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mardi 7 mars 2023

Une bonne pratique en matière d'expérimentation, c'est de s'assurer par avance, avant une expérience, que l'on a quelque chose d'obtenir un résultat.

Considérons, par exemple,  l'étude d'une émulsion par résonance magnétique nucléaire, et supposons que nous nous intéressions au composé tensioactif qui assure l'émulsification. Si l'on utilise un spectromètre RMN domaine fréquence de 300 MHz, alors le minimum dosable pour un composé, sans cryosonde, est d'environ 0,1 mg pour 1 g d'échantillon.

Or il suffit de très peu de molécules tensioactives pour obtenir une émulsion. Il serait donc idiot, et peut-être pire, d'utiliser la RMN dans l'objectif considéré, si la quantité de tensioactif est inférieure à la quantité détectable.

C'est donc une bonne pratique que de s'assurer, avant une expérience,  que nous aurons les 0,1 mg nécessaires pour faire le dosage.

Sans quoi, nous gaspillons du temps scientifique, de l'argent (pour le fonctionnement de l'appareil,  pour les consommables, pour l'électricité, le chauffage...).

Nous sommes comptables de l'argent qui nous est confié pour nos études, et c'est donc une bonne pratique que de ne pas nous lancer dans des études inutiles.

Faisons-nous maintenant l'avocat du diable en disant que rien est inutile et que la chance sourit aux esprits préparés. Serait-il possible, par exemple, que, lors de cette expérience inutile, nous apprenions des faits qui correspondent à une découverte ? Bien sûr, à partir des résultats de l'expérience ratée, nous pouvons essayer d'aller voir plus plus loin que le phénomène qui n'a pu être mesuré. Bien sûr, nous pouvons profiter des données qui ont été obtenues pour faire des calculs qui n'étaient pas ceux qui étaient initialement envisagés. Mais c'est alors par un hasard très grand que nous pourrions vraiment faire une découverte scientifique.

Je connais des cas où cela est arrivé et, en particulier, quand Nicolas Kurti et ses collègues ont découvert la désaimantation adiabatique nucléaire, parce qu'ils ont augmenté -contrairement à toute rationalité apparente-  l'intensité du courant utilisé dans un montage expérimental qui ne fonctionnait pas, et qu'ils ont vu un tout autre phénomène que celui qu'ils étudiaient.

Il y a aussi tout un livre du chimiste Jean Jacques, L'imprévu, ou la science des objets trouvés, qui évoque des découvertes faites par sérendipité. Mais à bien lire Jean Jacques, on verra quand même que c'est l'attention à tous les détails, et l'intérêt pour le non-découvert, la focalisation sur les étrangetés du monde, et non pas la négligence, qui ont engendré des découvertes.

Il y a cette phrase ancienne selon laquelle "la chance sourit aux esprits préparés", et il y aurait lieu de discuter du mot "chance".



jeudi 8 février 2018

La question de la stratégie scientifique : merci de contribuer !




Nous sommes je crois bien d'accord : le but des scientifiques est de faire des découvertes. Et, malgré les déclarations anarchistes et provocatrices de l'épistémologue Paul Feyerabend (Contre la méthode, Le seuil, 1979), les scientifiques ne font pas les choses au hasard, et ils ont des "méthodes", souvent rationnellement fondées sur la compréhension de la méthode des sciences de la nature, méthode qui innclut les étapes suivantes :
1. identification d'un phénomène
2. caractérisation quantitative de ce dernier
3. réunion des résultats de mesure en lois synthétiques
4. production de théories, par induction de mécanismes quantitativement fondés sur les lois
5. recherche de conséquences théoriques testables des théories
6. tests expérimentaux de ces conséquences théoriques

On le voit : le mouvement ainsi décrit est déjà une méthode.
Mais il y a mieux, car :
1. le ou la scientifique peut se situer à tout moment de ce grand mouvement
2. des idées stratégiques plus générales peuvent aider dans les divers mouvements élémentaires.

Ici, on rapporte le résultat de discussions personnelles avec nombre de scientifiques réputés. Les méthodes de découvertes sont données... mais non pas à des fins normatives, comme le craignait Feyerabend (il y a des gens qui ont toujours peur), mais, bien plutôt, comme des invitations positives à avancer d'un bon pas sur le chemin de la découverte

(1) Transforming adjectives and adverbs into quantitative parameters (introduction of new concepts);
2) Looking for the mechanisms of phenomena;
(3) Focusing on oddities, contradictions, discrepancies¦ and ''symptoms'';
(4) Designing new observational tools;
(5) Making science from a technical question;
(6) Refuting a theory;
(7) Solving a problem;
(8) Assuming that any fact, result, observation, phenomenonon should be considered as a particular example of general categories that we have to invent;
(9) Looking behind the ordinary: this means not accepting what was accepted;
(10) Making the contrary of what was always proposed;
(11) Looking deeply enough to what an experiment can reveal, and work deep enough to see the impact.
(12) C'est bien de voir l'arbre, mais il faut aussi voir la forêt  (JM Lehn)

Surtout, cette liste est en constitution : si vous avez connaissances d'autres possibilités, merci de me les envoyer, afin que nous ayons un corpus à transmettre aux jeunes scientifiques et à nous-mêmes :
icmg@agroparistech.fr






Vient de paraître aux Editions de la Nuée Bleue : Le terroir à toutes les sauces (un traité de la jovialité sous forme de roman, agrémenté de recettes de cuisine et de réflexions sur ce bonheur que nous construit la cuisine)