Affichage des articles dont le libellé est eggs. Afficher tous les articles
Affichage des articles dont le libellé est eggs. Afficher tous les articles

vendredi 26 octobre 2018

Oui, c'est bien moi qui ai le premier "décuit" des oeufs

Des élèves qui font un "travail personnel encadré" (TPE)  m'interrogent à nouveau à propos de la décuisson des oeufs. Qui l'a faite le premier ?

A ma connaissance, c'est bien moi, avec un article dont la référence est Hervé This. Can a cooked egg white be  uncooked ? The Chemical Intelligencer (Springer Verlag), 1996 (10), 51.

La question est de savoir pourquoi on me pose cette question... et la réponse est qu'un communiqué de presse malhonnête avait été émis par une université américaine il y a quelques années, quand des chercheurs de cette université ont surtout renaturé des protéines dénaturées... sans citer mon travail.
Mais, en réalité, il n'y a pas d'ambiguité, et la malhonnêteté  a été punie :  l'équipe qui est venue (bien) après moi a reçu le prix IgNobel... que ma discipline et, peut-être aussi, mon tour d'esprit me font risquer de recevoir.

Mais enfin, bref, c'est bien moi qui ait le premier décuit un oeuf. Pourquoi ? Comment ?

A l'époque, je m'étonnais de la cuisson des oeufs. Pensons au blanc, qui, de liquide, transparent et jaune-vert, devient opaque et blanc. Le fait que le blanc d'oeuf soit fait de 90 pour cent d'eau et qu'il ne perde pas de masse lors de sa cuisson montrait qu'il y avait une gélification. Et l'on savait que cette gélification était due aux protéines du blanc (les 10 pour cent restant).
Mais on avait deux gels possibles : physiques, ou chimiques. Les gels physiques sont ceux de gélatine, ou de pectine (dans les confitures). Ils sont "thermoréversibles", ce qui signifie qu'ils se défont si l'on chauffe, et se refont si l'on refroidit. En revanche, les gels chimiques sont thermostables : le blanc d'oeuf durcit, puis se dégrade quand on le chauffe, mais  il ne se reliquéfie pas.
Pourquoi ? J'avais alors analysé que les forces entre les protéines ne pouvaient être que de quelques types : van der Waals (des forces très faibles), hydrophobes (très faibles aussi), des liaisons hydrogènes (faibles), des "ponts disulfure" (plus fortes), des liaisons chimiques "covalentes", comme on en trouve entre les atomes des molécules, et des liaisons électrostatiques comme entre les ions des cristaux de sel.
L'analyse m'avait montré que les forces les plus fortes étaient vraisemblablement les ponts disulfures, et c'est cette hypothèse que j'ai testée expérimentalement.
L'idée est la suivante : quand des protéines qui portent des groupes sulhydrile, avec un atome de soufre S lié à un atome d'hydrogène H, se lient, la réaction est une "oxydation". L'inverse est une "réduction", et j'ai donc utilisé un (en réalité plusieurs) composé réducteur que j'ai simplement ajouté à du blanc d'oeuf. En quelques instants, après la formation d'une mousse que j'avais anticipée, le solide est devenu liquide : l'oeuf était décuit... mais surtout cette expérience montrait que les forces les plus fortes responsables de la coagulation étaient bien les ponts disulfure. Le gel qu'est le blanc d'oeuf était donc un gel chimique, même si les ponts disulfure sont des forces covalentes un peu particulières, plus faibles que des forces entre deux atomes de carbone.


jeudi 25 octobre 2018

Des TPE sur les oeufs

Je le disais hier : les TPE battent leur plein !
Reçu ce message, qui me permet de donner des réponses utiles à beaucoup, semble-t-il :





# Dans le cadre du TPE de 1ère (épreuve anticipée du baccalauréat), mon groupe (3 élèves au total), a choisi de traiter le thème forme et matière. L’œuf avec les différentes formes qu’il peut revêtir en cuisine nous a de suite intéressés.
# Nous avons fait de nombreuses recherches internet (parfois infructueuses, ou peu précises), et le plus souvent celles-ci nous conduisent finalement à l’article de presse de l’INRA de mars 2013 (document sur lequel j’ai pu trouver vos coordonnées).
# J’ai également fait acheter par ma maman le livre « les œufs, 60 clefs pour comprendre » et celui-ci me ramène aussi à l’INRA.
# Votre expérience et vos connaissances en terme de gastronomie moléculaire nous aideraient précieusement.
# En effet, j’ai bien compris que cuisiner l’œuf, c’était faire de la chimie.
# Que différents paramètres température, air, pH… influençaient la structure des composants de l’œuf, notamment les protéines.
# Aussi, notre TPE devrait s’orienter sur les propriétés physico-chimiques de l’œuf qui font qu’il se transforme, avec une partie théorique et une partie expérimentale.
# Alors je viens vous solliciter afin de pouvoir obtenir des documents pertinents qui nous permettraient :
# 1/D’expliquer la formation de l’œuf, sa composition.
# 2/D’expérimenter la chimie des œufs, le but étant de reproduire au laboratoire (ou chez nous) des expériences et de réaliser une vidéo qui sera visionnée et notée par le jury final.
# (Par exemple, je vais réaliser votre recette de l’œuf parfait au lave-vaisselle !).
# 3/D’expliquer de manière claire et pédagogique la chimie des œufs, quels constituants se modifient.
# D’ailleurs, peut-être serait-il bien de tester au laboratoire comment « décuire un œuf » : à ce propose, j’ai pu lire que des scientifiques avaient tenter l’expérience.
# Bref, je suis preneuse de toute information !
# Je vous remercie par avance de l’attention que vous me porterez, et s’il faut que je sois plus précise dans ma demande, n’hésitez pas à me le faire savoir.



