samedi 14 février 2015

Et si l'indignation était une position de paresseux ?

Lors du mouvement des indignés, mon bon coeur a battu, et j'ai adhéré immédiatement à la proposition. Oui, il faut plus d'équité,  à défaut d'égalité. Oui, il nous faut des valeurs, de tolérance,  de partage, de socialité... 

Tout allait donc bien,  à cela près que l'indignation est un mouvement négatif, et que je m'aperçois que j'étais gêné, moi qui propose un mouvement toujours positif. La revendication incessante, cela me gave ; les râleurs, ça  me bassine. Et quand on est râleur et qu'on déguise cette façon de pisse vinaigre en indignation (ça fait bien : il y a le mot "digne" dedans), c'est encore pire. 


Et puis, de récentes discussions de notions communément acceptées, telle l'élégance, m'ont fait comprendre que la moindre des choses était de questionner les mots. 

Equité ? De quoi s'agit-il vraiment ? 

Egalité ? C'est un fait que, dans la généralité du mot, il n'y en a pas, et il n'y en aura jamais : les petits ne sont pas les grands, les maigres ne sont pas les gros, les bruns  ne sont pas les blonds... Alors, de quoi veut-on parler, au juste ? 

Socialité ? Oui, l'espèce humaine est sociale, et la socialité est codée dans nos gènes, mais, au fond, pourquoi la poser en valeur principale ? Là, à ces mots, je sais que je heurte, mais j'insiste : sans que ma position personnelle soit concernée, je propose de répondre honnêtement à la question. La socialité, c'est quoi ? 

Indignation, finalement ? 



Je ne devrais pas citer ici Jorge Luis Borges, parce que, puisqu'il a été catalogué comme réactionnaire pour ses positions politiques dans son pays,je  risque de passer pour réactionnaire aussi. Toutefois, je n'ai pas de raison de partager ses idées politiques... mais j'ai toutes  les raisons d'admirer son oeuvre littéraire. Bref, Borges avait notamment ceci de merveilleux qu'il proposa l'existence de deux types d'envie : l'envie noire et l'envie blanche. L'envie noire pousse à détruire ce que l'on n 'a pas. L'envie blanche, au contraire, pousse à travailler pour avoir ce que l'on veut. 

Là, j'adopte immédiatement l'adjectif noir ou blanc pour sa connotation, et l'on comprend  que je préfère l'envie blanche. 

Et c'est ainsi que j'en viens à dire que l'indignation m'insupporte, parce que, au fond, c'est une position de paresseux, chose que je déteste par dessus tout, parce que ce défaut est à la base de l'autoritarisme, de la malhonnêteté et de biens d'autres défauts plus apparents. 



Je propose l'enthousiasme, le bel enthousiasme qui nous porte à nous dépasser. Je ne revendique pas que  nous soyons des surhommes, notion encore discutable, mais simplement que nous soyons humains en proportion de notre travail. Ascenseur social ? Au fond, le mot « mérite » est connoté, mais si l'on fait l'hypothèse que le mérite vient avec le travail, pourquoi pas ? D'ailleurs le mot travail est connoté, mais au fond, pourquoi ? Est-ce le résultat des efforts;-) de paresseux ? Pardonnez moi d'admirer les œuvres soigneusement élaborées. Pardonnez moi d'admirer les travaux qui me sont montrés. Permettez moi d'admirer en proportion du travail qui a été fait. 


vendredi 13 février 2015

Luttons pour nos libertés

Jean de Kervasdoué n'est généralement pas tendre avec les médecins, mais voici ce qu'il écrit dans le journal Le Monde :


La grève des médecins est justifiée Par Jean de Kervasdoué (Professeur émérite au CNAM)

Pour comprendre les projets du gouvernement et la grève des médecins, il est nécessaire de rappeler quelques principes fondateurs de notre système de financement des soins médicaux et la nature des réformes en cours ou projetées. L’Assurance-maladie, créée en 1930 pour les travailleurs salariés de l’industrie, s’est progressivement étendue à partir de 1946, mais n’a été généralisée que le 1er janvier 2000 (avec la « couverture maladie universelle », CMU) à tous les résidents légaux sur le territoire national. A l’origine, elle était vraiment une assurance : les cotisations n’étaient pas proportionnelles au revenu (elles étaient plafonnées et donc les mêmes pour tous les revenus au-dessus du plafond) et une partie des soins n’étaient pas remboursés. Il y avait – il y a toujours – une franchise que l’on appelle le « ticket modérateur », car l’on pensait que si les assurés payaient une partie des frais de leur poche, ils modéreraient leurs dépenses de soins. Comme le montant de cette « modération » pouvait être élevé, il a été couvert par des mutuelles, des assurances, des institutions de prévoyance (IP) puis, enfin, pour les bénéficiaires de la CMU, par une taxe sur les autres complémentaires ! Ce ticket modérateur est faible pour les soins hospitaliers (9 %), élevé pour l’ensemble des soins de ville (46 %) et très élevé pour les prothèses dentaires et les lunettes (95 %). Ne cherchez pas de logique autre qu’historique dans ce partage entre assurance complémentaire et Assurance-maladie, il n’y en a pas.

