lundi 7 septembre 2015

Non, le citral n'a pas une odeur d'herbe coupée !

Dans la revue Que choisir de septembre 2015, un article à charge contre les "arômes", que je propose de nommer des compositions ou extraits.
Il y est  dit que la  chimie est un "nouvel envahisseur", que les arômes sont "très rarement issus de la plante ou du fruit dont ils revendiquent la flaveur".
La flaveur ? Connais pas ! Moi, je connais le goût, comme indiqué dans plusieurs de mes textes. Et puis, l'arôme qui donnerait de la flaveur ou vice versa ? On n'y comprend plus rien.
Plus loin, on nous indique que 2800 molécules ont été isolées : je suppose, pour commencer, qu'il s'agit de composés, plutôt que de molécules, et, ensuite, je suis heureux de dire que le nombre est faux d'au moins la moitié (8000 en 2013, je tiens la référence à la disposition de qui me la demande). Evidemment, la cuisine moléculaire en prend un coup : tiens donc, tant qu'à faire dans le démagogique, pourquoi  pas ?
Inversement, nos journalistes signalent que ces produits ne présentent pas de risque : c'est honnête. Hélas, dans le paragraphe suivant, ils parlent de "falsification généralisée du goût des aliments". Tiens, une question : la cuisine, qui donne  du goût de  poulet rôti au poulet, est-elle une méthode de falsification du goût ?
Un peu plus loin : la question des "doses homéopathiques". Surtout dans un dossier de ce type, ce serait bon de ne pas confondre des doses très petites, et des doses homéopathiques, où les préparations ne contiennent aucune des molécules actives (et on se demande bien, alors, comment elles pourraient agir, mais c'est une autre affaire). 
Enfin, et c'est surtout le point qui me touche : non, il n'est pas exact que j'ai dit que du citral dans l'huile d'olive donne  un arôme d'herbe coupée. Le citral a une odeur d'agrume. En revanche, le 3-cis-hexen-1-ol est merveilleux.


PS. Pour ceux qui le souhaitent, voici ma position quant  à l'usage des termes, pour décrire le goût :
 
Goût, saveur, odeur, arôme ?
Hervé This

Le 29 avril 2009 s’est tenue à l’Académie d’agriculture de France une séance publique où les mots du goût ont été discutés. A l’origine de cette rencontre, deux observations et une idée.
La première observation : lors de journées plénières du club ECRIN « Arômes et formulation », des collègues pourtant spécialistes des « arômes » ou de l’analyse sensorielle ont désigné par le même mot « arôme » des objets différents. Pour certains, il s’agissait de l’odeur perçue par la voie rétronasale, qui relie le nez à l’arrière de la bouche ; pour d’autres, il s’agissait de la sensation donnée par les molécules odorantes ; pour d’autres encore, le terme désignait un mélange de sensations données par les récepteurs olfactifs et par les récepteurs des papilles, sur la langue et dans la bouche ; pour d’autres encore… Quelle confusion !
La seconde observation : nombre d’articles, notamment dans le Journal of Agricultural and Food Chemistry, une des revues importantes dans le champ de la « chimie des aliments et du goût », étudient les saveurs en conservant le point de vue de la théorie des quatre saveursi… alors que l’on sait cette théorie fausse depuis des décennies : l’acide glycirrhiziqueii, l’éthanol, le bicarbonate de sodium, l’acide glutamiqueiii… ne sont ni salés, ni sucrés, ni acides, ni amers ; l’aspartame n’a pas la même saveur que le saccharoseiv, et les cellules qui réagissent au benzoate de dénatorium (un composé « amer ») ne réagissent pas à d’autres composés pourtant également considérés comme amersv.
Au total, il y a donc beaucoup de confusion, notamment parce que les termes sont insuffisants. Or le père de la chimie moderne, Antoine-Laurent de Lavoisier, a bien mis en avant une idée importante dans l’introduction de son Traité élémentaire de chimievi : «L'impossibilité d'isoler la nomenclature de la science, et la science de la nomenclature, tient à ce que toute science physique est nécessairement fondée sur trois choses : la série des faits qui constituent la science, les idées qui les rappellent, les mots qui les expriment (...) Comme ce sont les mots qui conservent les idées, et qui les transmettent, il en résulte qu'on ne peut perfectionner les langues sans perfectionner la science, ni la science sans le langage. » La « chimie des aliments et du goût » doit donc assainir sa terminologie pour progresser.

Les molécules odorantes

Évidemment, en matière sensorielle, ce sont les récepteurs qui doivent imposer les motsvii, et c’est la raison pour laquelle beaucoup de science est à faire. Depuis longtemps, on sait que le nez comporte des récepteurs olfactifsviii, qui peuvent se lier, directement ou indirectement, à des molécules présentes dans l’air. Directement, par un mécanisme clé-serrure, ou indirectement, puisque l’on a découvert des olfactory binding proteins, auxquelles des molécules se lient avant de se lier aux récepteursix.
Quel que soit le détail de la stimulation des récepteurs, on perçoit une « odeur », et cela justifie que les molécules qui suscitent une odeur soient dites « odorantes ». Pas « aromatiques », toutefois, puisque l’arôme est l’odeur d’une plante aromatique, dite encore aromate ! De ce fait, il faut sans doute corriger nos pratiques… et nos législations, puisqu’elles nomment très abusivement arômes des choses qui n’en sont pas, que l’on parle des odeurs ou bien des produits obtenus soit par assemblage de composés (synthétisés ou extraits de matières végétales ou animales). Insistons, d’ailleurs, pour refuser à tous ces produits, qu’ils contiennent ou non des composés de synthèse, le qualificatif de « naturel » : n’est naturel que ce qui n’a pas fait l’objet de transformation par l’être humain. Ces « compositions odoriférantes », ou ces « extraits odoriférants » ne sont pas naturels, et c’est tromper le consommateur que de le lui laisser croire. Experts, n’oublions pas que la base d’un commerce sain, ce sont des produits « loyaux, marchands et francs » !

