jeudi 30 mars 2023

La gastronomie moléculaire est la discipline scientifique qui explore les phénomènes qui surviennent lors de la préparation des mets. De la préparation, ou bien de la préparation et de la consommation ?

 La gastronomie moléculaire est la discipline scientifique qui explore les phénomènes qui surviennent lors de la préparation des mets. 

 

De la préparation, ou bien de la préparation et de la consommation ? La question est souvent discutée, et il y lieu de bien s'interroger, avant de trancher définitivement. 

 

Souvent, l'histoire des sciences donne des clés, et c'est un fait que, en 1786, Benjamin Thompson, devenu plus tard comte Rumford, identifia (« découvrit ») le phénomène de convection en se brûlant avec une soupe de pois. 

L'histoire est plus ou moins la suivante. Rumford dînait souvent de bouillon, et il était habitué à ce que ce dernier refroidisse rapidement. Un jour, alors qu'il avait dans son assiette une préparation épaisse, il se brûla la bouche et s’interrogea. 

C'est ainsi qu'il en vint à reconnaître, qualitativement, que les liquides peu visqueux, quand ils sont chauds et placés dans un environnement plus froid, sont animés de mouvements de convection qui accélèrent les échanges de chaleur. Les couches les plus chaudes montent vers la surface, s'y refroidissent par échange d'énergie avec l'air, et, devenues plus denses, redescendent vers le fond, tandis que des couches plus chaudes, montent, et ainsi de suite.
Au contraire, quand la viscosité est importante, les mouvements sont ralentis, voire interdits. 

 

Il s'agissait là non pas de cuisine proprement dite (la préparation des mets), mais de consommation, et l'on a été tenté de suivre l'exemple de ce grand ancien, parce qu'il est tentant d'imaginer que l'on puisse faire des découvertes scientifiques en examinant non seulement les phénomènes qui surviennent lors de la production des mets, mais aussi de phénomènes qui ont lieu lors de la consommation. D'où la question évidente : devons nous limiter la gastronomie moléculaire aux phénomènes survenant lors des transformations culinaires, ou devons-nous étendre le champ à cette chimie physique des phénomènes de la consommation ? 

 

A cette question, il y a deux réponses : l'une de contenu, et l'autre de communication. 

 

Pour la question du contenu, il n'y pas de réelle difficulté à étendre le champ de la discipline, même s'il y a une difficulté à définir précisément ce champ.
Du point de vue de la communication, c'est plus épineux, car on voit bien les sciences de la consommation des aliments rejeter cette incursion sur leur territoire, de sorte qu'il ne serait guère habile de vouloir étendre à la consommation le champ disciplinaire de la gastronomie moléculaire. Nos sociétés étant humaines, nécessairement humaines, la question de la communication ne peut pas être balayée d'un revers de main, et il faut donc, en l'absence de meilleure solution, se résoudre sans doute à limiter le champ de la discipline à la préparation des mets... sans s'interdire d'aller y voir plus loin : après tout, les hommes et les femmes ne se confondent pas avec les disciplines !

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