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jeudi 2 novembre 2023

La cuisson des pâtes

 
Cuire des pâtes ? La chose est si commune que l'on en oublie de s'interroger sur les mécanismes de la transformation. 

 

Ceux-là semblent tout simples : par exemple, pour un spaghetti, on part d'une tige cassante, on la met dans l'eau bouillante, et l'on obtient un spaghetti flexible qui, si l'on poursuit la cuisson, finit par se désagréger. 

 

Pourquoi cette transformation étonnante, au fond ? 

 

Pour comprendre le mécanisme du phénomène, il est bon de s'interroger sur la fabrication des spaghetti : on obtient de ces derniers en poussant un mélange de farine et d'eau dans une filière. 

Pas n'importe quelle farine toutefois : il s'agit de farine de blé dur, laquelle contient une quantité notable de protéines susceptibles de former un réseau, ce que l'on nomme le gluten (un terme bien périmé : il fut introduit au XVIIIe siècle, quand on n'avait pas encore la notion de protéines), entre lesquels les grains de l'amidon sont dispersés. L'amidon est une matière qui est très majoritairement composée de deux composés : l'amylose et l'amylopectine, dont les molécules sont, dans les deux cas, des enchaînements de résidus de glucose, mais avec une différence, à savoir que ces résidus sont enchaînés linéairement, comme une chaîne, pour l'amylose, alors qu'ils forment des sortes d'arbres dans le cas de l'amylopectine. Dans l'amidon, il y a d'autres composés : en surface des grains, par exemple, il y a des quantités faibles, mais non nulles, de composés variés, tels les phospholipides ; et puis, il y a aussi une foule de composés qui proviennent de la dégradation des grains de blé lors de la mouture... mais restons au premier ordre. 

Finalement, un spaghetti, c'est un groupe de grains enchâssés dans un réseau protéique, de gluten. Pour des nouilles, à l' alsacienne, des pâtes aux œufs, la structure est analogue, puisque ces pâtes, absolument merveilleuses et dont le goût est sans doute supérieur (;-)... mais il est vrai qu'il y a le goût du jaune, qui n'est pas présent dans les spaghetti) à celui des spaghettis, s' obtiennent par mélange de farine, d'eau et d'oeuf. 

L'oeuf apporte des protéines qui, à la cuisson, coaguleront, formant une sorte de filet, un réseau, fonctionnellement analogue au gluten. La farine apporte toujours les grains d' amidon, et l'eau, qui s'immisce entre les grains par capillarité, permet un liant qui joue son rôle tant que le réseau protéique n'est pas constitué, en début de cuisson. 

 

Considérons donc maintenant un échantillon de pâte, spaghetti ou nouille à l'alsacienne, que nous plongeons dans l'eau bouillante. Si cet échantillon est un échantillon de nouille, la température élevée de l'eau, qui devient immédiatement celle de la surface de l’échantillon conduit à la coagulation des protéines. 

Un réseau se forme ; il empêche la dégradation de l'ensemble. Puis, progressivement, quand la température augmente dans l'échantillon, en même temps que l'eau diffuse dans ce dernier, les grains d'amidon s’empèsent progressivement, à savoir qu'ils perdent des molécules d'amylose, dans l'eau entre les grains, tandis que des molécules d'eau s’immiscent dans les grains et les font gonfler. 

Simultanément les protéines coagulent à des profondeurs croissantes de l'échantillon, quand la température s’élève. 

Finalement, on obtient un ensemble de grains gonflés enchâssé dans le réseau protéique coagulé. 

 

Quand les spaghettis sont-ils cuits ? 

 

La "dimension" des spaghettis est égale à 1 quand ils sont crus : il suffit d'un nombre pour déterminer la position d'un point sur le spaghetti à partir d'une extrémité. 

Puis, au cours de la cuisson, la « dimension fractale » augmente. Par exemple, si on laisse tomber un spaghetti dans une assiette, et si l'on trace ensuite une grille n x n sur l'image, on compte le nombre N de carrés contenant une partie de l'image du spaghetti, et l'on calcule F=2 log(N)/log(n.n) ; enfin on cherche la limite de F pour n tendant vers l'infini (en pratique, on fait varier n de 2 à 10 et l'on estime la limite). Quand on reporte cette dimension en fonction du temps de cuisson, on voit qu'elle croit linéairement avec le temps , mais avec deux régimes : de 0 à 12 minutes, la croissance est rapide ; puis la croissance diminue. Or 12 minutes correspond à un temps de cuisson « raisonnable ». 

