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lundi 19 avril 2021

A propos de caramel



1. Je retrouve un message ancien, à propos de caramel :

Par exemple, je rate bien souvent mes caramels... ce qui est frustrant c’est qu’il n’y a pas de technique précis et bien que le caramel à sec semble facile en vidéo, en pratique c’est tout de même bien difficile de contrôler le processus et arrêter le caramel au bon moment…
Par contre, quand on réussit un caramel à sec, c’est vraiment satisfaisant - la fonte du sucre en poudre en sirop caramélisé est une très belle transformation…
De conception, l’idée de laisser «brûler» une poudre sèche sans y toucher afin qu’il fond est relativement frustrant comme on se sent très exposé au désastre du caramel brulé et l’envie de repartir la chaleur en remuant est bien présent… mais proscrit par les pro's !
Peut-être que le sucre blanc en poudre est bien plus facile à utiliser que le sucre de canne blond que je préfère utiliser. En tout cas, la qualité et le type de sucre varie et la granulométrie également. Certains conseillent du sucre glace supposé «plus pure». Pour des grandes quantités du sucre il faut aussi procéder par ajout successifs ce qui ne facilite pas la tâche pour un amateur, et - c’est long...
Vous avez mentionné dans un article* comment l’ajout d’eau pourrait être un avantage et que l’eau s’évapore lors de la cuisson laissant en théorie un caramel possiblement aussi pur qu’un «caramel à sec».
Est-ce qu’un caramel «mouillé à l’eau» serait aussi «pur» qu’un "caramel à sec", et/ou comment controler la caramélisation précisement sans bruler le sucre ?
Il serait bien de comprendre comment mieux maitriser la caramelisation avec une méthode simple et quantifiable*. Quel quantité d’eau pour quelle quantité de sucre, la bonne température de la cuisson, quelle taille de récipient pour quelle quantité de sucre, les differences entre sucre raffiné, de canne, sucre roux et sucre glace...
Un aspect de la caramélisation du sucre qui m’intéresse particulièrement est le caramel mou type «bonbon" que j’aime par sa consistance et qui serait intéressant à réaliser avec moins de sucre tout en gardant la consistance du bonbon mou/semi-rigide - ce qui passerait par l’ajout de matière non sucré tout en réussissant de «figer» le caramel. En effet, un caramel en crème (type caramel mou + chantilly) à un gout moins envahissant qu’un caramel mou mais plus intéressant à mon avis comme le goût sucré du caramel est un peu atténué… En diluant un caramel, on dirais que le parfum caramel survit mieux que le goût du sucré. Une plus grande proportion de crème ou autre ajout non sucré semble difficile de reproduire en forme de «bonbon» caramel… sauf bien sûr si la cuisine moléculaire saurait y répondre.



2.  Une réponse générale

Soyons simple : rien de plus facile à produire que du caramel : on prend une casserole, on y met quelques cuillerées à soupe d'eau et l'on ajoute du sucre en poudre, puis on chauffe.
On voit d'abord s'élever une fumée blanche au-dessus de la casserole, c'est-à-dire de l'eau qui s'évapore, tandis que le sucre se dissout. On observe une ébullition, puis on voit l'apparence des bulles changer, avec l'augmentation de la viscosité du sirop, au fur et à mesure de l'évaporation de l'eau. Si l'on avait mis un thermomètre, on aurait vu la température augmenter, à plus de 100 degrés.
Au début, ce changement de viscosité se fait sans changement de couleur, mais, vers 140 degrés, le blanc jaunit, avant de brunir : une odeur de caramel apparaît, et, ensuite, les changements peuvent être rapides.
C'est à ce moment que du caramel est formé. Si on le verse sur un marbre, on obtient une masse vitrifiée, dure, brune. Mais si l'on cuit avec de la crème, par exemple, on peut faire du caramel mou, auquel on peut ajouter du beurre, du sel, etc.
A noter que l'on aurait pu commencer la cuisson sans eau : le sucre en contient un peu, mais il aurait été prudent de chauffer lentement.

Du point de vue chimique, la production du caramel d'une réaction très énergétique, que l'on peut comparer à l'action de l'acide fluorhydrique, l'un des acides les plus puissants connus. Et effectivement, une température de 140 degrés est considérée comme très élevée (excessive ?) pour les chimistes qui prennent bien soin d'utiliser des températures bien plus basses, pour les réactions qu'ils effectuent.
A cett température,  les molécules "organiques", celles des animaux ou des plantes, et, plus généralement, toutes les molécules composés  d'atomes de carbone, d'hydrogène, d'oxygène, d'azote, sont déstructurées par la chaleur. Il y a des groupes d'atomes (donc des molécules) qui se détachent des molécules chauffées, tel l'hydroxyméthylfurfural, qui précisément contribue au goût du caramel.
Mais il y a bien d'autres composés qui se forme, ce que l'on peut comprendre quand on sait que le sucre de table, le saccharose, est composé de deux moitiés que l'on nomme des résidus de glucose et de fructose : ces deux moitiés sont séparées par la cuisson du caramel,  et elles réagissent ensuite.
Par exemple les résidus fructose qui sont détachés se réapparient, formant des composés réactifs nommés dianhydrides de fructose, lesquels s'associent ensuite à des résidus de glucose, ce qui forme des molécules qui sont la masse solide  du caramel.

