lundi 27 avril 2009

Pour les saveurs des acides aminés

Pour les saveurs des acides aminés Une partie du monde oriental a contaminé une partie du monde occidental avec l’idée de la saveur « umami »… et je suis en partie responsable de la diffusion de cette idée fausse de l’umami. 

Voilà pourquoi je cherche aujourd’hui à me rattraper en proposant une idée plus juste. 

 

L’umami est le nom qui a été donné il y a environ un siècle par un Japonais qui, par fermentation, a obtenu de l’acide glutamique. La saveur de cet acide aminé n’étant ni salée, ni sucrée, ni acide, ni amère, il a donné le nom d’umami, « délicieux ». 

A la réflexion, l’idée d’une saveur nouvelle n’était pas extraordinaire, puisque le bicarbonate de sodium, ou l’éthanol, ont aussi des saveurs qui ne sont ni salées, ni sucrées, ni acides, ni amères. Toutefois, le Japonais en question était un homme d’affaire avisé, qui, pour vendre son composé (ou plus exactement du monoglutamate de sodium), a payé des études. 

On a alors dit que cette saveur était celle du dashi, le bouillon que les Japonais produisent par infusion courte d’algues de type kombu dans de l’eau, ce qui fait passer en solution deux acides aminés : l’alanine, et l’acide glutamique. Mais alors, l’umami est-elle la saveur du dashi, ou bien celle de l’acide glutamique, ou encore celle du monoglutamate de sodium ? Car ces saveurs sont différentes. 

 

La confusion commence ici. Elle se poursuit quand on cherche l’umami dans les fruits de mer, la tomate ou le parmesan, qui contiennent également de l’acide glutamique. La tentation est alors grande de faire penser que tous ces produits sont « bons » parce qu’ils ont la saveur umami. 

Ouais… J’invite à goûter les divers acides aminés, et à observer leurs intéressantes saveurs. Et si l’umami est la saveur de l’acide glutamique, j’invite à penser que ni le dashi ni le monoglutamate de sodium n’ont stricto sensu la saveur umami. 

D’ailleurs, pourquoi nommer umami une saveur qui est celle de l’acide glutamique ? La saveur de l’acide glutamique, c’est… la saveur de l’acide glutamique. Tout comme la saveur de la tyrosine (un autre acide aminé) est la saveur de la tyrosine, et ainsi de suite pour les divers acides aminés.

La science doit être considérablement revalorisée

La science doit être considérablement revalorisée

Dans notre monde, la valeur des choses est souvent –c’est un fait, une constatation, pas une volonté personnelle- la valeur financière. Un tableau de Picasso vaut cher ? L’œuvre est donc importante.
Pour l’activité des « travailleurs », également, sont en balance l’intérêt intrinsèque du travail, son intérêt extrinsèque, des intérêts concomitants. Un emploi particulier n’attire pas ? Il faudra payer cher des individus pour qu’ils le fassent. Les candidats à un poste sont nombreux ? L’employeur pourra faire la fine bouche, et imposer de bas salaires.

Et la science, dans tout cela ? C’est un fait que les salaires des scientifiques (on observera que je parle des scientifiques, pas des « chercheurs ») ne sont pas élevés (par rapport aux salaires des industriels) : cela n’incite pas notre collectivité à considérer que les productions des scientifiques sont importantes socialement, économiquement. De ce fait, les connaissances produites par la science risquent de moisir dans des publications scientifiques, et les scientifiques eux-mêmes ne sont pas incités à publier les résultats de leurs travaux.

Ma proposition : payer beaucoup plus les scientifiques !

« Démontré scientifiquement » est un oxymoron

« Démontré scientifiquement » est un oxymoron

Nous entendons un interlocuteur dire que quelque chose a été « démontré scientifiquement » ? Méfiance !!!!

Méfiance, parce que la science ne cherche pas à démontrer, et que la démonstration est l’apanage des mathématiques. La science, elle, ne fait que réfuter des théories qu’elle sait être insuffisantes. On ne peut pas « démontrer » l’existence des atomes ou des molécules, par exemple, mais on peut seulement corroborer l’idée de leur existence, par des expériences qui établissent plus ou moins fermement l’idée de l’existence d’entités –atomes ou molécules- auxquelles on prête des propriétés qui évoluent selon l’état de nos connaissance. Ainsi, alors que l’atome a été d’abord considéré comme une sorte de système solaire miniature, avec des électrons tournant autour du noyau, quelques travaux de physique quantique ont montré que les propriétés des atomes ne s’expliquaient pas par ce modèle.
Ce qui est pire, c’est que c’est souvent dans des champs bien compliqués que l’expression « démontré scientifiquement » est employée ; pis encore, c’est bien souvent l’industrie qui utilise cette expression, pour affirmer des faits qui, évidemment, sont en faveur de la prétendue qualité de ses produits.
Je ne dis pas ici que l’industrie ne produit pas des produits de qualité (bien que la qualité soit toute relative), mais je dis ici que la science est bien souvent prise en otage par une certaine industrie, qui parle à son aise des démonstrations faites par des scientifiques, afin de vanter ses productions. Cette industrie est alors soit malhonnête, soit ignorante de ce qu’est la science.