N'est-ce pas que la cuisine est une activité merveilleuse ?

mercredi 1 novembre 2023

Avec l'hiver, la pluie et la neige.

Dans les villes bétonnées, l'eau ruisselle, mais  quand le sol n'est pas recouvert, de la « boue » se forme. 

De la boue ? Quelle est cette matière ? 

 

Il y a des particules en suspension dans l'eau : d'un point de vue physico-chimique,  la boue est un cousin de la pâte dont on fait les pains ou les tartes, puisque, dans ces dernières, ce sont des particules de farine qui sont dispersées dans de l'eau. 

Plus généralement, pâte et boue appartiennent à une catégorie de systèmes colloïdaux qui est nommée « suspensions », où de petites particules solides sont dispersées dans un liquide. 

Selon la concentration en particules suspendues, selon la viscosité du liquide, une infinité de comportements peuvent apparaître, mais dans tous les cas, les systèmes sont des suspensions. 

 

A quoi bon cette idée ? 

 

D'abord, elle nous conduit à nommer les systèmes, à repérer des catégories générales, et cela nous invite à transférer une propriété particulière d'une catégorie à l'ensemble du groupe. 

Prudemment bien sûr, puisque Michael Faraday nous a bien appris à ne pas généraliser hâtivement. 

Ensuite, la généralisation du groupe donne des idées d'innovation :  par exemple, dans les deux cas précédents, le liquide « suspendant » était l'eau, mais si l'on prenait de l'huile ? On obtiendrait encore une suspension...telle que les peintres en obtiennent quand ils broient leurs couleurs dans une « huile siccative » (cela signifie : une huile qui sèche, contrairement à l'huile de table, qui reste liquide). Nous sommes maintenant lancés : pour imaginer des particules hydrophiles (le sel, le sucre) dispersées dans de l'huile, ou des particules hydrophobes dispersées dans une solution aqueuse, laquelle peut être l'eau, mais aussi le vin, le jus d'orange, le thé, le café... 

Sans oublier qu'il existe des liquides qui ne sont ni huile (par huile, on désigne tout corps gras à l'état liquide, foie gras aussi bien que chocolat chauffés) ni eau : pensons à l'éthanol, l'alcool qui donnent son goût brûlant (et plus) aux eaux-de vie, son caractère aux vins... 

Pensons...  

 

Mais quand même, il y a lieu de s'interroger... sans rester aux mots, évidemment, puisque nous savons depuis La question technologique étant ainsi effleurée, revenons à notre catégorie générale des suspensions. Il y a des propriétés communes, que la science doit dégager, avec la bonne méthode des sciences quantitatives, dont il faut répéter que Francis Bacon a justement donné une caractéristique :  la science doit tout nombrer, mesurer... La boue ? Un extraordinaire système, dont la description donnée plus haut ne fait qu'effleurer les caractéristiques, les propriétés.

mardi 19 septembre 2023

Pour celles et ceux qui n'ont jamais cuisiné : un oeuf dur, un steak, des pâtes



J'ai compris hier qu'il y a des personnes qui n'ont jamais fait cuire un œuf, jamais fait cuire des pâtes, jamais fait sauter un steak, de sorte qu'il   y a peut-être lieu d'en parler simplement et d'examiner les conditions de la réussite de tels plats élémentaires.
Considérons  d'abord la cuisson d'un oeuf, et notamment l'œuf dur. Là, je crois pouvoir dire qu'il s'agit de
- prendre une casserole,
- d'y mettre de l'eau en quantité suffisante pour que, quand l'œuf y sera placé, il soit recouvert entièrement,
- de porter l'eau à ébullition
- et, à l'aide d'une cuillère, de descendre alors l'œuf dans la casserole,
- de couvrir
- et de cuire pendant 10 minutes.

Pourquoi toutes ces indications ?

Tout d'abord la quantité d'eau : si elle n'est pas suffisante, l'œuf risque de ne pas être cuit dans sa partie supérieure et son écalage risque d'être difficile.

