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jeudi 16 février 2023

Il faut justifier ses dires, ou être capable de le faire.


Je fais ce billet parce que cela fait quelques plusieurs fois en quelques jours que des correspondants me soumettent des "récits", des "thèses", sans justification et que, cela venant de personnes qui sont extérieures à la production de connaissance, je vois délivrer des informations douteuses et sans référence.

Par exemple, un de mes correspondants me signale qu'un chimiste vers 1930 aurait découvert "la molécule qui fait synthétiser le récepteur de l'amertume des légumes". D'abord, il n'y a pas une amertume, mais de nombreuses amertumes. Ensuite, puisqu'il y a de nombreuses amertumes, il y a de nombreux récepteurs. Ensuite, il n'existe pas de molécule qui déclencherait la synthèse de ces récepteurs. Bref, une telle phrase montre... qu'elle est très fausse, et que notre interlocuteur a mal recopié une information juste, sans comprendre, ou bien qu'il a recopié une information fausse sans comprendre que l'information était fausse.

Mais si la phrase qui m'est tendue est si fausse, que faut le reste ? Rien, en l'occurrence... d'autant que tout cela est donné sans référence.

Certes, moi-même, je ne donne pas toujours mes sources, mais je publie assez largement, publiquement, mon adresse email, en avertissant que je tiens à la disposition de ceux qui les demanderaient les références qui justifient mes dires.

Par exemple, je renvoie à mon livre Casseroles et éprouvettes pour le document qui fait état  d'études de marquage fluorescent fondé sur l'usage l'ion calcium pour détecter des  récepteurs de composés sapides amers.

Plus généralement, tout ce que je dis, tout ce que j'écris, se fonde sur des références. Et des références primaires, pas des sources secondaires, dont il y a lieu de douter. Chaque fait que je délivre doit être fondé sur une référence solide qui l'établit.

D'ailleurs, toutes les personnes qui ont publié des articles scientifiques avec moi pourront  témoigner du fait que je réclame  sans cesse "une phrase -> une référence ou plus ».

Oui, tout ce qui est écrit dans un article doit être sourcé, référencé et avec des règles très particulières que j'ai exprimé dans des nombreux billets et textes sur les bonnes pratiques en sciences.

Je sais qu'il y a des groupes où des adultes sont poussés à s'améliorer, notamment par la production de textes sur des sujets qu'ils choisissent, produisant des documents spéculatifs, des  "mémoires", mais il faut répéter que la qualité  d'un document analytique (pas la littérature) tient à la sélection des faits et idées rapportés, et au référencement de ces faits et idées.
Il est notamment essentiel de savoir reconnaître de bonnes sources... pour ne pas en citer de mauvaises sans analyse critique  : si l'on cite une référence médiocre en la prenant pour argent comptant, alors on endosse la médiocrité de cette référence.

La question des références est absolument essentielle en sciences et on ne répétera jamais assez que l'on ne doit se référer qu'à des textes "primaires", et ne pas citer des auteurs qui citent d'autres auteurs, et ainsi de suite.

Souvent, il y lieu de bien choisir les sources citées. Notamment quand  plusieurs auteurs ont contribué à établir le fait :  c'est l'auteur qui a établi le fait particulier que nous citons qui doit être cité et nul autre.

On n'a donc pas un choix considérable sauf à vouloir préciser des conditions d'établissement du fait.
Par exemple, si une méthode  d'analyse a été mise au point par un chercheur M, et que l'équipe N a utilisé cette méthode pour obtenir un résultat d'analyse particulier, alors on a le droit de citer à la fois N et M,  dans la mesure où l'on veut expliquer à la fois la méthode et son résultat.

Ce qui vient d'être énoncé n'est pas anodin, car la science demande des "moyens de la preuve", à savoir comment un résultat a été établi. Si l'équipe M a cité l'équipe N pour la méthode qu'elle a mise en œuvre, alors il devient légitime de citer M et N.

J'en profite aussi pour signaler que nous n'avons pas le droit de choisir entre plusieurs publications que l'on cite. Il y en a une et une seule, qui a été la première a  établir le fait que nous citons, et c'est celle-là qui doit être citée et nul autre.

Même si nous avons des amis qui ont travaillé sur le sujet et à qui nous voudrions faire plaisir ! Même si nous avons à coeur de citer toute une communauté.

Non, la bonne pratique en matière de référencement des informations consiste à citer, qu'on les aime  ou  pas, les personnes précises qui ont établi les faits que nous utilisons dans notre argumentation.

