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mercredi 6 septembre 2023

Des "perles aux herbes" ?

 

On me demande comment réaliser des perles aux herbes. Je ne sais pas ce à quoi pense la personne qui m'interroge, mais il y a de nombreuses façons d'obtenir des "perles aux herbes", la première étant d'utiliser des perles du Japon que l'on fait cuire dans une sauce avec des herbes : là, c'est le goût des herbes qui migrera dans les perles, qui prendront sans doute une légère couleur.

Mais quand on prononce devant moi le mot "perle", je pense évidemment à ces "perles d'alginate avec un cœur liquide" que j'avais introduite dans les années 1980 et que j'ai nommées des "degennes". Là, l'idée est de d'encapsuler le liquide qui contient les herbes éventuellement broyées dans des espèces de petites sphères analogues à des oeufs de saumon.
A cette fin,  il faut utiliser de l'alginate de sodium et des ions calcium, car la réunion des deux produits engendre une gélification qui peut faire la peau des perles.
Il y a deux façons de faire, la façon directe ou la façon inverse. C'est-à-dire que l'on met soit le calcium dans une grande bassine d'eau et l'on met de l'alginate de sodium dans la sauce aux herbes,  auquel cas on obtient  des perles à coeur liquide qui risquent d'évoluer en billes gélifiées. Ou bien on dissout l'alginate de sodium dans l'eau, et l'on y ajoute des gouttes du liquide aux herbes additionné d'ions calcium. Et là, la structure est plus durable.

Bref tout ce n'est pas difficile, tout cela est bien classique, et la recette se trouve en ligne partout mais aussi dans le Handbook of Molecular Gastronomy, ainsi que sur mon site  : https://sites.google.com/site/travauxdehervethis/.

mardi 6 juin 2023

On m'interroge à propos d'allergies alimentaires

1. Dans la cuisine traditionnelle, plusieurs allergies à différents produits ont été jusque-là recensés (allergie au gluten, au blanc d’oeuf, au lactose, etc..). 

Est-ce que de nouvelles allergies ont été trouvées après l’utilisation de la cuisine moléculaire, avec l’ajout des nouveaux types de produits tels que l'alginate de sodium, les gélifiants (agar-agar, carraghénanes)… ? 

 

 

Je ne suis pas certain que la question ait un sens (pardonnez moi), car la définition de la cuisine moléculaire, c'est « de la cuisine avec des ustensiles rénovés » (siphons, etc.). 

De ce fait, pourquoi y aurait-il des allergies ? 

Cela étant, oui, les gélifiants et épaississants auraient pu en produire... mais ces produits sont utilisés par l'industrie depuis déjà longtemps (par exemple, les fourrages d'olives d'apéritif, etc.)... et par  les Asiatiques depuis des millénaires, parfois. A ma connaissance, il n'y a pas plus de Chinois allergiques que nous. 

 

2) Avez-vous été inspiré des différents procédés de cuisine des cultures des pays étrangers dans l’élaboration de vos recherches ? 

 

Pardonnez moi de toujours bien lire les questions que l'on me pose, avant d'avoir quelques chances de répondre correctement. 

Vous me parlez ainsi de "l'élaboration de mes recherches"  : de quoi s'agit-il ? Si vous m'aviez dit "dans vos recherches", j'aurais mieux compris. 

Cela étant, je crains que vous ne confondiez mon travail, et mon action politique. Si vous parlez de mon action politique, tout d'abord, alors je n'ai pas besoin de faire de recherches pour proposer, jour après jour, une modernisation de la cuisine, pour proposer que l'on nomme physico-chimie la science de la chimie, et « sciences quantitatives » ces sciences que sont la physique la biologie, pour proposer que "le summum de l'intelligence est la bonté et la droiture", pour rappeler que l'alimentation est parfaitement artificielle, contrairement à ce que prétend malhonnêtement une certaine industrie, qui ment pour vendre ses produits, pour rappeler que ce n'est pas la peine de vouloir manger sainement si l'on fume, si l'on boit de l'alcool et si l'on mange des viandes cuites au barbecue, si l'on mange du chocolat, etc.  

Assez d'ignorance assortie de mauvaise foi ! Assez de ces marchands de peur, qui veulent (pourquoi  : vous l'êtes vous demandé ?) nous faire croire que notre alimentation est pleine de poisons !!!!! Je n'ai pas assez de guillemets pour dénoncer des malhonnêtetés intellectuelles. 

En revanche, si vous parlez de mes recherches, cela n'a rien à voir avec la cuisine moléculaire, comme cela est expliqué presque à chaque mot dans mon site. Mes recherches, c'est de la physico-chimie la plus fondamentale possible : il s'agit de découvrir les mécanismes du monde, en partant de phénomènes que j'observe initialement dans la cuisine. Et plus le temps passe, et plus je m'éloigne de la cuisine. 

Par exemple, vous verrez dans un numéro de l'Actualité chimique un article que j'ai fait, sur des gels. Oui, il y a des gels en cuisine, mais aussi dans toutes les industries de la formulation. Alors la cuisine, dans mes travaux scientifiques...  m'est presque étrangère. 

J'ajoute que, au laboratoire, nous ne cuisinons pas  : nous produisons des systèmes expérimentaux que nous analysons par spectroscopie de résonance magnétique nucléaire ou par chromatographie en phase gazeuse avec spectrométrie de masse, par exemple, nous résolvons des équations aux dérivées partielles. Alors vous comprenez bien que la cuisine des pays étrangers... ;-) 

 

3) Selon vous la cuisine moléculaire pourrait-elle être une future mondialisation d’une méthode de travail culinaire ? 

Je vous ai déjà répondu que la cuisine moléculaire va mourir, et que seule la cuisine note à note va s'imposer. Cela dit, la cuisine moléculaire est déjà partout : la plupart des pays ont déjà transformé leur cuisine, introduit basse température (les oeufs à 6X°C, par exemple), les "chocolat chantilly", les siphons. 

Cela étant, j'ai encore du mal avec votre phrase "la cuisine moléculaire serait une mondialisation d'une méthode de travail culinaire". Voulez vous dire "la cuisine moléculaire serait une technique culinaire employée dans le monde entier" ? Pardonnez moi, mais il suffit de dire "il pleut", plutôt que "l'eau du ciel descend sous la forme de gouttelettes sous l'action de la gravité", quand on veut être compris. Mehr Licht ! 

 

4) La cuisine moléculaire intègre-t-elle le fait de préserver au maximum les valeurs nutritionnelles des aliments ? Et peut-elle répondre aussi bien que la cuisine traditionnelle aux besoins nutritionnels nécessaires au corps humain ? 

 

Voir la définition plus haut. 

Cela dit, la cuisine moléculaire est une technique, tout comme le fait de poser les doigts sur les notes d'un piano. Avant de décider quels doigts on pose, il faut savoir quelle musique on veut jouer. De même en cuisine : ce n'est pas la technique qui détermine le résultat, mais l'intention de celui ou celle qui utilise la technique. Si un cuisinier moléculaire veut se préoccuper de la "valeur nutritionnelle", il peut le faire ; s'il ne veut pas s'en préoccuper, il a le droit, ça le regarde. 

Cela dit, arrêtons de répéter des mots vides : c'est quoi "la valeur nutritionnelle des aliments" ? Dans notre groupe de recherche, je répète aux étudiants que, au delà de trois syllabes, je ne comprends plus rien, et que je me mets à soupçonner qu'on me mente ou qu'on veuille me vendre un produit ou de l'idéologie ! Les mots compliqués, les expressions alambiquées sont toujours la porte ouverte aux malversations des malhonnêtes, des autoritaires, des paresseux... 

 

5) Comment l’usage de la cuisine moléculaire pourrait-il progresser au sein des foyers français ? 

 

Elle progresse sans cesse : la Redoute vend des siphons, et les gélifiants sont dans des coffrets pour enfant à Noël ! 

Mais je vais tout faire pour que la cuisine moléculaire meure... afin de faire advenir la cuisine note à note dont nous avons le plus grand besoin : que mangerez vous, quand il y aura 11 milliards d'humains sur la terre ? Moi, je m'en moque, d'un certain point de vue, puisque je serai mort, mais vous ? 

 

6) Vos nouvelles méthodes pour cuisiner ont elles contribué à l’élaboration de nouveaux ustensiles, avez-vous été contacté par des fabricants et peut-on encore aujourd’hui espérer voir du matériel révolutionnaire ? 

 

Oui, il y a une gamme tout entière de produits, mais attendez vous surtout à des kits de cuisine note à note, puisque j'essaie de faire mourir la cuisine moléculaire. Cela dit, la cuisine moléculaire voulait introduire des nouveaux ustensiles en cuisine : c'est la définition ! Et les ustensiles étaient dans les laboratoires. Ils sont nouveaux pour la cuisine, mais ancien pour les laboratoires ! Et il reste plein de choses à faire ! Oui, j'ai été contacté par de nombreux fabricants, et des fours sont déjà issus de nos propositions. 

 

7) La cuisine moléculaire permet par exemple d’éviter les réactions de Maillard néfastes à la santé. Connaissez-vous d’autres effets de la cuisine traditionnelle mauvais pour la santé de l’Homme qui pourraient être évités grâce à la cuisine moléculaire ? 

 

Les réactions de Maillard doivent être nommées réactions de glycation, ou amino-carbonyle. Elles sont peut être néfastes... mais les causes essentielles de cancer sont le tabac et l'alcool : je me préoccuperai de l'influence sur la santé des réactions de glycation le jour où le public cessera de fumer et de boire ! Et puis, le chocolat : 50 % de gras et 50 % de sucre ! On ne me fera pas croire que c'est bon pour la santé. 

Plus généralement, les questions de santé m'énervent, parce que nous faisons le contraire de ce qui serait bon pour notre santé.  Alors pourquoi être hypocrite ? Et pourquoi voudriez vous que je perde mon temps à m'intéresser à la "santé" si le public fait le contraire de ce qu'il sait qu'il devrait faire ? 

En revanche, plus positivement, je milite quotidiennement, dans mes sites et blogs, pour faire comprendre ce que nous mangeons. Après, chacun décidera en son âme et conscience. 

 

 

8) J’ai remarqué en faisant quelques essais de recettes en cuisine moléculaire, qu’il fallait suivre la technique à la lettre, et être très strict et vigilant dans les quantités et les temps de cuisson donc avoir de la rigueur dans sa façon de travailler pour arriver à un travail satisfaisant (comme toute sciences d’ailleurs !). Vous parlez à juste titre de robustesse d’une recette. Alors que dans la cuisine traditionnelle, ce manque de rigueur ne fait moins barrière à un résultat satisfaisant, La cuisine traditionnelle semblerait donc laisser plus de liberté d’expression au niveau artistique à un cuisinier pour élaborer des recettes (je ne parle pas ici de la recherche de nouvelles recettes où là au contraire, une plus large palette de possibilités s’ouvre au cuisinier en cuisine moléculaire). Quel est votre avis sur le sujet ? 

