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mercredi 7 avril 2021

La publication scientifique : comment cela se passe, qui fait quoi et comment.



Un ami me demande de lui expliquer le processus de la publication scientifique, et je trouve la demande très intéressante... car comment pourrait-on la connaître si on ne nous l'a pas expliquée !

Commençons en signalant que les conditions de la publication scientifique ont évoluées, et évolueront encore. D'ailleurs, je peux renvoyer mon ami vers un texte où j'explique cela : https://www.academie-agriculture.fr/publications/notes-academiques/lanalyse-critique-des-manuscrits-et-les-conseils-damelioration-donnes.  

Tout commence quand on fait une recherche scientifique, et que, en conséquence, on a des résultats : comme ce travail a été financé par l'argent public (les contribuables), il est légitime que les scientifiques donnent à la collectivité ce résultat ; qu'ils le rendent public, qu'ils le "publient".

Il faut donc que les scientifiques rédigent un texte  (ce que l'on nomme un "manuscrit") qui présente le résultat. Et comme une idée dans un tiroir n'est pas une idée, mais un peu de poussière, il faut que les scientifiques trouvent un moyen de diffuser ce texte qu'ils ont écrit.

Pour cela, il y a des revues (scientifiques), qui ont des "formats" et des objectifs particuliers. Par exemple, certaines revues publieront de la chimie organique, d'autres de la physico-chimie, d'autres des textes relatifs aux composés présents dans les végétaux, et ainsi de suite.
Notons qu'un journal paraît chaque jour, une revue est classiquement un document en papier, alors qu'une publication désigne plus généralement un moyen de rendre public. Autrement, on doit plutôt parler de publications scientifiques, surtout quand cela se fait sous forme numérique, sans papier.


Les auteurs d'un manuscrit doivent donc soumettre leur manuscrit à des revues bien choisies, à savoir des revues qui publient des textes sur des sujets voisins de ceux qui sont traités dans le manuscrit.

Ces revues ont des "formats" particuliers : certaines groupent la présentation des matériels et méthodes à la fin, après les résultats, et d'autres les mettent avant. Certaines revues veulent des références bibliographiques avec les prénoms des auteurs, et d'autres pas ; certaines revues, etc.

Mais toutes les revues ont un site où l'on trouve expliqué comment les manuscrits doivent être préparés. Par exemple, pour la revue nommée Notes Académiques de l'Académie d'agriculture de France, les "conseils aux auteurs" sont ici : https://www.academie-agriculture.fr/publications/notes-academiques/les-notes-academiques-de-lacademie-dagriculture-de-france-n3af-sont.

Une fois que la revue où l'on veut soumettre un manuscrit est identifiée, une fois que le manuscrit a été préparé conformément  aux demandes de la publication, vient le moment de soumettre le manuscrit : cela signifie aller sur le site de la publication, et  suivre pas à pas les demandes de l'éditeur,  qui réclame parfois une lettre d'accompagnement expliquant la nouveauté, ou bien une figure pour illustrer l'article dans le sommaire du journal, etc.
Parfois, cela est un peu long, mais il faut le faire ça soigneusement, car en dépend l'acceptation ou le rejet du manuscrit.

Pourquoi les règles sont-elles si strictes ? Parce que si elles ne sont pas suivies, c'est alors l'éditeur qui devra faire le travail. Or les soumissions sont si nombreuses, aujourd'hui, qu'il n'en a plus la possibilité.

Mais supposons que tout soit bien fait de ce point de vue, ce qui est quand même facile. Le manuscrit enregistré sur le site arrive alors à une personne qui est le "rédacteur en chef", ou chief editor, en anglais (parfois en transitant par le secrétariat de rédaction). Et la tâche de cet éditeur est donc maintenant de savoir si l'article est bon.
Pour cela, l'éditeur en chef identifie un collègue plus spécialisté que lui dans le "board of editors" (le comité éditorial, en français), et il lui confie le manuscrit.

Cet "éditeur en charge" doit maintenant trouver (le plus souvent) deux collègues extérieurs à la revue, deux scientifiques qui connaissent bien le sujet, et à qui l'on demande un "rapport", à savoir  que ces personnes doivent s'assurer que la qualité "académique"  est présente.
Cela signifie mille choses. Et dans le désordre, quelques unes :
- que l'histoire soit racontée de façon logique
- qu'il y ait une véritable nouveauté scientifique
- que les matériels et méthodes soient appropriés
- que le travail ait été bien fait
- que le travail ait été validé (répétition des expériences, calculs statistiques pour ne pas dire plus que ne disent les résultats, etc.)
- que les résultats annoncés soient bien étayés par résultats expérimentaux
- que le langage utilisé soit correct (souvent, en anglais),
- que le résultat n'ait pas été préalablement publié dans cette revue ou dans une autre revue (c'est strictement interdit, pour plein de raisons !)
- et ainsi de suite.
Et les scientifiques chargés de faire le rapport sont nommés des "rapporteurs". Et le processus d'évaluation a été nommé "évaluation par les pairs".

Je passe sur les détails de cette évaluation par les rapporteurs pour dire que leur travail conduit,  selon les cas, à une acceptation quand le manuscrit est excellent, ou bien à une acceptation sous conditions de modifications, ou  éventuellement à  un rejet quand le manuscrit ne correspond pas au thème de la revue, ou quand on juge que le travail est insuffisant.

Les rapports remontent des rapporteurs à l'éditeur en charge, puis à l'éditeur en chef, qui transmet la décision aux auteurs.

Ces derniers doivent alors répondre aux remarques qui ont été faites, calmement, factuellement... en pensant que toute observation mérite considération.
Oui, il faut insister pour dire qu'une phrase qui suscite une remarque... suscite une remarque  :  soit que le texte initial n'est pas été suffisamment clair,  soit qu'il soit erroné, soit qu'il nécessite des explications, des justifications.

Parfois, il faut  plusieurs aller-retour avant que le manuscrit soit accepté, mais insistons : des auteurs intelligents améliorent toujours leurs manuscrits quand ils tiennent le plus grand compte des remarques. On a tout à gagner du regard critique d'autrui surtout quand on sait qu'il faut parfois des dizaines de lecture d'un même texte, en prenant son temps,  en croisant les regards, pour que l'on arrive finalement à un article intelligent et bien fait.

Et finalement le manuscrit corrigé, quand il est accepté par la revue, est envoyé au secrétariat de rédaction, lequel met en page et envoie des "épreuves" : il s'agit une version où l'on peut encore corriger des erreurs, des coquilles... mais pas plus ! Il n'est plus temps de faire de grosses modifications, sans quoi le manuscrit devrait subir à nouveau le processus d'évaluation.

Et finalement, le texte est publié : le "manuscrit" devient un "article". Et, souvent, la publication mentionne sur l'article publié la date de soumission, la date de révision, la date d'acceptation, la date de publication.

La publication d'un article ce n'est pas une fin en soi : il reste aux auteurs à faire largement connaître leur travail. Car on oublie pas que c'est l'objectif initial : faire partager avec la communauté tout entière des résultats que l'on a obtenus.
Comment faire cela ? Par exemple on peut mettre l'article sur des plateformes, on peut envoyer la notification de cette publication à des collègues, on peut le présenter dans des congrès... Bref il y a lieu de se donner beaucoup de mal... alors que l'on croit avoir fini.