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vendredi 2 août 2019

Les cours "magistraux" sont-ils périmés ?

Note préliminaire : j'ai résolu de considérer les étudiants comme de jeunes collègues, ou, mieux, comme des collègues, mais pour les besoins de clarté, dans ces billets consacrés aux études, j'utilise l'expression "jeunes collègues" pour désigner les étudiants, et professeurs pour désigner les "professeurs", sans distinction de grade.






Suite de discussions avec nos jeunes collègues. Voici l'amorce qu'ils m'envoient :

Nous n’avons eu que trop de cours magistraux classiques (pour la plupart d’entre nous) et cette formule ne marche plus vraiment pour transmettre des connaissances solides (sur un amphi, combien écoutent du début à la fin ?). Il faut trouver des solutions innovantes et originales pour capter l’attention des étudiants.

Ici, il y a la question des cours magistraux "qui ne marchent plus pour transmettre des connaissances solides".
Oui, des cours magistraux ne transmettent pas des connaissances solides, et ils ne sont pas faits pour cela ! Oui, on ne peut pas être attentif  longtemps (quoi que... et puis, faut-il vraiment l'être absolument), et toutes les études le montrent ! Oui, il faut des manières particulières pour capter l'attention des auditeurs.
Ici, je me place dans un cadre d'analyse élargi, et qui déborde l'université ou les grandes écoles.

Je ne veux pas ici revenir à des discussions déjà faites, à propos du fait que les cours sont seulement des amorces, pour les études qui doivent être faites ensuite, dans le silence du cabinet de travail, ou en groupes quand les jeunes collègues cherchent plus de socialisation, sans que s'impose une façon : après tout, il y a des individualistes (Faraday, Einstein, etc.) et des collectifs (le CERN).

Non, je propose plutôt, dans ce billet, de considérer la question des cours magistraux et des relations avec le savoir. 

Prenons un exemple : le cours que Jean-Marie Lehn faisait, au Collège de France durait deux heures, et il était suivi d'un séminaire, avec une courte pause entre le cours et le séminaire. Nous n'étions qu'une trentaine dans la salle, mais nous avions le bénéfice d'un exposé organisé, structuré, structurant, sur des thèmes passionnants, nouveaux, originaux. Une étude bibliographique avait été faite pour nous, et cette étude s'assortissait d'une vision particulière, et, je le redis, structurante, laquelle bénéficiait d'ailleurs, ensuite, d'un séminaire, avec un intervenant invité qui venait présenter des travaux récents, en prolongement du cours.  Quel bonheur que de tels éclairages !

Un autre exemple : celui de Pierre Hadot, également professeur au Collège de France, à propos des philosophies antiques et des "exercices spirituels". On m'aurait donné les seules 20 minutes que les études de l'attention préconisent que j'aurais été frustré : quand la matière est de qualité, j'en veux beaucoup, plus, plus encore !

Et, d'ailleurs, pour ce qui est de la forme, je ne veux pas que mon  professeur fasse le guignol pour les besoins de l'exercice : je ne veux pas de mauvaises blagues forcées comme les conférenciers anglo-saxons sont souvent entraînés à les faire. Je ne veux pas de TED ou de TEDx en 20 minutes seulement, sauf à vouloir survoler des matières... Mais quand quelque chose m'intéresse vraiment, je ne veux justement pas survoler.

Bref, je veux des cours de belle qualité intellectuelle, pas des exposés laborieux de tâcherons qui ne décollent pas. Je veux rencontrer, par les cours, des intelligences brillantes, ce qui signifie pour moi des personnalités qui ont parfaitement creusé leur sujet et qui ont cherché des moyens d'en partager efficacement l'intérêt.
Donc je ne crois pas, finalement, que la critique soit juste. Non, nous n'avons pas eu trop de (bons) cours magistraux ! Si, cette formule marche très bien. Oui, je dois être et je suis capable d'écouter attentivement du début à la fin.

Mais, inversement, à côté de quelques cours magistraux donnés par quelques personnalités extraordinaires, oui, il faut des travaux variés, des études personnelles, laborieuses, en profondeur.

Car dans toutes ces analyses, il y a la question fondatrice : quel est l'objectif ?