 

En pâtisserie, il faut être précis, aussi. Et  en cuisine aussi : si vous faites sauter une coquille Saint Jacques, vous avez intérêt à bien surveiller  ! Idem pour un steak, qui risque de se transformer en semelle. Voir à ce sujet un des séminaires de gastronomie moléculaire, où nous avions comparé cuisine et pâtisserie (dans les milieux traditionnels, on dit que les cuisiniers sont moins précis que les pâtissiers), et où nous avions conclu expérimentalement que les on dit étaient faux. 

Bref on ne peut pas généraliser : pour l’utilisation d'un siphon, par exemple, c'est très facile et il n'y a aucune précision nécessaire. Pour de l'azote liquide aussi. Pour une sonde à ultrason pour faire une émulsion aussi. SVP, ne généralisez pas le petit cas des gélifiants à l'ensemble de la cuisine moléculaire. 

 

9)  Avez-vous entendu parler de la cuisine moléculaire au naturel ? Si oui, pensez-vous qu’elle puisse être la continuité de la cuisine moléculaire

 

Pardon, mais « cuisine naturelle », ou cuisine au naturel, c'est une impossibilité : est naturel ce qui ne fait pas l'objet d'une transformation par l'être humain. Or la cuisine EST une transformation par l'être humain. La cuisine est donc ARTIFICIELLE. Ne vous laissez pas embobiner par une certaine industrie, qui fait du green washing. Il n'y aura jamais de naturel dans l'alimentation humaine ! Et, je le répète, la cuisine moléculaire va mourir, et c'est la cuisine note à note qui s'imposera... et commence déjà à se développer de façon explosive dans le monde. D'ailleurs, la cuisine note à note n'est pas moins naturelle que la cuisine classique (ici, j'avais écrit "traditionnel"... mais c'était une bêtise : dans la mesure où vos traditions auvergnates ne sont pas les miennes, alsaciennes, la cuisine traditionnelle n'existe pas). Pensez par exemple au sucre de table, le saccharose, composé pur extrait des betteraves. Ou à l'huile (mélange de triglycérides) obtenu par pressage de graines... Ou au sel, produit par évaporation d'eau de mer. Ou à la gélatine obtenue par cuisson du pied de veau. Ou au vin, obtenu par fermentation de jus de raisin pressé. Que l'on presse, que l'on filtre, que l'on évapore... ou que l'on distille, que l'on sépare sur membranes d'osmose.. Tout cela est bien pareil, non ?

vendredi 12 juillet 2019

Autres questions et autres réponses


Amusant, que les questions que l'on me pose sont sans cesse les mêmes ! Ce matin :

La fermeture d'El Bulli en 2011 a-t-elle sonné le glas de la cuisine moléculaire ?

Le glas de la cuisine moléculaire ? Où avez vous vu cela. Je ne cesse de recevoir des emails (plusieurs par jour) de personnes du monde entier qui me font part de leur bonheur de produire une cuisine moderne !
D'autre part, la cuisine moléculaire est aujourd'hui partout... et l'on n'oublie pas que sa définition, c'est de cuisiner avec de nouveaux outils. Or la plupart des restaurants du monde font aujourd'hui de la cuisson basse température, et mon "oeuf parfait", ou mon chocolat chantilly sont  dans tous les pays. Des supermarchés très populaires vendent des siphons, et tous les professeurs de lycées hôteliers reçoivent une formation de gastronomie moléculaire.
C'est donc un travail non pas achevé, mais très bien engagé, et El Bulli ne compte pour rien, dans tout cela. Regardez les restaurants les plus en vogue: ils n'ont plus que de la cuisine moléculaire... que je cherche  à tuer pour installer la "cuisine note à note"... qui est déjà également enseignée dans nombre de pays.


Vous attendiez-vous aux problèmes d'ordre sanitaire et médical qu'a connu Adria Ferran ?

Les problèmes sanitaires de Ferran Adria ? Ils valent pour tous les restaurants : la Food and Drug Administration a publié sont études des désordres intestinaux, et montré que la moitié de ceux-ci résulte d'un passage dans un restaurant où les cuisiniers se sont insuffisamment lavés les mains. Il y a peu, je suis revenu de Tunisie avec une diarrhée terrible, qui résultait d'une cuisine parfaitement traditionnelle. Quel journal va en parler ? Qui incriminera la cuisine traditionnelle ?
Avec les cuisiniers publiquement exposés, il y a seulement le fait que quand le roi pète, tout le monde s'en aperçoit, notamment la presse la plus réactionnaire. Inversement, on ne parle pas des mille inconvénients de la cuisine classique, qui conduit à l'obésité, ou à faire manger des benzopyrènes cancérogènes (le nord de l'Europe meurt de manger trop de produits fumés...).
Cela étant, depuis le début de la cuisson à basse température, je ne cesse d'alerter sur le fait qu'il faut faire attention aux utilisations des nouveaux outils : ne pas cuire longtemps à des températures inférieures à  60 °C pour des cuissons longues, ne pas cuire le porc, le sanglier, à des températures inférieures à 85 °C, par exemple.
Surtout, cuisiner en sachant ce que l'on fait. C'est comme pour l'emploi d'un couteau : il y a du danger... mais il faut éviter les risques, en apprenant à s'en servir. Du coup, vous auriez aussi pu me parler de l'azote liquide, où il y a eu deux accidents... mais combien d'intoxications par la cuisine traditionnelle ? Combien d'empoisonnements aux champignons ? Aux herbes de la forêt ? Etc.
Bref, cessons de parler craintivement de tout ce qui est nouveau (le plus lourd que l'air ne volera pas  ; les chemins de fer feront tourner le lait des vaches, etc.), et promouvons  le travail, la connaissance, qui contribue à minimiser les risques (puisque, cuisine classique ou pas, il y a du danger).


Certains critiques gastronomiques sont vent debout contre les jugements du guide Michelin. Il aurait tendance à délaisser la cuisine française de terroir.

Question difficile. C'est comme si l'on se plaignait que les revues de musique se plaignaient que l'on parle plus de Lady Gaga, Justin Bieber que de Karajan jouant Mozart. Chaque époque a son art majeur, en cuisine comme en musique, comme en peinture.


Quel est votre rôle, à propos de la Fondation Science et Culture Alimentaire ?
Mon rôle : je suis directeur scientifique de la Fondation Science & Culture Alimentaire de l'Académie des sciences. A ce titre, je dois susciter la création de pôles, contribuer à leur développement, rendre compte au Conseil scientifique et au Conseil d'administration, mettre les divers pôles en relation, aider ceux qui, localement, font un travail d'animation autour du fait alimentaire.
A noter que, dans cette mission, je mets complètement de côté mes envies et idées de cuisine moléculaire, cuisine note à note ou même gastronomie moléculaire. J'agis seulement pour que naissent des initiatives qui réconcilient le grand public, l'éducatif, l'artisanat, l'industrie, la recherche, le politique, autour du développement régional, en matière alimentaire. Il n'y aura de mes envies que si nos amis le demandent, mais c'est secondaire. En revanche, je fais tout mon possible pour satisfaire à ce mot d'ordre "Vive la connaissance produite et partagée".


Votre plat préféré ?

Celui que je partage avec des amis ! Des amis, c'est-à-dire des gens qui considèrent que le summum de l'intelligence, c'est la bonté et la droiture. Des gens qui ne sont ni dans la quête du  pouvoir ou de l'argent, des gens qui se soucient du collectif, de la "convivialité". Des gens qui se préoccupent des générations futures. Un plat, quel qu'il soit, rien qu'avec des gens merveilleux, vieux, jeunes, femmes ou hommes, peu importe. Pour moi, les êtres humains sont plus importants, vous l'avez compris, que ce que je me mets dans la bouche.
Évidemment, quand mon ami Pierre Gagnaire cuisine, ce n'est pas rien... mais alors il ne s'agit plus de "manger", mais d'apprécier des œuvres d'art, comme l'on va à l'Opéra. Et quand on partage le bonheur de la culture avec de "belles personnes", c'est évidemment encore mieux.

dimanche 24 mars 2019

La gastronomie moléculaire, c'est quoi ? Ce n'est pas quoi ?

Le flot des messages envoyés par des élèves en classe de première se tarit, parce qu'ils ont maintenant terminé et rendu leur travail, mais quelques attardés continuent d'écrire.

Par exemple, aujourd'hui :

Étant en élève de première S, j’ai dû comme beaucoup d’autres élèves travailler sur des travaux pratique encadrés. Le nôtre portait sur les phénomènes de dispersion dans les liquides, la mousse et la mayonnaise.. 
Nous nous sommes énormément aidé de vos travaux, et vous remercions..
Mais il nous trotte une dernière question, selon vous s’il on étudie la mayonnaise et la mousse ( émulsion, polarité, miscibilité et tensioactifs) de façon théorique, nous parlons de gastronomie moléculaire.. 
Mais si l’on effectue les recettes de mayonnaise et de mousse au chocolat dans le cadre de « test » comme vous avez pu le faire sur vos vidéos youtube, parlons nous de cuisine ou de gastronomie moléculaire ? 
Nous hésitons énormément étant donné que la gastronomie moléculaire est la recherche des principes et phénomènes, tandis que la cuisine moléculaire est l’application théorique de ces principes.

J'avais initialement répondu :

Bonjour, et bravo pour votre distinction. Disons que la gastronomie moléculaire est l'étude (scientifique) des phénomènes qui se produisent quand on cuisine.
Et cuisiner, c'est préparer des aliments, à savoir des systèmes physico-chimiques qui sont destinés à la consommation humaine.
Si vous faites une mayonnaise, vous faites de la cuisine.
Si vous variez des paramètres de confection d'une mayonnaise en vue de voir le changement, vous faites de la technologie culinaire.
Si vous utilisez une sonde à ultrasons pour faire une mayonnaise, vous utilisez un ustensile nouveau, et vous faites de la cuisine moléculaire, c'est-à-dire de la technique.
Et si vous analysez la confection d'une émulsion qui se nomme mayonnaise, ou si vous testez une précision culinaire particulière, vous faites de la gastronomie moléculaire.
Je ferai un billet plus détaillé sur mon blog dans les jours qui viennent, notamment sur le dernier point, où je suivrai la méthode des sciences de la nature.
Bon courage


Mais reprenons.