Et je reviens à la question initiale  :  de toute façon, un récit ne vaut rien s'il n'est pas correctement sourcé, et nous ne devons avoir aucune confiance dans un récit dont les composantes ne sont  pas clairement établies, ne sont pas fiablement établies.

samedi 23 avril 2022

Commençons par de sains principes : Une bonne pratique pour les journaux scientifiques, c'est le double anonymat

Les journaux scientifiques envoyent les manuscrits à des rapporteurs qui doivent les évaluer, c'est-à-dire... quoi au juste ?

Il s'agit essentiellement d'être utile à l'auteur, au journal, à la communauté.


La première des choses est d'éviter la publication de documents de mauvaise qualité, qui seraient ensuite cités, utilisés comme arguments pour des interprétations erronées ou fautives (dans "errroné", il y a seulement le fait de se tromper ; dans "fautif", il y a l'idée supplémentaire de faute!).



D'autre part, les articles publiés doivent être clairs, dans l'exposition des motifs de l'expérimentation ou du calcul, dans la présentation des méthodes mises en oeuvre, dans la présentation des résultats ; pour les interprétations, je propose de reporter la discussion pour plus tard.


 

Pour avoir de bons articles publiés, un bon principe est que les rapporteurs, ou évaluateurs, aient comme tâche principale de conseiller les auteurs pour qu'ils améliorent leur manuscrit, afin qu'un texte de bonne qualité soit finalement publié.

Et si les rapporteurs sont utiles aux auteurs, ils le sont aussi journal, donc à la  communauté. 



Etre un bon rapporteur s'apprend : pourquoi si peu d'écoles doctorales  l'enseignent-elles ?

Evidemment, je crois qu'il y a lieu d'organiser des évaluations doublement anomymes : les rapporteurs doivent ignorer qui sont les auteurs, et les auteurs doivent ignorer qui sont les éditeurs...


dimanche 31 octobre 2021

Donnons-nous des conditions qui n'engendrent pas d'impossibilités

J'apprends que certaines revues scientifiques sont si submergées d'articles qu'elles sont contraintes de procéder ainsi : d'abord elles éliminent tous les articles qui ont été écrits par des machines ou par des sociétés spécialisées dans la production de faux articles scientifiques, ce qui représente déjà 30 % (vous avez bien lu !) des manuscrits soumis. Ensuite les éditeurs du comité restreint se réunissent pour sélectionner les manuscrits qui ont quelques chances d'arriver jusqu'à l'expertise finale par les pairs, ne retenant qu'une fraction du reste. Ce sont ces articles qui sont ensuite envoyés à des éditeurs en charge de conduire le processus d'examen par des experts.

Cette procédure a des conséquences, et notamment que les auteurs d'articles refusés les soumettent à d'autres revues moins bien classées par ordre de citations.
Et c'est ainsi que je vois apparaître des cas pathologiques comme le suivant : un manuscrit soumis et envoyé à des rapporteurs a suscité des remarques ; les auteurs ont fait quelques corrections, mais pas assez pour pallier les insuffisances du manuscrit, de sorte que les rapporteurs ont ensuite, lors d'un deuxième circuit,  fait d'autres remarques. Et, la troisième fois, j'ai vu des auteurs retirer (ou non) leur manuscrit et le publier ailleurs !

C'est détestable, c'est malhonnête, et il est très malhonnête, également, que des revues publient des textes si mauvais !

 Ces phénomènes sont trop dommageables pour l'ensemble de la communauté scientifique pour que nous ne cherchions pas rapidement des solutions.

samedi 24 juillet 2021

Les matériels et les méthodes : avant les résultats !


Je suis très opposé à cette pratique de certaines publications scientifiques qui mettent les descriptions de matériels et de méthodes à la fin des articles.

En effet, il y a de nombreuses façon de présenter des résultats scientifiques, mais une des façons les plus courantes -ça n'a pas toujours été le cas- est de commencer par une introduction, pour poser le problème exposé, puis de présenter les matériels et les méthodes qui ont été mis en œuvre pour réaliser les expériences avant d'arriver aux résultats, et,  enfin seulement, les discussions.

Cette méthode me semble tout à fait bonne, et en tout cas bien supérieure à plusieurs autres.
Par exemple, il y a des revues qui imposent la présentation des matériels et des méthodes en fin d'article. Mais comment pouvons-nous juger des résultats si nous ne savons pas comment ils ont été obtenus ?
Cela n'a guère de sens de sorte qu'en pratique, pour ce qui me concerne en tout cas, je vais toujours d'abord en fin d'article chercher les informations méthodologiques avant de revenir aux résultats... preuve que cette méthode est mauvaise.
Au fond, donner des résultats sans donner aux lecteurs la possibilité  d'évaluer  leur pertinence,  c'est  une forme d'argument d'autorité que je déteste absolument et qui n'a pas sa place dans les sciences de la nature.