Optique et soins dentaires

Ainsi, nous sommes les seuls, en France, à avoir des médicaments remboursés – donc pourtant potentiellement efficaces – à 15 %, 30 %, 65 % ou 100 % ; nous sommes les seuls à avoir un fort ticket modérateur pour les soins de premier recours (les généralistes notamment) ; nous sommes les seuls à mieux rembourser les médecins (70 %) que les infirmières (60 %), et si les soins chirurgicaux sont quasiment tous pris en charge à 100 % par l’Assurance-maladie, ce n’est pas le cas des hospitalisations en médecine – autrement dit, ceux qui n’ont pas la « chance » d’être opérés peuvent avoir un ticket modérateur élevé ; etc. Or les réformes en cours ne touchent pas au partage, sans logique sanitaire ni économique, entre régimes obligatoires et complémentaires, elles essayent simplement d’en compenser les inconvénients. Si 22 % de nos concitoyens disent retarder leurs soins pour des raisons financières, il s’agit surtout d’optique et de soins dentaires, et rarement des consultations en médecine de ville (5 % des cas).
La première réforme, entrée en vigueur en 2015, tente de réguler le prix des lunettes et des prothèses et définit pour leur remboursement des prix planchers et des prix plafonds. Complexe (il y a plus de huit tarifs plafonds en optique !), la réforme va contraindre toutes les assurances complémentaires à dénoncer les contrats en cours (coût : 150 millions d’euros) et ne va rien réguler du tout car, dans certains cas, le « plancher » est plus élevé que les prix actuels les plus bas (bien que non régulés), et les plafonds sont tellement hauts qu’ils ne vont pas gêner grand monde…
La deuxième réforme, applicable au premier janvier 2016, est celle de l’Accord national interprofessionnel (ANI) sur la sécurisation de l’emploi. Cette réforme inattendue a été arrachée à l’occasion d’un accord sur l’emploi. Elle contraint toutes les très petites entreprises (TPE) à offrir une assurance complémentaire santé. Elle ne couvrira que 400 000 personnes supplémentaires, coûtera 1 milliard d’euros à l’Etat, 1 milliard d’euros aux TPE et privera la Sécurité sociale d’environ 500 millions de recettes, soit un coût global de 2,5 milliards d’euros (6 250 euros par personne couverte) ! Les travailleurs précaires, les chômeurs et les retraités n’en bénéficieront pas.

Pérennité de la Sécurité sociale menacée

Quant au projet de réforme du tiers payant généralisé, encore au stade de projet, il consisterait à transférer à l’Assurance-maladie la responsabilité du remboursement de sa part et de celle des complémentaires. Il est vraisemblable que cette disposition soit peu compatible avec le droit européen et français. En outre, et c’est pour cela que les médecins réagissent, cette réforme annonce paperasserie, impayés et relations difficiles avec les patients, car les médecins sont dans l’incapacité de savoir si leurs patients disposent ou non d’une « complémentaire santé » et si celle-ci est bien à jour. Les risques d’impayés sont donc réels. De surcroît, ils se demandent comment un système informatique qui doit relier tous les régimes obligatoires et tous les assureurs complémentaires sera mis en place. Pourquoi, en outre, concentrer tous les pouvoirs entre les mains de la Caisse nationale de l’assurance maladie des travailleurs salariés et se priver du rôle régulateur que peuvent avoir les complémentaires dans, par exemple, la gestion des dépassements d’honoraires et des parcours de soins ? Par ailleurs, les complémentaires vont-elles longtemps accepter de collecter les cotisations de leurs adhérents tout en se dessaisissant de leur gestion ? Pourquoi, enfin et surtout, instituer une avance de frais de 48 heures (temps moyen de remboursement d’une feuille de soins) pour la très grande majorité des Français qui peuvent avancer 23 €, et ne pas avoir limité la réforme aux bénéficiaires de la CMU et de l’aide complémentaire santé (ACS) ? La pérennité de la Sécurité sociale est menacée par la dette et n’a pas besoin de l’aide supplémentaire de ces réformes discutables. La plus grande inégalité du système de santé est-elle d’ailleurs aujourd’hui, en France, celle de l’accès financier aux soins ou plutôt, comme je le pense, l’inégalité des soins médicaux eux-mêmes, excellents ici, plus quelconques ailleurs ? Mais pour réduire cette inégalité-là, il faut le faire avec, et pas contre le corps médical. Curieuses réformes donc, généreuses avec le temps des uns et l’argent des autres, et qui ne touchent en rien à l’absurdité d’un ticket modérateur qui n’a jamais rien modéré.

mardi 10 février 2015

Socialisante, la cuisine ?

