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lundi 17 juillet 2023

A propos d'albumine... et de la merveilleuse salle des actes de la faculté de pharmacie

Le Quartier latin est évidemment un enchantement pour celui qui sait voir derrière les murs, puisque c'est un lieu important de l'histoire de la France savante, pas en  totalité bien sur, mais quand même. 

Dans des billets précédents, j'ai déjà évoqué la Faculté de pharmacie au moins deux fois, une fois avec le triangle des simples, au croisement de la rue de l'arbalète et de la rue Claude Bernard, à l'emplacement de l'actuel AgroParisTech,  et une fois pour son musée du deuxième étage, qui réunit des échantillons de matières végétales ou animales ayant des propriétés bio-actives remarquables. 

Cette fois, je voudrais vous faire part de l'émerveillement qui m'a pris un jour, alors que j'avais été invité à faire une conférence la société d'histoire de la pharmacie. Le  lieu de la conférence était  la salle des actes de la Faculté de pharmacie, avenue de l'observatoire. 

Dit ainsi, on ne s'attend à rien de particulier. On entre dans la faculté par une porte qui fait face au jardin, on traverse une cour et l'on arrive à la salle des actes, au rez-de-chaussée. La porte de la salle des actes n'a pas d'intérêt manifeste, pas plus que le couloir où donne la salle... mais quand les appariteurs ouvrent les battants... et c'est l'émerveillement ! 

 

Une salle tout en lambris dorés, avec d'extraordinaires tableaux encadrés, une moquette bleue, une restauration peaufinée. Les grands pharmaciens des temps  passés y sont représenté : Moissan, Vauquelin, Parmentier (je ne cite pas dans l'ordre)...
Ils sont tous là, dans des cadres dorés, superbe. Bien sûr, la chimie d'alors n'était pas celle d'aujourd'hui, et, d'ailleurs, les chimistes étaient souvent des préparateurs, tel que le disent bien le livre consacré aux pharmaciens du Muséum d'histoire naturelle, ou le livre du cinquantenaire de l'Ecole Supérieure de Physique et de Chimie Industrielles de Paris (ESPCI). 

 

Comment était la chimie de l'époque ? Prenons un extrait d'un article de Charles-Louis Cadet (Dictionnnaire de chimie, en 1803) :
« ALBUMEN ou ALBUMINE. On a donné le nom d’albumen à la matière du blanc-d’œuf, à cause de sa blancheur, lorsqu’elle est coagulée par la chaleur. Depuis qu’on a reconnu la présence de cette substance das différens liquides animaux et végétaux, on l’a appelée albumine, réservant le mot albumen comme l’expression latine qui désigne seule le blanc d’œuf. Le sérum du sang, l’humeur vitrée de l’œil, la lymphe, l’eau des hydroponiques, la sinovie, les membranes blanches, les parois des viscères, contiennent de l’albumine qui doit être regardée, à cause de son abondance, comme un des matériaux les plus importas à connoitre des corps organisés. Le citoyen Fourcroy, qui s’en est fort occupé, lui donne les caractères suivans : L’Albumine est ordinairement sous la forme d’un liquide plus ou moins visqueux, collant comme la gomme, d’une couleur blanche, tirant sur le jaune, d’une saveur légèrement salée ou un peu âcre, lorsqu’on la goûte avec beaucoup d’attention ; elle verdit constamment la teinture et le sirop de violettes ; elle fait repasser au bleu la teinture de tournesol, rougie auparavant par le contact des acides : cette propriété dépend de la soude qu’elle contient. La liquidité, donnée comme un caractère de l’albumine, tient à ce qu’elle est toujours combinée avec une certaine quantité d’eau, dans les fluides elle fait la principale base ; mais, lorsque par l’effet de la circulation et des autres fonctions qui constituent la vie, l’albumine est devenue partie intégrante des organes solides, alors elle est sous forme concrète, et ne peut plus être reconnue par ses propriétés physiques, sa saveur, sa consistance, etc. ; elle a même un peu changé de nature ; de sorte que, pour en déterminer les autres caractères, il faut continuer à l’examiner sous la forme liquide. L’albumine éprouve de la part du feu, ou plutôt du calorique libre (chaleur), une action qui fait son caractère propre et distinctif. Lorsqu’on élève sa température au dessus de 45 degrés [56,25°C] et jusqu’à 48 [60°C] au thermomètre à mercure, portant 80 degrés [100°C] à l’eau bouillante, sa liquidité disparaît avec sa transparence ; elle devient blanche, opaque, concrète, solide ; on dirait qu’elle prend tout-à-coup la forme d’un tissu ; un grand feu en dégage de l’ammoniaque et une huile très-fétide, comme de toutes les substances animales ; en la séchant lentement, elle devient transparente et cassante. L’albumine liquide est soluble dans l’eau. Elle se délaie bien dans ce liquide froid et peu aéré ; lorsqu’on l’unit à de l’eau aérée, la dissolution ne s’opère qu’imparfaitement, et l’albumine, qui était d’abord entièrement transparente, forme quelques stries blanches ou se trouble en totalité, suivant la quantité d’air contenue dans l’eau, et par la fixation de l’oxigène qui rapproche l’albumine de l’état concret ; on peut, en forçant la quantité d’eau chaude, empêcher entièrement la concrétion de l’albumine, et rapprocher sa combinaison de l’état du lait écrêmé ; car on verra, à l’article lait, que cette liqueur animale, séparée du beurre, est formée, en grande partie, d’eau et d’albumine dans un état particulier ; l’albumine oxigénée ou solide n’est pas soluble dans l’eau. Les alcalis caustiques dissolvent l’albumine, même oxigénée ; tous les acides la coagulent ; l’acide sulfurique la brûle et la charbonne en lui fesant répandre une odeur infecte ; l’acide nitrique, aidé de la chaleur, en dégage de l’azote et de l’acide prussique, ensuite du gaz carbonique, et il se forme un peu d’acide oxalique. [...] Le citoyen Fourcroy a reconnu que l’albumine existant dans le suc du cresson, du chou, du cochléaria, de la racine de patience : en fesant chauffer au bain-marie ces sucs préalablement filtrés, on voit se former des flocons albumineux que l’on recueille par une seconde filtration, c’est à la décomposition de l’albumine qui se trouve dans les crucifères, que l’on doit attribuer la formation de l’ammoniaque qu’ils dégagent pendant leur fermentation. « Cette substance, dit le cit. Fourcroy, que nous avons indiquée déjà dans un assez grand nombre de végétaux, mais dont nous avons trouvé des traces dans un beaucoup plus grand nombre d’autres, existe en général dans toutes les plantes vertes, & dans toutes les parties molles et succulentes ; il paroît qu’elle se condense, s’épaissit par le travail de la végétation, & qu’elle contribue à la formation de leurs parties solides. En effet, j’en ai obtenu des quantités notables des bois jeunes, des tiges vertes, mais le bois sec n’en donne plus sensiblement, parce que cette matière a pris la consistance solide ; c’est sans doute à son existence qu’est due l’odeur putride & manifestement ammoniacale que prend l’eau dans laquelle on a laissé infuser un bois quelconque ; je suis d’autant plus porté à le croire, que je suis sûr, d’après mes expériences, que le bois flotté ne donne pas autant d’ammoniaque à la cornue que le bois neuf. »