Pourquoi mettre l'œuf dans l'eau déjà bouillante ? Parce que les œufs trop cuits prennent une odeur un peu désagréable en même temps que le jaune se cerne de verre, les protéines ayant été trop dégradées.
En plaçant l'œuf dans l'eau bouillante, on sait que la température atteinte est de 100 degrés et on sait combien on cuit si l'on minute  les 10 minutes prescrites. Il y a donc une certaine précision de la cuisson qui évitera les deux inconvénients que j'ai énoncés.

Pourquoi couvrir ? Parce que le couvercle retient la chaleur et que l'on économise de l'énergie. La quantité économisée est très notable comme on s'en aperçoit si on fait l'expérience, un jour, de chauffer une casserole d'eau soit avec couvercle, soit sans couvercle, en mesurant le temps de mise à ébullition par exemple.

L'oeuf étant cuit, il y a plus qu'à l'écaler et là, il y a de nombreux conseils qui sont donnés dans les livres de cuisine,  à savoir qu'il faudrait le laisser refroidir à l'air ou le plonger dans l'eau froide, et cetera,  mais les tests que j'ai fait personnellement n'ont pas montré de différence et d'efficacité,  et j'en suis à conclure que la difficulté de l'écalage tient sans doute aux poules particulières qui ont pondu les œufs, ainsi qu'à leurs conditions d'élevage.

Faisons maintenant sauter un steak.

Cette fois, on commence par prendre une poêle, et on y ajoute une goutte d'huile, on chauffe énergiquement, et quand on voit l'huile s'étaler avec plus de fluidité, on peut imaginer que la poêle bien chaude et l'on y dépose la viande. Toujours à feu très soutenu, on cuit quelques instants en vérifiant le brunissement de la face inférieure. Quand l'odeur a changé et que la face inférieure est de la couleur souhaitée, on retourne la viande et l'on poursuit la cuisson assez brièvement toujours à feu soutenu. Puis on débarrasse la viande dans l'assiette et l'on sert immédiatement.

Pourquoi ces indications ? Tout d'abord l'huile : nous aurions pu prendre du beurre, mais celui-ci charbonne, noircit de façon désagréable, parce qu'il contient des protéines. C'est  la raison pour laquelle les cuisiniers professionnels qui font sauter les steaks au beurre le font en réalité au beurre clarifié, ce beurre qu'on a fondu lentement et dont on a séparé le petit lait de la matière grasse : le beurre clarifié est seulement la matière grasse, sans les protéines du petit lait qui sont responsables du charbonnages.

Pourquoi faire sauter à feu vif ? Parce que l'objectif, au moins pour les steaks les plus communément préparés, consiste à avoir à la fois de la tendreté et de la jutosité. Si l'on chauffe trop lentement, beaucoup d'eau s'évapore et la viande perd sa jutosité. Il vaut donc mieux faire une croûte sur l'extérieur, brunir, et cuire suffisamment peu pour que l'intérieur reste juteux.
Contrairement à ce qui est prétendu, cette croûte n'est pas imperméable, comme le démontre largement la fumée qui s'élève pendant la cuisson et les petites bulles qui viennent éclater à la base : il s'agit de jus expulsé par la viande quand, chauffée, elle se contracte nécessairement.
J'ai parlé de tendreté, et il faut signaler que le choix de la viande est essentiel, de ce point de vue : on ne fera pas de steak tendre avec une viande initialement dure, car la cuisson durcit la viande en même temps qu'elle fait perdre la jutosité.
Et c'est la raison pour laquelle certains aiment les steaks saignants, où il y a une croûte sur l'extérieur, avec ce le goût correspondant à la couleur brune qui est apparue, mais l'intérieur de la viande a été très peu modifié, si bien qu'elle reste tendre et juteuse à cet endroit, offrant de surcroît un contraste avec la croûte.
À noter aussi que certains recommandent de tourner la viande plus qu'une fois, mais cela est en réalité inutile et sans doute nuisible, parce que la surface qui se trouve dans la partie supérieure refroidit de sorte qu'elle doit être réchauffé ensuite : on perd du temps, pendant lequel le jus sort.