La cuisine est-elle une activité socialisante ?
La réponse est oui... dans certaines circonstances. Par exemple, si je cuisine pour autrui, autrui me fait la confiance de me confier sa santé, sa vie même. La relation qui se crée est donc essentielle, et voilà pourquoi j'ai publié il y a longtemps un livre dont le titre est : la cuisine, c'est de l'amour, de l'art, de la technique.
L'amour, c'est exagéré, parce que certains cuisinent pour de l'argent, d'autres pour du pouvoir, et ainsi de suite.... mais il  y a toujours du lien social.
D'ailleurs, l'art lui-même a quelque chose de social, à moins qu'il ne soit comme de la cuisine que l'on ferait pour  soi-même.

Pour ceux qui ont peur, on observera que la socialisation de la cuisine intervient pour toutes les formes de cuisine, de la cuisine médiévale à la cuisine note à note, en passant par la nouvelle cuisine, la cuisine classique ou la cuisine note à note. On se souvient (voir  mon livre Mon histoire de cuisine) que j'ai proposé des moyens d'augmenter la socialité due à la cuisine, par des plats que l'on partage, au  lieu de conserver chacun pour soi sa portion.

Bref, la cuisine est une belle activité... quand elle est pratiquée avec socialité, art et technique, n'est-ce pas ? 

Des réponses à des questions


• Qu’est qui a conduit votre réflexion scientifique vers l’univers culinaire ?
Pour celle-là, ce n'est pas difficile : dans les années 1980, j'ai compris que la science devait identifier des mécanismes nouveaux et des phénomènes inédits.
Le champ culinaire avait été très peu regardé, de sorte qu'il m'a semblé qu'il y avait à faire "facilement".
Et puis, quand même, j'avais été intrigué, quand je cuisinais, de voir des explications étranges, manifestement fausses, que l'on me donnait alors. Par exemple, il était dit que les femmes réglées faisaient tourner les mayonnaises, que les barres de fer posées sous les tonneaux de vin empêchaient le vin d'aigrir, et ainsi de suite.
Plus localement, tout a basculé le 16 mars 1980, alors que je faisais un soufflé au roquefort et que l'on me disait de mettre les jaunes deux par deux.
Pour ce sujet, voir mon livre Les Secrets de la Casserole, Belin, 1992.


• Vous avez introduit dans les années 80 la cuisine moléculaire, poussant plus loin la "chimie pratique" comme l'appelait Grimod de La Reynière. Aujourd'hui, je m'interroge sur les liens entre technologie et univers culinaire. On confie à une intelligence artificielle la conception de recettes inédites par le biais d'algorithmes réunissant notamment informations scientifiques et big data ; on cuisine à distance ; on envisage de communiquer les effluves de nos assiettes comme de simples images ou encore de photographier ces mêmes assiettes pour en découvrir les ingrédients…

Cette connexion univers culinaire/technologie semble échapper aux champs de la pensée balisée et convoquer au contraire des notions transversales. Selon vous, sous quel(s) angle(s) doit-on axer la réflexion ? sociologie, psychologie, ethnologie, marketing, sciences…?


 Ce que j'ai proposé, à côté de la gastronomie moléculaire (une discipline scientifique), c'est effectivement la cuisine moléculaire, comme une rénovation technique de la cuisine.
Contrairement à ce que vous dites, cela n'avait rien à voir avec la "chimie pratique". La chimie est une production de composés nouveaux, et la cuisine est de toute façon un "art chimique".
Vous vous interrogez sur les liens entre technologie et univers culinaire ? La question est vague, si je peux me permettre. La technologie est une amélioration de la technique. Or la cuisine a une composante technique. La technologie a donc pour vocation d'améliorer la technique culinaire, c'est tout simple. Voir à ce sujet le livre Science, technologie, technique (culinaires) : quelles relations ?, Editions Quae  !
Dans ce que vous décrivez, je crois qu'il manque une réflexion, et qu'il y a beaucoup de fantasme et de communication. On confie à une intelligence artificielle la conception de recettes ? Cela n'est pas bien difficile, ni bien grave. De toute façon, cela omet le fait que la cuisine ait une composante artistique. Or l'art ne se réduit pas à une machine. Information scientifique et big data (de quoi parlez vous au juste ? parlons français et clair, s'il vous plait) : cela ne change rien à l'affaire.
Cuisiner à distance ? Pourquoi pas : au fond, tenir le manche de la poêle ou pas, ce n'est pas bien important. Communiquer des odeurs par téléolfaction ? Pourquoi pas. Dans le temps, j'avais même imaginé la télégustation, et plus récemment, j'ai proposé que la cuisine "note à note", qui supplantera la cuisine moléculaire, soit elle-même dépassée par l'implantation de sensations gustatives dans le cerveau, indépendamment des aliments consommés.