La saveur, les sensations trigéminales

La question de la saveur semble plus simple, à cela près que l’on vient de découvrir, en plus des récepteurs des papilles, auxquelles se lient des molécules qui peuvent se dissoudre dans la salive, des récepteurs qui captent les acides gras insaturés à longue chaînex. La découverte est tout à fait remarquable, parce qu’elle s’accompagne de la mise en évidence de toute une chaîne physiologique qui pourrait faire conclure qu’il existe une saveur particulière des acides gras insaturés à longue chaîne. Cette découverte impose-t-elle l’introduction d’un terme nouveau, sachant que, contrairement aux autres molécules sapides que nous reconnaissons plus classiquement, il n’y a pas de saveur reconnaissable comme les autres ?
D’autre part, comment nommer le sens correspondant à la perception des saveurs ? On parle encore parfois de « gustation », mais la gustation devrait être la perception du goût… or nous parlons ici de saveurs. Doit-on plutôt parler de « sapiction », par exemplexi ? Et de papilles sapictives ?
D’autres molécules ont des récepteurs qui ne sont ni olfactifs, ni sapictives, mais associés à une voie nerveuse spécifique, le nerf trijumeau. C’est ainsi que nous percevons le piquantxii, le fraisxiii… D’ailleurs, il faut indiquer que les molécules peuvent stimuler les récepteurs de plusieurs façons. Par exemple, le menthol sent la menthe, certes, mais il suscite aussi la sensation de fraîcheur. L’éthanol a une odeur, mais pas seulement, etc.
D’ailleurs, nous avons omis d’évoquer l’astringence, qui a fautivement été considérée comme une saveur, pendant longtemps, et qui correspond à une sensation d’assèchement de la bouche, notamment quand des protéines salivaires se lient à des composés phénoliques, tels ceux qui sont présents dans certains vins et qui sont souvent, abusivement, nommés taninsxiv.
Le goût, dans tout cela ? C’est un fait de langage classique de dire que, quand on mange un aliment, on sent son goût. Le goût est donc la sensation synthétique que nous avons quand nous mangonsxv, et ce goût résulte donc de la stimulation de tous les récepteurs à la fois : olfactifs, sapictifs, trigéminaux… mais aussi des récepteurs mécaniques, qui nous donnent la sensation de la consistance, des récepteurs thermiques, etc.
Perçoit-on un « goût de banane » quand on boit un vin ? Ce goût résulte à la fois des sensations olfactives, sapictives, trigéminales, etc.

A bas la flaveur

Faut-il parler de « flaveur », comme cela a été proposéxvi ? Une norme ISO la définit comme « l’ensemble complexe des sensations olfactives, gustatives et trigéminales perçues au cours de la dégustation »… mais nous devons critiquer la norme ISO. Ne définit-elle pas la couleur comme « la sensation produite par la stimulation de la rétine par des ondes lumineuses de longueur d’onde variables » ? Quoi, des longueurs d’onde variables ? Ce serait une belle découverte, si la lumière, en se propageant, pouvait changer de longueur d’onde ! D’ailleurs, les incohérences abondent, dans cette norme, puisque, par exemple, les « saveurs élémentaires » seraient des saveurs « reconnues », ou que l’on nommerait « renforçateur de flaveur (ou de goût) les substances intensifiant la flaveur de certains produits sans posséder cette flaveur ». Ici, les deux mots « flaveur » et « goût » sont confondus ! Achevons avec la définition de « transparent », qui évoque, comme il y a plusieurs siècles, des « rayons lumineux » !
Faut-il vraiment supporter ces définitions idiotes ? Et devons-nous admettre le terme de « flaveur » ? Je crois que non, et voici les raisons. D’une part, il faut savoir que le mot « flavour » existe en langue anglaise, où il désigne… la sensation synthétique… qu’est donc le goûtxvii. Pas besoin d’invoquer la flaveur, par conséquent, pour désigner ce qui a déjà un nom en langue française. Faut-il réserver le nom de « flaveur » à l’ensemble des « sensations olfactives, gustatives et trigéminales » ? Il faut savoir que cet ensemble de sensations n’est d’abord pas perceptible, puisque l’on ne saurait les séparer des sensations de consistance ou de chaleur, d’une part. D’autre part, cette « flaveur » ne serait pas mesurable, puisqu’elle serait la résultante de stimulations de récepteurs différents.
Je propose de penser que quelque chose qui n’est ni mesurable ni perceptible n’existe pas ! Il faut donc abattre le mot « flaveur », le bannir de notre vocabulaire technique ou courant.

Un débat à organiser

Au total, puisque je sais que les collègues sont des personnes intelligentes auxquelles il est tout à fait maladroit de vouloir imposer une solution, je crois qu’il n’est pas inutile de poser la question des avantages et des inconvénients, afin que nous décidions collectivement.
La position qui consiste à penser que la flaveur existe, tout d’abord, et que c’est la somme de la saveur, de l’odeur, des sensations trigéminales, conduit à admettre que le goût serait la sensation donnée par les papilles. Le mot « saveur » est alors éliminé, alors que c’est un mot de la langue française. L’avantage est que le mot « goût » est alors cohérent avec « récepteurs gustatifs », pour parler des papilles (mais ceux-ci sont encore mal connus : pensons aux acides gras insaturés à longue chaîne). En revanche, l’inconvénient de cette position, c’est que l’on élimine un mot classique, qui a sa place, pour introduire un mot inconnu, sauf de spécialistes. D’autre part, la flaveur désignerait alors quelque chose qui n’est ni mesurable, ni perceptible, dans toute sa pureté.
Évidemment, si l’on adopte maintenant la position qui stipule que le goût est la sensation synthétique, il y a l’inconvénient que les récepteurs des papilles doivent être nommés « sapictifs », ce qui est un mot nouveau, mais on retrouve alors dans « sapictif » le mot « saveur », qui est bien attesté pour désigner la sensation donnée par les papilles. De surcroît, on reste proche de la langue classique et de la langue populaire.
D’autre part, faut-il utiliser le mot « arôme » pour désigner les odeurs, et utiliser l’expression « composé d’arôme » pour désigner les molécules odorantes ? Il n’y a pas d’avantage à cette solution, mais il y a beaucoup d’inconvénient, comme on l’a vu déjà. Ajoutons seulement que, dans la discussion précédente à ce propos, d’autre part, on a omis de signaler le qualificatif « aromatique » qui serait alors donné aux molécules odorantes viendrait heurter le qualificatif « aromatique » donné par les chimistes au benzène et à ses cousins. Ajoutons aussi que l’emploi du mot « arôme » pour le vin est… faible, puisque le nom de l’odeur du vin est le « bouquet ». Et signalons enfin qu’il n’existe pas d’inconvénient à utiliser le mot « odorant », et non « aromatique », pour désigner les molécules qui stimulent les récepteurs olfactifs… avec en outre une cohérence avec le monde anglo-saxon, qui utilisent aujourd’hui, dans les publications scientifiques, le terme « odorant », parlant de  odorant molecules , ou simplement d’odorants.
Reste la question des « arômes » des sociétés qui font des extraits ou des compositions de molécules susceptibles de donner du goût aux produits alimentaires. Je ne crois pas utile de revenir sur l’emploi du terme « naturel », qui me semble tout à fait condamnable, notamment parce que l’on nomme « artificiel » (définition du dictionnaire) ce qui a fait l’objet d’une préparation par l’être humain. Or ces produits sont des préparations, et, de ce fait, ils ne sont certainement pas naturels, qu’ils contiennent exclusivement des composés extraits, ou bien qu’ils incluent des composés de synthèse.
Certes, le mot « arôme » correspond à une réglementation… mais je propose de changer les réglementations qui doivent l’être ! De surcroît, il y a la confusion de noms entre le produit, d’une part, et la sensation, d’autre part. Confusion, donc possibilité de tromperie… et le public ne s’y trompe pas, à critiquer l’emploi de ces « arômes », supportant à peine ceux qui sont dits « naturels ».
Quelle terminologie employer ? L’anglais distingue la flavour, qui est le goût, et les flavourings, qui sont ces compositions et extraits. Au fait, pourquoi ne pas faire aussi la distinction ? Introduire un nom nouveau et le proposer aux législateurs ? Ce n’est pas bien difficile, si la volonté est présente, de ne pas tromper. Je propose « compositions gustatives », et « extraits gustatifs ». Pourquoi pas « compositions odoriférantes » et « extraits odoriférants » ? Parce que, on le sait, nombre de molécules ne stimulent pas seulement les récepteurs olfactifs. Évidemment, au passage, on bannirait le mot « naturel »… et je crois que notre pays y gagnerait.

