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mardi 11 juillet 2023

Vive la chimie

 Une question m'arrive : 

« D'où vous est venu votre intérêt pour la chimie ?» 

 

Je ne sais pas si c'est une question dont la réponse soit d'intérêt général, mais je sais que je peux toujours essayer de faire qu'il en soit ainsi ! 

Pour ce qui concerne mon « moi haïssable », il y a une boite de chimie que j'ai reçue, quand j'avais six ans. 

Rétrospectivement cela m'amuse de la voir... parce qu'elle est sans intérêt, assez mal faite. Le manuel qui accompagnait les matériels et produits était très mauvais, sans doute traduit, et mal traduit : aujourd'hui, je ne comprends pas ce qui y est écrit... et je comprends pourquoi, à l'époque, j'étais fasciné... mais je ne comprenais rien. 

A la même époque, j'ai reçu un livre de vulgarisation de la chimie qui, sans boîte d'accompagnement, décrivait des expériences, et le plus intéressant était sans doute le chapitre sur le travail du verre. Un travail que l'on peut faire avec une simple lampe à mèche, et de l'alcool à brûler, comme pour les fondues. J'ai appris à tirer le verre, à faire un capillaire, à couder, à souffler... Et j'ai surtout appris que, pour ces travaux, les pommades grasses sont indispensables, en cas de brûlure ! 

Passons. Ce qui est surtout intéressant, de façon générale, c'est quand même que mon éblouissement personnel est général : on chauffe du carbonate de calcium ; quand c'est refroidi, on ajoute de l'eau... et l'on voit une vive réaction se produire ; puis on filtre le résultat dans un filtre à café, afin d'obtenir une solution limpide ; on souffle dans cette solution avec une paille... et l'on voit un trouble apparaître ; on laisse sédimenter... et l'on récupère le carbonate qui avait été détruit ! Pourquoi ? 

Bien des décennies plus tard, j'ai fini par comprendre que c'était moins la transformation qui me passionnait que l'étude de cette transformation, ce qui m'a conduit à bien distinguer la chimie, qui m'intéresse modérément, et la physico-chimie, qui me passionne par dessus tout !

dimanche 1 septembre 2019

Passionnantes études

Note préliminaire : j'ai résolu de considérer les étudiants comme de jeunes collègues, ou, mieux, comme des collègues, mais pour les besoins de clarté, dans ces billets consacrés aux études, j'utilise l'expression "jeunes collègues" pour désigner les étudiants, et professeurs pour désigner les "professeurs", sans distinction de grade.


Dans mes discussions sur l'enseignement et ce que je préfère nommer des études (on peut professer, mais il est bien impossible d'enseigner),  j'ai préservé la fonction des professeurs et je me demande si même celle-ci ne doit pas être discutée.
On parlait jadis de travailler sous la férule du maître : il y avait une baguette pour vous taper sur les doigts et vous remettre dans le droit chemin tel le bâton qui garde les oies... Cela semble évidemment tout à fait contre-productif, car on ne peut passer du temps sur des études que si l'on est dans un état d'esprit extrêmement positif, si l'on  envie d'apprendre. Si le professeur ne parvient pas à donner (en supposant qu'ils ne l'aient pas déjàà aux collègues plus jeunes l'envie d'étudier, alors l'étude sera toujours un pensum, condamnée à l'échec.

A l'analyse, je m'aperçois que nous avons des moyens pour donner aux collègues plus jeunes l'envie d'étudier et notamment la socialité, moteur extraordinairement puissant au point de réunir des milliers de personnes dans les stades. Ne pourrions-nous pas l'utiliser mieux pour aider nos amis à étudier ?
Je suis d'accord pour observer que cet argument serait extrinsèque et non pas intrinsèque, de sorte que je ne répond pas vraiment à la question que je pose. Il y a lieu de trouver dans les études sa propre beauté, et nous avons  j' donc là la tâche prioritaire :  montrer la beauté des études pour la tendre à ceux qui viennent apprendre près de nous. Tout doit y passer  : la beauté, l'élégance, l'efficacité,
D'ailleurs, je suis moins  pour parler moins d'un gai savoir que d'une amusante étude.

samedi 15 décembre 2018

En chimiste, pas en tant que chimiste !

Un étudiant m'interroge sur ma tenue vestimentaire : pourquoi toujours des chemises à col officier, et pourquoi suis-je en blouse sur la photo de mon blog ?

A vrai dire, je n'ai guère de coquetterie, et le fait d'avoir toujours les mêmes vêtements est surtout une façon de gagner du temps, de ne pas avoir à choisir, de ne pas me préoccuper de ce que considère (je parle pour moi, en mettant dans la balance la question du temps consacré aux travaux scientifiques) comme des futilités.
Jadis, le choix s'est fait, parce que je n'avais pas envie de porter de cravate. Aujourd'hui, personne ne porte plus cela, sauf dans des cercles très particuliers, et j'ai conservé mes chemises. Rien de très intéressant pour mes amis. 

