samedi 29 septembre 2018

Comment rater une brioche ?

Une brioche, c'est a priori quelque chose de simple, puisqu'il s'agit de mélanger de la farine, du lait, de l'oeuf, du sucre, du sel, du beurre et de la levure. Dans les bons cas, la fermentation de la pâte, qui résulte de la multiplication de ces êtres vivants unicellulaires que sont les levures, engendre une structure alvéolée qui est figée par la cuisson.
Mais seulement dans les bons cas, car la fermentation est une opération qui comporte les aléas. Ainsi, il y a les cas où elle est trop rapide, ou au contraire trop lente. Parfois même,  elle ne se fait pas pour des raisons mystérieuses. Cela étant, il y a pire qu'une mauvaise fermentation :  j'aurais tendance à dire que le plus grave, c'est quand le goût n'est pas approprié. Quand la brioche manque de sucre, ou quand elle est trop sucrée,   quand elle manque de sel ou au contraire qu'elle est trop salée.

Commençons par le plus simple, c'est-à-dire mettre de la levure dans un peu de lait tiède, par exemple un demi verre de lait tiède. Puis on attend quelques instants, et, si tout se passe bien,  alors on voit une mousse apparaître : elle  résulte du dégagement de gaz carbonique par les  levures qui se multiplient.
Quand ce dégagement de gaz ne se produit pas, c'est soit que le mélange de lait et de levures est  trop froid, soit qu'il est trop chaud, soit que l'on a pas assez attendu, soit  que les levure sont mortes. Et c'est ainsi que, si on utilise des levures lyophilisées, on aura soin de bien vérifier sinon  la date de péremption n'est pas dépassée... car je sais d'expérience que cela une cause d'échec. S'il fait trop froid, la multiplication des levures ne se fait pas bien, également, mais si le lait trop chaud, alors on peut tuer les levures, car ces dernières, on le répète, sont des organismes vivants,  contrairement aux poudres levantes.

A notre demi verre de lait qui en train de mousser, il n'est pas difficile d'ajouter  100 grammes de farine : de type 45 ou 55, peu importe. Puis on ajoute environ 50 grammes de sucre, ce qui correspond au volume d'un œuf. On ajoute d'ailleurs un œuf entier, puis  environ 100 grammes de beurre. Puis vient le dosage du sel qui me semble quand même très important  : personnellement, à force de faire des brioches toutes les semaines,  je vois bien le fond de ma main empli de sel que j'ajoute,  mais je sais qu'une telle description est complètement insuffisante et je recommande plutôt de peser en faisant des essais jusqu'à ce que le goût vous convienne.
L'ensemble des ingrédients étant ainsi réunis, et le tout étant dans une pièce pas trop froide,  voire éventuellement sur le dessus d'un radiateur en hiver, on se met à battre la préparation pour faire une pâte un peu molle. D'expérience, je sais qu'il faut un pétrissage soigneux, sans quoi la pâte n'a pas cette belle homogénéité de la brioche. On laisse alors fermenter, et quand la pâte a doublé de volume,  on  la transvase dans le moule à brioche. Ce dernier aura été graissé à l'aide de beurre fondu, et on aura même sucré les parois du moule.
Je crois qu'il est alors bon de mettre l'ensemble au réfrigérateur dans une partie pas trop froide, pour que la seconde fermentation se fasse suffisamment lentement. Puis, quand le moule à brioche est plein d'une pâte qui a bien gonflé, alors vient le moment de cuire.
Là, ce n'est pas difficile : il suffit de cuire pendant environ 35 minutes à 175 degrés. Personnellement, je mets le moule sur la sole du four, la partie inférieure, afin que, si le four a été préchauffé, l'évaporation d'eau au fond du moule contribue à faire gonfler davantage la brioche. On peut aussi, et c'est là une question de goût, badigeonner la surface  avec du jaune d'œuf.
Et, enfin, au sortir du four, on attendra le refroidissement avant de démouler.