Et dans le caramel formé, il n'y a plus de saccharose, mais des produits de réaction : un mélange complexe, parce que le procédé culinaire est bien incapable de ne former qu'une seule sorte de produits.
D'ailleurs, on peut obtenir des caramels différents selon les ingrédients que l'on ajoute au sucre, tels des  acides, avec du vinaigre ou du jus de citron, des bases telle du bicarbonate.
Et c'est ainsi que l'industrie du caramel fait des caramels variés... qui sont considérés d'ailleurs comme des additifs avec le code 150, mais avec une lettre qui stipule  la façon dont les caramels sont produits.


3. Et quelques commentaires

En italiques, les phrases de mon correspondant, et en romain mes réponses. 


Par exemple, je rate bien souvent mes caramels... ce qui est frustrant c’est qu’il n’y a pas de technique précis et bien que le caramel à sec semble facile en vidéo, en pratique c’est tout de même bien difficile de contrôler le processus et arrêter le caramel au bon moment…

Je ne comprends pas comment c'est possible. A moins que chauffer trop fort, à sec ? Alors la masse de sucre caramélise trop d'un côté, pendant que le reste est intact ? Allons-y doucement, ou bien, comme j'ai expliqué, commençons avec un peu d'eau.


Par contre, quand on réussit un caramel à sec, c’est vraiment satisfaisant - la fonte du sucre en poudre en sirop caramélisé est une très belle transformation…

Et pourquoi cela serait-il satisfaisant... alors que j'ai jamais raté un caramel. Allons, un peu de soin, de patience, un feu pas trop fort, un peu d'attention.


De conception, l’idée de laisser «brûler» une poudre sèche sans y toucher afin qu’il fond est relativement frustrant comme on se sent très exposé au désastre du caramel brulé et l’envie de repartir la chaleur en remuant est bien présent… mais proscrit par les pro's !

Décidément, je ne comprends pas bien. Et pourquoi suivre les avis des professionnels s'ils sont mauvais ?


Peut-être que le sucre blanc en poudre est bien plus facile à utiliser que le sucre de canne blond que je préfère utiliser. En tout cas, la qualité et le type de sucre varie et la granulométrie également. Certains conseillent du sucre glace supposé «plus pure».

 Non, le sucre glace n'est pas plus pur que le sucre semoule ou cristal... au contraire ! Car pour empêcher qu'il ne fasse des "mottes", on lui ajoute des "antimottants", à savoir de la silice ou de l'amidon.
Oui, les impuretés qui font le sucre roux changent la caramélisation, en apportant des composés de natures variées.


Pour des grandes quantités du sucre il faut aussi procéder par ajout successifs ce qui ne facilite pas la tâche pour un amateur, et - c’est long...


Avec un peu d'eau, peu importe qu'il y ait peu ou beaucoup de sucre !


Vous avez mentionné dans un article comment l’ajout d’eau pourrait être un avantage et que l’eau s’évapore lors de la cuisson laissant en théorie un caramel possiblement aussi pur qu’un «caramel à sec».
Est-ce qu’un caramel «mouillé à l’eau» serait aussi «pur» qu’un "caramel à sec", et/ou comment controler la caramélisation précisement sans bruler le sucre ?


Et pourquoi l'eau serait-elle néfaste ? L'eau s'évapore, après avoir servi à fondre le sucre.


Il serait bien de comprendre comment mieux maitriser la caramelisation avec une méthode simple et quantifiable. Quel quantité d’eau pour quelle quantité de sucre, la bonne température de la cuisson, quelle taille de récipient pour quelle quantité de sucre, les differences entre sucre raffiné, de canne, sucre roux et sucre glace...

Quelle quantité d'eau ? Une ou deux cuillerées suffisent  : il suffit de les apporter au début afin que le sirop se forme. Et, ensuite, l'eau s'évapore.
Quantifier ? Ne faisons pas des choses compliquées : c'est si simple !


