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jeudi 17 février 2022

À propos de quenelles : ne vivons pas au Moyen Âge !

 

Il n'y a pas lieu de cuisiner comme au Moyen-Âge : de même que nous ne roulons plus en charette, nous n'avons pas de raison de cuisiner avec des procédés qui étaient déjà présents au Moyen-Âge ou à la Renaissance, n'est-ce pas ?

Pour réaliser des quenelles, il y a à la fois le geste technique de les mouler entre deux cuillères, ce qui s'apprend avec la pratique, mais il y a surtout la question de la juste consistance de la préparation, pour que les quenelles se tiennent quand elles tombent dans l'eau bouillante où elles sont pochées.

Commençons par le mot "poché, qui dit  bien qu'il s'agit de faire une poche où le reste de la préparation est retenu : il doit y avoir une coagulation de la surface, qui maintient l'intérieur de la quenelle.

S'il y a un pochage, c'est manifestement qu'il y a des protéines dans l'appareil, d'une part, et que ces protéines sont en quantité suffisante pour "coaguler"  la couche de surface.

Coaguler ?  Ces protéines sont initialement en solution dans un liquide, fût-il pâteux, et il faut que leur concentration soit supérieure à 5 % environ pour que la coagulation, c'est-à-dire la gélification, puisse se faire.

Et c'est ainsi que les cuisiniers ajustent progressivement leur préparation, afin qu'elle ne soit ni trop dur ni trop tendre, à l'aide d'un œuf.

Mais les oeufs -blanc ou jaune-  apportent simultanément de l'eau et des protéines, alors que, quand l'appareil ne se tient pas, ce sont seulement des protéines dont on a besoin.

Pourquoi ne pas ajouter tout simplement des protéines à l'état pur ? Cela se trouve chez les pâtissiers  : soit de la poudre de blanc d'oeuf, soit de la poudre de jaune. Quelques cuillerées règlent la question.

Décidément, je suis heureux de ne pas vivre au Moyen-Âge.

mardi 7 janvier 2020

A propos de quenelles



Aujourd'hui, je discute la confection des quenelles... et une façon moderne de les faire.

 Les quenelles, il y en a mille sortes, mais ce sont toutes des dérivés des terrines,  en ce sens qu'il y a initialement de la chair, d'animal terrestre ou aquatique peu importe, qui est broyée, ce qui libère conduit à une pâte, qui est en réalité constituée de protéines dans de l'eau.
À la cuisson, les protéines coagulent comme celle d'un blanc d'oeuf que l'on chaufferait, de sorte qu'une terrine est un cousin d'un blanc d'oeuf cuit. La différence, c'est évidemment qu'une terrine est plus "consistante" : c'est parce que la viande contient moins d'eau que le blanc d'oeuf. Or plus il y a d'eau dans une solution aqueuse de protéines, et plus le gel obtenu par cuisson est  tendre ; inversement moins il y a d'eau, et plus le gel et ferme. Dans une terrine, la proportion d'eau est de 70, pour cent, alors qu'elle est de 90 pour cent pour du blanc d'oeuf.
En corollaire, on comprend que si l'on veut attendrir une terrine, il suffit d'ajouter un liquide : du bouillon, du vin..

Mais revenons donc à nos quenelles. C'est donc de la chair broyée, et la chair broyée coûte cher. En quelque sorte,  elle est précieuse, et c'est pour cette raison  que les cuisiniers ont appris à la "diluer" avec des matières moins coûteuse  : de la farine, de la matière grasse qui, de surcroît, donne de l'onctuosité.
Par le passé, dans ces quenelles nommées godiveau, cette matière grasse a  souvent été de la graisse de bœuf, peu coûteuse,  mais on peut aussi  utiliser de la crème pour les quenelles fines.
D'où la recette de base des quenelles  : broyer de la chair avec de la crème, éventuellement avec une panade ou de la mie de pain trempée dans du lait, ou avec de la farine.
Bien sûr, on peut aussi partir de viande ou de poisson déjà cuits, mais alors les protéines qui ont déjà coagulé ne peuvent plus jouer le rôle de liant, de sorte que, dans de telles recettes, les cuisiniers ont appris à mettre de l' œuf, souvent du blanc d'oeuf pour ne pas colorer et ne pas trop empiéter sur le goût de la chair.


L’écueil, dans toutes les recettes ?

