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dimanche 1 décembre 2019

Des questions techniques à propos d'un coeur liquide vitaminé


 Ce matin, une question, qui appelle des commentaires :
1. La question de la conservation des aliments est souvent une question de microbiologie
2. Le goût a plusieurs composantes.

Voici la question

Je souhaiterais donc réaliser une "gomme" vitaminée composée d'un insert liquide de vitamine D et de calcium, et je veux faire appel à la cuisine moléculaire. En effet j'ai pensé à la sphérification inverse, avec pour principe d'obtenir une sphère solide avec un cœur liquide. Mais je ne connais pas le temps de conservation de cette technique. Et je cherche également à masquer le goût  de la vitamine D. Je voudrais utiliser des arômes naturels, et réaliser un insert acidulé et sucré, mais sans ajouter du sucre.

Et voici ma réponse

Il y a donc plusieurs questions en une, et je propose d'examiner cela successivement, en observant, en passant, que je mets à la disposition de tous l'expertise qui est celle de l'agent de l’État que je suis. Mon interlocuteur n'ayant ni payé une consultation (l'argent serait allé au laboratoire) ni stipulé que la question posée était confidentielle, je me sens le droit d'évoquer cette question publiquement... d'autant que la question n'est pas "originale", en ce sens que je l'ai déjà eue plusieurs fois, sous des formes variées.

1. D'abord, on cœur liquide dans un gel, c'est facile : on prend un liquide, on le fait congeler, et on le trempe dans la gélatine, par exemple, ou bien dans du chocolat fondu, ou mille autres façons.
Mais oui, l'emploi d'alginate de sodium est une possibilité, et j'ai nommé des "degennes" ces perles à cœur liquide que l'on obtient avec l'alginate :
- pour la formation de "degennes" directs : on dissout de l'alginate de sodium (environ 5 pour cent) dans un liquide, et l'on fait tomber des gouttes de ce liquide dans un bain d'eau avec du calcium ; on lave immédiatement les degennes qui se forment, sans quoi
le calcium qui migre dans la peau gélifiée de surface vient gélifier le cœur
- pour la formation de "degennes" inverse, on dissout du calcium dans le premier liquide, et on verse celui-ci dans un bain d'eau et d'alginate de sodium. Là encore, une peau gélifiée se forme, mais cette fois, la peau ne s'épaissit plus avec le temps, parce que l'alginate est trop gros pour migrer dans gel formé.

J'observe d'ailleurs que mon interlocuteur a de la chance : il voulait mettre du calcium dans le cœur liquide interne.


2. Une observation supplémentaire : je suis très heureux de voir que mon interlocuteur fait bien la différence entre cuisine moléculaire (une technique) et gastronomie moléculaire (de la science). Ici, c'est bien une question technique.


3. A propos de "conservation", il faut savoir que la principale question est le plus souvent une question de microbiologie : notre environnement est plein de micro-organismes qui n'ont qu'une "envie"  : se développer et se reproduire. Or souvent, ils ont besoin des mêmes éléments que nous : une température ni trop froide ni trop chaude, des nutriments, de l'eau. Dans nos aliments, il y a tout cela, et il n'est donc pas surprenant que nos aliments laissés à l'air libre pourrissent... sauf quand on a séché la surface (manque d'eau), ou quand la température est basse (réfrigérateur), par exemple.
Bref, ici, la question de la tenue physique ou chimique des degennes n'est guère en cause, mais c'est la question microbiologique qui s'impose.
Pour les degennes, n'étant pas microbiologiste, je n'ai aucune idée de la conservation, mais je sais que des sociétés vendent des degennes contenant de la vinaigrette, de l'alcool, des jus variés, de sorte que la conservation est un problème qui a été résolu par certains.


