan invoquent sans retenue. A ces élucubrations mensongères, on préférera toujours le site de l’Agence nationale de sécurité des aliments (Anses, 2020).



Références :
 

Anses. 2020. « Caféine », https://www.anses.fr/fr/search/site/caf%C3%A9ine?iso1=fr&amp;iso2=en
 

Beaufort B. 2018. La mercatique transatlantique d’un végétal psychoactif : le guaraná entre remède et aliment (1840-1921) », Confins, DOI : https://doi.org/10.4000/ confins.13215.  

Dechastelus M. 1860. Guarana de Dechastelus, Pharmacien-Inventeur, 56, rue d’Anjou-Saint-Honoré, 56, contre Les Diarrhées, les Dyssenteries aiguës ou chroniques, l’Hémoptysie, les Catarrhes chroniques de Vessie et de Poitrine, la Lencorrhée, certaines migraines et Névralgies. In Recueil de notices sur ses préparations du guarana, Typographie de E. Brière, rue Saint-Honoré, Paris, 257.
 

Gravelle MNA. 1840. Notice sur une nouvelle substance médicinale appelée Paullinia, Giraudet et Jouaust, Paris. 

IUPAC. 2019. Compendium of Chemical Terminology, 2nd ed. (the "Gold Book"). Compiled by AD McNaught and A Wilkinson. Blackwell Scientific Publications, Oxford (1997). Online version (2019-) created by S. J. Chalk. https://doi.org/10.1351/goldbook.
 

McLellan TM, Caldwell JA, Lieberman HR. 2016. A review of caffeine’s effects on cognitive, physical and occupational performance, Neuroscience &amp; Biobehavioral Reviews, 71 (12), 294-312.
 

Palatini P, Ceolotto G, Ragazzo F, Dorigatti F, Saladini, F, Papparella I, Luciob M, Zanata G, Santonastaso M. 2009. CYP1A2 genotype modifies the association between coffee intake and the risk of hypertension, Journal of Hypertension, 27(8) 1594-1601. 

Paula Lima JD, Farah A. 2019. Methylxanthines in stimulant foods and beverages commonly consumed in Brazil, Journal of Food Composition and Analysis, 78, 75–85.
 

Richard A. 1838. Elémens d'histoire naturelle médicale, volume 1, Béchet, Paris.
 

Tarka SMJ and Hurst WJ. 1998. Introduction to the chemistry, isolation and biosynthesis of methylxanthines. In Spiller GA (eds) Caffeine, CRC Press.
 

Wisniak J. 2013. Pierre-Jean Robiquet, Educ. quím., 24 (sp. issue 1), 139-149. Wurtz Ad. 1870. Dictionnaire de chimie pure et appliquée, Hachette, Paris (Fr), 1(2), 693. Zulak et al., 2006.
 

Zulak KG, Liscome DK, Ashihara H, Facchini PJ. 2006. In Plant Secondary Metabolites: Occurrence, Structure and Role in the Human Diet (Crozier A, Clifford MN et Ashihara H eds), Blackwells, Oxford, 102–136.

lundi 27 octobre 2025

Une question à propos de diplomate.

 
Des réponses à une question d'un internaute :

Je cherche à faire un diplomate
Certaines recettes mentionnent de battre les œufs sans le sucre et d’incorporer ensuite le lait sucré bouillant.
Certaines recettes mentionnent de battre les œufs avec le sucre à la fourchette et d’incorporer ensuite le lait bouillant non sucré
Et d’autres recettes mentionnent de battre les œufs avec le sucre au batteur électrique (jusqu’à formation d’un ruban) et d’incorporer ensuite le lait bouillant non sucré
Pouvez-vous me donner votre point de vue (théorique et/ou expérimental) ?

Immédiatement, cette question me fait penser à nos études expérimentales, lors d'un séminaire de gastronomie moléculaire, où nous avions testé l'importance éventuelle de faire le ruban, pour la confection d'une crème anglaise. Je rappelle que cela se fait de la façon suivante :
- on ajoute du sucre aux jaunes d'oeufs
- on fouette jusqu'à ce que cela devienne lisse et blanc
- on ajoute le lait infusé avec la vanille - on cuit.
Et nous étions donc partis d'un mélange de jaune et de sucre que nous avions divisé en deux. Pour une moitié, nous avions fait le ruban, et pas pour l'autre. Nous avions ajouté le même lait, en même quantité, dans les deux moitiés, et nous avions cuit de la même façon. Puis nous avions organisé un test sensoriel... qui avait montré que la différence est sans appel : avec le ruban, c'est bien plus moelleux, parce que les bulles d'air qui font blanchir se maintiennent jusqu'à la fin de la cuisson.

Ici, on me dit que l'on mélange non pas des jaunes, mais des oeufs. Entiers ? D'autre part, ici, on nous propose de faire donc cuire le mélange de sucre et de jaunes, alors que, bien souvent, c'est le mélange de jaune et de sucre, additionné de lait, qui est additionné à des biscuits, l'ensemble étant cuit ensuite au bain marie.

Bref, mon interlocuteur me donne une bien étrange recette, dont je ne vois pas la trace historiquement, comme je le montre dans mon article à paraître dans les Nouvelles gastronomiques, revue en ligne pour laquelle je fais un billet terminologique chaque semaine (https://nouvellesgastronomiques.com/).

Ce qui me conduit à réserver ici ma réponse en la rapportant à la crème anglaise... et c'est bien ce que j'ai fait plus haut : le résultat est bien supérieur (à mon goût) quand on fait un beau ruban, bien blanc, très poussé. Cela dit :
- battre les blancs sans le sucre ne fait pas le ruban
- battre à la fourchette : pourquoi donc faire médiocrement quand on peut battre au fouet. J'observe surtout que n'importe qui publie aujourd'hui n'importe quoi, avec des blogs qui s'apparentent parfois à des journaux intimes de midinettes mal digérés, ou à des déclarations d'égo aussi prétentieuses qu'incompétentes, recopiant sans vergogne, sans citation...
Inutile de s'en lamenter, mais nos amis qui voudraient de bon conseils font bien de s'adresser à des personnes compétentes.

Mais, je me reprends : est-ce nouveau ? Non : il y a environ un siècle, le "Baron Brisse" (un journaliste qui n'était pas baron) écrivait n'importe quoi, et ce n'est pas le premier, ni le dernier : n'ai-je pas vu récemment, sous la signature d'un cuisinier réputé, des propos à propos de la technique du soufflé qui étaient du même ordre : ignares ?