C'est qu'il y ait trop peu de protéine par rapport à la masse à coaguler. Il faut compter un minimum de 5 pour cent en masse, environ. Et c'est pour cette raison que les cuisiniers ont appris à faire des essais des quenelles,  ce qui revient à faire bouillir de l'eau et à déposer de  petites quantités pour voir si la masse prend au lieu de se disperser dans le liquide frémissant.
Que faire si la masse ne prends pas ? Il faut bien sûr ajouter des protéines mais classiquement, ajouter des protéines, cela signifie ajouter de la viande crue, de la chair de poisson cru, ou de l'oeuf non coagulé. Or, par cette méthode, on ajoute aussi aussi de l'eau, de sorte que ce n'est guère pratique. Pourquoi ne pas vivre de façon un peu moderne et se limiter à ajouter des protéines ? On peut utiliser par exemple du blanc d'oeuf en poudre, où des protéines végétales, des protéines de pois, de fèves, de soja, de lentilles, de chanvre...
Là, on ajoute une cuillerée, et l'on obtient à la cuisson la prise de la quenelle sans aucune difficulté. La transformation technique et aussi importante que quand on est passé de l'utilisation du pied de veau à celle de gélatine en feuille. À l'époque (environ 30 ans), il y a eu des cris d'orfraie pour refuser une telle transformation,  mais aujourd'hui, bien rares sont ceux qui font leur gelée au pied de veau ou au pied de porc,  car il faut cuire longuement,  clarifier, et faire cela à petite échelle revient à passer des heures à faire ce que fait  l'industrie alimentaire à grande échelle, souvent de façon bien moins coûteuse et sans doute plus propre.

Bref, quand mes quenelles ne prennent pas, je n'hésite pas à ajouter des protéines à mon appareil !




vendredi 2 août 2013

Vendredi 2 août. Les quenelles


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Je m'aperçois que je n'ai guère fait état de ma collection de recettes de quenelles. Il y en a aujourd'hui des centaines, recopiées de livre de cuisine française de toutes les époques, et j'ai fini par comprendre qu'une quenelle, c'est comme une boulette de viande ! 
 
La consultation de l'étymologie ne donne pas de résultats probants : on nous dit que le mot « quenelle » vient de l'Alsacien Knödel, aliment en forme de boulette, et il est exact que la cuisine alsacienne continue de produire de tels mets, mais je crois plus intéressant de rapporter que le plus petit dénominateur de toutes les recettes, c'est de la chair broyée. Cette chair coagule à la cuisson, comme dans les steaks hachés, comme dans les terrines. Et cela vaut pour les viandes comme pour les poissons !
En effet, le tissu musculaire est fait de fibres, sortes de tuyaux dont la « peau » est le tissu collagénique, fait d'une protéine nommée collagène (qui est à l'origine de la gélatine), et dont l'intérieur est fait d'eau et de quelques sortes de protéines, dont les principales sont les actines et les myosines. Protéines qui coagulent ! La dégradation des chairs conduit à leur libération, de sorte qu'une viande bien broyée, tout comme un poisson pilé (les quenelles se faisaient au mortier et au pilon), coagulent comme du blanc d'oeuf, à la cuisson.
Toutefois, cette chair étant fade, elle a souvent été aromatisée. On y a mis de l'oeuf, dont le jaune a beaucoup de goût, mais aussi des ingrédients variés, aromatiques.
La farine ? Elle sert de charge, pour « diluer » cette matière coûteuse qu'est la chair, de viande ou de poisson. Pour des raisons pratiques, on évite de la mettre sous la forme de farine toute simple, et on l'emploie souvent sous la forme d'une panade, où la farine est pré-cuite, dans de l'eau, du lait, du bouillon, lesquels ont également beaucoup de goût.
Tout cela étant dit, le résultat manque de moelleux, ce qui a conduit les cuisiniers du passé à proposer l'emploi de matière grasse. Souvent, on utilisait la graisse de rognon de boeuf, mais, plus récemment, on a remplacé cette graisse par du beurre, de la crème, par exemple.

Enfin, il y a la question du gonflement des quenelles à la cuisson. Observons que des quenelles bien travaillées sont comme un appareil à soufflé, et que, de ce fait, chauffées, elles peuvent souffler. Cela a sans doute conduit, par analogie, à mettre du blanc d'oeuf battu en neige dans les quenelles. Autrement dit, le soufflage est obtenu même sans soufflage particulier. Dans les deux cas, le mécanisme est le même: c'est l'eau de la préparation qui s'évapore, quand elle est porté à 100 °C ; dans les deux cas, ce sont des protéines qui forment le réseau qui tient les bulles. Autrement dit, les protéines de l'oeuf sont inutiles, puisqu'il y a déjà celles de la chair.
Et c'est ainsi que, comprenant la mécanique des quenelles, on peut en faire de merveilleuses : n'hésitez pas à vous débarrasser de l'opération fastidieuse qui consiste à pocher les quenelles entre deux cuillers ; si vous mettez la préparation dans un film plastique que vous roulez et fermez, vous pourrez pocher sans difficulté... et même sans liquide, en mettant dans votre four à une température juste suffisante pour faire coaguler les protéines et stabiliser les quenelles.