À cette description de base, on peut ajouter mille détails importants. Car on sait bien que deux brioches ne se ressemblent pas, que les goûts diffèrent. Certains les goudrons plus foisonnées,  d'autres plus compactes. Certains voudront plus de goût de beurre, et d'autres moins ; certains voudront un goût d'oeuf plus prononcé,  certains voudront plus sucré, d'autres moins sucré, plus salés...
De toute façon, ce qui compte aussi, c'est que les convives causent, qu'ils disent à la tablées qu'ils préfèrent les brioches plutôt comme ci ou plutôt comme ça, ce qui les incitera à revenir...  venir goûter nos productions.




jeudi 27 septembre 2018

Les larmes et les jambes

Les larmes et les jambes ? Cette fois, ce n'est pas de la cuisine, mais de la sommellerie. Mais comme le gourmet (celui qui aime le vin) marche souvent main dans la main avec le gourmand (celui qui aime manger), je crois qu'il est utile de faire la différence, de sorte que, en salle, le cuisinier ne soit pas repris par plus savant que lui, plus précis que lui.
Dans les deux cas, larmes et jambes, il y a ces coulées de liquide dans le verre de vin ou d'alcool. Cela se produit quand le vin a une composition qui s'y prête, avec assez de l'alcool du vin, avec assez de glycérol, et d'autres composés. L'alcool du vin ? C'est un composé particulier qu'on nomme éthanol. Le glycérol ? C'est un composé également connu sous le nom de glycérine. Et les autres composés qui favorisent la formation des larmes et des jambes ? Tous sont importants, des sels minéraux en passant par les composés phénoliques, dont les tanins ne sont qu'une catégorie particulière, comme nous l'avons vu précédemment.
Bref, parfois, quand on laisse le vin au repos dans le verre,  le liquide monte spontanément au-dessus du niveau libre, puis redescend en colonnes qui se forment spontanément. Ce sont les larmes du vin.
A ne pas confondre avec les jambes, qui se forment quand on incline d’abord le verre, puis qu'on le redresse, et que le vin redescend en se séparant en traînées.

J'y pense : ces larmes ou ces jambes ne se forment que sur des verres qui ont des états de surface particulières, tout comme c'est le cas pour les bulles de champagne (ou mieux, de crémant) : dans un verre parfaitement propre, nettoyé en laboratoire protégé des poussières, les vins pétillants ou mousseux ne font aucune bulle, et c'est quand le verre a été essuyé avec un torchon, lequel a laissé de microscopiques fibres, que de la mousse et des bulles se forment… s'il n'y a pas d'agents « anti-moussants », tels les rouges à lèvres.

mercredi 26 septembre 2018

Gourmet et gourmand

Gourmet ? Gourmand ? Certains ne voient pas de différence. D'autres voient dans le gourmet un raffinement supplémentaire : le gourmand serait presque le goinfre, et le gourmet serait… gourmand. D'autres encore voient dans le gourmet une sorte de gourmand maniéré.
Bref, quand l'ignorance règne, la langue perd en précision… et le restaurateur s'expose à la critique de clients plus « assurés » que les maîtres d'hôtels. Récemment, j'ai été exposé à des maîtres d’hôtel qui m'annonçaient des émulsions et qui m'ont servi des mousses : il y avait là une tromperie que j'ai fait remarquer. On m'a parlé de saveur alors qu'il s'agissait de goût : j'ai conclu que mes interlocuteurs n'étaient pas de bons professionnels. On m'a même proposé une « terrine en croûte », comme si le mot « pâté » ne désignait pas exactement cela : fallait-il être ignorant ?
Mais revenons à nos gourmets et à nos gourmands : les gens du vignobles connaissent bien les gourmets, puisque ce sont eux qui étaient -et sont encore- chargés de mesurer les volumes de vin, pour les transactions. Chaque village ou ville d'Alsace avait son ou ses gourmets. Gourmand : là, il n'y a pas d'hésitation, car, depuis le quatorzième siècle, le mot désigne celui ou celle qui aime la bonne chère… ou bien qui mange avec avidité. Mais pour désigner le mangeur qui déraille, il y a goinfre depuis 1622.
Finalement, puisque la cacophonie règne, je propose que nous nous en tenions à une position historiquement juste et, surtout, modernement cohérente : le gourmet aime le vin ; le gourmand aime manger, et le goinfre mange trop, trop vite. Ce qui nous conduit à conclure avec Jean-Anthelme Brillat-Savarin : celui ou celle qui s'indigère ou qui s'enivre ne sait ni manger ni boire.


mardi 25 septembre 2018

Les bons mots font la bonne cuisine


Si l'apprenti du menuisier tend le ciseau à bois quand on lui demande le rabot, il ne fait pas avancer le travail. Si le bourrelier renforce le troussequin quand on lui a commandé d'arranger le pommeau, le client n'est pas content. Si le marin tend ce « cordage » qu'est la drisse quand on lui a demandé l'écoute, le bateau peut chavirer.
Le vocabulaire des métiers, le vocabulaire technique est presque le métier lui-même.