i Naissance et obscolescence du concept de quatre qualities en gestation, Annick Faurion, Journ. D’Agric. Et de Bota. Appl., vol XXXV, 1988, 1-19
ii Belitz and Grosch, Food Chemistry, Springer Verlag, Heidelberg, p. 412.
iii An amino-acid taste receptor, Greg Nelson, Jayaram Chandrashekar, Mark A. Hoon, Luxin Feng, Grace Zhao, Nicholas J. P. Ryba, Charles Zuker, Nature, vol 416, 14 mars 2002, pp 199-202.
iv Faurion A. et Mac Leod P., Sweet taste receptor mechanisms, Progress in Sensory Physiology, vol 8.
v Alejandro Caicedo and Stephen D. Roper, Taste receptor cells that discriminate between bitter stimuli, Science, vol 291, 23 february 2001, 1557-1560.
vi A. L. de Lavoisier, Traité élémentaire de chimie, Cuchet, Paris, 1793.
vii A. Uziel, J. G. Smadja, A. Faurion, Physiologie du goût, Encycl. Med. Chir. (Paris, France), Otorhino-laryngologie, 2-1987, 20490 C10.
viii K. Raming, J. Krieger, J. Strotmann, I. Boekhoff, S. Kubick, C. Baumstark, H. Breer, Cloning and expression of odorant receptors, Nature, 28 janvier 1993, 361, 353-356.
ix . Briand, Loiec; Eloit, Corinne; Nespoulous, Claude; Bezirard, Valerie; Huet, Jean-Claude; Henry, Celine; Blon, Florence; Trotier, Didier; Pernollet, Jean-Claude , Evidence of an odorant binding protein in the human olfactory mucus : location, structural characterization, and odorant-binding properties, Biochimie et Structure des Proteines Unite de Recherches INRA 477, Jouy-en-Josas, Fr. Biochemistry (2002), 41(23), 7241-7252. CODEN: BICHAW ISSN: 0006-2960. Journal written in English. CAN 137:105377 AN 2002:360381 CAPLUS
x Fabienne Laugerette, Patricia Passilly-Degrace, Bruno Patris,
Isabelle Niot, Jean-Pierre Montmayeur, Philippe Besnard, CD36, un sérieux jalon
sur la piste du goût du gras, M/S n° 4, vol. 22, avril 2006.
xi Hervé This, Casseroles et éprouvettes, Pour la Science, Paris, 2003.
xii Pourquoi le piment brûle, Bernard Calvino, Marie Conrat. Pour la Science, N0366, avril 2008, pp. 54-61
xiii Stephen Daniells Aroma, taste and texture drive refreshing perception: Study, 14-Jan-2009
xiv Binding of selected phenolic compound to proteins, Harshadari M Rawel, Karina Meidtner, Jürgen Kroll, J. Agric. Food Chem., 14 april 2005, DOI 10.1021/jf0480290 5021-8561 (04)08029-X
xv A brief history of electronic nose, Julian W. Gardner, Philip N. Bartlett, Sensors and Actuators B, 18-19 (1994, 211-20.
xvi A. Pierson and J. Le Magnen, Etude quantitative du processus de régulation des réponses alimentaires chez l'homme, Physiology & Behavior, Volume 4, Issue 1, January 1969, Pages 61-67.
xvii Julie A Mennella, Gary K Beauchamp, Early flavor experiences : when do they start ? Nutrition Today, vol 29, N°5, Sept/oct 1994, 25-31.

Non, le citral n'a pas une odeur d'herbe coupée !

Dans la revue Que choisir de septembre 2015, un article à charge contre les "arômes", que je propose de nommer des compositions ou extraits.
Il y est  dit que la  chimie est un "nouvel envahisseur", que les arômes sont "très rarement issus de la plante ou du fruit dont ils revendiquent la flaveur".
La flaveur ? Connais pas ! Moi, je connais le goût, comme indiqué dans plusieurs de mes textes. Et puis, l'arôme qui donnerait de la flaveur ou vice versa ? On n'y comprend plus rien.
Plus loin, on nous indique que 2800 molécules ont été isolées : je suppose, pour commencer, qu'il s'agit de composés, plutôt que de molécules, et, ensuite, je suis heureux de dire que le nombre est faux d'au moins la moitié (8000 en 2013, je tiens la référence à la disposition de qui me la demande). Evidemment, la cuisine moléculaire en prend un coup : tiens donc, tant qu'à faire dans le démagogique, pourquoi  pas ?
Inversement, nos journalistes signalent que ces produits ne présentent pas de risque : c'est honnête. Hélas, dans le paragraphe suivant, ils parlent de "falsification généralisée du goût des aliments". Tiens, une question : la cuisine, qui donne  du goût de  poulet rôti au poulet, est-elle une méthode de falsification du goût ?
Un peu plus loin : la question des "doses homéopathiques". Surtout dans un dossier de ce type, ce serait bon de ne pas confondre des doses très petites, et des doses homéopathiques, où les préparations ne contiennent aucune des molécules actives (et on se demande bien, alors, comment elles pourraient agir, mais c'est une autre affaire). 
Enfin, et c'est surtout le point qui me touche : non, il n'est pas exact que j'ai dit que du citral dans l'huile d'olive donne  un arôme d'herbe coupée. Le citral a une odeur d'agrume. En revanche, le 3-cis-hexen-1-ol est merveilleux.


PS. Pour ceux qui le souhaitent, voici ma position quant  à l'usage des termes, pour décrire le goût :
 
Goût, saveur, odeur, arôme ?
Hervé This

Le 29 avril 2009 s’est tenue à l’Académie d’agriculture de France une séance publique où les mots du goût ont été discutés. A l’origine de cette rencontre, deux observations et une idée.
La première observation : lors de journées plénières du club ECRIN « Arômes et formulation », des collègues pourtant spécialistes des « arômes » ou de l’analyse sensorielle ont désigné par le même mot « arôme » des objets différents. Pour certains, il s’agissait de l’odeur perçue par la voie rétronasale, qui relie le nez à l’arrière de la bouche ; pour d’autres, il s’agissait de la sensation donnée par les molécules odorantes ; pour d’autres encore, le terme désignait un mélange de sensations données par les récepteurs olfactifs et par les récepteurs des papilles, sur la langue et dans la bouche ; pour d’autres encore… Quelle confusion !
La seconde observation : nombre d’articles, notamment dans le Journal of Agricultural and Food Chemistry, une des revues importantes dans le champ de la « chimie des aliments et du goût », étudient les saveurs en conservant le point de vue de la théorie des quatre saveursi… alors que l’on sait cette théorie fausse depuis des décennies : l’acide glycirrhiziqueii, l’éthanol, le bicarbonate de sodium, l’acide glutamiqueiii… ne sont ni salés, ni sucrés, ni acides, ni amers ; l’aspartame n’a pas la même saveur que le saccharoseiv, et les cellules qui réagissent au benzoate de dénatorium (un composé « amer ») ne réagissent pas à d’autres composés pourtant également considérés comme amersv.
Au total, il y a donc beaucoup de confusion, notamment parce que les termes sont insuffisants. Or le père de la chimie moderne, Antoine-Laurent de Lavoisier, a bien mis en avant une idée importante dans l’introduction de son Traité élémentaire de chimievi : «L'impossibilité d'isoler la nomenclature de la science, et la science de la nomenclature, tient à ce que toute science physique est nécessairement fondée sur trois choses : la série des faits qui constituent la science, les idées qui les rappellent, les mots qui les expriment (...) Comme ce sont les mots qui conservent les idées, et qui les transmettent, il en résulte qu'on ne peut perfectionner les langues sans perfectionner la science, ni la science sans le langage. » La « chimie des aliments et du goût » doit donc assainir sa terminologie pour progresser.