La gastronomie moléculaire est donc la science qui s'intéresse aux phénomènes culinaires, en vue d'en chercher les mécanismes par la méthode classique des sciences, à savoir :
- identification d'un phénomène
- caractérisation quantitative du phénomène
- réunion des données de mesure en lois
- recherche de mécanismes, par introduction de concepts
- recherche de prévisions  à partir du corpus théorique élaboré
- tests expérimentaux de ces prévisions théoriques.


Par exemple, imaginons que nous nous intéressions à la mayonnaise. Chercher s'il est vrai que la moindre trace de blanc fait rater la sauce est une expérience préliminaire qui permet d'identifier ou non un phénomène. En l'occurrence, le test montre que nous n'avons pas à nous demander si la moindre trace de blanc fait rater la sauce... parce que le blanc ne fait pas rater la sauce. Cette expérience préliminaire fait donc partie de la gastronomie moléculaire : on fait l'expérience en vue de comprendre les mécanismes, pas pour faire à manger (cuisine) ni pour perfectionner la sauce (technologie).

Un dernier commentaire : nos jeunes amis croient que "la gastronomie moléculaire est la recherche des principes et phénomènes, tandis que la cuisine moléculaire est l’application théorique de ces principes". Ce n'est pas juste.
La gastronomie moléculaire n'est pas la recherche des "principes et phénomènes", mais la recherche des mécanismes des phénomènes qui surviennent quand on cuisine.
D'autre part, la cuisine moléculaire n'est pas l' "application théorique de ces principes", mais la forme de cuisine qui fait usage de matériels venus des laboratoires, essentiellement d'ailleurs des laboratoires de chimie : thermocirculateurs, azote liquide, etc.

samedi 9 février 2019

La gastronomie moléculaire au quotidien ?

Ce matin, une question qui appelle une réponse :

Bonjour Monsieur This,
Je m'appelle xxxxx, j'ai 19 ans, je suis pâtissier et actuellement en BTM (brevet technique du métier). Le but,  à la fin de ce diplôme, est de faire un mémoire qui propose une thématique et une problématique, puis créer un projet autour de la problématique choisie, dans mon cas "comment intégrer la cuisine et gastronomie moléculaire dans notre quotidien" . 
Je sais que votre temps est précieux, mais cela serai un grand honneur pour moi de créer ce projet avec vous, qui avez introduit ce courant gastronomique.
Merci d'accorder votre temps à lire ce mail.
Avec mes salutations distingués.


Et voici ma réponse : 


Merci de votre message. Je peux évidemment vous aider, mais la question me paraît à affiner. 

Vous posez la question : "comment intégrer la cuisine et gastronomie moléculaire dans notre quotidien", et il y a donc une amphibologie. Voulez vous dire "comment intégrer la cuisine moléculaire (d'une part) et la gastronomie moléculaire (d'autre part) dans notre quotidien" ? 

Pour la cuisine moléculaire, dont la définition est d'utiliser des ustensiles venus des laboratoires, la chose est déjà faite, puisque les fours ont tous des fonctions basse température (d'où les oeufs parfaits partout dans le monde), et que les siphons sont en vente chez Lidl, par exemple ; les perles d'alginate se vendent dans des boites à Noël. Bien sûr, on peut continuer , et on continuera : il y a quelques semaines, j'ai appris qu'un fabricant vendait des sondes à ultrasons pour faire les émulsions, ce que j'avais proposé en 1984 !

Maintenant, la "gastronomie moléculaire dans notre quotidien" ? La gastronomie moléculaire étant une activité scientifique, elle ne peut être que dans le quotidien de ceux qui la pratiquent (des scientifiques dans des laboratoires), de ceux qui l'enseignent (les professeurs de cuisine de l'éducation nationale reçoivent des cours de gastronomie moléculaire) ou de ceux qui l'apprennent (dans les écoles à des niveaux variés, comme pour des cours de physique, de chimie ou de biologie).

Mais ce n'est peut-être pas cela que vous aviez en tête ?

J'y pense : connaissez vous les séminaires de gastronomie moléculaire, et voulez vous recevoir les annonces et résultats ?  Il suffit de me demander de vous inscrire sur la liste de distribution. 





jeudi 31 janvier 2019

Questions vraiment naïves : mes amis n'ont pas préparé la chose

Hélas, il y a des groupes d'élèves qui ne travaillent pas assez : si ceux qui m'ont posé ces questions avaient préparé, ils auraient eu toutes les réponses !




Pouvez-vous vous présenter un peu ?

Je suis chimiste : cela signifie que je pratique une science de la nature, et, plus précisément, que je suis à la recherche des mécanismes des phénomènes, par la "méthode scientifique.


Etiez-vous intéressé par les sciences quand vous étiez plus jeune ?

Plus qu'intéressé : passionné par la chimie et les sciences de la nature depuis l'âge de six ans ! Mais passionné à un point que vous n'imaginez même pas !
Et je le suis tout autant qu'avant, voire plus !


Quel genre d'élève étiez vous?


Passionné pour la chimie, les sciences, les lettres... Irrespectueux... parce que la science ne reconnaît aucune autre autorité que l'expérience et le calcul !


Qu'est ce qui vous a plu ou intéressé dans la cuisine moléculaire ?


Je l'ai proposée pour moderniser les techniques culinaires, qui étaient très périmées !


Pensez-vous que la cuisine moléculaire est la cuisine de demain? Certainement pas; c'est ringard.

Vive la cuisine note à note : cuisine pour les cuisiniers (et vive la gastronomie moléculaire pour les scientifiques).


Quels sont les chefs les plus réputés de la cuisine moléculaire ?


Je ne veux pas le savoir, et cela ne m'intéresse pas, car la cuisine moléculaire est un truc de vieux. Le futur, c'est la cuisine note à note.


Vous considérez-vous comme un chef de cuisine moléculaire ?

Mille fois non, puisque je suis chimiste, et pas cuisinier. J'ai introduit la cuisine moléculaire, mais c'est du passé. Il y a devant nous la gastronomie moléculaire (science) et la cuisine note à note, pour cuisiniers

Quel à été votre parcours scolaire ?
Voir mon CV sur mon site.


Existe-il une école de cuisine moléculaire ?
Plein, dans le monde. Plus exactement, la plupart des écoles de cuisines ont font (et enseignent donc) de la cuisine moléculaire, pour des raisons exposées ailleurs.


La cuisine moléculaire est-elle réputé parmis (sic) vos clients ?
Je suis scientifique, et je ne fais rien manger à personne, sauf le soir le repas à ma famille.


Nous avons raté toute nos tentatives de sphérification, auriez-vous des conseils ou une recette ?

Réfléchir, analyser ce que vous avez fait et le confronter aux recettes que je donne sur mon site... mais en comprenant ce que vous faites !

samedi 19 janvier 2019

A propos de mousses et de cuisson

Aujourd'hui, deux questions que je n'avais jamais eues, de sorte que je réponds sans attendre :

1. J'ai lu que vous aviez fait l’expérience des blancs en neige avec la pompe à vélo, mais pourquoi ? Le batteur est plus pratique


Oui, il y a environ 40 ans (déjà !), je m'étais interrogé sur la production des blancs en neige, et j'avais compris qu'il s'agissait de simples mousses, avec des bulles d'air dans un liquide fait de 90 pour cent d'eau et de 10 pour cent de protéines. Pour montrer que le fouet n'était rien qu'une des milles possibilités d'obtenir une telle mousse, j'avais utilisé une pompe à vélo... mais n'oubliez quand même pas que j'ai une forte tendance à la "rigolade sérieuse".

Bref, dans la foulée, j'avais montré qu'une pompe d'aquarium soufflant de l'air dans les blancs faisait des mousses aux bulles bien plus grosse que pour du blanc d'oeuf. Et, surtout, j'avais proposé de faire mousser des mélanges variés : pensons par exemple à du jus de framboise additionné de protéines.

Là, c'était plus pratique que la pompe à vélo, parce que l'on appuie sur un bouton, et tout se fait automatiquement. Mais il ne s'agissait que de deux exemples, et j'avais montré également l'utilisation de siphons... qui sont aujourd'hui partout en vente dans les grandes surfaces, et là, c'est bien plus pratique de fouetter au fouet !

J'ajoute que l'histoire n'est pas finie : je n'aime pas beaucoup les siphons actuels, parce que les recharges sont un peu du gaspillage... et aussi que des jeunes se droguent au protoxyde d'azote qui est dedans. Je préfère des compresseurs qui font le même travail, avec de l'air.


2. Je ne doute pas que la cuisson au lave vaisselle soit intéressante, mais pourquoi pas à la vapeur directement ?

Je vois que mon interlocutrice ne connait pas la "cuisson à basse température", qui est un progrès considérable pour l'économie familiale ! Transformer des viandes dures, qui coûtent 4 euros le kilogramme, en viandes fondantes, telles qu'on les paierait plus de 20 euros, c'est quand même quelque chose d'essentiel !
Sans compter que le résultat est constant, que le bouillon a beaucoup de goût... et que l'on perd moins de masse à la cuisson. Imaginez un rôti de un kilogramme : si vous le cuisez à 180 degrés ou même à 100 degrés, il perd entre 20 et 30 pour cent de sa masse : en pratique, on achète un kilogramme, et l'on ne sert que 700 grammes ! En revanche, à basse température, la perte est très faible.  Mais, surtout, avec oeufs, poissons, volaille, le résultat est absolument merveilleux. Et c'est plus facile à régler qu'à la vapeur (laquelle, d'ailleurs ?).
Mais, ayant expliqué l'intérêt de la cuisson à basse température, il faut en venir au lave-vaisselle : cette fois, c'est de l'économie sur l'énergie dépensée pour la cuisson, puisque les aliments (protégés dans des plastiques de qualité "alimentaire") cuisent sans utiliser d'autre énergie que celle qui serait déjà dépensée pour faire la vaisselle !
Cela dit, il y a mille façons de faire, mais, j'y repense, pourquoi un attachement particulier à la vapeur ? Et nous pourrions-nous pas penser à encore d'autres méthodes encore plus modernes ? D'ailleurs, pour la "cuisine note à note", comment cuire au mieux ?

A noter que les questions technologiques et techniques sont notamment abordées dans

mardi 15 janvier 2019

Il y a quand même des questions cocasses !