Cela est vrai de la cuisine, évidemment : une brunoise n'est pas une julienne, une mousseline n'est pas une  mousse, et une mousse n'est pas une émulsion. Marquer, chiqueter, ciseler, blanchir, réduire, caraméliser, brunir, sauter, poêler, casserole, sautoir, sauteuse, rondeau, russe, poêle, poêlon… Chaque terme a un sens précis et mérite donc d'être bien utilisé. Mieux encore, on peut soutenir la thèse selon laquelle la pratique du métier s'améliore avec les mots.
On se propose ici, régulièrement, de discuter les termes qui font grandir la profession, technique ou art.



lundi 24 septembre 2018

Levures et poudres levantes

La confusion est fréquente, entre levures et poudres levantes… et il faut dire que cette confusion a été produite par des fabricants, qui ont utilisé l'expression très fautive et trompeuse de « levure chimique ».
De quoi s'agit-il ?
La levure, tout d'abord, est connue depuis de nombreux siècles. Par exemple, dès 1419, on nomme leveure une « substance qui provoque la fermentation ». Jadis, on utilisait des mélanges d'herbes pour provoquer la fermentation de la bière, tout comme on utilise encore parfois aujourd'hui des mélanges de fruits secs ou des quartiers de pomme pour faire démarrer un levain.
Puis arriva Louis Pasteur, qui montra que ce ne sont ni les herbes, ni les fruits, ni l'opération du Saint Esprit qui provoquent les fermentations, mais bien plutôt des organismes vivants, présents tout autour de nous. Quand un fruit ou un légume dans un saladier se couvre de moisissures, c'est qu'un tel « micro-organisme » a été apporté par l'air. Ils sont partout, et leur nature, leurs espèces dépendent notamment de la température, de l'humidité, du soleil, du sol… D'où des vins particuliers selon les régions, d'où des fromages particuliers selon les régions, d'où des vinaigres, des salaisons particulières selon les régions… Par exemple, pour les bières lambics, qui sont ensemencées naturellement, on porte le brassain en haut des brasseries et l'on expose aux micro-organismes environnants : il a été montré que, de part et d'autre d'une colline, en Belgique, des bières différentes sont obtenues à  partir des mêmes ingrédients. C'est cela, notamment, le terroir.
Quand Pasteur découvrit ainsi les micro-organismes, il permit aussi la domestication des « levures », des espèces particulières de micro-organismes. D'où une maîtrise des fermentations… qui s'assortit d'un changement de goût : pour du pain, il y a la même différence entre un pain levuré avec un levure domestique et un pain au levain, avec des levures sauvages, qu'entre un champignon de Paris et un champignon sauvage. Mais il est bon de savoir que des sociétés vendent aujourd'hui des micro-organismes de mille types différents, pour des goûts bien difféents.
Bref, les levures sont des micro-organismes, vivants : réduits à une « cellule » (comme un petit sac fermé), qui vit, parce qu'elle contient tout ce qu'il faut pour son développement et sa reproduction. Dès que les circonstances le permettent, c'est-à-dire en présence d'eau et de nutriments, à une température douce, une cellule unique de levure en engendre deux, qui chacune se divisent, et ainsi de suite de façon explosive. Comme, en plus, les levures « respirent », elles dégagent du dioxyde de carbone, qui fait gonfler les pains et pâtisseries, dont nos merveilleux kouglofs.
Les poudres levantes ? Rien à voir ! Cette fois, c'est de la chimie toute simple, comme quand on met du vinaigre blanc sur la carapace de crevettes : on voit apparaître des bulles, parce que l'acide acétique du vinaigre réagit avec le carbonate de calcium de la carapace, ce qui engendre le même dioxyde de carbone que précédemment. En perfectionnant un peu les réactifs, des fabricants ont appris à confectionner des mélanges de poudre qui, stables à sec, se mettent à réagir dans les appareils à gâteaux que l'on cuit, quand il y a à la fois de l'eau (souvent apportée par l'oeuf) et de la chaleur (de la cuisson). Ainsi les cakes, les muffins, les gâteaux…

Pourquoi bien distinguer les deux produits ? Parce que les dégagements gazeux ne sont absolument pas les mêmes, en termes de rapidité, et n'interviennent pas au même moment des recettes, ce qui conduit à des alvéolations bien différentes. De surcroît, la fermentation par les levures ne se réduit pas à un simple gonflement de la préparation : elle engendre aussi nombre de composés odorants ou sapides, qui contribuent au goût des préparations fermentées. Et le goût, c'est essentiel, non ?
C'est donc  trompeur  de parler de « levures chimiques » : les poudres levantes ne reproduisent qu'une des fonctions des levures.