Les molécules odorantes

Évidemment, en matière sensorielle, ce sont les récepteurs qui doivent imposer les motsvii, et c’est la raison pour laquelle beaucoup de science est à faire. Depuis longtemps, on sait que le nez comporte des récepteurs olfactifsviii, qui peuvent se lier, directement ou indirectement, à des molécules présentes dans l’air. Directement, par un mécanisme clé-serrure, ou indirectement, puisque l’on a découvert des olfactory binding proteins, auxquelles des molécules se lient avant de se lier aux récepteursix.
Quel que soit le détail de la stimulation des récepteurs, on perçoit une « odeur », et cela justifie que les molécules qui suscitent une odeur soient dites « odorantes ». Pas « aromatiques », toutefois, puisque l’arôme est l’odeur d’une plante aromatique, dite encore aromate ! De ce fait, il faut sans doute corriger nos pratiques… et nos législations, puisqu’elles nomment très abusivement arômes des choses qui n’en sont pas, que l’on parle des odeurs ou bien des produits obtenus soit par assemblage de composés (synthétisés ou extraits de matières végétales ou animales). Insistons, d’ailleurs, pour refuser à tous ces produits, qu’ils contiennent ou non des composés de synthèse, le qualificatif de « naturel » : n’est naturel que ce qui n’a pas fait l’objet de transformation par l’être humain. Ces « compositions odoriférantes », ou ces « extraits odoriférants » ne sont pas naturels, et c’est tromper le consommateur que de le lui laisser croire. Experts, n’oublions pas que la base d’un commerce sain, ce sont des produits « loyaux, marchands et francs » !

La saveur, les sensations trigéminales

La question de la saveur semble plus simple, à cela près que l’on vient de découvrir, en plus des récepteurs des papilles, auxquelles se lient des molécules qui peuvent se dissoudre dans la salive, des récepteurs qui captent les acides gras insaturés à longue chaînex. La découverte est tout à fait remarquable, parce qu’elle s’accompagne de la mise en évidence de toute une chaîne physiologique qui pourrait faire conclure qu’il existe une saveur particulière des acides gras insaturés à longue chaîne. Cette découverte impose-t-elle l’introduction d’un terme nouveau, sachant que, contrairement aux autres molécules sapides que nous reconnaissons plus classiquement, il n’y a pas de saveur reconnaissable comme les autres ?
D’autre part, comment nommer le sens correspondant à la perception des saveurs ? On parle encore parfois de « gustation », mais la gustation devrait être la perception du goût… or nous parlons ici de saveurs. Doit-on plutôt parler de « sapiction », par exemplexi ? Et de papilles sapictives ?
D’autres molécules ont des récepteurs qui ne sont ni olfactifs, ni sapictives, mais associés à une voie nerveuse spécifique, le nerf trijumeau. C’est ainsi que nous percevons le piquantxii, le fraisxiii… D’ailleurs, il faut indiquer que les molécules peuvent stimuler les récepteurs de plusieurs façons. Par exemple, le menthol sent la menthe, certes, mais il suscite aussi la sensation de fraîcheur. L’éthanol a une odeur, mais pas seulement, etc.
D’ailleurs, nous avons omis d’évoquer l’astringence, qui a fautivement été considérée comme une saveur, pendant longtemps, et qui correspond à une sensation d’assèchement de la bouche, notamment quand des protéines salivaires se lient à des composés phénoliques, tels ceux qui sont présents dans certains vins et qui sont souvent, abusivement, nommés taninsxiv.
Le goût, dans tout cela ? C’est un fait de langage classique de dire que, quand on mange un aliment, on sent son goût. Le goût est donc la sensation synthétique que nous avons quand nous mangonsxv, et ce goût résulte donc de la stimulation de tous les récepteurs à la fois : olfactifs, sapictifs, trigéminaux… mais aussi des récepteurs mécaniques, qui nous donnent la sensation de la consistance, des récepteurs thermiques, etc.
Perçoit-on un « goût de banane » quand on boit un vin ? Ce goût résulte à la fois des sensations olfactives, sapictives, trigéminales, etc.

A bas la flaveur

Faut-il parler de « flaveur », comme cela a été proposéxvi ? Une norme ISO la définit comme « l’ensemble complexe des sensations olfactives, gustatives et trigéminales perçues au cours de la dégustation »… mais nous devons critiquer la norme ISO. Ne définit-elle pas la couleur comme « la sensation produite par la stimulation de la rétine par des ondes lumineuses de longueur d’onde variables » ? Quoi, des longueurs d’onde variables ? Ce serait une belle découverte, si la lumière, en se propageant, pouvait changer de longueur d’onde ! D’ailleurs, les incohérences abondent, dans cette norme, puisque, par exemple, les « saveurs élémentaires » seraient des saveurs « reconnues », ou que l’on nommerait « renforçateur de flaveur (ou de goût) les substances intensifiant la flaveur de certains produits sans posséder cette flaveur ». Ici, les deux mots « flaveur » et « goût » sont confondus ! Achevons avec la définition de « transparent », qui évoque, comme il y a plusieurs siècles, des « rayons lumineux » !
Faut-il vraiment supporter ces définitions idiotes ? Et devons-nous admettre le terme de « flaveur » ? Je crois que non, et voici les raisons. D’une part, il faut savoir que le mot « flavour » existe en langue anglaise, où il désigne… la sensation synthétique… qu’est donc le goûtxvii. Pas besoin d’invoquer la flaveur, par conséquent, pour désigner ce qui a déjà un nom en langue française. Faut-il réserver le nom de « flaveur » à l’ensemble des « sensations olfactives, gustatives et trigéminales » ? Il faut savoir que cet ensemble de sensations n’est d’abord pas perceptible, puisque l’on ne saurait les séparer des sensations de consistance ou de chaleur, d’une part. D’autre part, cette « flaveur » ne serait pas mesurable, puisqu’elle serait la résultante de stimulations de récepteurs différents.
Je propose de penser que quelque chose qui n’est ni mesurable ni perceptible n’existe pas ! Il faut donc abattre le mot « flaveur », le bannir de notre vocabulaire technique ou courant.