Une autre manière criticable consiste à mêler les résultats et les discussions. Là, je trouve que c'est tout à fait mauvais, car on ne peut interpréter que des résultats qui ont été d'abord été donnés,  et l'expérience prouve que le mélange les résultats et des interprétations conduit à des fautes. Il est tellement plus clair de présenter les résultats, et ensuite seulement la discussion de ces derniers : pourquoi s'en priver.
Ajoutons que même des journalistes qui font bien leur travail savent que l'on ne mêle pas les faits et les interprétations. Hubert Beuve-Méry, qui fut une grande figure du journal Le Monde l'avait mis en exergue alors qu'il était en activité.

vendredi 23 juillet 2021

La structure des articles scientifiques

C'est amusant de voir qu'aujourd'hui, pour les sciences de la nature, la structure conventionnelle des articles scientifiques est parfois considérée comme un carcan, alors que sa mise au point progressive a été un progrès extraordinaire, une innovation merveilleuse.

Jadis, les articles scientifiques étaient de très longues descriptions d'expériences, avec des mots, des phrases interminables, et chacun devait en quelque sorte  inventer la structure de son récit.

Progressivement, on en est arrivé à une structure qui est la suivante : les articles ont un titre ; puis on indique les auteurs, assortis de leur affiliation ; suit un résumé, des mots clés, puis une introduction, une partie qui décrit les matériels et les méthodes, avant d'arriver aux résultats, ces derniers étant ensuite discutés avant que l'on conclue, que l'on imagine des perspectives, et que l'on termine par des références indispensables.


Je propose d'observer que cette structure est rationnelle.

Tout d'abord,  il y a le titre,  qui est "efficace" : on sait aussitôt ce que l'on pourra trouver, on sait si le sujet est celui qui nous intéresse.

Ensuite les indications des auteurs sont importantes, parce qu'elles reconnaissent la paternité d'un travail, qu'elles le remettent dans un contexte d'une oeuvre, qu'elles nous signalent un collègue intéressant, dont nous irons éventuellement lire d'autres articles.
Je ne saurais dénoncer assez énergiquement les revues qui indiquent les auteurs en fin d'article, ce qui force les lecteurs à s'y reporter avant de revenir lire le texte. Et puis, il y a un peu de mépris, en quelque sorte, à ne pas reconnaitre immédiatement les auteurs d'un travail.

Le résumé en début  de document est utile, on s'en aperçoit quotidiennement, car il précise un peu le titre, de façon rapide,  et permet d'éviter de se lancer dans des lectures qui nous intéresseraient pas vraiment.

Les mots clés aussi, sont importants, car ils permettent les indexations, les rangements dans des bibliothèques, mais leur place est de moindre importance, car ils correspondent maintenant à des objets numériques.

L'introduction est manifestement indispensable en début de texte, parce qu'elle annonce la question, le travail, la structure du texte : ne pas donner ces informations, ce serait comme tirer derrière nous des personnes sans leur expliquer où l'on veut les conduire et pourquoi.
Bref, il y a lieu d'expliquer le contexte, de situer la question étudiée dans un ensemble de connaissances plus vaste, de montrer des relations entre les expériences effectuées et la question posée, et ainsi de suite, mais je n'insiste pas  ici, parce que j'ai déjà traité cela ailleurs.

Vient ensuite la partie qui dérit les matériels et les méthodes. Là, c'est  tout à fait indispensable, parce qu'un résultat sans la description fine des matériels des méthodes qui y ont conduit ne vaut rien. Donner un résultat de mesure sans indication de l'incertitude de mesure, par exemple, c'est nul, et notamment parce que l'on ne pourra pas rapporter ce résultat à un autre, à le comparer.

Les résultats : il faut les donner, mais on  aurait peut-être intérêt à le faire en deux fois : d'abord exposer rapidement, au premier ordre, les résultats, puis entrer ensuite plus dans les détails.

Les discussions ne peuvent venir qu'après, et être séparées des résultats, car ce sont des interprétations, d'un autre ordre que des résultats.
Là,  c'est le moment de faire véritablement œuvre scientifique, et ne pas se contenter de dire que l'on retrouve des choses qui ont déjà été observées... sans quoi le travail ne sert pas à grand chose...  mais je me suis exprimé à ce propos.

Vient alors le moment de conclure, ce qui se fait mieux si l'on envisage positivement des perspectives.

