mardi 28 février 2023

A propos d'Edouard de Pomiane

 Sur twitter, j'ai été interpelé à propos d'Edouard de Pomiane, un merveilleux personnage, un extraordinaire poête de la cuisine, qui publia des interprétations des phénomènes culinaires et fut, en quelque sorte, un personnage de la préhistoire de la discipline nommée gastronomie moléculaire et physique. 

Pomiane tint l'une des premières émissions de cuisine à la radio, et il fut l'auteur de nombreux best-sellers, mais, sur twitter, j'ai mis en garde des interlocuteurs quant à la fiabilité de ses textes. 

Car oui, on est finalement jugé au résultat de ses actions... et les livres de Pomiane fourmillent d'erreurs. Il écrit, par exemple, que l'on ne pleure pas si l'on mord une cuiller en bois en épluchant des oignons... et j'ai vérifié expérimentalement que ce n'est pas vrai. Il écrit, par exemple, qu'il faut un fouet en fils de fer et une bassine en cuivre pour monter les blancs en neige... mais nous n'avons pas vu - expérimentalement- de différence entre ce système et un fouet en plastique dans un bol en verre... pour lesquels il n'y a pas cet "effet pile" dont parle Pomiane. 

Et ainsi de suite. Le pire, selon moi, est sa confusion entre technique, technologie et science, confusion qui le conduisit à introduire une sorte de chimère qu'il nomma "gastronotechnie".

Mais, pour autant, Pomiane eut une oeuvre intéressante historiquement, et j'ai publié un article où je cherche plus de justesse dans les appréciations : il est ici : https://seafile.agroparistech.fr/f/eea3fb23125346d29a19/?dl=1



samedi 25 février 2023

Deux recettes alsaciennes :

 Là, sur l'exemple d'une merveilleuse préparation que j'avais faite à l'Hôtel Renaissance de la Défense, pour mon ami Jean-Pierre Lepeltier, je propose un dessert alsacien :


1. macérer des épices de vin chaud dans de l'huile
2. dans un blanc d'oeuf, battre en ajoutant l'huile, de sorte que l'on obtienne une émulsion blanche (comme une crème, donc)
3. mettre deux centimètres dans un verre, et passer au four à micro ondes une vingtaine de secondes (jusqu'à gonflement).
4. ajouter du marc de gewurtztraminer
5. terminer par une mousse au siphon : blanc d'oeuf et gewurtztraminer, par exemple
6. napper de noix grillées.

 
Et j'imagine une sauce poisson, qui pourrait être du type de mon invention que j'ai nommée un priestley :
1. mixer très finement de la chair de truites de Guidat (Orbey)
2. ajouter du lait, ou un autre liquide (par exemple du riesling chauffé afin que l'éthanol soit évaporé)
3. cuire comme une crème anglaise jusqu'au nappage

dimanche 19 février 2023

Le blog d'un inconnu pour qui le summum de l'intelligence n'est ni la bonté ni la droiture, ni la connaissance.

 Un ami me signale un blog qui me critique... d'une façon qui révèle combien les préjugés sont puissants, et combien l'ignorance est une plaie. J'ai l'habitude, mais j'en profite pour rectifier des erreurs courantes : souvenons-nous du merveilleux Jean Largeault qui disait qu'il aimait les mauvais livres, parce que, a contrario, ils lui faisaient comprendre ce qu'il aimait vraiment.

Commençons par :
La Palice l’avait sûrement dit avant Hervé This :
« La cuisine, c’est de la physique et de la chimie » !


D'une part, je ne pense pas que Jacques de Chabannes, seigneur  de la Palice, ait dit cela... car la chimie n'est apparue qu'entre le tome 1 et le tome 4 de la publication de l'Encylopédie de Diderot, d'Alembert et Jaucourt, soit plusieurs siècles après.
D'autre part, non, la cuisine, ce n'est ni de la physique, ni de la chimie... tout simplement parce que la physique et la chimie sont des sciences de la nature, alors que la cuisine, c'est de la technique, doublée d'art. Ne confondons pas tout.

