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vendredi 9 décembre 2022

La construction d'une assiette : il faut construire, et pas seulement juxtaposer



On n'a pas suffisamment expliqué que construire une assiette, c'est... construire une assiette, et pas seulement y disposer des éléments séparés.  

Imaginons une assiette qui soit composée d'un filet de poisson, de riz, et de croquettes d'aubergine. Si, dans l'assiette, il y a d'un côté le poisson, de l'autre le riz, et enfin l'aubergine, alors c'est en réalité trois assiettes qui sont présentes, et pas une seule. De ce fait, si l'on mange séparément les trois éléments, il y a de fortes chances pour qu'ils soient un peu "tristes".

Et si l'on veut associer les trois éléments, comment le faire ? Personnellement, je ne sais jamais comment je dois faire.

Bien sûr, s'il s'agit simplement de nutriments, peu importe l'ordre, et je fais selon mon choix, selon mon appétit, selon mon envie...

Mais s'il y a une œuvre culinaire réalisée par un artiste, alors il doit y avoir une raison pour le choix du poisson, du riz et de l'aubergine : quand je mange ces différents éléments, je dois être guidé...  ce qui conduit presque immanquablement à superposer les éléments, et non pas à les juxtaposer.

Se pose alors la question de la construction et l'on comprend bien que le résultat ne sera pas le même si on met le riz dessous et le poisson dessus,  ou inversement, par exemple.

C'est tout cela l'enjeu du constructivisme culinaire,  que nous avons discuté tant de fois avec mon ami Pierre Gagnaire : préparer une assiette, c'est faire une construction... des mots qui doivent nous faire souvenir que Marie-Antoine Carême, le cuisiniers des empereurs, avait introduit la "cuisine monumentale"  : il ne s'agissait pas seulement de reproduire des bâtiments en sucre, mais, au contraire, de construire les plats.

lundi 13 décembre 2021

La publication scientifique mérite un soin immense !

 La vie est courte, alors que l' "art" est difficile

Il existe peut-être des personnes extraordinaires, mais je n'en suis hélas pas : je dois avouer que je  suis toujours étonné de mes insuffisances en matière de rédaction.

Bien sûr, je connais l'orthographe et la grammaire, un peu de rhétorique, un peu de littérature, mais là n'est pas la question :  discute ici la rédaction d'articles scientifiques.

Je veux d'abord témoigner de l'expérience de l'édition des articles scientifiques dans un journal scientifique dont je suis un des principaux responsables : pour ces textes, qui sont écrits par des spécialistes parmi les meilleurs de leur discipline, pour ces textes qui ont été évalués par des experts, qui ont fait l'objet d'un nombre très grand de relectures du point de vue scientifique, mais aussi du point de vue de la mise en page, de l'orthographe, de la typographie, et caetera, nous nous apercevons, à l'issue d'un processus d'édition très long et qui met des dizaines de personnes en action,  qu'il reste des imperfections. Une coquille, un caractère fautif, un mot qui manque, et cetera.

Cela me ramène 40 ans en arrière quand je travaillais à la revue Pour la science et que nous avions 11 réécritures complètes de chaque article, nous étions toujours effarés de voir que, dans la revue finalement publiée, il restait  des imperfections.

Voilà les faits. Et j'en arrive à nos propres articles scientifiques. On les écrit, on les construit, on les révise, on les corrige, et vient le moment où on les soumet à une revue.
Là, l'éditeur de la revue demande une expertise du manuscrit, généralement à deux spécialistes... et l'on constate alors que,  malgré les efforts considérables de conception des articles, rédaction, préparation, il y a encore souvent un nombre notable d'imperfections.
Pas seulement des imperfections de détails, mais, souvent, des imperfections de fond, car, en réalité, il y a tant de choses à considérer qu'il est bien rare que nous pensions à tout. Et cela impose des passages répétés, des check-list bien faites, suivies scrupuleusement...

Oui, j'insiste parce que je suis frappé de voir combien cela est juste : on ne dira jamais assez combien la rédaction d'articles scientifiques est une chose difficile si l'on veut arriver à produire des textes qui méritent de rester comme des pierres solides sur lesquelles se fonde l'édifice de la science. 




mercredi 9 juin 2021

À propos de technique culinaire : du soin et de la construction



Nous sommes bien d'accord  : l'activité culinaire, c'est de l'amour, de l'art, de la technique.

Pour la technique, j'avais identifié une caractéristique essentielle, qui est le soin  : car faire quelque chose soigneusement, c'est dire aux autres "je t'aime".

Ce qui montre que les trois composantes de la cuisine ne sont pas séparées : technique avec soin, art avec souci d'autrui, amour pour ce qu'il est.

Cea étant, pour en revenir à la technique, il y a lieu de voir plus que le soin, parce que cuisiner, c'est en réalité parler -par les mets- à ceux que l'on nourrit. Et il y a lieu d'être certain que les convives nous entendent bien, qu'ils nous comprennent. Là, la construction, la structure sont essentielles.