 Chaque jour, il y a un lot de questions qui m'arrivent par des élèves qui font des travaux personnels encadrés, et je les renvoie souvent sur mon site pour les questions auxquelles j'ai répondu précédemment. Mais il y a parfois des questions nouvelles, comme aujourd'hui, et mes réponses viendront s'ajouter à celles qui sont déjà présentes par milliers, en français et en anglais, sur : https://sites.google.com/site/travauxdehervethis/Home/et-plus-encore/pour-en-savoir-plus/questions-et-reponses

1. Peut-on considéré la gastronomie moléculaire comme une révolution scientifique, médicale et alimentaire ? 
On verra plus loin que nos amis confondent gastronomie moléculaire et cuisine moléculaire, science de la nature et technique+art (culinaire.
Il faut donc commencer par leur expliquer la gastronomie moléculaire, c'est une discipline scientifique (comme la physique, la chimie, la biologie, l'astronomie...), qui, tout particulièrement, cherche les mécanismes des phénomènes qui surviennent en cuisine.
Par exemple, quand un cuisinier fait de la cuisine, et qu'il fait par exemple griller une viande, la viande brunit : c'est un phénomène.
La question de savoir pourquoi la viande brunit n'est pas de la cuisine, mais si l'on s'interroge scientifiquement sur cette question, on fait de la science (de la nature; rien à voir avec les sciences de l'humain et de la société).
 J'insiste un peu : s'interroger scientifiquement, c'est mettre en oeuvre la méthode des sciences de la nature, expliquée dans plein d'autres billets et résumée sur la figure suivante :


Finalement, il y a la question de "révolution", mot souvent galvaudé. Que signifie-t-il ? Je montre pédagogiquement l'exemple en allant chercher son sens sur le TLFi, le seul dictionnaire qui vaille  :
http://stella.atilf.fr/Dendien/scripts/tlfiv5/visusel.exe?12;s=3944010540;r=1;nat=;sol=1;
Je trouve :
# Mouvement en courbe fermée autour d'un axe ou d'un point, réel ou fictif, dont le point de retour coïncide avec le point de départ : cela n'est pas le cas.
#  Trajectoire effectuée par un satellite artificiel : ce n'est pas le cas non plus.
# Retour périodique; durée déterminée par un cycle : ça ne va pas.
# État, forme de ce qui est enroulé sur soi-même : non plus.
# Changement brusque et profond : ah, oui, l'introduction de cette discipline scientifique a été un changement brusque et profond, en 1988.

Reste à savoir si c'était une révolution scientifique, médicale ou alimentaire. La création d'une nouvelle discipline scientifique est certainement une révolution scientifique. Mais la gastronomie moléculaire a-t-elle influé sur la médecine ? Je ne sais pas. Sur l'alimentation ? Certainement, puisque nous avons même rénové les études dans les lycées hôteliers.

3. Pouvez-vous nous expliquer la différence entre la cuisine et la gastronomie moléculaire ?
Ici, nos amis font une amphibologie, parce que l'on ne sait pas si l'adjectif "moléculaire" s'applique au mot cuisine, comme au mot "gastronomie". Je reformule donc pour répondre.
La cuisine : c'est la préparation des aliments à partir des ingrédients. Il y a des aspects techniques, artistiques, et sociaux, comme je l'explique dans mon livre que voici :
La gastronomie moléculaire, c'est donc une science de la nature.
La cuisine moléculaire : c'est une forme de cuisine qui, au lieu d'utiliser les ustensiles anciens, utilise aussi des ustensiles venus des laboratoires : siphons, azote liquide, sondes à ultrasons, thermocirculateurs pour la cuisson à basse température.

4. Peut-on dire que la gastronomie moléculaire joue déjà un rôle  dans notre alimentation quotidienne ? 

La gastronomie moléculaire joue un rôle par ses applications, qui sont de deux types :
- pédagogiques
- techniques.
Oui, la gastronomie moléculaire a un rôle éducatif... puisque les programmes incluent des considérations scientifiques sur l'aliment. Voir aussi les Ateliers expérimentaux du goût. Et l'on ne cuisine plus avec des dictons culinaires dépassés (par exemple, la croyance que les règles féminines auraient fait tourner les sauces !)
D'autre part, oui, la gastronomie moléculaire a eu une influence sur notre alimentation quotidienne : la cuisson à basse température est partout, les siphons sont en vente dans les supermarchés, et les agar-agar et autres se sont ajoutés à la gélatine, par exemple.

5. Des aliments déjà commercialisés comme le steak de soja ont-ils été fait suivant la gastronomie moléculaire ?
Le steak de soja est-il un produit de la gastronomie moléculaire ? 
Non.

6. La gastronomie moléculaire est-elle un atout pour résoudre les problèmes d’alimentation (malnutrition, sous-nutrition) dans le monde ? 
Certainement, et cela se fera par la "cuisine note à note"... qui devrait être le thème principal du travail de nos jeunes amis !

7. Pensez-vous que l’on puisse encore exploiter ce domaine ? Il y a-t-il encore des découvertes possibles sur ce sujet ? 
Des découvertes à faire ? J'ai 25 000 questions dont je n'ai pas la réponse, et, chaque jour, j'abonde sur le blog Inra pour proposer des questions testables aux internautes : http://blogs.inra.fr/herve_this_cuisine
Mais, surtout, quiconque connaît la méthode scientifique (image ci dessus) comprend que la science n'a pas de fin !

8. Comment avez-vous rencontré Nicolas Kurti ? D’où vous est venu l’idée de développer ensemble la gastronomie moléculaire? 
Là, la raison est déjà donnée dans mes "Questions/réponses" de mon site.

9. Pourquoi vous considérez vous comme un physico-chimiste ? 
 Là, j'ai bien rigolé. Parce que c'est mon métier ! D'ailleurs, on verra ci dessous que nos jeunes amis m'ont confondu avec un cuisinier.
Il faut qu'ils aillent en ligne voir comment est mon laboratoire, ce que l'on y fait. Tiens, j'ai un lien pour eux :
https://www.youtube.com/watch?v=IgpLkcDp8h4&feature=youtu.be

10. La cuisine moléculaire peut-elle amener tous les nutriments nécessaires (protéines, glucides, vitamines) au bon fonctionnement de notre organisme ?
Cette fois, nos amis parlent de cuisine moléculaire, et j'espère qu'ils savent bien :
- ce que c'est
- que c'est bien dépassé par la "cuisine note à note"
Et je crois que la question se pose pour la cuisine note à note... mais j'ai répondu de nombreuses fois sur ce blog : qu'ils aillent y  chercher les réponses.

11. Les plats de la cuisine moléculaire peuvent-ils constituer un régime alimentaire diététique ? 
 La cuisine moléculaire ne m'intéresse plus depuis longtemps, et la seule question intéressante est à propos de la cuisine note à note. La réponse est donnée dans mon livre :


Cela étant, j'invite mes amis à réfléchir à leur formulation "régime alimentaire diététique" ? La consultation du dictionnaire leur montrera que cela n'a pas grand sens.

12. Pensez-vous que la cuisine moléculaire peut répondre aux besoins alimentaires de toute la population mondiale de demain ?  
Pour la cuisine moléculaire, non. Pour la cuisine note à note, j'espère. Voir mon livre.

13. Est-ce que la cuisine moléculaire est-elle appropriée  pour une alimentation quotidienne au niveau de la santé ? Nuit-elle à l’environnement ? 
Même réponse que pour 12... et elle nuit certainement moins à l'environnement que la cuisine classique, qui est un véritable gaspillage !

14. Pensez-vous que c’est l’esthétique des plats qui attirent la clientèle ? 
J'ai peur que nos jeunes amis ignorent que l'esthétique est une branche de la philosophie : celle qui s'intéresse au beau.
Mais bon, j'interprète  : les jolis plats attirent-ils la clientèle ? Je le suppose. Et cela est discuté tout particulièrement dans mon livre "La cuisine, c'est de l'amour, de l'art, de la technique".


15. Avez-vous beaucoup de concurrents qui pratiquent aussi la cuisine moléculaire ? 
Mais moi je ne fais pas de cuisine moléculaire ! Je fais de la gastronomie moléculaire, à savoir de la science.
Et je n'ai pas des "concurrents", mais des tas de collègues merveilleux dans des tas de pays du monde... au point que nous faisons tous ensemble un gros Handbook of molecular gastronomy.
Et puis, je trouve cette idée de concurrents enfantine, limitée (pardon, mais c'est mon vrai sentiment). En musique, Bach et Buxtehude n'étaient pas "concurrents". En science, Einstein et Marie Curie n'étaient pas "concurrents".
16. Pensez-vous que la cuisine moléculaire est accessible pour le monde entier (possible dans tous les pays, prix abordables) ? 

Oui, et c'est pour le public que je l'ai créée, comme un moyen d'aider l'économie familiale... mais la réponse détaillée est dans les questions/réponses de mon site.

17. La cuisine moléculaire est-elle rentable ? Votre marge de profit est-elle inférieure ou supérieure à celle d’un restaurant servant des plats traditionnels ? Et vos coûts intermédiaires sont-ils plus ou moins élevés que ceux des autres restaurants d’autres types ? 
Je vous avais averti que nos jeunes amis croyaient que j'étais cuisinier !
JE NE SUIS PAS CUISINIER MAIS SCIENTIFIQUE, et plus particulièrement PHYSICOCHIMISTE !

18. Est-ce facile de se procurer les ingrédients (gomme de xanthane, alginate de sodium) ? Sont-ils chers ? Peut-on en acheter en masse et réduire son coût ? Où en achetez-vous ? 
Oui, non, au supermarché.

19. Quels sont les plats les plus coûteux (pour vous en terme de coût intermédiaire) que vous présentés sur votre carte ?
Au laboratoire, je n'ai pas de carte, désole (lol).

20. Comment justifiez-vous le prix élevé des plats de la cuisine moléculaire ? Ce coût dérange-t-il la clientèle ?  Pensez-vous qu’il est possible de diminuer son coût ? 
Voir mon site.

21. Pensez-vous que des particuliers puissent réaliser les mêmes plats que vous (trouver tous les ingrédients, matériels) ? 
Voir mon site.

22. Pourquoi pensez-vous qu’aussi peu de cuisiniers le pratiquent ? Avez-vous alors du mal à trouver des cuisiniers spécialisés dans ce domaine ? 
Il y a de la cuisine moléculaire dans le monde entier, mais, encore une fois, c'est dépassé par la cuisine note à note. Et ce n'est pas une question d'argent, mais de mentalité; voir les billets correspondants.

23. Les gens appréhendent-ils de goûter à vos plats ? Pensent-ils que cela est très chimique ?
Idem 22, mais, au fait, savez-vous ce que signifie le mot "chimique" ?

24. Avez-vous déjà rencontrés des clients qui n’ont pas pu tolérer vos plats ? Ont-ils rencontré des problèmes de santé ? Si oui, quels ont été les éventuelles causes de ces imprévus ?   
 Je ne suis pas cuisinier !

15. En moyenne, combien de temps vous faut-il pour confectionner vos plats ? Quels sont les plats les plus rapides ? Quels sont les plats qui vous prennent le plus de temps ? Quels sont les plats les plus populaires ? 
Je ne suis pas cuisinier !