Et l'on termine avec les références qui doivent être nombreuses : chaque fait, chaque idée, chaque résultat qui est donné doit être parfaitement justifié, et part de bonnes références.
Je suis très opposé aux revues qui limitent le nombre des références que l'on peut donner,  car si beaucoup de référence s'imposent, elle s'imposent ;  et autant les questions de place, de papier à imprimer, étaient  importantes naguères, autant elles sont devenues obsolètes aujourd'hui.


Bien sûr, on pourrait s'amuser à changer l'ordre de tout cela mais j'espère avoir montré qu'il y a une grande cohérence, un grand progrès. Il faut dire et redire que l'analyse des publications du passé montre combien notre structuration moderne est utile pour les lecteurs, efficace en terme de communication scientifique.
Je ne dis pas qu'on peut pas faire mieux, mais j'observe quand même que nos amis les plus originaux ont fort à faire avant de trouver mieux. Et s'ils trouvent vraiment mieux, je serai le premier a populariser leurs idées.
Car il y a des tas de questions que l'on peut se poser  : à propos de la représentation des molécules, à propos de la communication des résultats d'un spectre... Au fond, pour chacune de ces questions, il faut de l'intelligence, afin de  faciliter la lecture :  pour nos  amis qui nous lisent, déroulons le tapis rouge.

vendredi 19 mars 2021

Une phrase une référence



Des amis me demandent une règle simple pour écrire des publications,  et je crois qu'il faut commencer par le commencement qui tient dans cette formule : "Une phrase, une référence".

Cela signifie en réalité que tout ce que l'on écrit doit être justifié, et cette justification est soit donnée par un article scientifique publié antérieurement, soit par des travaux expérimentaux bien exposés... après avoir été rigoureusement menés.

Évidemment, dire cela est insuffisant, car cela sous-entend notamment que les publications scientifiques que l'on cite sont bonnes.
Et, à ce propos, je fais un clin d'œil en signalant qu'une publication scientifique est bonne... si elle même fait usage de cette idée "Une phrase, une référence",  car je ne connais pas d'exemple du contraire, à savoir que je ne connais pas de bonne publication scientifique qui ne met pas en œuvre cette idée.

Les sciences de la nature se fondent sur les résultats bien établis,  et ces résultats bien établis sont ceux qui ont été publiés, qui ont donc été passé au crible de rapporteurs, lesquels se sont assurés de la qualité du travail.

Bien sûr, comme dans toute entreprise humaine, il y a des cas où les auteurs ont été médiocres, où les rapporteurs ont été trop rapides, ou complaisants, où les éditeurs ont été laxistes, mais il y a aussi les auteurs soigneux, les rapporteurs attentifs, les éditeurs précis.

Pour les sciences de la nature, la question est surtout celle de l'objectif :  à défaut d'atteindre la perfection, on peut viser, et en tout cas, ce que l'on avance dans une publication doit être juste, c'est-à-dire que l'on a vérifié soi-même ce que l'on dit, ou que l'on rapporte ce que quelqu'un d'autre a bien vérifié.

Hier encore, je voyais une publication  mauvaise où l'auteur disais que le café est la boisson la plus consommée dans le monde. C'est évidemment faux, car la boisson la plus consommée, c'est l'eau !
Si l'auteur avait bien regardé les consommations, il n'aurait pas écrit une ânerie pareille.

Il y a donc lieu, quand on donne des références accompagnant chaque phrase de notre texte, de bien s'assurer de ce que l'on dit, et les références ne sont pas là seulement pour justifier ce que l'on dit,  mais aussi pour donner des informations complémentaires qui établissent correctement ce que l'on dit.

Il y a donc une règle simple à s'appliquer, quand on rédige une publication : chaque phrase doit être assorti d'une bonne référence. On a le droit de faire des phrases non justifiées pour commencer une rédaction, mais finalement, elles devront toutes être assorties d'une référence, et je le répète, d'une bonne référence !

jeudi 17 septembre 2020

Un principe de réalité, à propos des publications scientifiques

science/études/cuisine/politique/Alsace/gratitude/émerveillement

 

1. J'ai peut-être effleuré la question un jour,  mais il faut que j'y revienne : dans nos master internationaux, il y a un "conseil" (nous nommons cela "board", parce que c'est international) où nous réunissons des collègues étrangers, des collègues français, des industriels (notamment de sociétés susceptibles d'employer nos étudiants), des administrateurs.

2. Les industriels nous disent que tout va bien, qu'ils sont très désireux de recruter ceux que nous formons,  et la seule critique qu'il fassent est que nos étudiants, en fin de Master, ne sachent pas suffisamment identifier la qualité des textes qu'ils utilisent pour leurs travaux.
Ces textes sont des articles scientifiques, et la question et bien évidemment essentielle, car de même que l'on ne construit pas sur du sable, on ne doit pas utiliser ou citer des connaissances médiocres.