Un aspect de la caramélisation du sucre qui m’intéresse particulièrement est le caramel mou type «bonbon" que j’aime par sa consistance et qui serait intéressant à réaliser avec moins de sucre tout en gardant la consistance du bonbon mou/semi-rigide - ce qui passerait par l’ajout de matière non sucré tout en réussissant de «figer» le caramel. En effet, un caramel en crème (type caramel mou + chantilly) à un gout moins envahissant qu’un caramel mou mais plus intéressant à mon avis comme le goût sucré du caramel est un peu atténué… En diluant un caramel, on dirais que le parfum caramel survit mieux que le goût du sucré. Une plus grande proportion de crème ou autre ajout non sucré semble difficile de reproduire en forme de «bonbon» caramel… sauf bien sûr si la cuisine moléculaire saurait y répondre.

La question n'est pas celle du sucre, mais du caramel : dans du caramel bien fait, il n'y a plus de sucre, mais du caramel. Et pour avoir quelque chose de plus mou, il faut plus de matière grasse ou plus d'eau dans le produit final.

jeudi 28 novembre 2019

Une question difficile


Aujourd'hui, une question difficile, parce qu'elle porte sur une des réactions complexes de la science des aliments : la caramélisation, à ne pas confondre avec les réactions fautivement nommées "de Maillard", ni avec bien d'autres qui font apparaître des couleurs brunes dans les aliments.

Mais j'anticipe, et voici la question

 "Je me permets de vous soumettre une question qui m'intrigue depuis longtemps : avant d'attendre le stade de caramel, le sucre (saccharose) subit-il des transformations physiques ou chimiques lors de sa cuisson avec de l'eau ?
Plus précisément, lorsqu'on réalise un sorbet, par exemple, les recettes préconisent généralement de faire un sirop avec l'eau et le sucre, puis d'ajouter celui-ci au jus des fruits avant de sangler le mélange. Quel est l'intérêt de cette méthode ? N'obtiendrais-je pas le même résultat en dissolvant directement le sucre dans le jus de fruits ? Le sorbet n'en serait-il pas meilleur, dans la mesure où j'aurais évité la dilution par un apport d'eau supplémentaire ?
J'ai commencé à me poser cette angoissante question lorsque j'ai découvert, dans je ne sais quel grimoire, le verbe "décuire", qui me semble impliquer la réversibilité de la cuisson du sucre - contrairement à toutes les autres cuissons que je connais...
Si vous aviez l'amabilité d'éclairer ma lanterne, je vous en serais fort reconnaissant !


Des réactions avant la caramélisation ? Oui.

Commençons par le commencement. On part de sucre de table et d'un peu d'eau, et l'on chauffe. D'abord, le sucre se dissout, puis  on atteint l'ébullition : des bulles apparaissent, partant du fond de la casserole, montant dans le sirop et venant éclater en surface (en projetant de microscopiques gouttelettes qui salissent autour de la casserole ;-)).
Bien sur, il y a de la fumée, qui résulte de l'évaporation de l'eau, puis de la recondensation en gouttelettes dans l'air froid qui surmonte la casserole.
Puis on  voir la taille et l'aspect des bulles changer : si l'on mesurait la température, on verrait que, plus le sirop se concentre, plus sa température augmente, passant de 100 °C à 110, 120...
Puis, quand on atteint 140 °C environ, une couleur apparaît, d'abord jaune, puis blonde, puis brune (à ce stade, il y a une belle odeur de caramel), et enfin une odeur âcre envahit la cuisine.
Certainement, quand la couleur change, des réactions ont lieu, mais oui, il y a aussi des réactions quand une odeur apparaît... et même avant, surtout quand le sirop a été additionné de composés acides ou basiques : la molécule de saccharose se dissocie (on dit "hydrolyse") en glucose et en fructose, ce qui n'est pas anodin, car ces composés sont des "anticristallisants", qui évitent que le sirop, s'il était coulé sur un marbre froid, ne cristallise.
Bref, des transformations physiques, il y en a : le fait que les cristaux de sucre, formés d'empilements réguliers de molécules de saccharose, se dissocient, parce que les molécules d'eau, rapides (c'est cela, la "chaleur"), viennent heurter les empilements réguliers, ce qui libère les molécules de saccharose individuelles, lesquelles partent flotter dans l'eau. 
Mais mon correspondant est en réalité plus intéressé par la chimie que par la physique, et oui, les molécules de saccharose sont dégradées, au moins, d'abord, en glucose et en fructose.

Quand la température augmente un peu, la dégradation est plus poussée, et l'odeur de "cuit" que l'on sent est alors due à une foule de composés formés par le réarrangement des atomes de glucose, de fructose et de saccharose. Notamment se forme du 5-hydroxyméthylfurfural, qui s'échappe avec la vapeur. Et se forment aussi des "dianhydrides de fructose" qui, eux, ne s'échappent pas, restent dans la casserole, et réagissent avec des molécules de glucose pour former des polymères qui, au refroidissement, contribueront à la masse du caramel. Mais à ce stade, il y a mille molécules, parce que l'on oublie de dire que la caramélisation est une réaction telle que les chimistes hésiteraient à les faire, tant elle est énergique. Les dégradations sont dans tous les sens  !

