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samedi 10 juillet 2021

A propos d'explications : expliquer et comprendre



J'avais remis à plus tard la question des relations entre expliquer et comprendre, mais je vois que le moment est venu d'y toucher.

Pour ce qui me concerne en tout cas, personnellement, je vois que j'explique plus pour moi-même que pour les autres. Cependant les objectifs sont identiques parce que, quand j'explique aux autres (donc pour moi), je m'efforce de me surveiller et de m'assurer que je comprends tout au niveau élémentaire ; je dévide les pelotes de connaissance jusqu'à ce que je sois parfaitement assuré des notions qui composent l'idée que je cherche à expliciter ou à présenter, et, évidement, cela revient à donner à mes interlocuteurs tous les éléments de l'explication.

De sorte que je ne suis pas toujours capable d'expliquer bien du premier coup, mais que, ayant fait rapidement le chemin descendant (intérieurement), je peux le refaire en remontant, et donner des explications que j'espère bonnes.

Je suis fait ainsi : il me faut des bases solides, pour moi-même, et c'est cette exploration renouvelée que j'aime... ce qui tombe bien, car je sais les autres aussi, pour comprendre, ont besoin de bases solides, de petits pas en direction de l'objectif qu'est la compréhension des objets expliqués.

Je vois aussi que cette méthode m'évite l'ennui des répétitions d'explications, que ce soit aux étudiants ou dans les conférences, car elle m'impose - ou me permet ? - d'être vigilant : de mon point de vue personnel, qui change sans cesse en raison du chemin que je fais en travaillant sans cesse, la répétition n'existe pas : chaque fois, j'ai de nouveaux angles pour bien surveiller tous les mots, toutes les phrases, toutes les idées, traquer les imprécisions.

Se pose, dans ce mouvement, la question des parenthèses emboîtées,  qui risque de faire chuter certains : pour expliquer une notion, il faut en expliquer une autre, qui conduit à une troisième, etc.
C'est la raison pour laquelle je suis souvent conduit à  discuter explicitement, en préalable, cette question des parenthèses, à rejeter certaines explications pour plus tard (refermer certaines parenthèses), mais en conservant le fil d'un dialogue qui peut durer beaucoup.

Et n'est-ce pas cela que "professer" :  élaborer un discours qui sera ensuite délivré, par morceaux ?

Bien sûr, finalement, il y a beaucoup d'informations nouvelles pour nos amis qui en ont besoin, mais ils ne viendront pas plus bêtes pour autant, j'espère, car il est de mon devoir de transformer des éléments un peu plats en merveilles intellectuelles, qui contribueront à donner à noss interlocuteurs le goût de l'étude, pour ce qui concerne les étudiants, où le goût d'en savoir plus pour les personnes qui assistent à mes conférence.

Il serait bon de savoir si cette stratégie est efficace, dans un cas comme dans l'autre... mais comme je ne donne jamais deux explications identiques, sans quoi  je m'ennuierais, comme je suis sans cesse à la recherche d'un chemin explicatif un peu original, d'une promenade nouvelle dans un paysage de notions, comment mesurerais-je une "efficacité" ?

Décidément, je préfère prendre du temps à aider mes amis à s'émerveiller, à gagner en autonomie pour qu'ils puissent faire le chemin seul, avec enthousiasme.

lundi 27 août 2018

A propos de pédagogie inversée… ou pas




Dans un billet précédent, je parlais de pédagogie inversée, que je citais comme un des exemples du fait que l' « enseignement » a changé. Il faudra discuter les termes de cette phrase, mais, auparavant, j'en reviens au fait : à signaler qu'un ami internaute, à l'expression « pédagogie inversée », commente  « Pas vous ! », en 'assortissant toutefois cette remarque d'éloges. Il y a lieu de lui répondre ici.



Commençons par cette question terminologique que j'ai vaguement esquissée, en utilisant notamment le mot « enseignement », un terme auquel fait écho le mot « pédagogie ». Ce mot-là ne me convient pas quand il s'agit d'études supérieures, parce que la pédagogie concerne les enfants ; or nos étudiants sont souvent majeurs, et ce ne sont plus des enfants. Enseignement ? Le mot ne me convient pas non plus, car il fait l'hypothèse que l'on peut enseigner, et le mot « instruire » qu'il fait également l’hypothèse que l'on peut transmettre quelque chose à quelqu'un. Je crois cela bien impossible, et je crois surtout à la vertu des « études », avec des « étudiants » qui se procurent leur propre savoir ; pour comprendre quelque chose, pour l'apprendre, il ne peut y avoir autrui, qui vous l'apprend ou vous le fait comprendre, mais un travail, un effort personnel, qui, seul, permet l'apprentissage ou la compréhension. Aristophane disait bien que, dans ces relations particulières, le professeur n'est pas en train d'emplir des cruches. Et la question terminologique est terrible, parce que si le mot « étude » me convient bien, je ne sais pas nommer en français le travail d'accompagnement que font les professeurs. Certes, ils professent, ils « parlent devant ». Professorat ? J'ai peur de mettre cet acte-là avant l'étude, ou, plutôt, non, je n'ai pas peur mais je récuse absolument l'idée qu'il y ait un professeur, un maître, un tuteur… avant l'étudiant. Dans le mot « étude », il y a les études en toute première place, et cela me convient. Et c'est ainsi que j'accepte bien volontiers de parler d'études élémentaires, d'études supérieures…



Mais revenons à la « pédagogie inversée » en oubliant cette histoire d'enfants qui figure dans l’étymologie du mot. Il y a des débats didactiques sans fin à propos des rénovations de l' « enseignement » (on devrait dire « des études »), et je sais parfaitement que la terminologie « pédagogie inversée » correspond à un type particulier d'activités qui est peut-être même breveté, comme l'a été il y a quelques années la « culinologie » : il y en a toujours qui cherchent à faire de l'argent. Mais comme je ne vends rien et que je refuse l'appropriation indue de terminologie, je vais continuer ici de parler de « pédagogie inversée » en prenant une acception un peu large qui n'entre pas dans les détails… pédagogiques. En réalité, je me moque de la pédagogie inversée, et mon discours tient tout entier dans cette idée que je mets au centre des études : l'étudiant, son activité de compréhension, d'apprentissage de savoirs, d'acquisitions de compétences, de travaux en vue d'obtenir de nouveaux « savoir-être ».

Avec ce mot « études », pas besoin d'aller très loin dans la didactique jargonnante : il suffit de penser que les étudiants sont au centre du dispositifs et que nous sommes à leur service pour les aider à obtenir connaissances, compétentes, savoir-être… Je rappelle que, naguère, mes « cours » étaient des exercices d'enthousiasme partagé où l'on discutait la question des informations (sans beaucoup d'intérêt puisqu'elles sont en ligne), des notions et concepts (qui sont des joyaux forgés par nos prédécesseurs les plus admirables), les méthodes, qui sont essentielles, les valeurs (qui sont une des principales raison d'être des professeurs) et, enfin, des anecdotes, qui font la vie plus douce, plus souriante. Rien de tout cela ne servait directement à « enseigner », mais ce professorat (au sens littéral de « parler devant ») avait pour principal objectif de donner à nos amis étudiants le goût, l'envie, l'énergie d'étudier.

On voit que mes amis internautes peuvent être rassurés : je ne verse pas dans les vétilles, mais, au contraire, je reste très proche des noyaux durs de cette activité qui revient entièrement aux étudiants : étudier !