 

Ce que cet extrait ne dit pas explicitement, c'est qu'il s'agit là de protéines, et, mieux, que l'on identifie des protéines d'origine végétale, ce qui fut une révolution à l'époque : malgré la Bible, on trouvait des composés (mot moderne) identique dans les animaux et dans les végétaux ! On observe aussi que l'oxygène, de découverte récente, est déjà largement utilisé. Mais, pour conclure, on reste estomaqué par la beauté de la Salle des Actes. 

 

Courez la voir !

samedi 4 avril 2020

Pour une recherche scientifique de qualité !

Quelle place pour la "santé" dans l'"alimentation" ?

Je n'oublie pas que j'ai fait la promesse de ne plus parler de nutrition ni de toxicologie, mais cela ne doit pas m'empêcher  de dénoncer des absurdités qui engagent nos collectivités, et, mieux, de promouvoir des activités qui le méritent. Ici, je veux dénoncer une certaine morale diététique qui  est infondée, et je veux absolument promouvoir des travaux scientifiques et techniques, sans lesquels nous ne pourrons jamais avoir de bon guide diététique.

A la base, je propose cette  évidence : nous ne devons pas nous empoisonner quand nous mangeons. Simple ? Pas certain, car on peut  s’empoisonner à court terme ou à long terme, et, évidement, la connaissance des effets à long terme sont plus difficiles à obtenir que la connaissance des effets à court terme. Ainsi, il n'y a pas besoin de mille expériences coûteuses pour voir l'effet de l’amanite phalloïde (et l'on évitera absolument de faire cette expériences), mais il a fallu des décennies de travaux pour arriver à identifier les effets cancérogènes de certaines plantes pourtant "recommandées" (on se demande sur la base de quoi !) par Hildegarde de Bingen au Moyen-Âge !
Bref,  il y a une épidémiologie nutritionnelle  ou toxicologique qui travaille bien (à côté d'une épidémiologie qui travaille mal, comme l'a dénoncé mon confrère Philippe Stoop ici : https://www.academie-agriculture.fr/publications/notes-academiques/1722020-n3af-2020-1-sante-et-alimentation-attention-aux-faux), et qui rend -lentement mais surement- des services, en vue d'applications ultérieures.
Et bien sûr, les politiques publiques ne peuvent être définies que sur des bases solides, par sur des la base de sentiments, d'intuitions, de prétentions...
Or la sphère politique est pressée de montrer aux électeurs qu'elle est utile. Elle profite souvent de n'importe quel événement pour se montrer, pour prendre des décisions, pour faire penser qu'elle est utile... quand bien même ces décisions sont mauvaises : le temps de la recherche scientifique n'est pas celui de la décision politique ! Et c'est ainsi que l'on nous a interdit le pain, puis qu'on nous l'a de nouveau conseillé. C'est ainsi que l'on nous a proposé dix fruits et légumes par jour, avant d'en conseillé cinq. C'est ainsi que, aujourd'hui, il y a cette dénonciation de certains aliments qui n'ont pas la bonne couleur sur un code idiot que l'Etat a pourtant accepté d'utiliser, oubliant que nous ne mangeons pas des aliments, mais une alimentation !

