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mardi 17 novembre 2020

A propos de cuisson aux micro-ondes


On m'interroge  :
"Que dites vous de la cuisson au four à micro-ondes (tant du point de vue nutritionnel que pour une utilisation culinaire) ?

Allons-y en commençant par signaler qu'il y aura un chapitre sur cette question dans le Handbook of molecular gastronomy, qui paraît fin avril.

Puis ajoutons que les méthodes de cuisson médiévales (sauté, rôtir, poêler, bouillir...) sont... médiévales ! Les micro-ondes sont des outils nouveaux, avec un rendement énergétique bien supérieur : alors que l'on a classiquement un rendement de 20 % environ (ordre de grandeur), on aurait plutôt du 80 % pour des micro-ondes (ordre de grandeur). En ces temps de réchauffement climatique, cela n'est pas à négliger, civiquement parlant.

Nutritionnellement ? Je ne dois rien en dire, conformément à ma promesse ancienne : https://hervethis.blogspot.com/2019/10/ni-nutrition-ni-toxicologie.html

En matière culinaire, en revanche, je propose de ne pas comparer les micro-ondes avec du rotissage (infrarouges)... parce que les résultats sont différents, sauf à se tordre le bras avec des plats brunisseurs ou autres, qui ne font pas la même chose. En gros, les micro-ondes chauffent l'eau des aliments, mais jusqu'à coeur, de sorte que ce n'est pas un bon moyen d'obtenir un gradient. Et, d'autre part, puisque les matières qui contiennent de l'eau sont rarement portées à plus de 100 °C tant qu'elles sont humides, on n'atteindra pas les températures supérieures. Autrement dit, sauf équilibrisme, on ne va pas frire, croustiller, etc.

Pour bouillir, pas de problème. Pour braiser, cela va bien aussi. Pour pocher, pas de problème. Pour de la basse température, on y arrive avec le réglages intermittent.

Mais prenons un peu de recul : les micro-ondes chauffent l'eau des aliments, et cela a des effets :
- de nombreuses protéines dans l'eau coagulent, formant un gel chimique (par exemple, le blanc d'oeuf)
- les grains d'amidons dans l'eau chauffée s'empèsent (riz, pâtes, pommes de terre...)
 - les pectines sont hydrolysées et le ciment intercellulaire se dégrade (amollissement des légumes)
- l'eau peut s'évaporer (croûtage léger)
- les gels physiques fondent (gélatine, confiture, chocolat)
- et ainsi de suite.
 
Tout cela peut être utile... ou pas. Mais la panacée n'existe pas, ni l'outil universel : à chaque objectif son chemin, sa méthode, son outil.

Quant aux espèces chimiques formées, ce sont, d'après les nombreuses études qui avaient été faites, les mêmes que celles qui se forment dans d'autres types de cuisson classiques, et, en tout cas, les micro-ondes sont bien moins "barbares"  que des méthodes classiques : aucun chimiste ne porterait des réactifs aux 300 ° C que l'on mesure sous un steak, ni ne chaufferait de l'huile jusqu'à l'enflammer. Alors les espèces néoformées et les dangers des micro-ondes...

mercredi 24 janvier 2018

Je ne suis pas cuisinier !

Une question, ce matin, mais qui, en réalité, aborde deux points :
- mon statut
- la cuisson dans les fours à micro-ondes.

La voici: 

Pour notre TPE, nous avons décidé d'étudier l’action du four à micro-ondes sur les aliments. Cependant nous avons beaucoup de mal à trouver des informations pertinentes, alors nous avons pensé à nous adresser à vous étant donné que vous êtes physico-chimiste et en plus cuisiner.
En tant que cuisinier conseilleriez-vous ou non la cuisson au four à micro-onde, et pourquoi? Et en tant que physico-chimiste votre avis changerait-il? Pourriez vous également nous expliquez pourquoi nous ne pouvons obtenir une cuisson saignante après avoir cuit un rôti au four à micro-ondes? D’après nos recherches cela est dû au fait que la propagation de la chaleur se fait de l'intérieur vers l’extérieur mais certains parlent de la réaction de Maillard, cependant nous n’arrivons pas à comprendre cette réaction.