16. Pouvez-vous nous donner une recette rapide et facile à faire chez soi ? 
Voir les podcasts d'AgroParisTech, en particulier ceux sur le gibbs ou le dirac, mais aussi les plats que fait mon ami Pierre Gagnaire à partir de mes inventions mensuelles  : https://www.pierregagnaire.com/pierre_gagnaire/pierre_et_herve

17. Dans vos plats, sur quels procédés vous reposez-vous pour solliciter les sensations cognitives de vos clients ?   
Je ne suis pas cuisinier !

vendredi 4 janvier 2019

Répondre "scientifiquement" ?

Ce matin, un message amical que voici, et qui méritera de longs développements. Pour rester lisible, je vais faire modulaire. Mais voici le message.

Je me permet de vous contacter, car je pense que vous faîtes partie des rares personnes être capable de me répondre objectivement, donc scientifiquement. J'ai deux questions qui me taraude :
1 - Pourquoi "faut-il" (ou pas) mettre des bouchons en liège dans l'eau lors de la cuisson de mon poulpe ?
J'ai testé avec et sans, et clairement je n'y ai objectivement trouvé aucune différence de résultat, alors vous allez me répondre que j'ai déjà la réponse... mais il y a peut être une raison scientifique qui permet de comprendre pourquoi ces satanés bouchon de liège ? Les "anciennes" de ma famille me répondent "Oui tu dois mettre des bouchons on à toujours fait comme ça"... mais personne pour me dire pourquoi... Peut être que vous pourriez m'éclairer sur le sujet ? 
2 - Je vois pas mal de monde commencer le culottage des poêles en acier en faisant bouillir des épluchures de pommes de terre dans la poêle, pour un dépôt d'amidon qui permettrait à l'huile que l'on va mettre dans la poêle de mieux adhérer ou pour une raison que j'ignore, pour un meilleur culottage. J'ai bossé avec des chefs qui ne juraient que par cela, mais toujours incapable de m'expliquer l'action de l'amidon pour le culottage ... "il faut" " c'est comme ça". Bref, j'ai parfois l'impression d'entendre des "légendes urbaines", des gestes que l'on reproduit sans comprendre pourquoi on les fait, parce que tel ou tel chef le fait, peut -être lui même sans le comprendre aussi. Auriez vous un avis sur ce sujet  qui puisse m'éclairer ?


Une réponse "scientifique" ? Donnée scientifiquement ?

Commençons par le tout début, à savoir l'expression "personnes être capable de me répondre objectivement, donc scientifiquement" : elle me plonge dans des réflexions merveilleuses, parce que je m'interroge sur l'objectivité, d'une part, mais aussi sur la réponse "scientifique".
Je rappelle que la science (de la nature) cherche les mécanismes des phénomènes, en mettant en oeuvre une méthode que j'ai décrit tant de fois que je renvoie vers d'autres billets, en me contentant de remettre le schéma de la chose.
D'autre part, je rappelle que je dis souvent qu'il vaut vivre en scientifique (pour les scientifiques) et non pas en tant que scientifique.
Tout cela étant posé, que serait  une réponse "scientifique" ? Je vois finalement la même difficulté que dans l'exemple souvent retenu pour la "faute du partitif" : le cortège présidentiel n'est pas le cortège du président. Et, ici, je pense qu'il serait juste de parler de "réponse donnée par des études scientifiques", ou de "réponse donnée par un scientifique". 
L'objectivité ? Là, cela nous emmènerait trop loin.


La première question

A propos du bouchon de liège dans l'eau de cuisson des poulpes, nous avons fait il y a quelques années un séminaire de gastronomie moléculaire où nous avons comparé le même poulpe (une moitié) cuit avec bouchon et sans bouchon, le même temps et dans les mêmes conditions exactement, et n'avons vu aucune différence.
Le conseil est une "précision culinaire", et mon correspondant trouvera tout cela discuté dans mon livre "Cours de gastronomie moléculaire N°2 : les précisions culinaires".



Cela dit, l'exploration scientifique de la cuisson des poulpes (il y a nombre de publications) montre que le mécanisme principal proposé pour la cuisson, à savoir la dégradation du collagène, n'a rien à voir avec l'apport de composés par le bouchon, à savoir au maximum un peu de composés phénoliques, qui iraient plutôt durcir qu'attendrit, puisque les "tanins" tannent, précisément. Et chercher pourquoi certains ont dits des choses fausses fait un long chapitre de mon livre ; trop long pour que je le résume ici.


La seconde question

A propos du culottage des poêles, je ne connaissais pas cette "précision" culinaire qui consiste à bouillir des épluchures de pomme de terre, et j'en étais resté à la pratique de "brûler" la poêle, à savoir la faire chauffer très fort à la première utilisation, et cela afin -dit-on- d'éviter que les omelettes n'attachent. Là, je n'ai fait aucune étude, de sorte que je ne peux rien répondre de censé... sauf à dire que les précisions culinaires sont en nombre considérable, puisque j'en mets une par jour environ sur le blog que je tiens à l'Inra. J'ai de la réserve, puisque mon stock en contient 25 000 environ !
Et beaucoup sont fausses... pour les raisons que j'évoque dans mon livre.


En conclusion

Pour de l'enseignement fiable, il y a lieu de nettoyer ces écuries d'Augias. C'est ce que j'ai commencé à faire en  1980... et je suis loin d'avoir terminé, mais beaucoup de mes publications font état de résultats, qui ont d'ailleurs contribué à rénover l'enseignement, au dam de certains enseignants réactionnaires ou paresseux, mais avec l'approbation de tous les bons enseignants, de bonne volonté, soucieux de bien transmettre.

Et ceux-là sont mes amis !

jeudi 22 novembre 2018

Des questions de journalistes

Certaines questions m'arrivent d'élèves ou d'étudiants, notamment quand ils font des travaux personnels encadrés. D'autres me viennent de journalistes, et elles sont manifestement complémentaires. Ici, j'ai la possibilité de m'expliquer sur mes relations avec la chimie et la cuisine.


 - Votre passion pour la chimie ET la cuisine est communicative ! Comment restez-vous en équilibre entre deux univers aussi différents ? Nous sommes dans un monde de spécialistes, non ?

Ma passion pour la chimie et la cuisine ? Disons que j'ai beaucoup plus de passion pour la chimie que pour la cuisine.
Car j'ai fini par comprendre, en m'intéressant de façon passionnément chimique à la cuisine, que cette dernière avait trois composantes : technique, artistique, sociale.
- la technique m'intéresse peu, parce qu'elle est trop facile, ou bien parce que je ne suis pas assez intelligent pour m'y intéresser.
- pour la question artistique (le bon, c'est le beau à manger), je suis assez mal placé, car je mets mes efforts passionnés à devenir bon scientifique, et pas artiste
- et pour l'aspect social, je suis très solitaire, dans mon travail, et peu social. J'ai bien du mal à m'intéresser à autrui, même si paradoxalement je passe mon temps à cela : peut-être une façon maladroite de compenser.

Être en équilibre ? La question laisse penser qu'il y a une position un peu fragile... alors que, au contraire, je suis extrêmement stable, dans une position absolument ferme : je suis passionné de chimie (ou de chimie physique), et je fais cela sans répit, parce que tout écart à ma passion me conduit à faire moins intéressant pour moi. Le plus difficile, c'est de résister à de l'administration qui m'ennuie. Donc aucune difficulté.
Dit autrement, la cuisine fournit une base de phénomènes que la science nommée gastronomie moléculaire (de la chimie physique) explore. Donc pas de difficulté à avoir un bon socle et un cheminement sans relâche, vers un objectif clair : la découverte des mécanismes des phénomènes, par une méthode que j'ai bien éclaircie, je crois.

Monde de spécialistes : je vous assure que je suis très spécialisé, en gastronomie moléculaire.
Disons que les seuls écarts que je fait sont pour des application de ma discipline, et ces applications sont de deux types :
- éducatives (on ferait mieux de dire "instructives", ou d'enseignement) : cela me prend du temps, mais n'est-il pas essentiel d'aider nos concitoyens à "manger", ce qui s'apprend dès l'école ? et n'est-il  pas essentiel d'aider les étudiants à bien apprendre ?
- techniques : chaque mois, je fais une invention... que je donne au public en la mettant sur le site de mon ami Pierre Gagnaire ; c'est une façon de rénover une activité ancienne (la cuisine), mais, aussi, de démontrer aux contribuables qui paient la science que leur investissement n'est pas en pure perte. La science est si extraordinaire que l'on peut en tirer une invention par moi depuis donc plus de 20 ans !




- La science comme la cuisine représentent souvent la quête d'une vie. Comment faire cohabiter ce « temps long » avec la dimension instantanée du Net et des réseaux sociaux ?

C'est un peu loin  de mes préoccupations, comme question, mais le Net et les réseaux sociaux ne sont que  des canaux, pas des fins en soi. Au fond, entre le Net et une bibliothèque, je vois peu de différences. D'autre part, les réseaux sociaux sont, pour moi qui suis un peu asocial, un moyen de faire connaître à mon entourage (très large) des actions qui sont faites pour lui.
Disons que s'il y a un séminaire de gastronomie moléculaire, il faut en distribuer largement les résultats. Et je reçois peu par les réseaux sociaux : par exemple, je n'alimente pas mes pages Facebook, et je me limite environ à diffuser sur Twetter.
Pour l'essentiel du temps, ces réseaux n'existent pas pour moi, qui passe mon temps à travailler, pas à discuter avec le monde : j'ai mieux à faire.


- Les infos disparates, superficielles, émotionnelles et souvent fausses sont le carburant des réseaux sociaux. A l'inverse, la science exige des faits et une réflexion solide, basée sur la raison et la concentration. Ces deux univers peuvent-ils communiquer et s'enrichir mutuellement ? Comment ?

Là, cela mériterait une réflexion très approfondie... et peut-être un peu inutile, vue que le monde numérique n'est guère stabilisé.
Et puis, l'essentiel, pour un scientifique, c'est quand même de produire de la science, puis d'en partager les résultats. Dans mon cas, pour des raisons politiques, je cherche aussi à partager beaucoup d'enthousiasme pour la Connaissance et la Rationalité : je veux être un homme des Lumières, car il y a beaucoup à faire pour lutter contre les irrationalités, contre les marchands de peur, contre les démagogues.
Et, à cette fin, il faut répéter : comme disait Lewis Carroll, "ce que je dis trois fois est vrai" ; il faut donc des réseaux sociaux pour diffuser des faits justes, contre les pourritures qui encombrent. Il y a de l'instruction à distribuer, de la méthodologie à partager, de la Raison à promouvoir, contre les idéologies de tous poils.
Enfin, je fais une différence entre les joueurs de football et les gymnastes : les uns font de l'équipe, du social, et les autres de l'individuel. Pour des entreprises comme les grands programmes de physique des particules, il faut certainement des équipes... mais on n'oubliera pas que Faraday, Newton, Einstein, et bien d'autres furent des génies très solitaires... qui ont plus bouleversé les sciences que les autres !