4.  Masquer le goût de la vitamine D ? Il y a plusieurs dimensions sur lesquelles jouer : la saveur, l'odeur, la couleur, le trigéminal.
Mais commençons par les "arômes naturels" : un arôme, en français, c'est l'odeur d'une plante aromatique, à ne pas confondre avec un "aromatisant", ce que l'on devrait nommer un extrait ou une composition gustatifs.
Évidemment, puisque est naturel ce qui n'a pas fait l'objet d'une transformation par un humain, un aromatisant n'est JAMAIS naturel, sauf au sens d'une réglementation que nous devons combattre. Et là, il faut absolument aller voir  les produits merveilleux vendus par la société  www.iqemusu.com  (je ne touche rien de cette société).


5. Mais l'odeur n'est pas la seule dimension, comme dit précédemment, et la saveur est essentielle. On veut omettre le sucre de table, à savoir le saccharose ? Alors il suffit de prendre un autre composé édulcorant, soit non intense (fructose, ou autre), soit intense : aspartame, ou autre. Personnellement, j'irais vers de l'aspartame... en répétant ici que l'Europe a dépensé des fortunes pour la réévaluation toxicologique, et que l'aspartame est sans risque.
Un peu d'acide, aussi ? De salé, puisqu'il amoindrit l'amer et rehausse le sucré ?

6. Mais on n'oubliera pas d'autres dimensions, et notamment les composés à action trigéminale, comme le menthol pour une fraîcheur mentholée, et les pipérines, capsaïcines ou isothiocyanate d'allyle, pour des piquants. En détournant la sensation, on fait autre chose que la "masquer"... mais ça marche tout aussi bien.




mercredi 31 août 2016

Quel bonheur !

Ce matin, j'avais publié un billet où je disais :




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Chers Amis

Depuis plusieurs mois, les messages amicaux se multiplient, et beaucoup me remercient d'aider les métiers de bouche.

Voici un exemple reçu hier matin :

Je tiens une nouvelle fois à vous remercier pour ce que vous avez apporté à notre métier et ce que vous m'avez apporté à titre personnel. Grâce à vous, j'ai progressé et perfectionné ma technique de cuisine, j'ai appris à comprendre les éléments et leur interaction. Aujourd'hui, je le retransmet à mes collaborateurs avec plaisir et passion.  

Suite à vos conseils, je vais m'intéresser à la cuisine note à note et je ne manquerais pas de revenir vers vous. 

Je suis évidemment très ému,  très sensible à tous ces remerciements, que je vois comme des encouragements à poursuivre cet effort inlassable d'épaulement technique et de formation.

Je viens de prendre la décision d'intensifier ma production de billets de blog à usage technique.

Je vais réserver mes billets les plus moraux au blog "Hervé This", et réactiver le blog "gastronomie moléculaire", ainsi que le blog technique du Centre International de gastronomie moléculaire AgroParisTech-Inra (avec des précautions : étant fonctionnaire, donc agent de l'état au service du contribuable, je dois m'empêcher de publier, sur un site institutionnel, des remarques personnelles déplacées sur un tel site ; dans ce cas, je mets les billets sur mes blogs personnels).

Bref, j'ai commencé ce matin avec un billet qui explique qu'il n'existe pas de gélatine végétale, mais plutôt des gélifiants d'origine  végétale. On trouvera la chose ici : http://gastronomie-moleculaire.blogspot.fr/2016/08/il-nexiste-pas-de-gelatine-vegetale.html

Pour autant, très exceptionnellement, je donne le billet en clair, pour vous donner une idée de la chose, et, qui sait, l'envie de vous abonner au blog où les informations techniques seront données quasi quotidiennement (c'est public et gratuit, puisque les services de l'état sont au service des citoyens qui financent ces services)  :

Vive la Connaissance produite et partagée !
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En effet, lors d'un repas important qui réunissait des centaines de chefs, lundi soir dernier, un très grand nombre de cuisiniers, jeunes ou moins jeunes, sont venus me donner le même message, en substance. J'étais heureux, car j'avais le sentiment que mon épouse ne devait pas avoir honte de son mari.