A propos de mon statut

Avant d'évoquer les micro-ondes, je prends la précaution d'indiquer que je ne suis pas cuisinier ! Bien sûr, je cuisine chaque jour, pour nourrir ma famille, et je prétends bien connaître les techniques culinaires, puisque je suis capable de battre le record mondial du plus gros volume de blanc en neige à partir d'un seul blanc d'oeuf (plus de 40 litres), mais c'est comme si je disais que je suis musicien parce que je joue en amateur d'un instrument : non, je ne suis pas "musicien" de mon état.
Surtout,  on trouvera dans mon livre "La cuisine, c'est de l'amour, de l'art, de la technique" (Editions Odile Jacob, Paris) l'explication : comme le dit le titre de ce livre, être cuisinier (professionnel), c'est maîtriser la technique, l'art  (le "bon", c'est le beau à manger),  et lien social qui sous tend l'acte de cuisiner (pour des clients).



Personnellement, je ne suis pas un artiste, et je ne suis pas certain d'être très bon pour ce qui est de l'amour, disons le lien social, moi qui ai le plaisir d'être seul devant mes équations, au laboratoire.
J'insiste un peu : mon métier n'est pas la cuisine, mais l'exploration physique et chimique des phénomènes qui surviennent lors des transformations culinaires... et à ce titre la cuisson par les micro-ondes est intéressantes, car comment les ondes se propagent-elles ? Quelles réactions physiques ou chimiques engendrent-elles ? Et, surtout, des mécanismes inédits sont-ils à découvrir ? Voilà la gastronomie moléculaire posée. 




Puis à propos de cuisson par les micro-ondes

Donc conseiller de cuisiner au four à micro-ondes ? La question me semble mal posée, et je propose de toujours demander d'abord  : quel est l'objectif  ?
Et puis, ce n'est pas vrai que l'on ne peut pas obtenir une viande saignante au four à micro-ondes, surtout depuis que ces fours sont équipés de résistances qui peuvent griller : il suffit de chauffer suffisamment peu.
Mais nous sommes allés trop vite, et cela vaut la peine de se demander pourquoi on cuit  : pour l'assainir microbiologiquement, en tuant les micro-organismes de surface et les éventuels parasites intérieurs (porc, cheval...) ; pour changer la consistance (attendrir des carottes) ; pour donner du goût.
Pour les micro-ondes, il n'est pas vrai que la propagation de la chaleur se fait de l'intérieur vers l'extérieur : les micro-ondes sont des ondes qui traversent les tissus végétaux et animaux, et sont absorbées par l'eau qui constitue ces tissus, notamment. L'énergie est déposée partout.

Quant à la réaction de Maillard, on trouvera un texte de synthèse sur https://www.academie-agriculture.fr/publications/notes-academiques/n3af-2016-3-actes-de-colloques-maillard-products-and-maillard. On y verra que le nom "réactions de Maillard" est utilisé très abusivement, et qu'il doit être réservé à des réactions de brunissement non enzymatique entre des protéines et des sucres réducteurs (glucose, fructose, par exemple). Ce n'est qu'un exemple des réactions de brunissement des aliments, à côté d'oxydations, de déshydratations, de pyrolyse, de thermolyse, etc. Et il y en a, lors des cuissons au four à micro-ondes, même s'il y en a moins que dans des grillades.


Mais toute cette réponse ne vaut rien pour un TPE : il faudra que nos amis aillent en ligne, sans doute sur Google Scholar ou dans des manuels, pour avoir des réponses "attestées" par des références.