Puis :
Hervé This aime d’ailleurs beaucoup nous gratifier de lapalissades qu’il enrobe d’un jargon très élaboré pour nous vendre ses « vérités » scientifiques que je trouve souvent assez réductrices,
Ah bon, des lapalissades ? Que l'on me les montre : cela me permettra de m'améliorer. Quant au jargon, je dépasse rarement les mots atomes, molécules, composés... et je renvoie enfin à un billet qui explique que la "vérité" n'a rien à voir avec les sciences, lesquelles produisent des théories insuffisantes pour les réfuter;
Surtout, en cuisine, nos séminaires de gastronomie moléculaire n'ont cessé de montrer combien la technique culinaire était... perfectible ! Désolé si les a priori de certains ont été abattus, expérimentalement !

On y arrive :
ce qu’a d’ailleurs prouvé la cuisine moléculaire avec ses tubes à essais et ses éprouvettes, ses cuissons à l’azote liquide, ses fumées fumeuses et ses poudres de perlimpinpin !
Là, on voit l'auteur réactionnaire, qui ne peut supporter que du nouveau s'ajoute au classique... pour faire ce qui deviendra classique. Je prends souvent l'exemple du do-fa dièse de Jean-Sébastien Bach, si critiqué, de Mozart "qui mettait trop de notes dans sa musique", etc.

Continuons :
Car la cuisine n’est évidemment pas qu’une somme d’ « expériences ». Il y a aussi le savoir-faire ancestral, la transmission et le petit côté magique qui ne s’explique pas mais qui fait la différence au niveau du goût. Le petit supplément d’âme qui flatte aussi le palais et l’estomac.
Mais oui, la cuisine n'est pas une somme d'expériences (pourquoi entre guillemets ?), et je renvoie notre auteur à mon livre : La cuisine, c'est de l'amour, de l'art, de la technique.
Quant à l' "âme", commençons par montrer qu'elle existe ;-)

Enfin :
Toujours est-il que Mardi-Gras est un bon jour pour expérimenter la physique et savoir quelle est votre tendance à vous : force centrifuge ou force centripète ?
Pauvre auteur, qui ignore que, dans une rotation, il n'y a pas de force centripète, mais seulement une force centrifuge, et de l'inertie.

Mais évidemment, si tout ce qu'il écrit est une sorte de "poésie", pourquoi pas dire que les chiens sont des chats, les marteaux des tournevis...

Et puis, je ne peux être honoré que par l'estime de gens estimable. Inversement, être dénigré par quelqu'un dont les écrits sont fautifs ou de mauvaise foi, c'est plutôt une sorte de compliment qu'il me fait.


vendredi 17 février 2023

Les questions éthiques pour un journal scientifique



Sur la page d'entrée des Notes académiques de l'Académie d'agriculture de France, journal scientifique, technologique et technique, en ligne, au modèle diamant, nous venons d'introduire un fichier qui décrit les la façon dont nous considérons les questions éthiques pour cette publication.

Il s'agit en quelque sorte d'être clair avec notre environnement, à savoir les lecteurs, les auteurs, les bibliothécaires, le monde en général...

C'est l'occasion aussi de rappeler quelques règles de bonnes pratiques dans le milieu scientifique.

Par exemple peut signer un article ? Il est malhonnête, par exemple d'ajouter un auteur qui n'aurait pas contribué au travail, car la présentation d'un travail scientifique doit être signée par les auteurs de ce travail et par les auteurs du travail seulement.
Bien sûr, on est encouragé à remercier quelqu'un qui nous aidé, mais cette personne n'a pas le droit de prendre la responsabilité d'un travail en signant un article scientifique si elle n'a pas participé vraiment au travail.

Nous décrivons aussi comment sont gérés les manuscrits, comment ils sont évalués par les pairs, ce qui peut se passer en cas de conflit entre des auteurs et des rapporteurs, quel est le rôle des éditeurs...

Bien sûr, il y a lieu d'être extrêmement clair sur les questions de copyright, car la loi de 1957 décrit bien que la propriété d'une œuvre appartient à celui qui l'a produite et elle règle des questions de d'attribution des droits d'exploitation de l'oeuvre en échange de droits d'auteurs, par exemple.
Pour les revues scientifiques, surtout en ce moment, la question est compliquée car avec mes modèles dit en libre accès, c'est-à-dire pour lesquels les lecteurs ne payent pas, les auteurs en viennent à payer... et cela doit être discuté.

En l'occurrence, dans les Notes académiques, il y a pas de conflit d'intérêt de ce point de vue, car les auteurs ne payent pas non plus.

