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vendredi 26 mars 2021

A propos du rejet de manuscrits par les revues scientifiques


Dans un texte que j'ai publié dans les Notes académiques de l'Académie d'Agriculture de France (N3AF),   j'évoquais la question du rejet des manuscrits par les publications scientifiques. Et c'est là un sujet dont il est important de parler, parce que, même si nous savons que cela arrive à tous, et pas seulement à nous-mêmes, il est très désagréable qu'un éditeur nous dise, se fondant sur des rapporteurs, qu'un manuscrit que nous proposons n'est pas publiable, alors que nous y avons passé beaucoup de temps, que nous sommes passés sous les fourches caudines de la préparation particulière et de la soumission, que nous avons fait de notre mieux.

Dans mon article aux N3AF, je commence par observer que, aujourd'hui, la question de limiter les publications -qui s'imposait quand on imprimait les revues scientifiques sur du papier- ne tient plus. D'ailleurs, il s'agit moins de journaux que de publications, et de publications en ligne.

En outre, il faut se souvenir de l'histoire de la publication scientifique pour comprendre pourquoi nous en sommes arrivés à une situation paradoxale.
Jadis, les auteurs  recopiaient leurs manuscrits à la main pour les distribuer.

Puis les académies et des scientifiques ont créé des revues pour éviter cela. Initialement, les auteurs touchaient des droits d'auteur, parce que les journaux étaient vendus, ce qui rapportait de l'argent.
Progressivement, l'édition scientifique a évolué vers un nouvel état où les auteurs ne touchaient plus d'argent pour leur texte, cédant gratuitement la propriété de leurs textes aux éditeurs, ce qui est sans doute un peu léonin.
Puis est venu le temps où les auteurs ont dû payer pour être publiés...

Alors que les scientifiques font tout le travail :
- l'écriture des textes
- la préparation des manuscrits selon des normes fixes
- l'évaluation des textes des collègues.

L'abondance excessive (plus exactement : excessive pour le système d'il y a plusieurs décennies) des manuscrits a conduit des éditeurs internationaux à s'engraisser indûment sur la communauté scientifique. Il est temps que cela cesse... car le numérique a donné un coup de pied dans la fourmillière.

D'autre part, dans mon texte, je dis que l'heure n'est plus aux rejets, qui font perdre le temps de tout le monde, et qui abattent le moral des courageux qui veulent publier. Notamment les "rejets", qui étaient souvent fondés sur de mauvaises excuses, en vue de limiter les soumissions, doivent cesser. Non pas qu'il faille éviter de publier des manuscrits impubliables, bien sûr.
Non, il est temps que les rapporteurs apprennent d'autres manières, à savoir une bienveillance qui doit permettre aux auteurs d'améliorer leurs manuscrits.

D'ailleurs, il faut absolument que les "évaluations" soient doublement anonymes : que les auteurs ignorent qui sont les rapporteurs, et que les rapporteurs ignorent qui sont les auteurs... car ils seront ainsi plus prudents : je me souviens d'un de mes manuscrits à propos duquel un des rapporteurs avait eu des mots douteux, et je peux assurer qu'il l'a regretté, ensuite, quand il a su que j'étais l'auteur et que, surtout, il avait outrepassé ses droits de rapporteur, faisant des demandes indues.

Pour autant -j'insiste-, il ne s'agit pas de lâcher sur la qualité des textes : il doit y avoir autant d'allers-retours que nécessaire entre les auteurs et les rapporteurs, afin que les textes publiés soient de grande qualité.

Et il faut bien sûr que les auteurs entendent quand leurs textes sont fautifs. Il faut que les jeunes auteurs apprennent à mieux rédiger des textes scientifiques. Où tout soit justifié, par exemple ; où des validations sont données ; et ainsi de suite. Cela s'apprend, et les rapporteurs ont donc une mission essentielle dans notre communauté.

Et d'abord une obligation de bienveillance : vita brevis, ars longa... et il faut apprendre lentement.

Il est temps, aussi, de bien expliquer qu'il n'est pas vrai que les revues rejettent les textes qui font mention de  "résultats négatifs", car les résultats sont toujours des résultats, et, quand ils sont contraire aux hypothèses que nous avons faites, ce sont des découvertes ! C'est une faute de la part des auteurs que de penser que des résultats puissent être négatifs.

Et tout résultat obtenu dans de bonnes conditions (contrôlées, reproductibles) doit être publié ! Evidemment, les interprétations sont parfois difficiles, mais j'insiste : les résultats sont là, et il faut les communiquer à la communauté scientifique.

D'ailleurs, bien plus généralement, nous devons faire nôtre la règle de Michael Faraday : work, finish and publish*... car une idée dans un tiroir n'est pas une idée !  


*    “The secret is comprised in three words — Work, finish, publish.”

An advice to the young William Crookes, who had asked him the secret of his success as a scientific investigator, as quoted in Michael Faraday (1874) by John Hall Gladstone, p. 123

mardi 23 février 2021

Dépassons le fétichisme du livre papier



Il y a trop de personnes qui me répètent cette litanie selon laquelle le numérique ne fera pas disparaître le livre en papier : d'une part, qu'en savent-ils ? d'autre part, n'ont-ils pas tort ?