On observera que je n'ai pas évoqué l'assaisonnement, sel et poivre par exemple. Dans un séminaire de gastronomie moléculaire, nous avions discuté cette question, et les professionnels avaient trois manières : soit saler d'abord, soit saler à mi cuisson, soit saler en fin de cuisson. Ils avaient tous des arguments pour leur pratique, mais les expérimentations que nous avons faites ont montré que leurs pratiques n'avaient pas d'efficacité particulière.   On peut donc faire comme on veut, mais on n'oubliera surtout pas de penser qu'il y a sel et sel s : le sel glace n'est pas la fleur de sel, par exemple.
On peut saler quand on veut, et, de ce fait, autant saler en fin de cuisson avec un sel qui ait un bon croquant, telle une fleur de sel ou un sel de Maldon... ou le sel de poêle  que j'ai décrit dans d'autres billets...
Pour le poivre, il faut savoir que le poivre chauffé perd de sa force et de son bouquet, de sorte que, personnellement, je le mets plus tôt en fin de cuisson, histoire d'avoir le bon goût du poivre frais que j'aime, légèrement mentholé, différent pour chaque poivre.
Bien sûr, pour un steak au poivre, c'est une autre affaire que je raconterai une autre fois.

Enfin il y a les pâtes.

Pour ces dernières,  il y a une école qui dit que les pâtes doit être cuites doivent être cuites al dente, encore un peu fermes. En réalité, on les cuit comme on veut point et là, il suffit de savoir que les pâtes sont faites de farine soit travaillée, soit additionnée d'œuf. Dans le premier cas, le malaxage de la farine avec un peu d'eau a formé un réseau de gluten, qui enserre les grains d'amidon ;  dans le deuxième l'œuf qui coagulera lors de la cuisson fera de même.
Pour autant, ces filets qui retiennent les grains d'amidon les retiennent bien peu et c'est la raison pour laquelle il est conseillé de mettre les pâtes dans l'eau déjà bouillante, afin de réduire le temps de cuisson à celui que l'on veut pour avoir les pâtes bien cuite.
Pendant la cuisson dans l'eau, les grands amidons vont gonfler, s'empeser, c'est-à-dire libérer un peu de leurs molécules d'amylose,  tandis que l'eau s'immiscera entre les molécules d'amylopectine et fera gonfler les grains. Mais les grains empesés finissent par se dégrader et c'est la raison pour laquelle on ne cuira les pâtes que le temps strictement nécessaire pour avoir la consistance que l'on aime, soit l'al dente italien, soit davantage si l'on préfère.

En pratique, on se contentera donc de prendre une casserole avec de l'eau salée, de la porter à ébullition, et d'y placer les pâtes pour une cuisson qui durera entre 6 et 15 minutes selon les préparations.
Évidemment, des pâtes fraîches cuisent moins longtemps que des pâtes sèches.

Certains ont préconisé d'ajouter de l'huile dans la casserole pendant la cuisson, afin d'éviter que les pâtes ne soient collantes,  mais les expériences faites pour savoir si cette pratique est utile pâte n'ont pas montré d'efficacité. C'est le corps gras que l'on ajoutera après, qui permettra d'éviter au pâtes de coller. On pourra prendre garde, quand on dépose les pâtes initialement dans la casserole d'eau bouillante, de les séparer légèrement à la fourchette pour éviter qu'elle ne se collent les unes aux autres point et cela suffira.

En fin de cuisson, on sortira les pâtes, on les égouttera, et on les agrémentera de leur sauce. On commencera par rectifier l'assaisonnement en sel, puis on pourra ajouter le poivre en conservant par exemple l'idée d'Emile Jung : une partie de violence, trois parties de force et neuf parties de douceur.
Pour les assaisonnements, on pourra évidemment mettre un corps gras qui sera soit une bonne huile, soit du beurre, soit du beurre noisette, soit du fromage, et cetera. Puis on pourra ajouter des tas d'agréments : olives, câpres, lardons grillé, champignons, jus de viande, crème, que sais-je. Tout peut y passer à votre goût, les pâtes étant principalement un support pour ce qu'on y ajoute. D'ailleurs, il faut signaler que les Italiens approprient la sauce et les pâtes, choisissant des sauces d'une viscosité qui permet de bien enrober les pâtes, avec leur forme très particulières.

mercredi 13 septembre 2023

Pas d'acides dans le sucre

 

Un correspondant soumet à mon analyse la phrase suivante :

"Dans les pâtes à foncer, le bicarbonate  de sodium ferait lever la pâte par réaction avec les acides présents dans le sucre."

Comment a-t-on pu inventer cela.... sachant qu'il n'y a pas d'acides dans le sucre ????????