3. Évidemment, nos amis ont raison, mais c'est souvent au moment de la thèse, la première année, que les docteurs apprennent bien à faire leur bibliographie. Cet apprentissage, qui se fait en une bonne année, voire plus, peut difficilement se faire à la hâte.

4. J'ajoute que le grand public ignore largement que beaucoup d'articles publiés dans des revues scientifiques, et même des grandes revues scientifiques avec rapporteur, ne valent pas grand-chose. Oui, dans un monde idéal, un article publié par une revue à comité  de lecture devrait être impeccable, mais en pratique, les détails de l'édition  scientifique conduisent à bien autre chose que ce dont le monde scientifique peut rêver, et cela pour mille raisons. Notamment la pression pour la publication conduit certains auteurs, d'une part, mais aussi certains éditeurs et certains rapporteurs à faire paraître des articles qui ne devraient jamais être publiés tant leur qualité est mauvaise. 


5. Et les faits sont là : il y a beaucoup d'articles publiés qui valent rien et, en conséquence, nous devons tous bien nous assurer, quand nous utilisons un article,  que ce dernier est de bonne qualité.

6. Comme dit précédemment, cela n'est pas facile,  mais cela s'apprend. J'ai donné ailleurs des indications pour s'y repérer ;  j'ai expliqué en détail à quels signes évidents on peut reconnaître les bons ou les mauvais articles. Surtout, j'ai discuté la question difficile de savoir quoi faire avec de mauvais textes, où le bon est mêlé mauvais : quelle confiance pouvons-nous attribuer à  des données figurant dans des textes médiocres ?
Au fond, si les auteurs sont médiocres, ou,  plus exactement, si des scientifiques ont fait un travail médiocre, alors leur bibliographie est sans doute médiocre, et les références qu'ils donnent ne doivent pas être retenues. Sur les sujets évoqués, il faut faire notre propre travail de bibliographie, sans nous reposer sur eux. A propos de leurs résultats expérimentaux, aussi, il y a lieu de tout  prendre avec des pincettes. Et finalement, puisque les bases sont fragile et les constructions aussi, les interprétations ne doivent pas manquer d'être "discutées" très soigneusement, au lieu d'être acceptées.
 

Bref il y a lieu de ne pas trop perdre de temps avec de tels textes et de se focaliser sur les quelques articles remarquables qui paraissent au milieu de tout ce qui est médiocre. 




vendredi 20 mars 2020

Il nous faut des publications scientifiques éclairées !

Il nous faut des publications scientifiques éclairées !

Je viens de publier aux Notes académiques de l'Académie d'agriculture de France un article qui dit en substance que nous aurions raison de faire des revues scientifiques libres et gratuites,  avec une analyse critique (plutôt qu'une "évaluation") en  double anonymat, afin que   nous évitions les rejets d'articles, car cette pratique des refus est un gâchis pour l'ensemble de notre collectivité : les auteurs se désespèrent de voir leurs textes rejetés alors que ces derniers contiennent des données utiles à l'ensemble de la communauté.

C'est un fait, toutefois, qu'il y a de bons et de mauvais scientifiques. C'est un fait que les revues sont encombrées d'articles sans  nouveauté, ou bien dont les résultats sont mal établis, dont les expériences sont mal conçues ou mal conduites... Mais, au lieu de rejeter les articles, ne ferions-nous pas mieux de bien analyser les manuscrits, en vue d'aider les auteurs à progresser, soit dans leur pratique scientifique, soit dans leur rédaction d'articles scientifiques ?
Ma proposition est la suivante : ne rejetons pas les manuscrits, mais expliquons aux auteurs (et aux "rapporteurs") que les textes seront publiés dès que la qualité nécessaire sera atteinte, grâce aux échanges (anonymes, toujours anonymes) entre auteurs et rapporteurs,  alors le texte sera publié.
Bien sûr, la question de la nouveauté demeure, mais il est important que des collègues qui produisent un résultat déjà obtenu s'en aperçoivent, et qu'ils puissent corriger les pratiques erronées qui les ont conduit à cette reproduction sans doute involontaire. Bref, des collègues qui ont reproduit par mégarde un résultat déjà publié ne doivent pas voir leur manuscrit rejeté, mais doivent le retirer eux-mêmes, afin que cesse cette réputation de revues qui rejettent les textes.