Puis, si je peux me permettre, vous dites des choses bien compliquées avec des phrases telles que "Cette connexion univers culinaire/technologie semble échapper aux champs de la pensée balisée et convoquer au contraire des notions transversales. " La même question en plus simple, s'il vous plaît ? C'est quoi, une pensée balisée ? C'est quoi une notion transversale ? Moi, je comprends sujet, verbe, complément, désolé car je suis un petit esprit.



L'avenir du caractère sociabilisant de la food

 Ah, je déteste les anglicismes quand je parle français. C'est quoi, la "food" ?


• L'univers culinaire fait appel à des concepts parfois irrationnels, par le biais de la "pensée magique" (Fischler) propre aux tribus premières (principe de contagion par l'incorporation). Toutefois on retrouve cet imaginaire de la nourriture encore aujourd'hui sous des formes variées et assimilées par l'individu depuis son enfance jusqu'à l'âge adulte (apprentissage des parents, influence de croyances religieuses ou de la société elle-même). De plus, on observe une tendance pour l'eatertainment, qui fait de l'univers culinaire un moment propice au divertissement, à l'évasion précisément par l'imagination.

La première phrase de votre question est allusive. Donc je ne vous comprends pas. Donc je ne peux pas vous répondre, parce que je n'en suis pas capable. Bien sûr, dans mon livre Les précisions culinaires, j'évoque de la pensée magique, mais rien ne me dit que ce soit ce à quoi vous pensez, désolé, à nouveau.
Puis je comprends encore moins la seconde phrase.

La nourriture si sensible (sensations, goût, émotions, souvenirs d'enfance) et partiellement irrationnelle est de plus en plus envisagée sous le prisme de la rationalité (parfois pseudo-scientifique) : outils de quantified-self, algorithmes farfelus comme ceux de BeatBalls ou complexes comme ceux de Chef Watson, l'intelligence artificielle dont je vous parlais. Selon vous, que cela révèle-t-il de l'individu contemporain ?


Pourquoi dites vous que la nourriture est "irrationnelle" ? Il y a un débat à  avoir sur la "rationalité". Une appréciation positive de la nourriture en raison d'une habituation pendant l'enfance est parfaitement rationnelle !
Je ne comprends pas, d'autre part, ce que signifie "quantified-self".
Je ne connais pas BeatBalls (encore des termes anglais).
Chef Watson? Appelez moi Professeur This. Plus sérieusement, je me refuse à nommer chef des gens qui sont cuisiniers. Ils ne sont pas mes chefs.
Au total, je ne comprends rien à ce paragraphe. Et je ne peux donc pas répondre.



• Dans un monde qui tend à se digitaliser on ne pourra jamais dématérialiser la nourriture, élément de subsistance. Si aujourd'hui on la virtualise par le partage de son signifiant (ex: InstaFood), comment imagineriez-vous l'étape suivante, lorsque les masses se lasseront de cette "simple" transmission et/ou que les technologies futures conduiront à de nouvelles opportunités de partage ?

Digitaliser ou numériser ?
On ne pourra jamais numériser la nourriture : méfions nous des impossibles, avec la science. Oui, les nutriments semblent indispensables, pour l'instant.
Mais là encore, je ne comprends rien à ce que vous me dites, parce que les termes sont flous. Siginifiants : pensez vous à celui de Saussure ou à celui de Lacan ?
Technologies : parlez vous de technologie ou de technique?