Vient de paraître aux Editions de la Nuée Bleue : Le terroir à toutes les sauces (un traité de la jovialité sous forme de roman, agrémenté de recettes de cuisine et de réflexions sur ce bonheur que nous construit la cuisine)

lundi 11 décembre 2017

Cessons d'être des pleutres ; travaillons un peu pour apprendre !

Des amis m'interrogent : le chauffage des aliments au four à micro-ondes est-il dangereux pour la santé ?


D'abord, un peu de recul : quand le train a été introduit, on craignait... tout ! Qu'il fasse tourner le lait des vaches, qu'il... La peur.

Puis il y eut des querelles terribles à propos du "plus lourd que l'air". Il était évidemment impossible qu'il volerait... mais, au fait, les oiseaux ne sont-ils pas plus "lourds que l'air" (questionnons l'expression une autre fois). Et il a volé.

Le micro-ondes, même histoire : les micro-ondes feraient tourner les molécules à l'envers, par exemple (utiliser une telle expression montre que l'on ne comprend pas ce que l'on dit ; d'ailleurs, les molécules s'en moquent, de tourner dans un sens ou dans un autre sens).

D'ailleurs, la "preuve" (pardon : j'ai omis de dire que tout ce billet est évidemment écrit au second degré, merci de ne pas prendre mes phrases dans leur sens littéral ; je sais, c'est sans doute une erreur de faire ainsi), n'est-ce pas, dès le matin, dans la tasse de café ?


L'expérience qui fait peur : vous mettez de l'eau dans une tasse, et vous chauffez à pleine puissance. L'eau bout, vous retirez la tasse. Puis vous mettez un morceau de sucre et... PSHOUTTTTTTT ! Une grosse ébullition survient, et certains disent même que l'eau peut vous jaillir au visage... mais je n'ai encore jamais réussi à obtenir un tel effet !


Ensuite, pourquoi ce phénomène ? Toute personne qui ne questionne pas D'ABORD le phénomène de façon physique est conduite à imaginer tout et n'importe quoi, alors que le phénomène est simple : il tient au fait que la formation des bulles se fait sur des "aspérités", tels les grains de sucre, ou des grains de sel, ou de sable. Evidemment, plus il y a de grains, et plus le phénomène est visible, et c'est ainsi que je vous invite à expérimenter avec des sables de différentes granularités.

C'est amusant (intéressant, si l'on préfère), et, progressivement, on perd sa peur parce que l'on acclimate le phénomène étrange. En gros, on devient moins bête. Cela ne peut-il devenir un objectif louable ?






Vient de paraître aux Editions de la Nuée Bleue : Le terroir à toutes les sauces (un traité de la  jovialité sous forme de roman, agrémenté de recettes de cuisine et de réflexions sur ce bonheur que nous construit la cuisine)

samedi 9 décembre 2017

1. La question :
J'aimerai connaitre votre avis sur l'utilisation du four à micro onde dans la restauration commerciale. Au delà de l'économie d'énergie et de temps que cela peut représenter les avis sur le Net divergent lorsqu'il s'agit d'évoquer les conséquences sur la santé.
En tant que consommateur et parent je me pose la question et mon avis n'est pas arrété. Quels sont selon vous, les documents les plus scientifiquement aboutis sur le sujet ?
Pas de discussions partisanes, pas de préjugés....juste la volonté d'en savoir un peu plus.

Par avance merci de votre aide précieuse 
Bien cordialement





2. La réponse : 

Merci de votre message.
La question des avis qui divergent est passionnante et terrible. N'importe qui se mêle de la question, souvent sans rien savoir ni comprendre. Je me souviens d'un interlocuteur (auteur d'un blog!) qui évoquait, à propos des fours à micro-ondes, le danger des molécules qui auraient "tourné à l'envers", et, dans un autre champ, je me souviens d'un journaliste qui évoquait le danger des acides gras trans... géniques.