Bref, le politique prend hélas des décisions idiotes sur la base de données scientifiques insuffisantes. N'oublions pas de dénoncer publiquement les idées simplistes de régime méditerranéen, les concepts foireux d'aliments ultra-transformés, les prétentions... disons prétentieuses de l'action bénéfiques de certains composés, tels les polyphénols... Presque pour chaque cas, les propositons ont été réfutées... alors que nous ignorons toujours l'effet à long terme des petites doses de mycotoxines, par exemple. On prône le "bio" qui n'a pas fait ses preuves scientifiques, alors que nous ignorons encore comment se constitue un simple bouillon de carottes ! Et certains hygiénistes ou  nutritionnistes, ou diététiciens, ou toxicologues de chercher à se donner de l'importance, telles des grenouilles qui veulent devenir plus grosses que des boeufs !
Décidément, il y a lieu de ne pas mettre la charrue avant les bœufs, et il faut commencer par produire des données fiables avant d'intervenir, avant de proposer d'intervenir. Avant de payer des sommes considérables à la communications nutritionnelle, l'Etat ferait mieux de les donner à une recherche scientifique de qualité, pour que nous puissions ensuite bâtir les programmes efficaces qui seront rendus possibles par des données fiables.

Même pour le court terme, la question est difficile, car les composés n'ont pas une action unique sur l'organisme, et n'agissent pas non plus de la même façon sur tous les organismes. Pour prendre un exemple un peu éloigné de l'alimentation (on voit mieux a paille dans l'oeil du voisin que la poutre dans son propre oeil), je propose de considérer la question des médicaments anticancéreux, et, notamment, de ceux que l'on administre contre le cancer du sein.
Il faut d'abord dire que ces médicament s'imposent, car l'alternative est simple : soit le cancer se développe, soit il est tenu en arrêt par le traitement. Bien sûr,  ce dernier a des effets secondaires. Et bien sûr, il faut absosulment chercher à limiter ces effets, mais pour un état donnée de la connaissance scientifque et technique, il faut faire avec ce que nous savons, pragmatiquement, et supporter des effets secondaires qui évitent un plus grand mal.
Sans perdre de temps : la recherche doit évidemment continuer de travailler. Et pour ce cas du cancer du sein, il y a eu un épisode bien triste, il y a queques années : des laboratoires pharmaceutiques ont eu cette merveilleuse idée d'observer que les mêmes  médicaments antitumoraux avaient parfois une action bénéfique sur le sein, mais délétère sur les ovaires, en raisons de récepteurs différents dans les deux tisuss. Est alors apparu le concept de SERM, médicaments d'une sorte nouvelle qui visaient à avoir une action bénéfique sur les deux tissus. Hélas, alors que les effets étaient localement ceux que l'on voulait, il n'y a pas eu les résultats escomptés sur la maladie, en termes statistiques.

On le voit, la question est difficile, parce que les systèmes considérés sont complexes. Et cela devrait suffire à rabattre le caquet des Messieurs et Dames qui savent tout pour notre bien. Pour la maladie comme pour  l'alimentation.
Car là aussi les exemples ne manquent pas : tel polyphénol peut être bénéfique d'un certain point de vue et délétère d'un autre. Tel composé est plus ou moins nocifs qu'on l'imagine. La question de la toxicologie n'est  pas une question simple, et  c'est en raison de cette observation que, en l'état des connaissances, il y a sans doute lieu de considérer que la règle nutritionnelle est de manger de tout, en petites quantités, et de faire de l'exercice. Les panacées, et même les solutions simples (on devrait dire simplistes) sont l'apanage de malhonnêtes ou des ignorants, que l'on ne doit ni suivre ni écouter. Le message est clair pour les pouvoirs publics : sauf à être démagogue, on ne doit pas écouter le chant des sirènes, et l'on doit investir dans la recherche scientifique et technologique.

Tout cela étant dit, nous pouvons revenir à notre question de la place de la santé dans l'alimentation. Bien sûr, on voudrait que l'alimentation contribue à la santé, mais on voit que les temps ne sont pas mûrs. On voit aussi que, en 2050, il faudra nourrir 10 milliards d'invidivus, alors qu'on ne sait le faire que pour 6 milliards. Il y a donc lieu de considiérer le plus urgent, et de se préparer efficacement ; ne perdons pas de temps inutilement avec des questions sanitaires qui ne sont pas prêtes  et posons nous la question principale.

Surtout, promouvons la recherche scientifique de qualité !