A propos de sorbet, maintenant


Ici, la question est donc de faire un sorbet, et notre ami nous dit que certaines recettes  préconisent de faire un sirop avec l'eau et le sucre, puis d'ajouter celui-ci au jus des fruits avant de sangler le mélange. Obtiendrait-on le même résultat en dissolvant directement le sucre dans le jus de fruits ?
Certes, on peut mettre le sucre dans le jus de fruit, mais il faudrait alors chauffer le jus de fruit... et celui-ci prendrait un goût de cuit. Par exemple, il y a une étonnante différence avec les granny-smith, les poires, l'ananas, la fraises... et personnellement (mais c'est un goût personnel), j'aime bien avoir le goût du fruit non cuit, dans certains sorbets, et le goût du  fruit cuit dans d'autres.
Autrement dit, c'est une affaire de goût : si l'on veut le goût des fruits frais, la confection d'un sirop concentré que l'on ajoute au fruits que l'on broie est une bonne solution, mais si l'on préfère un goût cuit, alors oui, on peut ajouter le sucre au jus de fruits et chauffer.

Décuire

Enfin, vient la question de la "décuisson", qui n'est pas une véritable décuisson, en ce sens que ce n'est pas en ajoutant de l'eau et en chauffant un mélange de glucose et de fructose que l'on refera du saccharose !
Et la fameuse "décuisson" des sirops n'ira certainement pas transformer un caramel en sucre (contrairement  à la décuisson des oeufs, que j'avais proposée dès 1987 !).
Bref, le mot "décuisson" signifie seulement que l'on récupère un liquide, une "solution", au lieu d'avoir une masse solide.

Et plus

J'y pense : pour aider mes amis, je viens de publier dans l'Encyclopédie de l'Académie d'agriculture de France un texte sur les "sucres" : quelle est la différence entre un sucre, un glucide, un saccharide, un ose...
N'hésitez pas : c'est en ligne !


vendredi 2 mars 2018

A propos de caramel


La question du jour est triple :

Est-il possible de réaliser un caramel avec du beurre clarifié ?
Dans ce cas peut-on obtenir un caramel craquant ?
Et à l’opposé peut-on obtenir un caramel mou mais pas liquide ?


Tout d'abord, considérons une recette probable de mon interlocutrice :

1. Versez l'eau et le sucre dans une casserole. Faites chauffer la casserole.
2. Quand il est bien doré avec une odeur un peu âcre, ajoutez le beurre salé ou
le beurre doux hors du feu.
3. Mélangez puis ajoutez la crème fraîche.
4. Reportez votre crème à ébullition.


Je viens de tester l'idée du caramel avec du beurre clarifié... et tout s'est
bien passé, comme je m'y attendais, parce que la différence principale entre le
beurre clarifié et le beurre, c'est la présence (dans l'ordre décroissant de
quantités) d'eau, de protéines et de lactose. Mais il faut que je donne ma
théorie de la chose, en attendant d'avoir des observations qui la confirmeront
(avec l'aide d'un microscope).

Tout d'abord, on part de sucre et d'un peu d'eau : quand on chauffe, de l'eau
s'évapore, et la température reste d'abord égale à 100 °C. puis, quand la
concentration augmente, la température augmente aussi, et un brunissement
apparaît vers 140 °C. Le caramel se forme. Mais de l'eau subsiste.
Puis, quand on ajoute du beurre, ce dernier fond, libérant de l'eau qui vient
s'ajouter à celle qui restait. Où la graisse se trouve-t-elle ? Puisque nous
sommes en présence de graisse et d'eau, nous pourrions avoir une émulsion de
type eau dans huile, ou une émulsion de type huile dans l'eau : je penche pour
cette dernière, car l'ajout de crème vient se faire sans difficulté, la crème
apportant de la matière grasse sous forme de gouttelettes dispersées dans l'eau.
Puis, quand on poursuit la cuisson, on concentre encore un peu l'émulsion, et
l'on obtient la consistance voulue, qui évolue au refroidissement, dans la
mesure où la caramélisation, en plus de la couleur, engendre des "polymères",
longues molécules encombrantes qui augmentent la viscosité.

Mais je répète que ce sont des hypothèses, et qu'il faudrait une étude au
microscope. Pas difficile, mais il faudra trouver des secondes pour la faire.





 Vient de paraître aux Editions de la Nuée Bleue : Le terroir à toutes les sauces (un traité de la jovialité sous forme de roman, agrémenté de recettes de cuisine et de réflexions sur ce bonheur que nous construit la cuisine)