Ce qui mérite plus d'attention, c'est le port de la blouse. Car c'est un fait que, au laboratoire, à savoir l'un des plus beaux endroits du monde, j'ai toujours une blouse, dans mon bureau, et notamment parce que la propreté du lieu n'est pas absolue, ou parce qu'il ne fait pas si chaud. Mais, surtout, c'est l'habit où je me sens bien... parce que je suis chimiste, j'ai une passion pour la chimie, et j'aimerai que nous soyons encore plus nombreux à comprendre que cette science est merveilleuse (elle l'est, faites moi confiance).
Les jésuites disent : "il faut se comporter en chrétien, et non pas en tant que chrétien". Je transpose : il faut se comporter en chimiste, pas en tant que chimiste.
En tant que chimiste ? Cela signifierait porter une blouse pour ceux qui nous regardent... mais, dans mon cas, j'ai toujours une blouse, qu'il y ait des visiteurs ou pas ! Je vous ai dit que je me sentais bien au laboratoire, avec ma blouse : ce n'est pas pour autrui que je la porte, mais pour moi-même. Et ma passion pour cette science est si grande que j'en ai fait un livre, qui interroge notre manière de vivre notre science. Ce n'est pas mon meilleur livre, mais j'y explique pourquoi la chimie est une science si extraordinaire.





Oui, décidément, je ne joue pas à porter une blouse ; je la porte, parce que c'est l'habit de ma passion.

mardi 21 février 2017

La merveilleuse question de la colonne vertébrale


Il y a ce jeune ami qui est le premier de mes soucis, cet étudiant intéressé qui travaille, qui s'accroche, qui veut y arriver, qui cherche par lui-même... C'est un individu précieux, que j'ai le devoir d'aider, si je le peux.

Parfois, il ou elle fait quelque chose de merveilleux : il ou elle travaille, apprend, se forge des compétences, alors même que son objectif n'est pas bien défini. Quel courage d'investir ainsi dans de l'étude, alors que l'activité professionnelle sera peut-être les arts, ou l'artisanat, bref tout autre chose que ce à quoi conduisent logiquement les études en sciences de la nature et en technologie !

De tous les conseils que je n'ai pas reçu mais que j'ai glanés, il y a celui-ci, dont j'ai la paternité du libellé : {{"Quelle est ta colonne vertébrale ?". }}
 Il est si essentiel, que je crois utile de le discuter un peu.

Cette question de la colonne vertébrale m'est venue dans un contexte bien différent que la pédagogie, à savoir l'analyse de l'art, et, plus particulièrement, à propos d'un tableau attribué à Léonard de Vinci, où l'on voit des cavaliers, sur leurs chevaux, se battre.
La scène est d'une vigueur terrible, et, pour ce tableau particulier, je ne sais plus comment j'en suis venu à savoir que le tableau était la manifestation d'une idée : les hommes et les bêtes (les chevaux) se ressemblent quand ils se battent. Et c'est bien ce que l'on voit sur ce tableau : des rictus très semblable pour les hommes et les bêtes. Tout le tableau n'est qu'une orchestration de ce thème de solistes, si l'on peut prendre une comparaison musicale (qui invite à chercher des interprétations dans d'autres arts).



Ici, je ne sais plus pourquoi, mais j'ai analysé que l'idée fondatrice était comme une colonne vertébrale. Elle structure, elle évite qu'un tas de viande ne s'effondre en une sorte de flaque sur le support.

 Cette idée de colonne vertébrale m'a semblé si éclairante que je me suis mis à chercher des colonnes vertébrales partout : dans mes travaux, dans ma vie. Dans ma vie ? La passion pour la physique chimique (les sciences de la chimie) était-elle une colonne vertébrale ? D'une certaine façon, mais pourquoi cette passion ? Dans mon (mauvais) livre "La sagesse du chimiste", j'ai identifié que le cycle de la transformation du carbonate de calcium en chaux vive, chaux éteinte, eau de chaux, puis de nouveau carbonate de calcium était à l'origine de mon éblouissement. Mais ce n'était en réalité qu'une étincelle, et je crois bien plus fort ce sentiment d'incompréhension que le monde soit écrit en langage mathématique, en calcul. Quoi  : on mesure une intensité de courant et une différence de potentiel électrique, et l'on induit une relation de proportionnalité qui s'étend même aux mesures que l'on n'a pas faites, en vertu de la relation mathématique de proportionnalité ? Quelle merveille !
En réalité, les sciences de la nature ne sont que cela : un émerveillement de voir le monde écrit en langage mathématique. Cela dépasse -de loin-  le plaisir enfantin de "bouger ses doigts" et de "faire des expériences". C'est la grande question de la science, celle qui structure toutes les bonnes épistémologies !

Je conçois évidemment que tous ne soient pas émerveillés comme moi, et qu'ils puissent trouver dans leur activité des forces, des beautés que je ne vois pas : le médecin qui soigne, le mécanicien qui résout le puzzle de la panne et répare, le souffleur de verre, le musicien, le boulanger... Pour chaque activité, j'espère que mes amis ont une bonne raison de s'y adonner, mais, surtout, la question est posée : quelle est leur colonne vertébrale ?



 Résultat de recherche d'images pour "hommes chevaux se battent  léonard de vinci"

Terminons en évoquant un jeune ami qui me demandait s'il était bien nécessaire de tout rationaliser, de s'interroger ainsi, de se "psychanalyser"... Je réponds que chacun fait comme il veut, mais que je vois trop d'entre nous (et moi-même) dans un brouillard intellectuel pour ne pas penser que la voie de la rationalité soit utile.
Quant à la colonne vertébrale, au pire ce sera une question que nous nous poserons, à propos de notre existence : je ne crois pas utile de réfléchir un peu à une question si importante. Et puis, une fois cette colonne vertébrale bien identifiée, on peut centrer son activité... et ne garder de la vie que le meilleur !