Dans notre déclaration éthique, il y a lieu aussi de discuter des questions d'éthique de l'expérimentation scientifique, par exemple quand il y a des volontaires humains qui participent à une étude et que leurs données personnelles sont utilisées pour un travail scientifique.

Et ainsi de suite : il y a toute une série de confédération qu'il faut absolument discuter clairement même si une instance internationale - le Comittee of Publication Ethics, ou COPE- donne des indications largement reconnues par la communauté.

A minima, notre document d'éthique se réfère aux documents du COPE, et nous déclarons  que nous adhérons à ses recommandations.

Et c'est ainsi, avec un contrat clair entre la revue et le monde où elle s'inscrit,   que nous pourrons travailler dans un cadre  honnête et juste.

jeudi 16 février 2023

Il faut justifier ses dires, ou être capable de le faire.


Je fais ce billet parce que cela fait quelques plusieurs fois en quelques jours que des correspondants me soumettent des "récits", des "thèses", sans justification et que, cela venant de personnes qui sont extérieures à la production de connaissance, je vois délivrer des informations douteuses et sans référence.

Par exemple, un de mes correspondants me signale qu'un chimiste vers 1930 aurait découvert "la molécule qui fait synthétiser le récepteur de l'amertume des légumes". D'abord, il n'y a pas une amertume, mais de nombreuses amertumes. Ensuite, puisqu'il y a de nombreuses amertumes, il y a de nombreux récepteurs. Ensuite, il n'existe pas de molécule qui déclencherait la synthèse de ces récepteurs. Bref, une telle phrase montre... qu'elle est très fausse, et que notre interlocuteur a mal recopié une information juste, sans comprendre, ou bien qu'il a recopié une information fausse sans comprendre que l'information était fausse.

Mais si la phrase qui m'est tendue est si fausse, que faut le reste ? Rien, en l'occurrence... d'autant que tout cela est donné sans référence.

Certes, moi-même, je ne donne pas toujours mes sources, mais je publie assez largement, publiquement, mon adresse email, en avertissant que je tiens à la disposition de ceux qui les demanderaient les références qui justifient mes dires.

Par exemple, je renvoie à mon livre Casseroles et éprouvettes pour le document qui fait état  d'études de marquage fluorescent fondé sur l'usage l'ion calcium pour détecter des  récepteurs de composés sapides amers.

Plus généralement, tout ce que je dis, tout ce que j'écris, se fonde sur des références. Et des références primaires, pas des sources secondaires, dont il y a lieu de douter. Chaque fait que je délivre doit être fondé sur une référence solide qui l'établit.

D'ailleurs, toutes les personnes qui ont publié des articles scientifiques avec moi pourront  témoigner du fait que je réclame  sans cesse "une phrase -> une référence ou plus ».

Oui, tout ce qui est écrit dans un article doit être sourcé, référencé et avec des règles très particulières que j'ai exprimé dans des nombreux billets et textes sur les bonnes pratiques en sciences.

Je sais qu'il y a des groupes où des adultes sont poussés à s'améliorer, notamment par la production de textes sur des sujets qu'ils choisissent, produisant des documents spéculatifs, des  "mémoires", mais il faut répéter que la qualité  d'un document analytique (pas la littérature) tient à la sélection des faits et idées rapportés, et au référencement de ces faits et idées.
Il est notamment essentiel de savoir reconnaître de bonnes sources... pour ne pas en citer de mauvaises sans analyse critique  : si l'on cite une référence médiocre en la prenant pour argent comptant, alors on endosse la médiocrité de cette référence.

La question des références est absolument essentielle en sciences et on ne répétera jamais assez que l'on ne doit se référer qu'à des textes "primaires", et ne pas citer des auteurs qui citent d'autres auteurs, et ainsi de suite.

Souvent, il y lieu de bien choisir les sources citées. Notamment quand  plusieurs auteurs ont contribué à établir le fait :  c'est l'auteur qui a établi le fait particulier que nous citons qui doit être cité et nul autre.

On n'a donc pas un choix considérable sauf à vouloir préciser des conditions d'établissement du fait.
Par exemple, si une méthode  d'analyse a été mise au point par un chercheur M, et que l'équipe N a utilisé cette méthode pour obtenir un résultat d'analyse particulier, alors on a le droit de citer à la fois N et M,  dans la mesure où l'on veut expliquer à la fois la méthode et son résultat.