J'insiste un peu sur la question de la formation des scientifiques : tous les collègues n'ont pas eu la chance d'être formés dans de bons laboratoires, ou d'avoir su se former eux-mêmes, et les publications scientifiques (terminologie à préférer à "revue", pour des raisons expliquées dans mon article)  ont donc un rôle de formation  essentiel :  les rapporteur doivent pouvoir donner des conseils aux auteurs, afin que finalement, si ces conseils sont suivis bien évidemment, les manuscrits soumis soient acceptés.

J'insiste aussi, dans mon article, pour observer que ni les auteurs ni les lecteurs ne doivent payer, dans toute cette affaire.
Les lecteurs, d'une part,  sont des contribuables, dont les contributions ont permis les travaux et les publications.
Pour les auteurs, d'autre part, il y aurait un conflit d'intérêt à payer pour être publier, et c'est la brèche dans laquelle des "revues prédatrices" se sont engagées. 
Bref, c'est aujourd'hui le rôle des académies, des institutions de recherche, des universités, de prendre en charge les publications scientifiques, au lieu de les confier à des éditeurs privé, comme cela se faisait par le passé.
Jadis et naguère, il y avait certainement le papier à payer, l'impression, la mise en page...  Mais aujourd'hui, avec le numérique, tout a changé  : plus de papier, plus d'impression ,une mise en page qui se fait quasi automatiquement, notamment quand les auteurs mettent en forme conformément à des modèles, des relecture qui sont faites par les rapporteurs, lesquels sont des collègues déjà rémunérés par ailleurs... Nous sommes donc dans un nouveau paradigme, et il est temps que l'on fasse disparaisse l'expression de "évaluation par des pairs" au profit de "analyse critique et conseils donnés aux auteurs". 

Vous lirez tout cela, et bien davantage dans :
Hervé This, L'analyse critique des manuscrits et les conseils donnés aux auteurs. A propos des publications : Klebel et al., 2020, Stern and O'Shea, 2019; Sarabipour et al., 2019; Inrae, 2016. Notes Académiques de l'Académie d'agriculture, 2020, 2, 1-14.

Et cela se trouve ici : https://www.academie-agriculture.fr/publications/notes-academiques/lanalyse-critique-des-manuscrits-et-les-conseils-damelioration-donnes

samedi 7 décembre 2019

A propos du travail des rapporteurs


J'y reviens  : à propos de rapporteurs dans les revues scientifiques, je crois que  tout tient dans une idée, à savoir que la question de l'évaluation est surtout d'avoir un peu de grandeur, et de chercher principalement à aider les auteurs à améliorer les articles qu'ils soumettent, et, de de fait, leur travail.
La question n'est pas de rejeter de mauvais manuscrits, mais de permettre à des collègues d'améliorer leurs textes jusqu'à ce qu'ils soient publiables. Elle n'est pas de faire état de son propre savoir, mais d'aider nos amis (anonymes). Elle n'est pas de censurer, mais d'encourager.
Inversement, les rapporteurs doivent être vigilants, car ils ont une lourde responsabilité : ils doivent éviter aux publications de publier ce qui l'a déjà été. Ils doivent être vigilants sur la concision du langage. Il doivent s'assurer chaque idée est proprement justifiée, soit par une bonne publication, soit par un résultat expérimental solide. Ils doivent veiller vigilant à la rigueur de la description des matériels et des méthodes, au point que les expériences doivent pouvoir être reproduites. Ils doivent aider les auteurs à apprendre à rédiger des publications scientifiques, le cas échéant. 
Aujourd'hui, capté sur Twitter des engagements qu'un scientifique a pris, à propos du travail de rapporteur. J'amende en traduisant :

1. Rapporteur, j'écrirai mes rapports de façon aidante, bienveillante, respectueuse. Même si le manuscrit contient des fautes élémentaires, je ne ferai pas de commentaires brusques, excédés ou condescendants.

2. Mon objectif sera d'aider les auteurs à améliorer leur manuscrit, et non pas à critiquer sans indiquer de piste d'amélioration.

3. Quand je considérerai les interprétations, mon objectif ne sera pas d'imposer les miennes, mais d'examiner comment celles des auteurs sont étayées.

4. Je ne chercherai pas à orienter les interprétations dans le sens que je souhaite, et je considérerai le texte soumis, rien que le texte soumis.

5. J'accepterai toujours de faire l'analyse des manuscrits que l'on me soumet si je suis un expert du sujet.

6. Je ferai mon analyse aussi rapidement que possible. Et si je n'ai pas le temps, j'indiquerai aux éditeurs un autre rapporteur.

jeudi 21 février 2019

Citer une référence en début ou en fin de paragraphe ?

