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vendredi 15 février 2013

Comment lire ?

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Apprenons à lire
Hervé This


Bien sûr, nous savons lire, sans quoi nous ne serions pas avec ce texte devant nous. Toutefois la question n'est pas là : elle est de savoir si nous savons assez planter les dents dans l'os, comme un pitbull, si nous savons comprendre ce que nous lisons, si nous savons transformer une connaissance (une idée lue, intégrée) en une compétence (une idée utilisable).

D'ailleurs, par « lire », je n'entends pas seulement « lire des phrases », mais lire un document, lequel, au XXIe siècle, peut comporter des images, des sons, des films, bientôt des odeurs, des saveurs peut-être...

En outre, si l'idée du pitbull est terrible, il n'en faut retenir que la capacité de ne pas « lâcher le morceau », car c'est ainsi seulement que nous parvenons à l'avaler, en toutes circonstances, sans sauter un mot, une phrase ou une idée quand ils nous échappent. Il existe en effet des mots, comme « gastronomie », dont nous ne faisons que supposer, parce que nous avons la paresse d'y voir plus loin. D'où la conséquence : lire, c'est aussi aller y voir de près, chercher au delà du texte. Lire, c'est un travail, une activité « active ».

Passons à l'intégration. Il semble dérisoire de recommander de lire tous les mots d'un texte, mais l'expérience de l'enseignement universitaire montre que là est l'une des principales difficultés : on lit trop vite... parce qu'on lit.
Expliquons : la lecture, généralement, pour un manuel comme pour un journal, se fait de façon quasi constante, à savoir que la lectrice ou le lecteur est devant le texte, et que ses yeux parcourent les lignes. Le cas idéal serait que chaque mot soit lu, mais l'expérience prouve que les lecteurs vont trop vite. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle on dit qu'il faut apprendre sept fois pour savoir : puisqu'on a sauté un mot sur sept, il faudra sept lectures pour avoir tous les mots !
Bref, un bon conseil : lire tous les mots !

Une fois les mots « avalés », il y a le sens à faire. Là encore, il y a du travail, et c'est évidemment le lecteur qui fait le sens... dans l'hypothèse minimaliste où il ne décode pas :
  • les intentions de celui qui a écrit : pourquoi l'a-t-il fait ? Pourquoi l'a-t-il fait ainsi ? Pourquoi l'a-t-il fait à ce moment précis ? Qu'a-t-il voulu que je pense ? Qu'a-t-il écrit ? Pourquoi a-t-il voulu que je pense ce que je pense...
  • les intentions des vecteurs du document
  • etc.
Bref, une phrase n'est pas une phrase qu'on lit, mais une phrase que l'on comprend.

Pour autant, une phrase que l'on comprend n'est pas encore une phrase que l'on est capable de restituer : une connaissance n'est pas une compétence !
Ici, il faut à nouveau s'arrêter une seconde sur le mot « phrase » : à la lumière de ce qui précède, on a compris que je parle moins d'une phrase faite de mots que d'une phrase du XXIe siècle, avec des mots, des sons, des images, fixes ou animées, etc.
Même ainsi, il y a la question de la compétence. Comment s'assurer que nous l'avons ?

Tout cela est bien difficile, et l'on voit que lire prend du temps. Je me demande, d'ailleurs, si lire ne consiste pas à écrire, afin de poser devant nous des objets plus « matériels ». Certes, il y a dans le peuple des génies qui ont la capacité extraordinaire de manier les idées sans les voir, mais... quels génies !
Pour les autres, il y a la nécessité de poser tout cela, de le matérialiser, de faire retomber le soufflé de l'abstraction, afin de le déguster plus sûrement. Lire, c'est écrire, pour ceux-là, c'est dessiner, c'est modeler de la pâte, c'est sentir...

Au fait, comment pourrais-je diriger autrui moi qui ne me gouverne pas moi-même ? Je me vois sur une mauvaise pente, à dire positivement comment lire, à répondre à la question « Comment lire ? ».
Non, plutôt, je propose que nous nous posions la question : comment lire ?




http://sites.google.com/site/travauxdehervethis/