Certes le bicarbonate peut réagir avec des acides pour libérer du dioxyde de carbone  : on le voit simplement en ajoutant du bicarbonate à du vinaigre blanc, lequel, lui, contient bien un acide, à savoir l'acide acétique.

Certes, le bicarbonate peut libérer du dioxyde de carbone,  qui fait éventuellement lever une pâte : d'ailleurs, si l'on chauffe de l'eau avec du bicarbonate, on voit l'eau mousser.

Mais  ce qui est vraiment choquant, ce sont ces prétendus acides qui seraient dans le sucre.
Non,  le sucre ne contient pas d'acides, et d'ailleurs le sucre de table  blanc est une forme quasi pure (plus de 99 pour cent) de saccharose. Disons le différemment : le sucre, ce sont des grains formés par l'empilement régulier des molécules de saccharose.
Autrement dit, il n'y a que des molécules de saccharose, et aucun acide.

D'où vient cette élucubration des acides dans le sucre ?  Décidément je m'étonne sans comprendre.



vendredi 11 février 2022

je n'aime pas les pâtes al dente

Que mes amis italiens me pardonnent ce titre : j'espère qu'ils seront d'accord avec moi, quand ils auront fini la lecture de ce billet, si ce sont de vrais amateurs de pâtes.

Le point de départ, c'est un oukase que l'on répète en France : il faudrait que les pâtes soient cuites al dente.

Mais on me connaît  : je n'aime guère les oukases, ces ordres qui viennent d'on ne sait où et qu'il faudrait suivre sans réfléchir.

D'ailleurs, cela fait bien longtemps que je me demande pourquoi il faudrait cuire les pâtes al dente.

Et l'on verra qu'il est très fautif de considérer que les pâtes al dente sont "meilleures".

Bien sûr, mes amis italiens sont  des amateurs de pâtes, parfois des connaisseurs de pâtes... mais moi aussi  ! Et je vois bien mal comment on pourrait mesurer l'expertise, et, surtout, pourquoi la connaissance des pâtes devrait dicter mon goût.

Car parfois, j'aime les pâtes bien cuites, parfois je les veux al denté, parfois je les veux si cuites qu'elles se défont... Oui, mon goût est changeant, d'heure en heure, de jour en jour, de saison en saison, selon les convives, le temps qu'il fait... Et seul mon goût compte, pour ce que je mange. Si je veux des pâtes bien cuites, je me fiche de savoir que d'autres les veulent al dente, et vice versa.

Pis encore, la répétition les mêmes plats est lassante, et l'être humain, sans doute pour des raisons  de biologie de l'évolution, veut des changements, sans doute parce que ces derniers garantissentqu'il mangera de façon diversifiée et qu'il évitera d'accumuler des composés toxiques qui proviendraient d'un aliment particulier. Manger varié, c'est limiter la concentration de certains composés... ce qui est essentiel, car  tous les composés de nos aliments sont toxiques à haute dose.

Finalement, j'invite mes amis à ne jamais céder au terrorisme intellectuel du "meilleur" : le meilleur, c'est ce que nous préférons hic et nunc, rien de plus.

De surcroît, le conseil de cuire les pâtes al dente est est idiot parce que les pâtes ne se mangent pas seul, mais en accompagnement :  a minima d'une sauce,  mais aussi d'autres ingrédients, d'une viande ou d'un poisson etc., et chaque association impose une consistance particulière des pâtes.
Si l'on a une consistance de la garniture qui est celle d'une pâte al dente, alors on aurait deux fois la même consistance en appropriant la garniture de pâtes al dente. Est-ce vraiment intéressant ? Certainement pas si l'on considère que notre appareil sensoriel est biologiquement fait pour reconnaître précisément les contrastes, et les contrastes de consistance en particulier.

Mais on se souvient que le bon, c'est le "beau à manger". Et en art culinaire, comme dans les autres arts, il n'y a pas de loi.

Je reviens à mes pâtes, à mes pauvres pâtes, et j'avais bien raison de me méfier de cette loi tombée du ciel, ou plutôt de l'Italie,  qui voudrait m'imposer ses goûts, nous imposer ses goûts. Nous valons mieux : cuisons les pâtes comme nous avons décidé de les cuire, agrémentons-les comme nous avons décidé de les agrémenter. Comme en musique, c'est seulement l'aléatoire, l'à peu près, qui empêchent d'atteindre le beau.