Je reprends en commentant point à point
 


Dans le cadre du TPE de 1ère (épreuve anticipée du baccalauréat), mon groupe (3 élèves au total), a choisi de traiter le thème forme et matière. L’œuf avec les différentes formes qu’il peut revêtir en cuisine nous a de suite intéressés.

C'est un excellent choix : fascinant de voir un oeuf liquide, jaune-vert, transparent, devenir solide, blanc et opaque ! D'autant que la composition d'un blanc d'oeuf est (assez) simple : de l'eau et des protéines.


Nous avons fait de nombreuses recherches internet (parfois infructueuses, ou peu précises), et le plus souvent celles-ci nous conduisent finalement à l’article de presse de l’INRA de mars 2013 (document sur lequel j’ai pu trouver vos coordonnées).

Pourquoi pas... mais cela m'étonne que vous n'ayez trouvé que cela. Je rappelle que l''on cherche en anglais sur Google Scholar, quand on  n'a pas de bases de données.


J’ai également fait acheter par ma maman le livre « les œufs, 60 clefs pour comprendre » et celui-ci me ramène aussi à l’INRA.

Oui, en France, l'Inra est essentiel. Savez vous qu'il y a une unité très spécialisée dans les oeufs à Nouzilly ? Les meilleurs spécialistes mondiaux.


Votre expérience et vos connaissances en terme de gastronomie moléculaire nous aideraient précieusement.

 Je fais de mon mieux.


En effet, j’ai bien compris que cuisiner l’œuf, c’était faire de la chimie.

Certainement pas : cuisiner, c'est cuisiner. Faire de la chimie, c'est faire de la science. Certes, cuisinier de l'oeuf déclenche des réactions entre des composés, mais la cuisine n'est certainement pas de la chimie : ce n'est pas une science de la nature !
Inversement, la recherche scientifique, notamment la gastronomie moléculaire, ce n'est pas de la cuisine : on ne prépare pas des aliments, mais on produit de la connaissance.


Que différents paramètres température, air, pH… influençaient la structure des composants de l’œuf, notamment les protéines.

Ca, c'est une phrase compliquée. Heureux de dire que je ne la comprends pas (je peux l'interpréter de mille façons différentes, mais ce n'est pas  à moi de deviner laquelle est la bonne).


 Aussi, notre TPE devrait s’orienter sur les propriétés physico-chimiques de l’œuf qui font qu’il se transforme, avec une partie théorique et une partie expérimentale.

Plus exactement, je vous renvoie vers mon site, où j'explique mieux que cela comment faire un TPE, en faisant l'exégèse des textes officiels.


Alors je viens vous solliciter afin de pouvoir obtenir des documents pertinents qui nous permettraient :
1/d’expliquer la formation de l’œuf, sa composition.

Voir le livre sur l'oeuf de M. Thapon et ses collègues chez Lavoisier Tec et Doc.


2/D’expérimenter la chimie des œufs, le but étant de reproduire au laboratoire (ou chez nous) des expériences et de réaliser une vidéo qui sera visionnée et notée par le jury final. (Par exemple, je vais réaliser votre recette de l’œuf parfait au lave-vaisselle !).

Mais sur le site d'AgroParisTech, il y a bien d'autres documents, notamment mon "Let's have an egg".




3/D’expliquer de manière claire et pédagogique la chimie des œufs, quels constituants se modifient.
 D’ailleurs, peut-être serait-il bien de tester au laboratoire comment « décuire un œuf » : à ce propose, j’ai pu lire que des scientifiques avaient tenter l’expérience.

C'est moi qui ai fait le premier la chose, en 1997. Et mon texte est mis sur mon site.
D'ailleurs, j'y ai mis aussi d'autres choses sur l'oeuf, parce que ce TPE n'est ni le premier, ni sans doute le dernier.
Bon courage