Puis, il y a eu en début d'après midi un ami qui m'a demandé pourquoi la République ne me décorait pas et pourquoi  les associations de cuisinier ne me faisaient pas Membre d'honneur.
Je n'ai su que lui répondre, à part le remercier.





Mais la journée n'était pas finie... et  voici ce que je reçois :
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Mon cher Hervé

Bravo pour ce courrier d'un professionnel (je pense) qui te remercie de tous tes efforts consacrés à la recherche culinaire et en particulier à une cuisine du futur, la cuisine "note à note" la bien nommée.

J'en suis heureux pour toi mais les compliments sont minces par rapport à tout ce que tu fais pour notre profession

J'insiste aussi et te remercie également pour remettre sur les rails certains points sur les " i " concernant les nombreuses appellations déformées par nos grands de ce Monde. sur les techniques culinaires. C'est essentiel pour la formation de nos jeunes afin de les guider "déjà" dans le bon sens et dans le vrai nom des produits. Le chemin sera tellement plus facile pour eux.
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Merci beaucoup pour cette information et d'une façon plus générale pour le regard que vous me permettez de porter sur quelques uns de vos travaux.
J'apprécie !
Bonne soirée.

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Ce n'est pas du bonheur à l'état pur ?

lundi 8 août 2016

En salle, le beau geste est celui que l'on admire (sans y être obligé)

Quelque part, j'ai lu l'interview d'un maître d'hôtel qui déclarait que, "en salle, le beau geste est celui qui ne se voit pas". Ah bon ? Les maîtres d'hôtel ne doivent-ils être que des porteurs d'assiette invisibles ? A contrario, je me souviens pourtant d'une découpe de caille "à la volée" (l'oiseau était piqué sur une fourchette, et le maître d'hôtel en découpait les parties) qui  m'a coupé le souffle ; je me souviens de sourires aimables, d'accueils ; je me souviens d'informations techniques ; je me souviens de préparations de dernières minutes devant moi...

Pour analyser la question, n'est-ce pas une bonne idée que de se demander ce que l'on va faire au restaurant ?
Il y a autant de réponses que de personnes; et peut-être même que d'occasions d'aller dans ces endroits où il y a de la cuisine et du service. On peut vouloir découvrir la cuisine d'un "artiste culinaire". On peut avoir besoin d'un endroit hors de chez soi pour "passer un moment". Parfois, on n'a pas le temps ou la possibilité  de cuisiner, alors qu'on doit se nourrir. On peut vouloir manger mieux que ce que l'on sait préparer. On peut vouloir donner rendez-vous à des amis  ou à des relations... Pour chaque restaurant, il y a une cuisine appropriée... et un service adéquat, n'est-ce pas ? Par exemple, si l'on veut se rencontrer, on peut ne pas vouloir que le moment de la rencontre soit détourné par de l'art culinaire, mais, si l'on pressent qu'il faudra que les circonstances extérieures facilitent la discussion, il faudra au contraire que le service et la cuisine soient des supports à la discussion. Par exemple, si l'on veut découvrir la cuisine d'un artiste culinaire, on se moque (un peu) de la façon dont les mets sont servis.
Par exemple, si l'on a besoin d'être "entouré", alors le service est essentiel.
Par exemple, si l'on a simplement besoin de manger parce que l'on n'est pas chez soi, on veut quelque chose de simple et rapide. Et ainsi de suite.

De sorte que, en réalité, le bon service est celui qui a l'intelligence de s'adapter aux convives, n'est-ce pas ?

Et pour le bon geste ? Le geste n'est que la base du service. Par exemple, un bras tendu fera un bel accueil... et il se verra, bien sûr, contrairement à ce que l'on nous disait. Par exemple, une façon de marcher particulièrement élégante sera admirée  : après tout, on admire bien les mannequins, non ? Par exemple, une découpe à la volée se voit, s'admire. Par exemple... Le beau geste se voit, sans quoi il n'est pas beau  : après tout, un arbre qui tombe dans une forêt où personne n'est présent ne fait pas de bruit, non ? Mais c'est là une option philosophique.