Oui, pour nos pâtes, sachons les cuire de la consistance que nous voulons, et dans le liquide que nous voulons, pour leur donner la consistance et le goût que nous aurons décidé.

mercredi 21 février 2018

Ce matin, une question technique qui m'a fait un peu réfléchir longtemps... alors que la solution était évidente :

Cher Monsieur
J’essaye de faire des pâtes fraîches sans gluten et sans œuf.
 J’ai déjà essayé avec de la farine de maïs blanc, farine de maïs jaune, farine de riz et de l’eau, mais il me manque un liant qui permettrait aux pâtes fraiches d’avoir une consistance identique ou approchante aux pâtes traditionnelles (avec semoule, œuf et eau). Pourriez-vous me dire si vous pensez à un liant précis ou quelques pistes ?

Le "gluten", c'est ce réseau de protéines qui se forme quand on malaxe de la farine de blé : il est dû à des protéines, et le réseau (pensons : filet) formé avec l'eau emprisonne les grains d'amidon.
A noter que l'on peut donc faire des pâtes en mélangeant du gluten (cela s'achète) avec n'importe quelle farine : blé, maïs, riz, etc.

Les oeufs, eux, sont utilisés dans les cultures où l'on ne fait pas des pâtes à partir de blé dur. Traditionnellement ce sont des ingrédients de riche, alors que les pâtes de blé dur sont des produits de populations plutôt pauves.

Mais, sans oeufs ni gluten ? Vous mettez la barre très haut : sans gluten ET sans oeufs !
Analysons que les oeufs apportent des protéines... et que le gluten est fait de protéines.
Il faut donc des protéines... que l'on trouve, par exemple, dans de la viande ou du poisson broyés. Ou quand on utilise des protéines végétales, ou des protéines sériques de lait.


Et hopla, comme on dit en Alsace

lundi 11 décembre 2017

La tendreté des pâtes cuites

Tiens, nous cuisons une flammkuecha ou une pissaladière, voire une pizza, c'est-à-dire une couche de pâte, obtenue par mélange de farine et d'eau.
Nous avons utilisé un rouleau ou un autre instrument afin d'obtenir une épaisseur assez régulière. Cette pâte, éventuellement avec une garniture, est placée dans un four très chaud, par exemple  200 °C.

A cette température, les parties externes de la pâte ont leur eau qui s'évapore, ce qui produit un croûte croquante. À l'intérieur, la température reste toujours inférieure à 100°, parce que, tant qu'il y a de l'eau, la température ne peut guère augmenter (au mieux quelques degrés, parce que cette eau n'est pas pure, mais contient des "solutés", des composés dissous*).

La chaleur arrive donc à la surface, et de l'eau s'évapore donc de la partie supérieure et de la  partie inférieure de la pâte, tandis que la tendreté du centre subsiste.

Je  propose un exercice aux amateurs de sciences de la nature, un petit calcul : connaissant les lois classiques de transfert de la chaleur, connaissant la température du four, connaissant la chaleur latente d'évaporation de l'eau (combien il faut d'énergie pour évaporer une masse d'eau donnée, à la température de 100 °C),  pouvons-nous calculer quel sera, après 10 minutes de cuisson par exemple, l'épaisseur des croûtes inférieure et supérieure ?

La réponse à  la question est intéressante, parce que si l'épaisseur totale de la pâte est inférieure à la somme de ces deux épaisseurs,  alors nous obtiendrons une couche de pâte entièrement croquante ;  en revanche, si l'épaisseur totale est supérieure à la somme des deux épaisseurs, alors nous ferons un coeur tendre entre deux couches croquantes.

En pratique, les cuisiniers répondent à la question par l'expérience, mais les étudiants en physico-chimie obtiendront facilement le résultat par un simple calcul.  Et puis ? Ce type de problème ne conduit-il pas à l'étude de la physico-chimie ? A la connaissance par la gourmandise ?



* A titre indicatif, quand on fait bouillir 200 g d'eau additionnés de 200 g de sel, la température d'ébullition de l'eau n'est pas de 100 °C, mais de 103 °C ; pas de quoi fouetter un chat.







Vient de paraître aux Editions de la Nuée Bleue : Le terroir à toutes les sauces (un traité de la jovialité sous forme de roman, agrémenté de recettes de cuisine et de réflexions sur ce bonheur que nous construit la cuisine)