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mercredi 15 janvier 2020

Les terrines : une suite plus détaillée, plus simple, mieux expliquée (j'espère)


Il paraît que je me suis insuffisamment expliqué à propos des terrines quand j'ai décrit le processus de hachage. Je donne donc des explications supplémentaires.

Nous partons de viande ou de poisson  : le microscope montrerait que, dans les deux cas, la chair est faite de très fins tuyaux juxtaposés, groupés en faisceaux : pensons à des tubes collés les uns avec les autres, tous dans la même direction.
C'est tubes, ces tuyaux sont en réalité nommés des fibres musculaires. L'intérieur des tuyaux, c'est effectivement de l'eau et des protéines, comme du blanc d'oeuf : imaginons un ensemble de petites billes au milieu desquelles se trouve des  fils. Les billes représentent les molécules d'eau, et les fils représentent les protéines.


En réalité, les protéines sont organisées dans les fibres musculaires en vue d'assurer la contraction musculaire, mais je propose pour simplifier ici de ne pas entrer dans le détail de cette organisation.
Ce qui se passe quand on hache la viande, c'est que l'on coupe les tuyaux :  évidemment, l'eau et les protéines sont libérés, de sorte que finalement, la viande hachée, c'est de l'eau dans laquelle se trouvent à la fois des bouts de tuyau et les fils.

Oublions cette complexité et ramenons-nous simplement à une structure faite d'eau dans laquelle flottent les protéines, c'est-à-dire les fils. Quand on chauffe, les protéines s'attachent en un grand réseau qui piège l'eau, tout comme lors de la coagulation du blanc d'oeuf.
Et c'est là que je n'ai pas assez expliqué que le blanc d'oeuf, c'est précisément de l'eau et des protéines. Et quand on chauffe du blanc d'oeuf, les protéines (pensons aux fils) se déroulent un peu et s'attachent, formant un grand réseau qui piège l'eau.
Pieger l'eau,   cela signifie qu'elle ne peut plus couler, et que l'on a une masse molle et solides, qui ne coule pas. 

Et voilà pourquoi de la viande broyée que l'on cuit comme dans une terrine est un cousin du blanc d'oeuf qui coagule.

vendredi 25 janvier 2019

Les deux dimensions de la cuisson de la viande


Il y a des cas simples où une cause provoque un effet et un seul : si j'appuie sur une sonnette, ça sonne ; ou si je fouette un blanc en neige, il mousse.
Mais il y a des cas plus compliqués où il y a plusieurs effets simultanés, et c'est le cas pour la cuisson de la viande.

Commençons par indiquer que la viande (pensons à un biceps, ou un quadriceps), c'est donc un morceau de chair, fait essentiellement de tissu musculaire. Cette matière est elle-même faite de "fibres musculaires", sorte de tubes très fins, alignés parallèlement, et groupés en "faisceaux" par du "tissu collagénique", lequel tissu fait d'ailleurs aussi la "peau" des fibres. A l'intérieur des fibres, de l'eau et des protéines, principalement.



Pour comprendre ce qui se passe quand on cuit, il faut avoir, de surcroît, l'information selon laquelle il existe des protéines qui coagulent à la chaleur (pensons au blanc d'oeuf), et d'autres qui ne coagulent pas.
Or l'intérieur des fibres musculaires comprend de l'eau et des protéines qui coagulent, comme le blanc d'oeuf, alors que le tissu collagénique est fait de protéines (le "collagène") qui ne coagulent pas ; en revanche, le tissu collagénique chauffé se défait, libérant dans un liquide environnant du collagène dégradé, que l'on nomme la gélatine. Ajoutons enfin qu'avant de se défaire, le tissu collagénique se contracte, ce qui explique que la viande chauffée perde du jus : du liquide de l'intérieur est expulsé lors de cette contraction.