Un débat à organiser

Au total, puisque je sais que les collègues sont des personnes intelligentes auxquelles il est tout à fait maladroit de vouloir imposer une solution, je crois qu’il n’est pas inutile de poser la question des avantages et des inconvénients, afin que nous décidions collectivement.
La position qui consiste à penser que la flaveur existe, tout d’abord, et que c’est la somme de la saveur, de l’odeur, des sensations trigéminales, conduit à admettre que le goût serait la sensation donnée par les papilles. Le mot « saveur » est alors éliminé, alors que c’est un mot de la langue française. L’avantage est que le mot « goût » est alors cohérent avec « récepteurs gustatifs », pour parler des papilles (mais ceux-ci sont encore mal connus : pensons aux acides gras insaturés à longue chaîne). En revanche, l’inconvénient de cette position, c’est que l’on élimine un mot classique, qui a sa place, pour introduire un mot inconnu, sauf de spécialistes. D’autre part, la flaveur désignerait alors quelque chose qui n’est ni mesurable, ni perceptible, dans toute sa pureté.
Évidemment, si l’on adopte maintenant la position qui stipule que le goût est la sensation synthétique, il y a l’inconvénient que les récepteurs des papilles doivent être nommés « sapictifs », ce qui est un mot nouveau, mais on retrouve alors dans « sapictif » le mot « saveur », qui est bien attesté pour désigner la sensation donnée par les papilles. De surcroît, on reste proche de la langue classique et de la langue populaire.
D’autre part, faut-il utiliser le mot « arôme » pour désigner les odeurs, et utiliser l’expression « composé d’arôme » pour désigner les molécules odorantes ? Il n’y a pas d’avantage à cette solution, mais il y a beaucoup d’inconvénient, comme on l’a vu déjà. Ajoutons seulement que, dans la discussion précédente à ce propos, d’autre part, on a omis de signaler le qualificatif « aromatique » qui serait alors donné aux molécules odorantes viendrait heurter le qualificatif « aromatique » donné par les chimistes au benzène et à ses cousins. Ajoutons aussi que l’emploi du mot « arôme » pour le vin est… faible, puisque le nom de l’odeur du vin est le « bouquet ». Et signalons enfin qu’il n’existe pas d’inconvénient à utiliser le mot « odorant », et non « aromatique », pour désigner les molécules qui stimulent les récepteurs olfactifs… avec en outre une cohérence avec le monde anglo-saxon, qui utilisent aujourd’hui, dans les publications scientifiques, le terme « odorant », parlant de  odorant molecules , ou simplement d’odorants.
Reste la question des « arômes » des sociétés qui font des extraits ou des compositions de molécules susceptibles de donner du goût aux produits alimentaires. Je ne crois pas utile de revenir sur l’emploi du terme « naturel », qui me semble tout à fait condamnable, notamment parce que l’on nomme « artificiel » (définition du dictionnaire) ce qui a fait l’objet d’une préparation par l’être humain. Or ces produits sont des préparations, et, de ce fait, ils ne sont certainement pas naturels, qu’ils contiennent exclusivement des composés extraits, ou bien qu’ils incluent des composés de synthèse.
Certes, le mot « arôme » correspond à une réglementation… mais je propose de changer les réglementations qui doivent l’être ! De surcroît, il y a la confusion de noms entre le produit, d’une part, et la sensation, d’autre part. Confusion, donc possibilité de tromperie… et le public ne s’y trompe pas, à critiquer l’emploi de ces « arômes », supportant à peine ceux qui sont dits « naturels ».
Quelle terminologie employer ? L’anglais distingue la flavour, qui est le goût, et les flavourings, qui sont ces compositions et extraits. Au fait, pourquoi ne pas faire aussi la distinction ? Introduire un nom nouveau et le proposer aux législateurs ? Ce n’est pas bien difficile, si la volonté est présente, de ne pas tromper. Je propose « compositions gustatives », et « extraits gustatifs ». Pourquoi pas « compositions odoriférantes » et « extraits odoriférants » ? Parce que, on le sait, nombre de molécules ne stimulent pas seulement les récepteurs olfactifs. Évidemment, au passage, on bannirait le mot « naturel »… et je crois que notre pays y gagnerait.

i Naissance et obscolescence du concept de quatre qualities en gestation, Annick Faurion, Journ. D’Agric. Et de Bota. Appl., vol XXXV, 1988, 1-19
ii Belitz and Grosch, Food Chemistry, Springer Verlag, Heidelberg, p. 412.
iii An amino-acid taste receptor, Greg Nelson, Jayaram Chandrashekar, Mark A. Hoon, Luxin Feng, Grace Zhao, Nicholas J. P. Ryba, Charles Zuker, Nature, vol 416, 14 mars 2002, pp 199-202.
iv Faurion A. et Mac Leod P., Sweet taste receptor mechanisms, Progress in Sensory Physiology, vol 8.
v Alejandro Caicedo and Stephen D. Roper, Taste receptor cells that discriminate between bitter stimuli, Science, vol 291, 23 february 2001, 1557-1560.
vi A. L. de Lavoisier, Traité élémentaire de chimie, Cuchet, Paris, 1793.
vii A. Uziel, J. G. Smadja, A. Faurion, Physiologie du goût, Encycl. Med. Chir. (Paris, France), Otorhino-laryngologie, 2-1987, 20490 C10.
viii K. Raming, J. Krieger, J. Strotmann, I. Boekhoff, S. Kubick, C. Baumstark, H. Breer, Cloning and expression of odorant receptors, Nature, 28 janvier 1993, 361, 353-356.
ix . Briand, Loiec; Eloit, Corinne; Nespoulous, Claude; Bezirard, Valerie; Huet, Jean-Claude; Henry, Celine; Blon, Florence; Trotier, Didier; Pernollet, Jean-Claude , Evidence of an odorant binding protein in the human olfactory mucus : location, structural characterization, and odorant-binding properties, Biochimie et Structure des Proteines Unite de Recherches INRA 477, Jouy-en-Josas, Fr. Biochemistry (2002), 41(23), 7241-7252. CODEN: BICHAW ISSN: 0006-2960. Journal written in English. CAN 137:105377 AN 2002:360381 CAPLUS
x Fabienne Laugerette, Patricia Passilly-Degrace, Bruno Patris,
Isabelle Niot, Jean-Pierre Montmayeur, Philippe Besnard, CD36, un sérieux jalon
sur la piste du goût du gras, M/S n° 4, vol. 22, avril 2006.
xi Hervé This, Casseroles et éprouvettes, Pour la Science, Paris, 2003.
xii Pourquoi le piment brûle, Bernard Calvino, Marie Conrat. Pour la Science, N0366, avril 2008, pp. 54-61
xiii Stephen Daniells Aroma, taste and texture drive refreshing perception: Study, 14-Jan-2009
xiv Binding of selected phenolic compound to proteins, Harshadari M Rawel, Karina Meidtner, Jürgen Kroll, J. Agric. Food Chem., 14 april 2005, DOI 10.1021/jf0480290 5021-8561 (04)08029-X
xv A brief history of electronic nose, Julian W. Gardner, Philip N. Bartlett, Sensors and Actuators B, 18-19 (1994, 211-20.
xvi A. Pierson and J. Le Magnen, Etude quantitative du processus de régulation des réponses alimentaires chez l'homme, Physiology & Behavior, Volume 4, Issue 1, January 1969, Pages 61-67.
xvii Julie A Mennella, Gary K Beauchamp, Early flavor experiences : when do they start ? Nutrition Today, vol 29, N°5, Sept/oct 1994, 25-31.

dimanche 6 septembre 2015

Les « fous scientiques », les imposteurs, les erreurs

Il y a parfois des prétentions pseudo scientifiques vraiment ahurissantes. Par exemple, un ami vient de m'interroger à propos d'un site internet où est exposée une méthode prétendue miraculeuse pour améliorer la croissance et l'état de bon développement des plantes. Evidemment cette méthode est vendue très cher : son auteur, parfaitement inconnu des milieux agronomiques, propose des formations, des diagnostics, des remèdes... Qu'en penser ? Et que penser, plus généralement, des propositions qui heurtent le bon sens rationnel ?