- Selon vous, quels scientifiques ou organismes scientifiques font un usage pertinent des réseaux sociaux ?

Je ne sais pas, et je n'ai pas le temps de chercher à le savoir, pas l'envie de le faire, surtout !


 - Quels conseils donneriez-vous à une personne qui s'inscrirait aujourd'hui sur un réseau social ?

Des conseils ? Comment pourrais-je diriger autrui moi qui ne me gouverne pas moi-même. Disons que réfléchir est un bon moyen, et travailler aussi !
Mais nous arrivons sur des questions méthodologiques... et cela est en ligne, dans mes cours publics sur le site d'AgroParisTech.


 - Quelles leçons à retenir pour le futur des réseaux sociaux actuels ? Que garder ? Que jeter ?

Vraiment, je ne sais pas. C'est un métier que de réfléchir à ces questions, et ce n'est pas mon métier.
Moi, je peux seulement exprimer des besoins, qui sont de récupérer des données et des faciliter de correspondre avec ma communauté, sans perdre de temps à la socialité. Mais vous me voyez bien refermé sur moi même : c'est que, pour faire des découvertes, il faut suivre les préceptes de Louis Pasteur  : "Y penser toujours".  Le reste n'existe même pas !

samedi 17 novembre 2018

Il y a vraiment besoin de donner des réponses... à lire lentement, mot à mot

 Allons, il faut rendre service. Je réponds donc ci dessous à : :

 J’ai récemment découvert la cuisine moléculaire et cela m’a passionné. J’ai donc acheté un kit de cuisine moléculaire pour faire des expériences.
 Cependant, j’ai rencontré quelques problèmes.  Pour la sphérification, je n’arrive pas à extraire les spaghettis du tube même en suivant à la lettre la recette ; je pense donc qu’il y a un problème avec le tube ou avec la seringue. Qu’en pensez-vous ?
Pour l’émultion, j’ai réalisé une mousse mais lorsque je me suis renseigné, j’ai découvert que la réalisation d’une mousse n’est pas vraiment une émultion mais elle reprend le même principe. Donc d’après vous, est il possible de réaliser une émulsion type eau/huile avec du jus et existe-t-il un additif pour lier les deux ?
Également, selon-vous la caramélisation est-elle une technique de la cuisine moléculaire ? Si oui avec quelle viande pourrait-elle être réalisée ?


1. Dommage que notre interlocutrice soit intéressée par la "cuisine moléculaire", alors que la cuisine note à note est plus de son temps... mais je me console en pensant qu'avec ce kit qu'elle a acheté, elle pourra aussi faire de la cuisine note à note !

2. Des problèmes ? Il peut y avoir mille causes : je me souviens même d'une personne, rencontrée lors d'une conférence, qui me disait ne jamais réussir ses mayonnaises... mais quand j'ai interrogé en détail, je me suis aperçu qu'elle n'utilisait pas d'huile !
# Ici,  sans être en position de voir  comment mon interlocutrice expérimente, je suis incapable de donner une réponse censée. Oui, il peut y avoir un problème avec le tube, ou avec la seringue... mais il peut aussi y avoir des problèmes pour mille autres raisons.

3. Une "émultion" ? Non, une émulsion.

4. Je ne comprends pas la phrase : "Pour l’émultion, j’ai réalisé une mousse". En effet, une émulsion, c'est une dispersion d'huile dans de l'eau, comme on en obtient une en partant d'eau, en ajoutant de la poudre de blanc d'oeuf (10 % par exemple), puis en ajoutant de l'huile tout en fouettant. Pour une mousse, c'est encore de l'eau et de la poudre de blanc d'oeuf, mais il n'y a pas d'huile !

5. Faire une émulsion eau dans huile ? C'est souvent bien plus difficile que de faire une émulsion huile dans eau, et je crois donc que mon interlocutrice se trompe.
Le faire avec un jus ? Puisque le jus, c'est de l'eau, il faut d'abord voir s'il y a un tensioactif dedans. Par exemple, en commençant par fouetter le jus sans rien ajouter : si ça mousse, c'est très probablement qu'il y a tout ce qu'il faut, de sorte qu'il suffira de fouetter en ajoutant de l'huile. Je recommande à mon interlocutrice mon invention nommée "ollis". C'est décrit dans :





6. La caramélisation est-elle de la cuisine moléculaire ? La cuisine moléculaire est définie comme une forme de cuisine qui utilise des ustensiles nouveaux. Donc non.
Avec quelle viande pourrait-on faire une caramélisation ? Avec aucune : la caramélisation est la réaction qui résulte du traitement thermique (chauffage) du saccharose (le sucre de table). Je ne comprends donc pas la question.


 En espérant avoir été utile.





mercredi 24 octobre 2018

Les TPE fleurissent... et confondent cuisine moléculaire et cuisine note à note

Paradoxalement, la floraison se fait au printemps... mais pour les travaux personnels encadrés, c'est en octobre que cela commence. Des lycéens se lancent sur des sujets afin de passer une épreuve anticipée du baccalauréat, en classe de Première.
Beaucoup s'intéressent à la "cuisine moléculaire", la confondant avec la gastronomie moléculaire et avec la cuisine note à note. Je leur explique la différence, et je réponds aux questions qui n'ont pas déjà leurs réponses sur mon site : https://sites.google.com/site/travauxdehervethis/Home/et-plus-encore/pour-en-savoir-plus/questions-et-reponses

Cela dit, je profite de ce blog pour répondre parfois de façon rénovée, et voici pour aujourd'hui :



- La cuisine moléculaire a-t-elle déjà envahi notre quotidien ?

Drôle de formulation : le mot "envahir" n'est-il pas connoté péjorativement ? C'est en tout cas ce que dit bien le dictionnaire (je recommande le seul bon : celui de la langue française informatisé du CNRS, en ligne gratuitement sur http://atilf.atilf.fr/) : "Pénétrer par force dans (un lieu) et (l')occuper pour s'en rendre ou en rester maître.".
La cuisine moléculaire n'a pas pour vocation de brusquer quiconque, mais, au contraire, d'aider les cuisiniers.
Rappelons sa définition :

La cuisine moléculaire, c'est la cuisine qui se fait à l'aide d'ustensiles modernes. 

Et, en effet, qui va travailler à dos d'âne, aujourd'hui ? Qui écrit encore en trempant une plume d'oie dans de l'encre ? Nous avons des outils modernes pour toutes nos activités ; alors pourquoi pas pour la cuisine ? C'est cela que j'avais voulu avec la cuisine : moderniser la composante technique, non pas pour changer la cuisine, mais pour en faciliter la réalisation.
Pas d'invasion, dans cette question : seulement une volonté de ne pas se comporter comme au Moyen-Âge, avec des pots en terre qui cassent, des aliments d'une sûreté douteuse (on ne doit pas oublier les danses de Saint Guy dues à l'intoxication par l'ergot de seigle, et autres causes qui faisaient mourir à l'âge de 30 ans), etc.

Répondons maintenant à la question plus juste : la cuisine moléculaire est-elle maintenant partout dans notre quotidien ?
Oui, la cuisson à basse température, qui se faisait initialement avec des thermocirculateurs de laboratoire, se fait maintenant dans n'importe quel four acheté en grande surface ; oui, on trouve des siphons partout et pour pas cher ; oui, des marchands de glace utilisent de l'azote liquide ; oui, on fume de façon moderne... Mais il reste du travail pour que s'introduisent nombre d'autres matériels utiles, telles des sondes à ultrasons pour faire des émulsions, des filtres pour clarifier, etc.



- Si non, pouvons nous l'envisager ?

Peut-on envisager un développement ultérieur ? Je l'espère bien. Ces temps-ci, on voit les imprimantes 3D apparaître... mais elles permettront de faire mieux que la cuisine moléculaire... à savoir la "cuisine note à note". Et cette dernière a bien commencé, avec alginates, agar-agar et autres gélifiants végétaux qui sont déjà dans les supermarchés... au point que certains cuisiniers utilisent la terminologie fautive de "gélatine végétale"  (impossible : la gélatine est animale, comme je l'explique ici : https://hervethis.blogspot.com/2018/09/gelatine-et-agents-gelifiants-pas-de.html).

Je répète la définition : la cuisine note à note est une "cuisine de synthèse", à savoir que les plats sont construits à partir de composés, et non pas de ces ingrédients traditionnels que sont les viandes, poissons, oeufs, légumes, fruits...

Mais, pour revenir à la question : je cherche à faire oublier la cuisine moléculaire pour faire advenir la "cuisine note à note"... tout en continuant à  développer la "gastronomie moléculaire" (rien à voir avec la cuisine moléculaire) dans les laboratoires du monde entier.



- Si on ne parle pas d'une invasion dans notre quotidien, certains produits issus de la cuisine moléculaire se trouvent-ils dans nos placards, et lesquels ?

Répondu plus haut.



- La cuisine moléculaire peut-elle être considérée comme une porte de secours vis à vis des pénuries alimentaires ?

Non, la cuisine moléculaire n'est pas une "porte de secours", mais un progrès technique, et non, elle ne contribue pas à la "sécurité alimentaire" (le fait de produire suffisamment d'ingrédients alimentaires, à ne pas confondre avec la "sûreté sanitaire"). C'est la cuisine note à note, dans le cadre du Projet Note à note, qui vise à contribuer à l'alimentation mondiale de demain.



 - A l'inverse, les produits nécessaires à la cuisine moléculaire peuvent-ils tomber en pénuries ?

 Oublions la cuisine moléculaire, puisque nos amis confondent et parlons de cuisine note à note : les composés peuvent-ils manquer ? La réponse est oui : le marché international des protéines se tend, ces temps-ci, et il peut parfaitement y avoir des pénuries d'ingrédients : polysaccharides, protéines, acides aminés, lipides... et même eau !



-Est-elle financièrement, à la portée de tous ?

Je décide de répondre à la question qui se poserait sur la cuisine note à note : et la réponse est évidemment oui !



 -Peut-elle contourner les allergies ? Ou en engendrer ?

Contourner une allergie ? J'aurais dit "éviter". Et la réponse est oui, pour la cuisine note à note : si l'on construit un plat à partir de composés, il est très facile de ne pas y mettre un composé allergène !  Engendrer des allergies ? 
Pourquoi pas.



- Peut-elle avoir un impact positif sur nos organismes ?