Avec cela, nous voyons que quand on chauffe à haute température, il y a plusieurs effets :
- à court terme, la viande se contracte et perd du jus... tandis que l'intérieur des fibres coagule, donc durcit. La viande devient dure, donc perd sa tendreté ; simultanément elle perd de la jutosité
- à plus long terme, la chaleur dissocie le tissu collagénique, donc permet une dissociation des faisceaux, ce qui laisse croire que la viande est "attendrie". En réalité, elle l'est pour la pièce entière, mais pas pour chaque fibre indépendamment.

dimanche 30 décembre 2018

Questions de cuisson à basse température

Une question ? Une réponse détaillée. Aujourd'hui, c'est à propos de cuisson à basse température, mais je m'y attendais, car Noël a été pour certains amateurs l'occasion de recevoir ces thermocirculateurs dont j'avais proposé l'usage dès 1980 !
Voici en tout cas la question :

Je fais souvent des cuissons longues de viande à basse température, le jus que je récupère est très goûteux et j'ai plusieurs fois essayé de le faire réduire pour obtenir un jus très corsé, mais dès qu’il bout, il se dissocie et perd toute son homogénéité. Y a-t-il une solution pour le faire réduire en le gardant stable ?

Dans les discussions, soit avec des amis, soit avec moi-même, j'ai fini par savoir me méfier de l'idéalisme, cette tendance platonicienne à croire à une unité  du concept. Et, en matière de cuisson longues à basse températures, tout se rencontre : le porc (attention aux parasites, qui imposent un 82,5 °C), l'agneau (pas certain d'aimer le gigot à 70 °C, car il est parfois un peu cartonneux), le boeuf (collagénique, il libère... de la gélatine), le veau (pas besoin de chauffer trop), le poulet (à 60 °C, il reste d'un rose qui le rend immangeable pour beaucoup), etc.
Donc les cuissons longues, mais lesquelles ?

Ne sachant pas ce que mon interlocuteur a dans l'idée, je propose de considérer les viandes qui ont quelques chances de laisser passer dans le jus des composés qui peuvent composer la sauce.
Commençons par le boeuf, et notamment le boeuf collagénique, puisque c'est surtout pour de telles viandes que j'avais initialement préconisé la cuisson à basse température. Ces viandes (comme les autres, d'ailleurs) sont faites de faisceaux de fibres musculaires. Chaque fibre est entourée d'une matière nommée tissu collagénique, et les fibres sont regroupées entre elles par du tissu collagénique. Pourquoi ce nom de tissu collagénique ? Parce que c'est un fait que cette matière, comme du tissu, est faite de petites fibrilles, en l'occurrence des molécules en triple hélice, qui ont pour nom "collagène". Quand on chauffe, ce tissu se dissocie, et laisse passer dans le liquide environnant de la gélatine, qui n'est autre que du tissu collagénique dégradé. Et c'est cette gélatine qui fait prendre la sauce en gelée quand elle refroidit.
Mais là, je ne vois pas le phénomène signalé par notre ami.

Ce phénomène, je ne l'ai rencontré qu'une fois, pour du veau que j'avais détaillé en dés. Je l'avais cuit à 60 °C pendant deux jours, et il est vrai que le jus  a grumelé quand j'ai fait bouillir pour réduire la sauce.
Qu'à cela ne tienne : dans mon livre "Cours de gastronomie moléculaire N°1 : Science, technologie, technique, quelles relations ?", j'ai présenté l'idée "d'un petit mal un grand bien", qui m'a fait transformé une sauce grumelée en une sauce claire... servie dans un verre à Cognac.



Mais il y a mille autres façons, à commencer par une clarification, ou un simple coup de mixer. En effet, cette sauce qui grumelle doit sans doute son comportement à des protéines qui ont été libéré, et qui ont ensuite coagulé à la chaleur. Comme pour une crème anglaise qui grumelle parce que les protéines de l'oeuf, au lieu de faire des grumeaux microscopiques, font des grumeaux macroscopiques. Nos grand-mères secouaient les crèmes ainsi grumelées dans une bouteille  ; certains pâtissiers les passent au chinois ; mais le mixer réhomogénéise très bien !