Je propose de prendre une comparaison avec les jardins  : il ne suffit pas de tailler correctement, avec soin, selon les règles... La construction est essentielle.

Sans cette dernière, un jardin n'est qu'une jungle, et le soin du jardinier est invisible. 

Oui il faut l'intervention du jardinier qui va donc transformer le naturel en artificiel. Il évitera que le lierre enserre tous les arbres, il organisera les masses végétales de telle façon que l' œil puisse s'y retrouver, au point même que le lierre ou d'autres adventices deviennent des objets domestiqués, qui viendront concourir à l'oeuvre.

Je ne reviens pas ici sur la discussion un peu caricaturale qui oppose des jardins à la française et des jardins à l'anglaise, mais même dans les jardins les plus apparemment dédordonnés, c'est quand l'œil voit une organisation, une construction, une architecture, un dessin, voire un dessein,  que l'on dit alors qu'il y a du jardin.

De la même façon, en cuisine, un mélange d'ingrédients ne fait pas un plat admissible, et même la ratatouille doit être organisée pour prendre un peu de sens gustatif.

Oui, la technique passe par le soin, mais elle passe aussi par la construction, l'architecture, l'organisation.

Et c'est ainsi que la cuisine est belle !

dimanche 23 août 2020

De la tendreté dans les pâtés

0. Alors que les concours de pâté en croûte s'enchaînent, il est peut-être temps de discuter la question de leur tendreté, car, bien sûr, le foie gras apporte tout ce qu'il faut, mais il coûte cher, & il est un peu lancinant. Comment varier un peu ?

1. On commencera par observer que la farce des pâté en croûte contient de la chair, & que cette chair a cuit, ce qui nous conduit immédiatement à considérer la question de la cuisson à basse température, qui évite de faire des viandes sèches & dures. Là, c'est sur la température de cuisson qu'il faut jouer, & l'on doit tenir compte du fait que l'on cuit simultanément, au moins pour des recettes classiques, la pâte & la farce. Pour la pâte, il faut certainement attendre des températures élevées, plus que 150 degrés par exemple, mais il faut absolument éviter que la viande soit aussi portée à cette température, sans quoi on durcit l'intérieur, & l'on perd en tendreté.

2. Mais ce n'est pas tout  : les viandes contiennent de la matière grasse varié, & les charcutiers qui font des terrines savent bien qu'il faut une quantité notable de graisse de porc pour faire des terrines agréables, qui vont jusqu'à ces rillettes où la quantité de gras est si considérable qu'il y en a une couche par dessus.

3. On devra également tenir compte du fait que les viandes cuites longuement, à basse température, peuvent libérer de la gélatine au cours de la cuisson, pour faire des interstices gélifiés dans la chair. Et cette gelée sera tendre s'il y a assez de liquide avec la gélatine  : du vin ? du bouillon ? un alcool (cognac, armagnac...) ?

4. S'il faut donner de la tendreté, on n'oubliera pas non plus la mie de pain trempée dans du lait, ou, plus généralement, l'usage de l'amidon qui s'empèse & qui fait un empois, c'est-à-dire encore un gel.

5. Mais, puisque nous en sommes au gel, alors pensons gel ! Et là, toute une panoplie se présente : oeuf (jaune, blanc, jaune et blanc mélangés), oeuf dilué,  agar-agar, alginates, carraghénanes. Pour les gels, on n'oubliera pas de régler la teneur en eau comme l'on désire, mais pas au-dessus du seuil fatidique des 95 pour cent de liquide, sans quoi la gélification se fait pas.

6. D'ailleurs, "gels"... On n'oublie pas que les tissus végétaux ou animaux sont formellement des gels, susceptibles d'apporter de la jutosité ou de la tendreté. Les deux sensations ne sont pas analogues, comme je l'ai expliqué ici :
https://hervethis.blogspot.com/2019/01/les-deux-dimensions-de-la-cuisson-de-la.html
Et, à ce sujet, on se souvient que la salade contient 99 pour cent d'eau, et que la teneur en eau varie selon les chairs : pensons au foie de porc, par exemple. 

7. On n'oubliera pas non plus la physiologie, et ce fait que notre appareil gustatif repère les contrastes : on sent mieux le mou s'il est à côté du dur. Ce qui est intéressant, ce n'est pas d'avoir partout du moelleux. C'est d'ailleurs ce qui arrive avec le foie gras, qui vient souvent s'opposer à une chaire plus sèche. Bref, il faut  organiser la consistance, "structurer la tendreté et la dureté" et c'est notamment la raison pour laquelle certains pâtés en croûte où l'on voit une sorte de damier de différentes chairs sont intéressants. Gardons donc cette idée en sachant que l'on peut faire à l'intérieur d'un pâté comme un Rubik's Cube ou comme des couches successives empilés avec des épaisseurs que l'on peut varier.

8. Oui, même s'il y a des progrès récents,   on a souvent peu construit  classiquement, alors que c'est la clé du "beau à manger". Construisons, construisons...