Apprenons nous-mêmes, enseignons à nos enfants à ne pas tomber dans le panneau de la prétendue « démonstration scientifique », puisqu’il n’existe pas de démonstration scientifique !

Que dire alors, de faits qui auraient été étudiés ? Si un fait est établi (aux exceptions près de la règle), alors il est établi, pas démontré. Si le fait a été établi avec rigueur, alors il a été établi « rigoureusement ».

Pourrait-on admettre qu’un fait soit établi scientifiquement, s’il a été établi par un scientifique. Non, impossible, puisque le scientifique ne cherche pas à établir des faits, mais à réfuter des théories et à proposer des mécanismes qui contribuent à l’explication des phénomènes sans en donner le mot final.

Je propose donc de nous limiter à « établi rigoureusement ».

Quand on aura tout changé (ingrédients, façons de cuisiner, de manger, etc. ), que pourrons-nous proposer de plus ?

Depuis des décennies, je propose de questionner ce que nous mangeons. Récemment, par exemple, je proposais d’asseoir les cuisiniers, au lieu de les laisser debout, dans le stress, dans le bruit et dans la chaleur. Il y a une dizaine d’années, je proposais de remplacer tous les systèmes de chauffage par des systèmes plus efficaces énergétiquement que ceux que nous avons, afin d’éviter de chauffer l’atmosphère du Globe au lieu de ne chauffer que les aliments. Il y a une vingtaine d’années, j’ai proposé d’introduire en cuisine des composés purs, aux goûts inédits. Récemment, j’ai aussi proposé de changer la façon de servir, en salle ; et les ustensiles utilisés pour manger (assiettes, verres, couverts…).
Et ainsi de suite. Il y a donc du pain sur la planche, parce que proposer un changement n’est rien ; il est bien plus difficile de proposer positivement un changement. La question est : on remplace… mais par quoi ?

Evidemment, puisque je pose ici cette question, c’est aussi que j’ai proposé des réponses. Je ne suis pas en reste, et l’on trouvera dans les centaines d’articles publiés depuis 1980 une foule de propositions positives.

Ici, la question est toutefois : que ferons-nous quand nous aurons tout changé ?

samedi 18 avril 2009

Alerte : L'eau est faite de molécules qui bougent !

Alors que nous introduisons la "danse des molécules" dans les écoles, par les Ateliers expérimentaux du goût, je viens de constater, en discutant avec des étudiants engagés dans des études scientifiques, dans des établissements variés (I.U.T., Universités, Grandes Ecoles), que l'idée que l'eau soit faite de molécules qui bougent dans le vide est très peu répandue (quelques pour cent, pas plus).

J'insiste, parce que cette constatation est bouleversante, pour ceux qui connaissent la structure de la matière, et qui n'ont même pas idée que l'on puisse ignorer des choses "si élémentaires" :
- le questionnement a été poussé, pour tous les étudiants interrogés
- le questionnement a porté à ce jour sur 27 étudiants
- je me suis assuré que les questions étaient bien comprises

Parfois, l'idée est que l'eau est une "substance".
Parfois, l'idée est que l'eau est faite de molécules, mais il n'est pas clair que ces molécules soient comme de petits objets identifiés de type "boule de billard".
Parfois, l'idée est que les molécules soient comme des grains, mais immobiles.
Parfois, l'idée est que les molécules -grains matériels- soient dans l'air.

Bien sûr (je m'empresse d'ajouter ;-) ), c'est la faute des étudiants, qui sont -toujours- insuffisants, qui n'ont jamais assez travaillé, de sorte que nous recueillons dans les laboratoires le fruit de leur paresse, de leur négligence...
Mais je sais aussi que ces mêmes étudiants deviennent des enseignants, et que la paresse ou la négligence atteint la même proportion d'individus ( là encore : ;-) ; d'ailleurs, je ne crains pas de me mettre dans la catégorie des négligents... mais j'essaie de me soigner).