Le remède miracle doit toujours nous rendre soupçonneux, car la panacée n’existe pas (sans quoi les individus qui la possèdent seraient immortels). De surcroît,  l'histoire de humanité a largement montré que des individus malhonnêtes ont toujours profité du désarroi des autres pour gagner de l'argent, malhonnêtement donc : cela allait du sorcier, auquel on confiait le soin de faire tomber la pluie, aux rebouteux variés et autres diseurs de bonne aventure.
Or un agriculteur, un vigneron, est quelqu'un d'exposé aux  intempéries, aux vicissitudes du climat, aux attaques des micro-organismes, champignons ou moisissures, et, quand il voit le fruit de son travail menacé ou ruiné, il s'interroge, évidemment, sur des moyens d'éviter la catastrophe. Des malhonnêtes cherchent à profiter de ce désarroi.
Le cas qui m'était soumis récemment est intéressant, puisque le site en question évoquait  des concepts scientifiques modernes inconnus (sauf le nom) de la majorité des agriculteurs. Or quand un  concept très spécialisé est évoqué, nous sommes démunis pour juger du discours qui nous est proposé, de sorte que nous sommes exposés à la fraude éventuelle.
Ici, les concepts étaient (en apparence seulement, comme on va le voir) ceux  de la mécanique quantique, ce qui n'est pas enseigné couramment dans les écoles d'agronomie : à beau mentir qui vient de loin). Et c'est pourquoi  j'ai pris un long moment pour aller  examiner les prétentions qui  m'étaient soumises.
Le site évoquait donc la mécanique quantique, que je connais puisque je l'enseigne en master de physico-chimie, et il commençait par indiquer que la physique moderne avait découvert la « dualité onde-corpuscule ». Jusque  là, je n'ai pas trop à redire, bien qu'une telle phrase soit « datée »  d'au moins d'un demi siècle et qu'elle traîne un peu partout, de sorte qu'il n'a pas dû  être difficile de faire un copier-coller. Ajoutons qu'un professeur de mécanique quantique, dans une université, pourrait prononcer une telle expression, mais il serait sans doute plus précis, puisque l'on comprend bien, aujourd'hui, que l'aspect sous lequel nous apparaissent les objets matériels (moléculaires, atomiques, sub-atomiques) sont déterminées par l'expérience que l'on fait sur lesdits objets : l'expression est datée d'au  moins un siècle. Observons aussi que si « dualité onde-corpuscule » impressionne quelques clients potentiels crédule, l'expression me rend méfiant : je propose depuis longtemps, à mon entourage et à moi-même, d'être circonspect quand on prononce devant nous des mots de plus de trois syllabes.
Puis le site nous explique que, puisque les molécules sont des ondes selon la mécanique quantique (je répète que la phrase, dite ainsi, est fautive), il y a une fréquence de ces ondes : tel l'espacement entre les rides à la surface de l'eau. Je choisis volontairement cet exemple des rides (il n'est pas dans le site, lequel ne donne aucune explication ; ben tiens !), car il y a une différence entre la longueur d'onde, qui est un espacement spatial, et la fréquence, qui correspond à un espacement temporel. Entre les deux, il y a la vitesse de propagation, et ce n'est  pas rien, mais il y a bien plus, comme on va le voir maintenant.
Bref, notre site nous dit que puisqu'il y a une possibilité d'associer une fréquence à  un objet matériel, on peut agir sur l'objet avec des fréquences. Jusque-là, pas de problème, sauf que  les phénomènes ondulatoires sont de nature très diverses, entre  la propagation du son dans l'air, qui correspond à une onde de pression, qui nécessite donc de l'air pour se propager (et il y a au  Palais de la découverte une expérience amusante où le son s'éteint quand fait le vide dans une cloche) et une onde électromagnétique, qui se propage même dans le vide. Ou encore, imaginons un groupe de personnes qui se donnent la main, et qui s'inclinent l'une après l'autre : une onde d'inclinaison se propagerait... mais émettre une lumière de longueur d'onde proportionnelle à la longueur d'onde de l'onde d'inclinaison permettrait-il d'agir sru  l'inclinaison ? Non, bien sûr... d'autant que pour une proportion, il faut une constante de proportionnalité : ici, laquelle ?
Tout cela est donc parfaitement arbitraire, et comme le site en question fait de même, on doit penser que c'est du grand n'importe quoi... ce dont on se doutait.  Pour en terminer sur ce point, selon les ondes, il y a une différence considérable, et la ressemblance entre les diverses ondes n'est qu' élémentaire, concernant l'ondularité du phénomène.
Le site, lui franchit allègrement le pas,  et prétend que faire entendre des sons de fréquence appropriée aux plantes permet d'activer des molécules particulières, de les faire synthétiser (je passe sur les détails qui sont donnés) et donc de stimuler leurs défenses, de stimuler leur croissance, etc.
Je vous épargne une série d'autres observations qui montrent à l'évidence que le sujet de la mécanique quantique n'est pas maitrisé par  les auteurs du site en question, pas plus  que la biologie moléculaire, qui constitue le second gros morceau de l'affaire. N'empêche que ce site prétend avoir des clients,  pour lesquels il prétend évidemment avoir obtenu des résultats spectaculaires. Tout cela doit nous faire immédiatement penser à Cyrano de Bergerac, le vrai, qui vécut au  17e siècle, qui disait que chaque fois qu'on lui avait parlé de sorciers qui avaient de bons résultats,  c'était à plus de 400 lieues de là ! Les prétentions de panacées sont de ce type, jamais vérifiables ou jamais vérifiées, et l'histoire des sciences montre que chaque fois que l'Académie des sciences pris la peine de tester les prétentions des charlatans, on a vérifié que l'or n'était que de la pacotille. C'était donc du temps perdu !
Se pose finalement la question essentielle, pour toutes les affaires de ce type : quand une prétention ahurissante est-elle du charlatanisme ?  quand une découverte  scientifique extraordinaire est-elle vraiment une découverte scientifique extraordinaire ?
La question est difficile et, dans le temps,  je proposais de "tenir le probable pour faux jusqu'à preuve du contraire",  que ce soit en science, ou en médecine ou en agronomie, etc. Si j'ai changé pour une formulation plus positive, l'idée me semble conserver son intérêt, notamment ici. Ajoutons que ce n'est pas à nous qui recevons l'information d'une action prétendument merveilleuse d'aller prouver qu'elle est justifiée ou non, mais c'est plutôt à ceux qui évoquent la chose d'établir la véracité de leurs dires.
En sciences, il a le mot essentiel de « validation », insuffisamment enseigné, et qui fonde la bonne science. Les validations sont bien difficiles,  au point que, ces dernières années, plusieurs découvertes faites par des scientifiques  raisonnables ont été finalement  réfutées, alors que la communauté se penchait avec bienveillance sur les possibilités de leurs découvertes. Au CERN, à Genève, on a cru voir une propagation plus rapide que la vitesse de la lumière, et la communauté s'est émue jusqu'à ce que, finalement, on s'aperçoive que les calculs étaient erronés, et que la vitesse de la lumière restait la vitesse limite ; de même, il y a plusieurs années, la fusion froide (pourtant décrite complaisamment par des journalistes médiocres d'un grand quotidien national) en est restée aux annonces (on me signale en commentaire que la chose aurait été confirmée, de sorte qu'il faut  voir très prudemment) ; la prétendue  mémoire de l'eau, aussi, a fait perdre beaucoup de temps (là, aucun doute), et ainsi de suite. Pour autant, il y a devant nous des découvertes extraordinaires qui nous attendent, et il nous faut donc bien séparer le bon grain de l'ivraie.
Je ne règle donc pas la question posée, mais je propose de ne  jamais accepter d'idées qui n'aient pas été testée, non pas par ceux qui  soutiennent des choses ahurissantes et qui nous disent ce qu'ils veulent bien nous dire, mais par des instances indépendantes, qui n'ont pas d'intérêt financier dans la mise en œuvre de ces propositions. En médecine,  la question se pose souvent, car les rapports entre le corps et l'esprit sont compliqués, et  l'effet placebo existe, sans que son mécanisme soit encore connu (il y a donc lieu d'explorer ce mécanisme, mais cela est difficile, car l'être humain n'est pas un  cobaye ; il faudra également apprendre à connaître les limites de cet effet, car il semble n'être que probabiliste contrairement à l'action d'un antibiotique sur des micro-organismes).
Je termine en signalant que j'ai encore, sous mon bureau, une caisse pleine de propositions délirantes qui m'ont été envoyées au fil des décennies : des théories du tout, de prétendues démonstrations du théorème de Fermat, de prétendues explications de l'attraction des corps célestes à l'aide de particules qui n'ont jamais été détectées, par des individus isolés, qui n'ont aucun moyen de le faire, des  théories entièrement imaginées, et qui s'apparentent à du délire…
Bref on cause beaucoup au café du commerce, mais ce ce n'est pas là que se construit le savoir,  et nous perdons notre temps à  considérer les élucubrations des désoeuvrés avec plus qu'un oeil désolé... ou furieux, quand des prétentions  malhonnêtes veulent gruger nos amis. 