dimanche 23 septembre 2018

Rôtir

 Il y a des mots qui sont aujourd'hui acceptés dans des… acceptions qu'ils ne méritent pas. Rôtir est un tel mot.
Rôtir ? Cette fois, il n'est pas nécessaire d'aller regarder dans un livre d'étymologie pour comprendre le débat, mais dans des livres de cuisine. Rôtir, c'est faire le travail du rôtisseur, dont le juriste Jean-Anthelme Brillat-Savarin, auteur d'une « gastronomie fantasmée », disait qu'on l'était de naissance, mais qu'on ne pouvait pas le devenir par le travail. Commençons par nous débarrasser ce boulet, pour voir ensuite que, comprenant l'objectif, nous pourrons l'atteindre.
Oui, tout d'abord, Brillat-Savarin n'était pas cuisinier, ni scientifique, mais juriste… Dans son livre La physiologie du goût, il ne parle pas de science… mais raconte des anecdotes en faisant croire à ses lecteurs qu'il est « docteur ». Il est peut-être docteur en droit… mais certainement pas en médecine ni en science. Il parle de tas de notions chimiques qu'il ne connaît pas vraiment, et  il invente, il invente, il ne fait qu'inventer ! Par exemple, quand il dit que trois ordres savent manger, à savoir les chevaliers, les financiers et les abbés : je connais des abbés et des financiers qui ne savent pas manger, et je connais des gens qui ne sont ni abbé, ni financier, ni chevaliers qui savent parfaitement manger.
Il invente aussi, par exemple, quand il parle d'osmazôme, ce qui avait été découvert par le chimiste Jacques Thenard : ce dernier désignait ainsi la fraction de la viande qui se dissolvait dans l'éthanol, c'est-à-dire l'alcool des vins, liqueurs ou eaux-de-vie. Brillat-Savarin en fait la « partie sapide des viandes » : pure invention !
Bref, Brillat-Savarin inventait, et il inventait si merveilleusement que beaucoup y ont cru ! N'est-ce pas cela, le summum de la littérature ? Et mieux, la « gastronomie littéraire » ? Brillat-Savarin, d'ailleurs, n'est pas l'inventeur du mot « gastronomie », puisque c'est le poête Joseph Berchoux qui introduisit le mot, en 1801.

Reste que Brillat-Savarin a fait beaucoup de mal en écrivant « On devient cuisinier, mais on naît rôtisseur ». Il y aurait eu des gens qui auraient su rôtir de naissance, et d'autres pas. Je déteste ce genre d'idées qui refusent au travail la possibilité de réussir. Et je déteste ce genre d'idées qui laissent croire à des individus supérieurs, à des « dons du ciel ». Non, si je comprends ce qu'est que rôtir, et si j'y mets assez d'attention, de soin, d'intelligence, alors j'apprendrai à rôtir, et je rôtirai bien.
Mais arrivons à la question : qu'est-ce que rôtir ? Depuis les débuts de l'humanité, quand l'espèce humaine a appris à maîtriser le feu, on a rôtit, ce qui signifie que l'on a placé des aliments près du feu, afin de les … cuire. Mais de les cuire d'une façon particulière, qui ne soit pas le bouilli, par exemple. Quand un aliment est près du feu, il reçoit des ondes électromagnétiques particulières qui le chauffent, les rayonnements infrarouges : des cousins de la lumière, mais invisibles à l'oeil, et perceptibles seulement à leur effet chauffant. Et nous savons tous que seul le côté face au feu est chauffé, de sorte qu'il faut tourner les pièces à rôtir pour qu'elles soient cuites sous toutes les faces.
Lors de cette cuisson, les infrarouges chauffent les aliments, et évaporent l'eau de surface, en même temps que la chaleur se propage dans l'intérieur des aliments. Une croûte se forme (de la viande sans eau devient dure : c'est cela la croûte), tandis que l'intérieur coagule. Bien sûr, il y a d'autres effets : les micro-organismes pathogènes qui sont quasi nécessairement sur la surface sont tués, et des réactions chimiques ont lieu, ce qui fait brunir la viande et lui donne du goût.