La cuisine note à note peut-elle avoir un impact positif sur nos organismes ? Je l'espère !



-Peut-elle avoir un impact négatif sur nos organismes ?

Un impact négatif ? Si l'on met trop de sel dans un plat, c'est mauvais, n'est-ce pas ? Si l'on utilise un ingrédient toxique, ce n'est pas bon non plus !



- La cuisine moléculaire reviendrait-elle plus coûteuse à long terme que la cuisine traditionnelle ?

Au contraire  !


 - Avec n'importe quelle recette, peut-on produire plus avec moins de matières premières ?

Pas certain de bien comprendre la question. Je passe.



 - Retrouve-t-on exactement les mêmes goûts, textures, odeurs qu'avec la cuisine traditionnelle ?

D'abord, la cuisine note à note permet de faire infiniment plus de goûts que la cuisine traditionnelle !



- Vous avez confectionné les repas pour Thomas PESQUET, leur confections doit répondre à plusieurs critères : compacité, légèreté, nutritif, la saveur, etc... pour chacun des astronautes en fonction de leurs poids, leurs sexes et leurs besoins particuliers. Cela ressort-il de la cuisine moléculaire ? Et si oui comment ?

Je n'ai pas confectionné les repas de Thomas Pesquet. Où avez-vous lu cela ?

mercredi 17 octobre 2018

Questions et réponses à propos de cuisine note à note


Ce matin, des questions dont je ne suis pas certain qu'elles aient toutes des réponses sur mon site. Voici, donc.


Les questions

Nous sommes des élèves de première S au lycée xxxxxx et avons choisi la cuisine note-à-note comme sujet de TPE (travaux personnels encadrés). Nous aimerions s'il vous plaît vous poser quelques questions à ce propos:
1. Comment en êtes-vous arrivé au concept de la cuisine note-à-note?
2. Est-ce que les plats note-à-note périment plus/moins rapidement que les plats standards?
# Nous allons également tenter de réaliser une de vos recettes ( "Perles de pomme, opaline, granité citron"), et nous aurions quelques conseils à vous demander:

3. Qu'est-ce qu'un péligot de glucose exactement? (La définition est assez difficile à trouver sur Internet)
4. Vaut-il mieux utiliser du sucre de synthèse (Maltitol) ou du sirop de glucose pour cette recette ?
5. Où vous procurez-vous les ingrédients chimiques nécessaires ?
6. Auriez-vous des conseils à nous donner pour nous aider pour réaliser de bonnes recettes note-à-note ?


Les réponses

1. Comment je suis arrivé à l'idée de la cuisine note à note ? Cette question-là a sa réponse  sur https://sites.google.com/site/travauxdehervethis/Home/et-plus-encore/pour-en-savoir-plus/questions-et-reponses/la-cuisine-note--note

2. La péremption des plats : c'est une question essentiellement de développement microbien, et je vois mal en quoi la cuisine note à note serait différente de la cuisine traditionnelle. Les micro-organismes vont coloniser de la même façon les plats, note à note ou non, puisque la composition sera semblable.
Et l'on n'oubliera pas que la cuisson a trois fonctions :
- détruire les micro-organismes
- changer la consistance
- donner du goût.
Ici, la première fonction est essentielle.

3. Qu'est-ce qu'un péligot ? C'est l'analogue d'un caramel, mais pour un autre sucre que du saccharose. En effet, le caramel est un produit très particulier, qui s'obtient par chauffage du saccharose, le composé qui fait 99,99 % du sucre de table. Il y a des décennies, j'avais proposé que l'on fasse de même à partir de glucose, de fructose, de lactose, etc. Et le nom donné à ces produits est "péligot", en l'honneur du chimiste français Eugène-Melchior Péligot.

4. Vaut-il mieux utiliser du maltitol ou du sirop de glucose pour cette recette ? Quelle recette ? Si vous parlez d'opalines, l'idée est que l'on peut prendre n'importe quoi ou presque. Au fait, la recette ? Je suppose que vous l'avez cherchée sur https://sites.google.com/site/travauxdehervethis/Home/applications/des-applications-de-deux-types/applications-technologiques/cuisine-note-a-note/recettes-note-a-note ?

5. Où se procurer les ingrédients ? J'avais fait la page http://www2.agroparistech.fr/Quels-produits-pour-la-cuisine.html, mais le plus simple, pour beaucoup d'usage, c'est la société Louis François (en ligne), pour des produits de consistance, de saveur et de couleur, et la société Iqemusu pour les composés odorants (en ligne aussi).
A noter que ces ingrédients ne sont pas des "ingrédients chimiques", mais des ingrédients. L'huile n'est pas plus un ingrédient "chimique" que le saccharose, ou que le benzaldéhyde en solution dans l'huile, par exemple.

6. Des conseils pour les recettes ? Faire des essais, goûter, changer les recettes... travailler !
Puis, pour faire bon, s'adresser à des artistes, puisque le bon, c'est le beau à manger, et qu'il s'agit d'art, pas de techniques.
Cela étant, quelques uns de mes amis m'ont donné des conseils :
- une partie de violence, trois parties de force, neuf parties de douceur (Emile Jung)
- faire des contrastes (de consistance, odeur, saveur, couleur, etc.), comme indiqué dans mon livre La cuisine, c'est de l'amour, de l'art, de la technique.


Et, bien sûr, il y a mille choses dans mon autre livre sur la cuisine note à note :


jeudi 1 mars 2018

More questions and answers

Désolé, c'est en anglais... mais :
1. une fois n'est pas coutume
2.  il y a Google translate (ou d'autres) pour ceux qui veulent



Today, I have to answer to some questions, about Note by Note Cooking. I share the answers :


How did you come out to invent Note by Note Cooking ? 
It was in 1994, as I was writing the draft of an article to be published in Scientific American. The article was to be co-signed with Nicholas Kurti, but I did generally the first draft, and Nicholas was adding additions and making corrections. Indeed the text was finished, but the conclusion was missing, and we had a discussion with Nicholas. He said (and had wrote) that chemistry was already in the kitchen, and I told him that no, on the contrary, it was not there.
And indeed, at that time, I was playing by adding pure compounds in wine, whiskies, etc., so that I proposed to add this sentence in the text: "I dream of the time when recipe will include "add two drops of a dilute solution of mercaptan". Nicholas accepted my idea, but indeed I wanted more than simply adding kind of seasonings, and the years after, after Nicholas was dead, I proposed to make the whole dishes, compound by compound. And because I was unhappy of the confusion of molecular gastronomy with molecular cooking, I decided to create a name with a reference with art, not with chemistry of science.
I lectured for some years on it, between 1998 and 1999, but I stopped for a while, because the public was upset by the possibility of the Bug of the year 2000... and I resumed lecturing on it in 2004. In 2006, I asked Pierre Gagnaire to show a note by note dish, and this was shown to the press in Hong Kong in April 2006.


 What are the future plans for Note by Note Cooking ?  
Since 2006, I am lecturing all around the world about Note by Note Cooking, because I am sure that this new trend is the future of food, both because of art reasons and also because there will be 10 billions people to feed in 2050. Indeed, Note by Note Cooking is part the Note by Note Project, that includes rural development, regulation, technique for farmers, and more generally the whole chain from the farm to the plate. We have to convince farmers to accept fractionating and cracking raw products at the farm, or if they don't want to do this, we have to convince cooperative groupings to do it. We have to convince the public to cook Note by Note, and this will come after chefs have produced recipes. Indeed the new move at Senses will be internationally important, in this promotion of the food of the future. And of course, we have to develop education program around all this.


How do you see Note by Note Cooking now and where do you want to arrive ? 
 I see that :
- the idea is given
- we see clearly the works to be done, in the various aspects of the Project
- some chefs tested various possibilities for about 10 years
- a very important recent move was the new direction at Senses
- a startup was created for selling products for Note by Note Cooking
- more and more lectures, in profesional circles, are invited  on Note by Note Cooking
- a very important TV (Iron chef) in Japan included recently Note by Note Cooking
- etc.
But the goal is clear: I want the public to be able to cook note by note daily.


 What are the connections between  molecular gastronomy and Note by Note Cooking ? 
Indeed there are few. Of course, the fundamental studies of molecular gastronomy can help the chefs cooking note by note to make new textures, new colors, new tastes or new odors, etc. but the question is not there. Indeed I published a long time ago a book saying that cooking is love, art and technique. The Note by note technique is easy, and we have to develop the art. The  main barrier is the acceptability of the idea... but we have in front of us a whole continent of food that was never produced. The issue is: do we want to stay in the old world, or do we want to innovate really? This means crossing the ocean, i.e. working, making new recipes, testing new flavours.

dimanche 25 février 2018

La cuisine note à note : questions et réponses

Qu'est-ce que la cuisine note à note ?
C'est de la cuisine : le cuisinier ou la cuisinière produit des aliments, à partir d'ingrédients.


Pourquoi la cuisine note à note est-elle nouvelle ?
Parce que les ingrédients ne sont plus ces ingrédients culinaires classiques que sont les viandes, poissons, légumes ou fruits, mais des « composés ».


Que sont les composés ?
Un composé, c'est une matière dont toutes les molécules sont les mêmes.
Par exemple, l'eau est un composé, parce que l'eau est faite de molécules toutes identiques. Par exemple, le sucre de table, ou saccharose, est un composé, parce que les cristaux de sucre sont des empilements de molécules toutes identiques, qui sont donc des molécules de saccharose. Et ainsi de suite pour tous les composés que l'on trouve dans les aliments.


Quels sont les composés des aliments ?
Les principaux composés des aliments sont l'eau, les protéines, les glucides (sucres « lents » ou « rapides »), les graisses (les plus courantes sont des composés de la famille de « triglycérides »), les vitamines…
Ce sont ces composés qu'utilise la cuisine note à note.


Quels sont les composés utilisés pour faire de la cuisine note à note ?
Pas de raison de ne pas utiliser les composés qui constituent les ingrédients classiques. Pour la cuisine note à note, on utilise donc de l'eau, des protéines, des glucides, des lipides, des vitamines, etc.


En quoi la cuisine note à note est-elle différente de la cuisine classique si les composés sont les mêmes que pour la cuisine classique ?
La cuisine classique utilise des viandes, poissons, œufs, fruits, légumes, qui sont tous des assemblages de nombreux composés, alors que la cuisine note à note a pour ingrédients des composés purs.


Les composés de la cuisine note à note sont-ils des « composés chimiques » ?
Si l'on entend « de synthèse » pour « chimique », alors non : il n'y a pas de raison d'utiliser des composés de synthèse. Il suffit d'utiliser des composés provenant des aliments.