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Cuisine et dérégulation

En ces temps de dérégulations, où n'importe qui prétend exercer le métier de taxi ou d'hôtelier sans passer par  la réglementation en place, cela vaut la peine de se poser la question de l'exercice du métier de restaurateur.
Cela fait longtemps que, personnellement, je me demande pourquoi n'importe qui peut tenir un restaurant,  alors qu'un certificat d'aptitude professionnelles (CAP)  est imposé pour tenir un salon de coiffure. Il y a évidemment le fait que nous cuisinons tous quotidiennement et que, si nous cuisinons pour notre famille, nous ne comprenons que difficilement pourquoi nous ne pourrions pas cuisinier pour autrui.
Toutefois ce raisonnement  ne m'a jamais convaincu, car je ne suis pas sûr que tous les cuisiniers familiaux cuisinent  correctement pour leur famille (on a compris que je manie l'euphémisme : je suis en réalité sûr que la majorité des cuisiniers familiaux ne cuisinent pas correctement).  Lesquels savent les dangers du cuivre, eux qui utilisent des bassine en cuivre pour faire des confitures, et cela de façon traditionnelle ... mais dangereuse ?  Lesquel ont une idée des micro-organismes et du développement de ces derniers lorsque les met sont chauds ?  Lesques savent que leur réfrigérateur devrait être à 4 degrés ? Lesquels savent les toxicités des ingrédients ou des parties de ces derniers ? On me répondra peut-être que  la tradition a sélectionné des recettes, des pratiques,  qui évitent les accidents, mais est-ce vrai ? Même perfectible, l'enseignement de la cuisine n'a de cesse de vouloir éviter protéger le mangeur. En outre, je réfute la « bonne tradition » : l'examen des pratiques culinaires du passé, notamment lors de nos séminaires de gastronomie moléculaire, montre combien les pratiques anciennes sont souvent mauvaises.
Lors des enseignements professionnels,  il y a des informations que les cuisiniers familiaux n'ont pas et n'auront sans doute jamais :  la marche en avant, la méthode HACCP, l'examen des points critiques pour la mise en œuvre des pratiques culinaires (si vous ignorez ces notions, c'est une démonstration supplémentaire de ce que j'avance). Il y a aussi des enseignement utiles, comme la gestion du restaurant, la gestion du personnel, etc. On peut bien sûr imaginer que des individus se renseignent sur tous ces points, mais je maintiens qu'il est bien difficile  de  savoir reconnaître le degré de cuisson particulier auquel on doit arriver, simplement avec une photo ou un film,  et un professeur qui vous  observe et qui vous  signale des fautes de procédure met une évaluation qui, si nous la faisions nous-même, serait très certainement trop complaisante. Et puis, un enseignement bien fait apporte une foule de compétences complémentaires qui, mieux que permettre une cuisine seulement saine,  permettent une cuisine qui soit bonne, ce qui n'est pas rien.
Il est amusant de voir qu'en science, cette question de la déréglementation ne se pose pas,  parce que la maîtrise du calcul -ce que le public nomme les mathématiques- fait une sélection immédiate. On objectera peut-être qu'il ne suffit pas de savoir calculer pour faire de la bonne science, mais je répondrai très volontiers que, a contrario, il n'y a pas de science du tout s'il n'y a pas de calcul. Certes la connaissance des objets spécifiques d'un champ est importante, mais c'est une base tellement faible qu'on ne peut imaginer exercer la recherche scientifique si on se limite à elle.
Finalement, ici comme dans d'autre billets, j'en arrive à une conclusion très optimiste, à savoir qu'une compétence s'obtient par une longue pratique doublée d'une réflexion appuyée, qui permet de dépasser la simple répétition des gestes ou des pensées, pour  mettre les objets d'étude dans un cadre plus vaste et plus cohérent, ce qui permet la floraison d'une véritable compétence, qui n'a donc pas de raison de ne pas être testée, si elle est vraiment acquise. Je propose de penser que des diplômes d'état bien attribués sont une garantie pour les citoyens, une protection, une nécessité, enfin. Au fond, c'est cela l'information essentielle que nous devons transmettre  aux étudiants  qui nous font confiance au point de penser que nous  pouvons les aider à marcher dans la voie professionnelle qu'ils ont choisie.