Nous sommes bien d'accord : les textes scientifiques doivent être référencés. Pas une affirmation ne peut être donnée sans un renvoi vers un travail qui établit l'affirmation, ou bien sans une justification expérimentale qui établit le fait.

Restons au premier cas, du renvoi vers un autre travail qui établit l'idée que l'on écrit, sans doute en vue de composer un raisonnement qui prolonge le travail que l'on cite. Il arrive très fréquemment que plusieurs phrases qui se suivent proviennent du même texte, et deux possibilités se présentent :
- on met la référence dès la fin de la première phrase
 - on attend la fin du paragraphe cité pour donner une citation qui se rapporte à tout ce paragraphe.

Que faire ?

Les débats sont fréquents, dans les laboratoires, à propos de la technique de citation à retenir, mais c'est un fait qu'un esprit scientifique habitué à chercher des justifications à tout ce qui est proposé -histoire de marcher sur un sol bien ferme- reste désemparé par la seconde méthode : à la fin de la première phrase, il ne peut s'empêcher de ne pas voir de référence, et porte cela au débit des auteurs... même s'il peut éventuellement se reprendre, et attendre un peu d'avoir ensuite une référence... dont il ne sait pas si elle s'applique aussi à la première phrase.
En revanche, tout le monde comprend facilement que, quand une référence est donnée immédiatement, elle peut aussi s'appliquer à la suite du paragraphe, surtout quand ce dernier est de la même eau.

Autrement dit, la première méthode est rationnellement plus intéressante que la seconde, et je la conseille donc absolument !







Et voici un exemple où la question se pose :

Mais ici, se pose une autre question : la référence est mauvais, parce que c'est un vendeur qui donne ses informations, et non une source officielle ;-)

vendredi 15 février 2019

Les rapporteurs ne doivent pas outrepasser leurs droits


Dans une revue dont je m'occupe, le rapporteur d'un manuscrit écrit que le texte est trop long. Je suis très opposé à l'idée de transmettre cette observation aux auteurs, car une telle phrase dépasse les prérogatives du rapporteur. En effet, les textes scientifiques doivent être parfaitement justifiés, et l'on souffre trop de ces articles trop court, au contraire, où la description des matériels et des méthodes est insuffisante pour que l'expérience puisse être reproduite. Je veux au contraire des textes parfaitement détaillés,  au point que l'on puisse refaire l'expérience, mais aussi au point que tout soit justifié et que rien ne soit arbitraire.
De sorte que je ne vais pas transmettre cette appréciation déplacée aux auteurs et, au contraire, je vais leur dire que tout ce qui doit figurer l'article... doit figurer dans l'article.
Pour autant, rien de ce qui a déjà été publié une fois ne doit l'être une second fois : c'est là une bonne pratique de l'écriture scientifique  : on ne doit pas allonger inutilement les textes avec des informations déjà publiées, et les articles scientifiques ne sont pas des textes d'encyclopédie. Quand une information a déjà été publiée, la règle est de renvoyer vers la publication ou figure l'information.


Analysons plus en détails.

 C'est souvent dans les parties d'introduction que les auteurs sont le plus long et parfois le plus hors sujet. La question devrait être, pour cette partie, de poser une question, de faire l'état de l'art succinct, et d'annoncer les travaux qui sont faits et que l'on rapporte ensuite. C'est à cet endroit qu'il y a lieu de pas faire d'encyclopédie.
Puis, pour la partie de matériels et de méthodes, j'aurais tendance à dire qu'on est jamais assez précis et détaillé. Tout doit être expliqué, et tout doit être justifié, notamment le choix des méthodes que l'on n'utilise. Mais si des méthodes ont déjà été mises en oeuvre, alors on renvoie vers la publication correspondante.
Pour la partie résultat, il faut détailler, aussi, car c'est la base de l'interprétation ultérieure.
 Et pour les interprétations, c'est là où le plus souvent les articles sont trop succincts, parce que les interprétations sont verbeuses et non quantitatives. Il ne s'agit pas de dire "Nos résultat sont conformes à ce qui a déjà été vu", mais il faut plutôt s'interroger scientifiquement sur la signification des résultats,  et c'est là où l'on gagne se souvenir des étapes de la science, à savoir que les ajustements conduisent à la production de lois, à partir desquelles on doit élaborer des théories, descriptions testables expérimentalement




mardi 23 octobre 2018

La publication scientifique peut-elle être confiée à des éditeurs privés ? Non ! Et nous en avons la preuve.

Une fois de plus, une revue américaine publie un mauvais article et publie simultanément un éditorial qui dit que cet article est mauvais. Drôle de pratique, non ?