Pourquoi utiliser des composés extraits des ingrédients alimentaires classiques au lieu d'utiliser des ingrédients alimentaires classiques ?
Il y a beaucoup de raisons, mais l'une est que la réponse est la même que celle à la question : pourquoi utiliser des synthétiseur pour faire de la musique plutôt que des violons ou des trompettes ? Et la réponse est alors : avec un synthétiseur, on peut faire des sons que l'on ne peut pas faire au violon ou  à la flûte. Plus exactement, un synthétiseur peut reproduire des sons de violons, flûte, trompette, piano… et aussi faire des sons qu'aucun des instruments classiques ne peut faire.
De même, avec la cuisine note à note, on peut reproduire les goûts (les consistances, les couleurs, les saveurs, les odeurs, etc.) de la cuisine classique… mais on peut aussi faire des goût complètement nouveaux.


La cuisine note à note nourrit-elle ?
Elle nourrit en proportion de ce que l'on y met : si l'on met des protéines, des lipides, des glucides, etc., elle nourrit exactement comme une cuisine classique qui aurait des protéines, des lipides, des glucides, etc.


La cuisine note à note n'est-elle pas trop calorique ?
On a dans les plats note à note ce que l'on décide d'y mettre. Si l'on veut plus de calories, on peut mettre plus de calories. Mais si l'on veut moins de calories (ce qui est souvent ce que l'on cherche dans les pays industrialisés aujourd'hui), alors on peut décider d'y mettre moins de calories.


Et les allergies alimentaires ?
La cuisine note à note est une façon d'aider les personnes allergiques : on construit des plats note à note en décidant de ce que l'on y met, et, notamment, on peut donc éviter tous les composés auxquels certains sont allergiques. Par exemple, si l'on aime les crustacés mais que l'on est allergique à ces derniers, on construit des préparations note à note où l'on évite les composés allergènes.


Les composés utilisés pour la cuisine note à note sont-ils dangereux ?
On répète ici que les composés utilisés pour la cuisine note à note sont les mêmes que dans les aliments.
Mieux encore, on peut éviter d'utiliser, en cuisine note à note, des composés présents dans les aliments classiques… mais qui sont en réalité toxiques. Par exemple, dans les fumées des barbecues, il y a des benzopyrènes cancérogènes… mais, en cuisine note à note, on peut faire des goûts fumés sans ces composés. Par exemple, dans certaines herbes ou champignons couramment consommés, il y a des composés toxiques… mais en cuisine note à note, on les évitera évidemment… de sorte que l'on peut dire que la cuisine note à note devrait être moins dangereuse que la cuisine classique.


Comment les ingrédients de la cuisine note à note sont-ils produits ?
Le plus souvent, ils sont obtenus par « fractionnement », à partir de produits agricoles. Par exemple, le saccharose, ou sucre de table, est extrait de la betterave à sucre par des opérations simples de broyages, dissolution dans l'eau, concentration, purification.
De même, les protéines végétales se produisent aujourd'hui à la tonne, souvent à partir de « légumineuses » : pois, lentilles… mais aussi à partir d'autres végétaux : soja, chanvre… On peut aussi les séparer du lait, et là encore, l'industrie laitière fractionne depuis des décennies.
Pour les glucides, sont le plus souvent des composés extraits du blé, du riz, du maïs.
Pour les lipides, les triglycérides sont les constituants des huiles.


Pourquoi fractionner les produits de l'agriculture au lieu de les utiliser directement ?
Parce que, ainsi, ils ne s'abîment pas, se conservent bien mieux (pensons au sucre de table), et que l'on évite ainsi du gaspillage…  comme on en voit après les marchés !
Mais aussi parce que le fractionnement permet de régulariser les cours et, donc, d'enrichir les agriculteurs.


Mais pourquoi vouloir enrichir les agriculteurs ?
Parce qu'ils sont en charge des paysages, de l'environnement… et de l'approvisionnement alimentaire des peuples !


Cela consomme-t-il beaucoup d'énergie pour fractionner les produits végétaux ?
Au contraire ! Car on n'utilise pas des procédés de séchage anciens, mais des procédés de filtration membranaire, et, d'autre part, au lieu de transporter des fruits et des légumes qui contiennent parfois jusqu'à 99 pour cent d'eau (dans les salades), on transporte des poudres sèches. Par exemple, un kilogramme de poudre de protéines d'oeuf correspond à dix fois plus de masse si l'on transportant l'oeuf normal.


Et cela coûte-t-il cher de fractionner ?
Les équipements pour des agriculteurs coûtent moins de  5 000 euros, contre plus de 150 000 pour les tracteurs !


Et les agriculteurs ne seront-ils pas mis en difficulté par des industriels ?
Pourquoi le seraient-ils ? Ceux qui veulent faire du fromage à partir du lait peuvent le faire, et ceux qui veulent fractionner peuvent le faire… et obtenir de la valeur ajoutée.


Ce « fractionnement » est-il de la chimie ?
Certainement pas ! Le fractionnement est comme une filtration bien faite. Les mêmes composés qui sont dans les aliments se retrouvent dans les fractions.


Ne perd-on pas des nutriments, lors de l'opération ?
Pourquoi en perdrait-on ? Si l'on filtre et qu'on ne jette rien, on a seulement divisé une matière en deux matières différentes.
Par exemple, imaginons que l'on tamise du sable : la totalité des grains se retrouvera finalement soit sous le tamis, soit dans le tamis.


Pourquoi faire de la cuisine note à note si c'est moins bon que la « vraie cuisine » ?
D'abord, la cuisine note à note est de la « vraie cuisine », mais je suppose que nos interlocuteurs veulent dire « cuisine classique ».
Ensuite, la cuisine note à note n'est pas moins bonne que la cuisine classique : mon meilleur repas, chez Pierre Gagnaire où je suis allé souvent, était le repas note à note qu'il avait fait pour le New York Times (c'est d'ailleurs le meilleur repas de ma vie).
Ensuite la comparaison n'est pas possible : si l'on compare une excellente cuisine classique à une mauvaise cuisine note à note, alors c'est évidemment la cuisine classique qui est meilleure, mais si l'on compare une excellente cuisine note à note à une mauvaise cuisine classique, alors c'est évidemment la cuisine note à note qui est la meilleure.


La cuisine note à note est-elle une sorte de sous cuisine pour quand le monde sera très peuplé ?
Au contraire, c'est un art culinaire moderne, et elle s'imposera d'abord comme la prochaine grande tendance culinaire.


Quels sont les enjeux à court terme de la cuisine note à note ?
Les « enjeux » ? Je ne sais pas… mais je sais que, de même que Ferran Adria a attiré le monde entier dans son restaurant quand il a commencé à faire de la cuisine moléculaire, les premiers cuisiniers qui feront de la cuisine note à note attireront le monde gourmand tout entier… s'ils font bien. En effet, les journalistes sont à l'affût des nouveautés. Or aujourd'hui, la cuisine note à note est la seule nouveauté réelle en cuisine.


Quand la cuisine note à note sera-t-elle enseignée dans les lycées hôteliers ?
Elle l'est déjà. Des enseignants comme Yannick Eprinchard, à Tours, Bruno Cardinale à Paris,  et d'autres à Villepinte, par exemple, enseignent déjà la cuisine note à note.
A l'étranger, la cuisine note à note est enseignée à Copenhague, Dublin, Genève, Porto, Barcelone, New York, Singapour. Bientôt des cours seront donnés aussi à Athènes, par exemple.


Quels sont les enjeux à long terme de la cuisine note à note ?
La population mondiale, qui va passer de 7 milliards aujourd'hui, à 10 milliards en 2050, devra être nourrie, sous peine d'une guerre mondiale. Et la vraie question sera celle des protéines, et du gaspillage. C'est la raison pour laquelle les académies d'agriculture et les ministères de l'agriculture du monde entier se préoccupent de ces questions. Et c'est la raison pour laquelle l'industrie commence à s'intéresser aux protéines végétales ou aux insectes (qui produisent des protéines à partir de déchets végétaux).
Mais une fois que les protéines sont produites, il faut les « cuisiner » : et c'est précisément ce que permet la cuisine note à note.



D'autres intérêts de la cuisine note à note ?
Oui, notamment à propos de la conservation des produits et du froid. On sait aujourd'hui que le froid n'est pas durable, parce que les systèmes de froid utilisent des gaz qui endommagent la couche d'ozone, favorisent le réchauffement climatique, en même temps qu'ils consomment beaucoup d'une énergie qui deviendra de plus en plus coûteuse. Avec la cuisine note à note, pas besoin de conserver des ingrédients frais au réfrigérateur.


La cuisine note à note est-elle une « fausse cuisine » ?
Certainement pas : c'est de la cuisine. La cuisine, en effet, c'est l'art de confectionner des aliments à partir d'ingrédients.


Pourquoi le nom de la cuisine note à note ?
Parce que, quand j'ai inventé cette cuisine, j'ai voulu d'abord reconnaître qu'il n'y avait rien de chimique dans l'affaire. La cuisine, c'est d'abord une question « artistique » : il faut faire « bon », c'est-à-dire beau à manger (et à voir aussi, mais c'est secondaire). Il fallait trouver un nom artistique, et j'ai pensé à la musique, parce que la cuisine note à note est l'analogue culinaire de la musique de synthèse. Mais comme le mot « synthèse » risquait de faire inutilement peur, j'ai proposé « note à note », comme on joue les notes de musique en arpège. L'idée est un peu fausse, car on devrait dire « onde à onde », en référence aux ondes sonores. Mais un nom est un nom, toujours arbitraire.


Mais la cuisine note à note est-elle alors une cuisine de synthèse ?
Oui, tout comme la musique de synthétiseur est de la musique, d'une part, et de la musique de synthèse d'autre part : le musicien conçoit le son, son timbre, puis il assemble les notes du timbre voulu.


En quoi la cuisine note  à note est-elle différente de la cuisine moléculaire ?
La cuisine moléculaire, c'est la cuisine qui fait usage d'ustensiles nouveaux, venus des laboratoires de chimie : thermocirculateurs pour la cuisson basse température, siphons pour faire des mousses ou des émulsions, évaporateurs rotatifs, azote liquide pour des sorbets, divers gélifiants pour des perles à coeur liquide, des spaghettis gélifiés. Mais c'est donc surtout une question d'ustensiles.
Au contraire, la cuisine note à note est une question d'ingrédients, uniquement. On peut faire cette cuisine avec les casseroles habituelles.


Et quels rapports avec la gastronomie moléculaire ?
Quasiment aucun. La gastronomie moléculaire est la discipline scientifique qui explore les phénomènes qui surviennent lors des transformations culinaires. Ce n'est pas de la cuisine, puisqu'on ne produit pas des aliments, mais des connaissances.
La cuisine note à note, elle, c'est de la cuisine, pas de la science.