Cuisine et dérégulation

En ces temps de dérégulations, où n'importe qui prétend exercer le métier de taxi ou d'hôtelier sans passer par  la réglementation en place, cela vaut la peine de se poser la question de l'exercice du métier de restaurateur.
Cela fait longtemps que, personnellement, je me demande pourquoi n'importe qui peut tenir un restaurant,  alors qu'un certificat d'aptitude professionnelles (CAP)  est imposé pour tenir un salon de coiffure. Il y a évidemment le fait que nous cuisinons tous quotidiennement et que, si nous cuisinons pour notre famille, nous ne comprenons que difficilement pourquoi nous ne pourrions pas cuisinier pour autrui.
Toutefois ce raisonnement  ne m'a jamais convaincu, car je ne suis pas sûr que tous les cuisiniers familiaux cuisinent  correctement pour leur famille (on a compris que je manie l'euphémisme : je suis en réalité sûr que la majorité des cuisiniers familiaux ne cuisinent pas correctement).  Lesquels savent les dangers du cuivre, eux qui utilisent des bassine en cuivre pour faire des confitures, et cela de façon traditionnelle ... mais dangereuse ?  Lesquel ont une idée des micro-organismes et du développement de ces derniers lorsque les met sont chauds ?  Lesques savent que leur réfrigérateur devrait être à 4 degrés ? Lesquels savent les toxicités des ingrédients ou des parties de ces derniers ? On me répondra peut-être que  la tradition a sélectionné des recettes, des pratiques,  qui évitent les accidents, mais est-ce vrai ? Même perfectible, l'enseignement de la cuisine n'a de cesse de vouloir éviter protéger le mangeur. En outre, je réfute la « bonne tradition » : l'examen des pratiques culinaires du passé, notamment lors de nos séminaires de gastronomie moléculaire, montre combien les pratiques anciennes sont souvent mauvaises.
Lors des enseignements professionnels,  il y a des informations que les cuisiniers familiaux n'ont pas et n'auront sans doute jamais :  la marche en avant, la méthode HACCP, l'examen des points critiques pour la mise en œuvre des pratiques culinaires (si vous ignorez ces notions, c'est une démonstration supplémentaire de ce que j'avance). Il y a aussi des enseignement utiles, comme la gestion du restaurant, la gestion du personnel, etc. On peut bien sûr imaginer que des individus se renseignent sur tous ces points, mais je maintiens qu'il est bien difficile  de  savoir reconnaître le degré de cuisson particulier auquel on doit arriver, simplement avec une photo ou un film,  et un professeur qui vous  observe et qui vous  signale des fautes de procédure met une évaluation qui, si nous la faisions nous-même, serait très certainement trop complaisante. Et puis, un enseignement bien fait apporte une foule de compétences complémentaires qui, mieux que permettre une cuisine seulement saine,  permettent une cuisine qui soit bonne, ce qui n'est pas rien.
Il est amusant de voir qu'en science, cette question de la déréglementation ne se pose pas,  parce que la maîtrise du calcul -ce que le public nomme les mathématiques- fait une sélection immédiate. On objectera peut-être qu'il ne suffit pas de savoir calculer pour faire de la bonne science, mais je répondrai très volontiers que, a contrario, il n'y a pas de science du tout s'il n'y a pas de calcul. Certes la connaissance des objets spécifiques d'un champ est importante, mais c'est une base tellement faible qu'on ne peut imaginer exercer la recherche scientifique si on se limite à elle.
Finalement, ici comme dans d'autre billets, j'en arrive à une conclusion très optimiste, à savoir qu'une compétence s'obtient par une longue pratique doublée d'une réflexion appuyée, qui permet de dépasser la simple répétition des gestes ou des pensées, pour  mettre les objets d'étude dans un cadre plus vaste et plus cohérent, ce qui permet la floraison d'une véritable compétence, qui n'a donc pas de raison de ne pas être testée, si elle est vraiment acquise. Je propose de penser que des diplômes d'état bien attribués sont une garantie pour les citoyens, une protection, une nécessité, enfin. Au fond, c'est cela l'information essentielle que nous devons transmettre  aux étudiants  qui nous font confiance au point de penser que nous  pouvons les aider à marcher dans la voie professionnelle qu'ils ont choisie.

samedi 5 septembre 2015

On me signale un nouveau blog

Voir http://munsterregledevie.blogspot.fr/2015/09/le-munster-est-une-regle-de-vie.html

L'idée essentielle

On a interrogé des scientifiques pour savoir quelle serait l'idée scientifique qu'ils proposent de transmettre. Richard Feynman aurait répondu que, pour lui, l'hypothèse atomique était la clé de voûte des sciences. Puis d'autres scientifiques ont été questionnés, et c'est mon tour.

Ce qui est amusant, dans la question, c'est moins la question que la forme du questionnement : mes enfants jeunes se mettaient en colère quand ils me demandaient si je préférais les fraises ou les mûres que  je répondais  "le cassis". Pourquoi répondais-je ainsi ? Pas parce que je refusais de jouer avec eux, mais, surtout, parce que crois que la question est mal posée,  comme pour ce vote du "meilleur cuisinier du monde" dont on parle tous les ans, à l'occasion de la publication des résultats (par une firme industrielle, qui fait en réalité de la publicité).
Le meilleur ? Quels critères, d'abord ? Ensuite, le meilleur en termes de moyenne de préférences n'a aucun intérêt pour ce  qui me concerne, car mes choix ne sont pas déterminés par les choix des autres. Et, surtout, les choix peuvent varier avec le jour, le temps qu'il fait... et ils ne sont pas possibles, dans bien des cas. Par exemple, si un objet est caractérisé par plusieurs  propriétés, on peut le représenter dans un espace à  plusieurs dimensions. Si ce nombre de dimensions est supérieur à 1, on peut évidemment ranger les objets par ordre de distance par rapport à un point origine, mais pourquoi ferait-on ainsi ?
Pour les idées scientifiques, il en va de même, et il faut donc interpréter la question avant d'essayer d'y répondre, autrement qu'en donnant un choix. En réalité, je crois comprendre que, ce qui est en  jeu, c'est la volonté de discuter de ces  choix, de nos critères.
Jouons donc : naïvement, j'aurais tendance à penser que la constitution de la matière est essentielle, car si l'humanité a mis si longtemps à se débarrasser de la théorie des quatre éléments d'Aristote, c'est que  ce dépassement était difficile. Toutefois, vaut-il mieux donner des clés méthodologiques, ou le résultat de la mise en oeuvre de ces clés ? Il me semble que la méthodologie est préférable, et, en l'occurrence, la méthodologie est la méthode scientifique... car la méthode scientifique a mis longtemps à apparaître sous la forme que nous  connaissons. Cette méthode a des racines au nombre de trois, principalement : (1) il faut préférer l'expérience ; (2) les phénomènes doivent être quantifiés ; (3) le  monde est écrit en langage mathématique. Le  point 2 semble pouvoir découler du  troisième, et le premier peut-être aussi. Amusant, d'ailleurs, que telle était l'idée de ces Grecs où la science est née, dans un état très embryonnaire qui fut d'abord étouffé par la religion, avant de prendre son essor quand des idées telles que celles des lumières (sapere aude, aies l'audace de penser par toi-même) purent éclore.