• Certains scientifiques présagent à l’homme un avenir sombre dans lequel les ressources alimentaires seraient épuisées, et dans un monde où la population mondiale augmenterait de plus de 100%. Les progrès techniques couvriraient 70% des besoins alimentaires. La nourriture se présenterait alors sous une forme déconcertante : certains parlent de poudre, d’autres de nutriments liquides. L’acte de consommation lui-même ne ressemblerait plus en rien à ce qu’il a pu être jusqu’à présent dans nos cultures occidentales. Vous nous avez initié à la destructuration mais pas à un tel point, pas au prix de la sensibilité visuelle, gustative… Et vous rassurez vous-même les inquiets en rappelant que « l’être humain a un estomac de primate, fait pour se nourrir de gras et de sucre », .
Quels scientifiques ? Ce que prévoient les gens raisonnables, c'est que l'on ne puisse nourrir que 7 milliards de personnes, sur les 10 qui seront là en 2050. Je n'ai pas vu de prévision de 100 %.
Au fait, avez vous vu ma proposition de "cuisine note à note" ? A voir absolument, à ce sujet, mon livre La cuisine note à note, éditions Belin.
Cela dit, à partir de poudres, de liquides, on peut construire des aliments avec une consistance, une couleur, une odeur, une saveur, etc. Pas de fantasme !
Je n'ai invité personne à une déstructuration, au contraire à une construction ! Une choucroute est non structurée. Moi, je propose au contraire de construire, en vue de mieux maitriser le goût que par les procédés classiques, périmés et paresseux.
A ce propos, voir mon tout dernier livre Mon histoire de cuisine, Editions Belin

Si ce scénario s’avère toutefois exact, comment imaginez-vous la perpétration d’un lien social autour de ces formes d’aliments dénués de toute sensibilité commune ?
Là encore, je ne vois pas pourquoi les aliments note à note seraient dénués de sensibilité commune. Une métaphore : avec un synthétiseur, on peut très bien jouer Au clair de la lune, et cela ne pose de questions à personne !

Si le repas reste un moment de partage, « d’être ensemble » malgré tout, cela révèle-t-il de l'aliment qu'il n'est en fait qu'un élément secondaire dans l'expérience sociale du repas ?


La phrase est bancale, je crois.
Donc difficile de répondre.

• Dans l'imaginaire collectif, avant même de faire penser à l'eatertainment, le lien "nouvelles technologies" et "univers culinaire" renvoie aux innovations fonctionnelles, directement présentes en cuisine comme les réfrigérateurs connectés, les plans de travail intelligents, ou encore les imprimantes 3D alimentaires. Ces innovations laissent penser que nous serons de plus en plus assistés en cuisine, et que nous aurons de moins en moins besoin de faire appel à des individus externes pour apprendre ou se perfectionner en cuisine. 


Encore cet eatertainment que je ne comprends pas (et qui ne m'intéresse pas au point que j'aille perdre du temps à comprendre ce que c'est). Le progrès technique, c'est le progrès technique. Assistés en cuisine ? Je sais combien "le gaz à tous les étages" a fait de révolution, ainsi que les robots ménagers... et alors ? On n'en est pas mort !

Pensez-vous que la force socialisante de la cuisine résistera au bouleversement de l'aspect fonctionnel de la nourriture lié à ces nouvelles technologies ?


Oui.

dimanche 1 février 2015

Donnons de la mémoire à nos institutions

Une analyse à découvrir sur http://www.agroparistech.fr/La-memoire-des-institutions.html

Science et devoir de réserve

Un texte à découvrir sur  http://www.agroparistech.fr/Recherche-scientifique-et-devoir.html

La politesse nous fait un devoir d'inteligence


Nous avons donc une première obligation : soumettre à leur jugement des idées aussi plaisantes que possible, au lieu de semer le doute, l'inquiétude, la peur, la colère...  
Toutefois cela n'est pas suffisant. Je crois que la bonne monnaie doit chasser la mauvaise, et que nous devons aussi essayer de contribuer à leur embellissement spirituel. Le physico-chimiste britannique Michael Faraday allait, une fois par semaine, dans un club d'"amélioration de l'esprit", et il s'entraînait à s'élever l'esprit. Dans la même veine (mais sutor non supra  crepidam, bien sûr), je me souviens vous avoir entretenu du concept de "belles personnes", ceux et celles qui nous apportent, dans la discussion, de quoi nous élever.  
Notre condition humaine est terrible : nous sommes des animaux tiraillés par la faim, le froid, la peur des "prédateurs", le sexe... Nous sommes en proie à la lie, la boue du monde, et le diable est tapi derrière chaque geste, chaque interaction sociale, chaque parole... A nous de le mettre en déroute, par l'intelligence que nous pouvons mettre dans ce que nous faisons, et notamment dans les discussions que nous avons avec les autres.  
Décidément, l'intelligence est une politesse que nous devons à nos interlocuteurs, n'est-ce pas ?