Pourquoi font-ils ainsi ? Sachant que le monde est plein de mauvaise foi, je ne vais pas chercher à le savoir, mais je pressens des explications du style "il ne faut pas censurer", et autres. Qui sont de mauvaises raisons, car la dite revue ne se prive pas de refuser des articles quand cela l'arrange.
Non, plus prosaïquement, je crois que la revue fait un coup de publicité, tout comme quand Nature avait publié l'article de Jacques Benveniste sur la prétendue et inexistante mémoire de l'eau, et que, simultanément, ils avaient envoyé une commission d'enquête en France, afin de prouver qu'il y avait eu fraude.
Tout cela n'est guère conséquent, tout cela est en réalité malhonnête. Et il est vrai que la revue dont je parle vient d'être citée dans la terre entière, par les pour et par les contre... le sujet concerné étant un sujet éminemment politique. Donc l'éditeur est content : son facteur d'impact va grimper, et il vendra plus sa salade. Mais, derrière tout cela, se pose la question de la science, qui est donc publiée encore souvent par des éditeurs privés. Au fond, pourquoi les institutions scientifiques confient-elles la publication de leurs résultats à de telles sociétés privées... qui s'engraissent d'ailleurs avec abonnements, vente d'articles... alors que leur apport est quasi inexistant ,
 Pour ceux qui ne le savent pas, je rappelle que les comités éditoriaux sont constitués de scientifiques bénévoles, tout comme le sont les rapporteurs. Au mieux, l'éditeur fait un vague travail de secrétariat.

Cela est intolérable, et c'est pour cette raison que nous avons créé les Notes Académiques de l'Académie d'agriculture de France : une revue publique, gratuite pour les auteurs comme pour les lecteurs, avec une évaluation propre, en double aveugle, et l'idée d'aider les auteurs à perfectionner leurs articles : ceux-ci ne sont jamais refusés, mais acceptés seulement quand la qualité scientifique "académique" est atteinte.
Et, pour une telle revue, l'idée de publier un article qu'on dézinguerait dans un éditorial est inimaginable, bien sûr !

mercredi 22 août 2018

Les scientifiques publieraient trop ? (suite)

J'avais prévu une suite à mon billet précédent, à propos de la publication possiblement (selon des interlocuteurs) excessive des scientifiques... et je reçois un amical commentaire qui me conduit à modifier le texte que j'avais prévu.

Voici donc ce que m'envoie un ami internaute :
"De ce que je lis souvent, il est quand même considéré comme problématique la pression à la publication, le "publish or perish". Cela aboutirait à des publications de qualité médiocre, aboutissant à plus de "bruits" qu'autre chose, voir à des publications plus médiatiques que scientifiques (Séralini and co). De plus, c'est souvent une pression à la publication de résultats positifs, les négatifs (qui sont utiles pour connaître une voie qui mène à un échec) passant souvent à la trappe. Qu'en pensez-vous ?"
 

Oui, mille fois oui ! Il n'était pas dans mon idée d'avoir la naïveté de certains "mesureurs d'activités scientifique" à qui l'on doit des publications excessives et médiocres. Oui, il me semble inapproprié (terme politiquement correct) d'imposer aux doctorants un certain nombre de publications pour la fin de leur thèse, ou aux scientifiques un certain nombre de publications par année. D'ailleurs, l'Académie des sciences a très justement pointé cette question, et l'on ne cesse, ces temps-ci, de voir débouler des articles qui font état des dégâts du "facteur d'impact", que certains tordent à leur avantage en publiant trop et  mal. D'ailleurs, j'avais moi-même fait plusieurs billets à propos de ces questions, et notamment https://hervethis.blogspot.com/2018/07/a-propos-de-revues-predatrices.html.

Mais quand même, avec intelligence, nous devons publier nos résultats... en nous interrogeant de surcroît sur les nouvelles formes de publication permises par l'internet.
Ainsi, dans le temps, on a alterné entre de gros articles, ou au contraire de petits textes bien ciblés. Il va de soi que l'on ne fait pas un gros et bon article par an, parce que cela signifierait que l'on a produit un gros travail théorique dans l'année : les meilleurs (Einstein, Faraday, etc.) sont des hommes ou des femmes de deux ou trois idées dans une vie, et cela est déjà bien, si les résultats sont importants. Mais inversement, on ne peut plus supporter une dispersion de trop nombreux petits articles par trop de chercheurs. La vraie question est donc de réinventer la publication scientifique... Et, quand même, on n'enlèvera pas le bon principe qu'une idée dans un tiroir n'est pas une idée : nous devons publier les résultats de nos travaux !