Personnellement, grand amateur de "livres" (mais qu'est-ce qu'un livre ?),
je conteste l'idée du livre papier, et je la combats même, en interdisant le papier dans mon laboratoire. Nous n'avons plus de cahier de laboratoire, mais des outils mieux adaptés. Nous ne faisons plus de ces photocopies qui coûtent une fortune. Nous ne passons plus nos week ends à aller chercher des articles imprimés (à grands frais) dans des bibliothèques : il faudra chanter l'avènement des revues en ligne pour les progrès de la science ! Ah, un .pdf que l'on récupère de son fauteuil, efficacement, quand on en a besoin !  

La disparition du livre imprimé menacerait-elle la "culture" ? Encore faudrait-il savoir ce que signifie une telle phrase... mais, en tous cas, j'observe que mes enfants (et leurs amis) ont des liseuses, des ordinateurs, mais plus de papier. Ils ne lisent pas moins que d'autres (au contraire, puisqu'ils lisent en tous lieux), mais ils sont de leur temps, un temps où l'on cessera peut-être de polluer les rivières avec la pâte à papier ?

D'ailleurs, pour rassurer les éditeurs, je ne vois pas le travail d'édition changer, dans tout cela : après tout, j'avais commencé ma carrière dans l'édition scientifique alors que mon journal était composé au plomb (le saturnisme des ouvriers !), et je suis de ceux qui ont fabriqués les premiers logiciels de traitement de texte, puis de mise en page, par exemple,  pour prendre de l'avance sur notre concurrence et nous faciliter la vie.
Car n'ayons pas la mémoire courte : vous souvenez vous du temps terrible du ruban blanc que l'on collait sur les textes à corriger, de la machine à écrire, les voyages chez l'imprimeur, la nuit, pour surveiller les épreuves, l'impression ?

Bref,  je crains que l'attachement à ce support qu'est le livre papier ne soit du fétichisme (que je partage pour partie : j'ai des exemplaires très anciens de livres de chimie et de livres de cuisine).

Bref, il est temps  de migrer... car même les revues gratuites que je voyais dans les  transports en commun (l'espace du plus grand nombre) ont disparu... remplacées par les téléphones portables.
D'ailleurs, sur l'épaule de mes voisins, je vois :
- des jeux
- des actus
- des vidéos Instagram
- parfois  une liseuse.
Tout cela s'inscrit dans un mouvement inéluctable. Mais, au delà de ces considérations, ce qui est intéressant, c'est que le numérique permet d'ajouter :
- des images
- des sons
Et n'est-ce pas merveilleux, que nos "livres" du vingt-et-unième siècle ne soient plus limités à des caractères ?

Pour terminer, je rapelle à tout hasard que, pour Aristote, l'écrit était la mort de la pensée. Aristote a été dépassé par les progrès techniques... et nous ne pensons pas moins que lui.
Bref, au lieu de livrer des combats perdus, cherchons, comme toujours, de chasser la mauvaise monnaie avec de la bonne : apprenons à créer d'extraordinaires "livres multimedia", explorons mieux les possibilités de ces nouveaux supports.


jeudi 6 juillet 2017

Plus de papier dans les environnements professionnels modernes, plus de papier dans les universités !

Nous sommes bien d'accord : l'université ne doit pas pérenniser des pratiques périmées, mais donner à de jeunes citoyens des compétences qui leur assureront une vie sereine.
Derrière cette déclaration lénifiante, on peut voir une réalité économique plus cruelle, à savoir que les employeurs (pour ceux des étudiants qui seront employés, parce qu'ils n'auront pas eu le courage, la possibilité,  l'idée, etc. d'être leur propre maître) préfèrent des personnels compétents à des personnels incompétents. En corollaire inévitable, il y a le fait que les étudiants sortant des études supérieures doivent avoir des compétences modernes, si modernes même que les sociétés susceptibles de les employer doivent voir un intérêt à les embaucher, au lieu d'avoir le sentiment qu'elles devront former des jeunes employés insuffisamment formés.
Je récapitule : les étudiants diplômés des études supérieures doivent être en avance sur le monde de l'entreprise, et pas en retard.

Or le monde de l'entreprise est déjà numérique. Les sociétés les plus avancées, au moins, ont des méthodes d'organisation qui ne sont plus celles du siècle passé, et le numérique s'est imposé : pour l'administtration, pour la production, pour les ventes... Plus de papier, mais du numérique. Une saisie par un membre de la société, sur un clavier d'un terminal numérique, est immédiatement répercutée dans l'ensemble de l'entreprise, sans relais, et l'information est immédiatement traitée, parce que l'on a bien compris que cette rapidité était un gage d'efficacité, de rapidité, de compétitivité.
La conséquence ? Nos étudiants doivent apprendre à ne plus avoir de papier. Plus de cahier, plus d'agenda tels qu'ils en avaient au lycée, plus de carnetsa... D'ailleurs, ils ont des téléphones portables ; ils doivent donc avoir des ordinateurs portables pour leurs travaux, des tablettes, peu importe, mais plus de papier.
 Et c'est donc un scandale que quelques institutions d'enseignement continuent de demander des rapports de stage imprimés ! Un pdf fait l'affaire. Non seulement, la transmission sera plus fluide, mais, de surcroît, on aura bien montré à nos étudiants que le monde est numérique... et que l'université n'est pas en retard. Je ne parle pas de l'intérêt économique  et environnemental de la suppression du papier.

 Pour autant, la partie n'est pas gagnée : je sors du bureau où quatre étudiants avancés travaillaient, et j'ai vu trois cahier et des post-it !

 Sans relâche, banissons le papier !