Voilà pour ce rôtissage que l'on peut apprendre à faire, donc, et qui se fait depuis toujours. Là où les livres de cuisine du passé sont éclairants, c'est que l'on découvre une « guerre » qui eut lieu dans le milieu culinaire il y a environ un siècle, et qui est bien oubliée aujourd'hui. Quand le gaz s'introduisit « à tous les étages » (on trouve encore des plaques qui le signalent sur certains immeubles parisiens), on put raccorder des fourneaux, faire des fourneaux à gaz, et, l'on put cuire dans le four. Certains nommèrent cela « rôtir »… et les gens honnêtes hurlèrent au scandale : ils avaient raison, car cette opération de cuisson au four ne donne absolument pas les mêmes résultats que le rôtissage, sauf peut-être quand on ouvre les ouras, afin d'éliminer la vapeur d'eau qui se forme lors de la combustion du gaz et lors de l'évaporation de l'eau de surface des aliments que l'on cuit. Le croustillant final n'est pas le même, pas plus que le goût, d'ailleurs, car ce ne sont pas les mêmes réactions qui ont lieu en milieu sec et en milieu humide. J'en profite d'ailleurs pour dire que les réactions qui ont lieu ne se limitent pas aux réaction de Maillard ! Ces dernières ne sont que certaines des réactions qui ont lieu lors d'une cuisson, et il est donc faut de dire que les réactions de Maillard sont responsables du brunissement des viandes : elles ne sont responsables que d'une partie du brunissement.
Mais pour en revenir au rôtissage, nous sommes aujourd'hui bien gênés, parce que nous n'avons qu'un seul mot pour désigner le rôtissage, le vrai, celui qui résulte de l'exposition d'une viande à des rayonnements infrarouges, celui que font les rôtisseurs de volaille, qu'ils soient bouchers ou charcutiers, et les diverses cuissons au four, d'autant que les fours modernes ont de nombreuses possibilités : avec convection, sans convection, avec ouras ouverts, ou fermés,  avec le grill… D'ailleurs, on parle de griller, au four ou à la salamandre… mais il s'agit plutôt, en réalité, de… rôtir !

samedi 22 septembre 2018

Une émulsion, c'est de la matière grasse dispersée dans une solution aqueuse fait

Cela fait plusieurs fois de suite que, dans des restaurants, le maître d'hôtel m'annonce en dessert une émulsion. De fraise, de tomate, de mangue, de citron…
Chaque fois, je remets la personne à sa place… parce que, interrogeant mon interlocuteur, je vois qu'il veut dire « mousse ». Jusqu'à de grands chefs qui font la confusion, ce qui ne légitime pas l'acception fautive qu'ils font : même si le président de la république nommait « chat » un animal à quatre pattes qui aboie, je le reprendrais pour lui dire qu'il se trompe, et qu'il doit dire chien.
Pourtant, c'est tout simple : comme indiqué au début de cette chronique, une mousse, c'est un système liquide où sont dispersées des bulles d'air, petites ou grosses, visibles à l'oeil nu ou non ; en revanche, une émulsion, c'est un système liquide où sont dispersées des gouttelettes d'huile, petites ou grosses, visibles à l'oeil nu ou non.
Ainsi, un blanc en neige est une mousse, mais une mayonnaise est une émulsion. Un liquide que l'on éjecte d'un siphon est une mousse, mais un aïolli est une émulsion. Bien sûr, il y a des cas plus compliqués, comme la crème fouettée, mais le plus souvent, il suffit de se repérer à ce qui est dispersé : bulles de gaz ou gouttes de matière grasse ?
Pour la crème fouettée, reprenons doucement. On part du lait, qui est une émulsion, puisqu'il y a des gouttelettes de matière grasse dispersées dans l'eau du lait. Le mot « émulsion », d'ailleurs, vient du latin emulgere, qui signifie « traire ». Quand le lait repose, les gouttelettes de matière grasse monte à la surface du liquide, et l'on a la crème, encore faite de gouttes de matière grasse dans de l'eau. Puis, quand on fouette la crème, on la « foisonne », ce qui signifie qu'on la fait mousser. La crème fouettée, la crème chantilly, sont des émulsions foisonnées.
Et là, récemment, on m'a interrogé : l'appareil à génoise est-il une mousse, ou bien une émulsion ? Partons de la recette, qui se fait avec de l'oeuf (beaucoup d'eau) et du sucre, lequel se dissout dans l'eau de l'oeuf. Si l'on fouette, le mélange prend du volume et blanchit: pas de doute, c'est parce que d'innombrables bulles d'air sont dispersées dans le liquide. L'affaire est classée : l'appareil à génoise est une mousse, pas une émulsion !