Pour ceux qui ne comprennent pas, il faut des explications :
Les molécules sont les constituants des aliments. Prenons l'eau : elle est faite de molécules d'eau. Les molécules sont analogues à des boules de billard qui seraient en mouvement incessant, se heurtant au hasard, se dirigeant dans toutes les directions, et tournant sur elles-mêmes dans n'importe quel sens. Autrement dit, peu importe qu'elles tournent ou pas sur elles-mêmes.
Ce que l'interlocuteur avait voulu dire, sans doute, c'est que les fours à micro-ondes transformeraient les molécules de type "main gauche", en des molécules de type "main droite", et c'est vrai que ce changement a des conséquences biologiques. Par exemple, une des formes du composé nommé menthol a une odeur de menthe, et l'autre pas.
Toutefois, les fours à micro-ondes ont fait l'objet de TRES nombreuses analyses, et il a été montré que leurs effets sont les mêmes que ceux d'un chauffage classique. Mieux encore, comme elles ne chauffent pas plus que la température d'ébullition de l'eau (on peut y arriver, cependant, si on est malin), elles font plutôt quelque chose de moins dangereux qu'un gill ou une poêle... Mais de toute façon, je refuse de m'engager sur ce terrain, parce que c'est celui de la mauvaise foi : nous acceptons avec bonheur de manger des viandes cuites au barbecue, où la quantité de benzopyrène est 2000 fois (oui, je l'écris en toutes lettre : deux mille!!!!) fois plus grande que dans les produits industriels fumés.
Une anecdote : dans notre Groupe de gastronomie moléculaire, nous avons accueilli une personne intelligente, charmante... et qui refusait de faire chauffer l'eau de son thé au four à micro-ondes. Pourquoi ? Dans un tel cas, aucune possibilité de faire des "molécules main droite" à partir de molécules main gauche ou vice versa. Mystère de l'esprit humain...

Pour les acides gras prétendument transgéniques, la confusion se trouvait entre les acide gras trans, et la transgenèse.
Les acides gras sont des molécules faites d'atomes de carbone enchaînés, liés tous à des atomes d'hydrogène, à l'exception d'un atome de carbone à une extrémité de la chaîne, qui, lui, est lié à un atome d'oxygène, et à un atome d'oxygène lié ensuite à un atome d'hydrogène.
Dans les acides gras "saturés", les atomes de carbone sont tous liés par des liaisons chimiques dites simples, mais il existe des acides gras où des atomes de carbone voisins sont liés à moins d'atome d'hydrogène, mais liés "doublement" entre eux ; on dit que l'acide gras est insaturé.
Dans ce cas, les atomes d'hydrogène liés aux deux atomes liés par une double liaison peuvent être d'un même côté (c'est un acide gras insaturé "cis") ou de côtés opposés (c'est un acide gras "trans"). Et il est exact que certains procédés de transformation des huiles (pas chères : on part du tournesol, par exemple) en matières grasses solides (comme le beurre : coûteux) forment des acides gras trans. Et il est vrai que certains acides gras trans sont à éviter... mais pas tous : certains sont essentiels pour notre santé.
Rien à voir avec la transgenèse, qui est une sorte de sélection végétale ou animale accélérée par des travaux sur le génome (l'"ADN") des organismes, afin de modifier le fonctionnement des organismes.

Pour en revenir à la question, ma conclusion est que nous manquons cruellement :
- de formation des citoyens à la chimie, à la physique et à la biologie
- d'un centre d'information sur la sécurité des aliments... mais je vous renvoie à une partie du site de la Fondation "Science & Culture Alimentaire"
- de confiance des citoyens dans l'Etat, malgré des efforts (humains, financiers...) considérables.






Vient de paraître aux Editions de la Nuée Bleue : Le terroir à toutes les sauces (un traité de la jovialité sous forme de roman, agrémenté de recettes de cuisine et de réflexions sur ce bonheur que nous construit la cuisine)