Ce billet n'est donc pas une critique. La vie est la vie, et nous devons faire avec nos insuffisances.
En revanche, ne devrions-nous pas nous demander si, au lieu de faire résoudre des équations, et d'insister sur ce point, nous ne devrions pas D'ABORD donner la clé d'interprétation du monde moléculaire, à savoir que, pour un fluide, les molécules sont comme des boules de billard qui bougent dans le vide, avec des vitesses d'autant plus grandes que les corps sont chauds ?

(oui, je sais, il y a des tas de hic : la nature quantique du monde, les interactions intermoléculaires qui dévient les molécules de leur ligne droite, etc., mais ne faut-il pas faire simple avant de faire compliqué? Et puis, Richard Feynman a bien utilisé l'image!).

Ne pourrions-nous conditionner la délivrance du diplôme de baccalauréat scientifique à la capacité d'avoir compris cette idée ? Ou, pour être moins répressifs, commencer les enseignements suivant le baccalauréat par un rappel de cette idée?

lundi 13 avril 2009

En pleurer, ou en rire?

Dans un magazine culinaire paru en avril-mai 2009, je lis un article sur la Coulée de Serrant :

"Le vigneron a choisi de lui appliquer strictement tous les principes de la biodynamie. Ses raisins sont gorgés de sèves naturelles, le terroir s'exprime pleinement, la nature incante sa magie sans entrave. Sans aucun apport chimique ni de synthèse, ses vignes approchent souvent les 90 ans et se portent comme des charmes. L'enherbement est naturel, le désherbement est assuré par un troupeau de moutons. Le compost fourni par une dizaine de vaches nantaises. Des ruches assurent la bonne pollinisation de la flore locale. Les maladies de la vigne sont essentiellement prévenues et guéries par des tisanes".

Jusque là, on se dit simplement qu'il y a faute du journaliste :
- "gorgés de sèves naturelles" : jusqu'à présent, je n'ai pas vu comment faire autrement
- la nature "incante" sa magie? il faudra que je réfléchisse longuement à l'usage de cette expression
- pas d'apport chimique ni de synthèse : là aussi, il faudra qu'on m'explique
- la vigne se porte comme des charmes : et si les charmes se portaient comme la vigne?
- des maladies prévenues par des tisanes... allons.

Mais le mieux est à venir : la dernière phrase est la suivante :

"Même le soufre provient de volcans"

Ici, les chimistes se gondolent, et ils peuvent s'arrêter de lire.

Pour les autres, il faut prendre le temps d'expliquer que le soufre, élément chimique que l'on se procure sous la forme d'une poudre jaune, sert à "mécher" les tonneaux : on le brûle, afin de produire du dioxyde de soufre, lequel protégera les vins (mais donnera parfois mal au crâne, quand on voit des vins blancs).
Seul hic, ce dioxyde de soufre, produit par la réaction du soufre avec l'oxygène, est formé par le méchage en quantités incontrôlées! Je n'invite d'ailleurs personne à respirer du dioxyde de soufre : on s'intoxique.
En très petites quantités, le dioxyde de soufre est autorisé comme additif, mais son usage est de plus en plus réglementé, parce que l'on se dit qu'il y a mieux à faire.
Entre cela et le sulfate de cuivre utilisé pour traiter les vignes, je vois bien "la nature qui s'exprime pleinement" (rigolade).
Et puis, tant qu'on y est, pourquoi ne pas accepter en biodynamie, par exemple, l'arsenic : c'est un produit "naturel", comme le soufre, puisqu'il existe sous forme native dans le sol ; et, tant qu'on y est à marcher sur la tête avec la biodynamie, pourquoi ne pas mettre dans les vins de l'hydrogène arsenié, que l'on obtiendrait à partir de l'arsenic (mais utilisé comme gaz de combat pendant la Première Guerre mondiale)?

lundi 6 avril 2009

La science ne doit pas faire peur

La science fait peur? C'est la preuve que ceux qui ont peur n'ont pas compris la nature de la science.
La science est l'étude des phénomènes, par la méthode dite scientifique, que je ne veux pas détailler ici.
La science produit donc des connaissances. Comment ferait-elle peur, alors?

Ce qui peut faire peur, ce n'est pas la connaissance de la structure de l'atome, mais la bombe atomique que l'on peut construire avec cette connaissance. Et cela, ce n'est pas de la science, ni même de la "technoscience" (une chimère qui n'existe que chez ceux qui veulent se donner le plaisir de démolir quelque chose qui n'existe pas, sans doute pour paraître plus glorieux) ; c'est de la technique (on "produit" la bombe), qui devient possible en raison de la technologie.
C'est donc la technique, ou la technologie qui peuvent faire peur : pas la science!