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dimanche 22 mai 2016

Quand le ver est dans le fruit...

Des amis me signalent qu'un journaliste qui ne me veut pas de bien (pourquoi ?) publie un article où il me cite. Effectivement, l'homme me cite... en indiquant que je serais "professeur de biologie moléculaire au Collège de France".
Il faut rectifier, tout d'abord : je ne suis pas professeur au Collège de France, d'une part ; ensuite, je ne suis plus au  Collège de France depuis 2006 (dix ans, donc : notre homme devrait travailler un peu avant d'écrire n'importe quoi) ; enfin je ne suis pas spécialiste de biologie moléculaire, mais je m'efforce de pratique la physico-chimie, ce qui est bien différent.
Bref, notre homme publie n'importe quoi, mais là n'est pas la question. La question que je propose de poser ici est une question générale, qui est de savoir quel crédit accorder à un texte où l'on voit de grossières erreurs ?

La question est générale, comme je viens de le dire : quand on lit un article et que l'on dépiste une erreur, ou quand on lit un devoir d'étudiant, ou quand on lit un livre, ou quand on écoute un discours, une présentation orale... Oui, si l'on voit que, au moins par moment, l'individu qui s'exprime en public dit n'importe quoi, pouvons-nous avoir confiance dans le reste ?
En principe, oui, bien sûr, une erreur factuelle, localisée, n'est qu'une erreur localisée, factuelle. Mais quand cette erreur est énorme, c'est quand même un signe que notre interlocuteur n'a pas fait beaucoup d'efforts, et la probabilité qu'il ou elle ait bâclé l'ensemble devient notable.
Surtout, il y a un doute, et l'ensemble du texte perd de sa crédibilité. De même, quand un ver est dans le fruit, il peut s'être logé au coeur, et n'avoir fait que des dégâts minimes... mais il peut aussi avoir rongé tout l'intérieur.

En écrivant ces mots, je tremble, bien sûr, que mes propres textes ne comportent des erreurs qui seraient considérées comme grossières par des amis plus savants que moi. Mon discours sera-t-il alors disqualifié ? Je tremble, aussi, rétrospectivement, car je me souviens d'erreur que je faisais, quand j'enseignais (et je fais peut-être encore des erreurs quand j'enseigne).
Par exemple, pour expliquer à des étudiants pourquoi l'huile ne se mélange pas à l'eau, je prenais la comparaison d'un sac empli de petits aimants et de petits morceaux de plastiques : les aimants auraient représenté les molécules d'eau, qui s'attirent assez fortement par des "liaisons hydrogène", tandis que les morceaux de plastique auraient représenté les molécules d'huile. Quand on secoue le sac, les aimants se groupent au fond, avec les morceaux  de plastique par dessus. Cette comparaison est fautive, car les molécules de l'huile (les triglycérides) sont quand même attirées par les molécules d'eau, par des "liaisons de van der Waals, mais c'est pour des raisons de désordre moléculaire qui diminue que les molécules d'huile ne se dissolvent pas dans l'huile. Mea culpa, pardon aux étudiants  qui ont été ainsi exposés à mes erreurs... qui me conduisent, plus que jamais,  à inviter les étudiants à ne pas se reposer sur des professeurs, à ne jamais accepter pour vrai que ce qu'ils ont pu vérifier, corroborer.

D'où cette maxime, "Tenir le probable pour faux jusqu'à preuve du contraire", que l'on peut rendre plus positive en "Dois-je croire au probable ?".