Ce qui vient d'être énoncé n'est pas anodin, car la science demande des "moyens de la preuve", à savoir comment un résultat a été établi. Si l'équipe M a cité l'équipe N pour la méthode qu'elle a mise en œuvre, alors il devient légitime de citer M et N.

J'en profite aussi pour signaler que nous n'avons pas le droit de choisir entre plusieurs publications que l'on cite. Il y en a une et une seule, qui a été la première a  établir le fait que nous citons, et c'est celle-là qui doit être citée et nul autre.

Même si nous avons des amis qui ont travaillé sur le sujet et à qui nous voudrions faire plaisir ! Même si nous avons à coeur de citer toute une communauté.

Non, la bonne pratique en matière de référencement des informations consiste à citer, qu'on les aime  ou  pas, les personnes précises qui ont établi les faits que nous utilisons dans notre argumentation.

Et je reviens à la question initiale  :  de toute façon, un récit ne vaut rien s'il n'est pas correctement sourcé, et nous ne devons avoir aucune confiance dans un récit dont les composantes ne sont  pas clairement établies, ne sont pas fiablement établies.

mardi 14 février 2023

Un soufflé pour la Saint-Valentin



Une fois de plus, nous n'avons pas besoin de recette... pour faire un soufflé à la vanille.

Pour la Saint-Valentin, je propose donc un soufflé à la vanille, et je m'aperçois que c'est quelque chose de très simple à faire.

Car un soufflé à la vanille,  c'est un soufflé, d'une part, et à la vanille d'autre part.
Mettre un goût de vanille dans un soufflé,  ce ne sera pas difficile ;  de sorte que je propose de nous concentrer d'abord sur le soufflé.


Un soufflé,  c'est une préparation qui doit gonfler au four parce que l'eau s'évapore au fond du ramequin, poussant vers le haut les couches de soufflé qui sont plus hautes que les couches du fond qui s'évaporent.

Il faut donc partir d'une préparation qui contient de l'eau  : pour un soufflé, cela peut être une sorte de sauce blanche, ou bien une purée de fruits, par exemple.  

Ici, choisissons l'option "sauce blanche", en chauffant d'abord du beurre et de la farine, pour faire un "roux" de couleur claire, puis en ajoutant du lait, et en cuisant jusqu'à obtenir un épaississement.

Quand cette sauce a refroidi on lui ajoute la vanille, puis des jaunes d'oeufs.

A part, on bat les blancs en neige et on les ajoute à la préparation précédente.

Puis on met l'ensemble dans un moule beurré et sucré, et l'on cuit au  four à la température de 180 degrés, pendant un temps qui dépend de la taille du soufflé (entre 15 et 60 minutes).

Surtout il faut mettre le soufflé sur la sole du four (la partie inférieure, chauffée), pour que ce soit le fond du soufflé qui chauffe en premier, que la vapeur formée, qui prend beaucoup plus de place que l'eau liquide, pousse les couches vers le haut.

Et c'est ainsi que le soufflé gonfle,  tandis que la partie supérieure vient crouter, et que, après un certain moment, les protéines de l'intérieur du soufflé coagulent, rigidifiant la structure, faisant comme une sorte d'échafaudage un peu mou : de la sorte, le soufflet se tiendra quand on le sortira du four et il sera très délicat.

On le voit, il y a de la matière grasse, du sucre, de la vanille et tout cela contribue à faire un goût délicieux.
On peut même améliorer un peu en ajoutant une goutte d'arôme de truffe car l'alliance truffe et vanille est proprement envoûtant.

Je t'aime !

Guider un étudiant

 Un étudiant m'interroge sur sa future carrière, et je lui réponds : 



Pour bien répondre à la question,  il faut que je commence par expliquer clairement  les choses :
1. tout d'abord je propose de faire une distinction entre
- technique,
- technologie
- sciences (de la nature)
2. d'autre part je propose de bien distinguer la gastronomie moléculaire et physique, d'une part, et la cuisine moléculaire d'autre part ;  sans oublier la cuisine de synthèse que j'ai également inventée, et surnommée  cuisine note à note.

Pour ce qui concerne les "sciences",  je vais en parler maintenant en sous-entendant  " sciences de la nature", et non pas les sciences de l'humain ou de la société.

Commençons donc par revenir à la première des deux distinctions : l'activité culinaire est une activité technique qui certes se double d'une composante artistique et  d'une composante sociale ; mais produire un plat, c'est un geste technique.

Cela est donc très différent d'une activité scientifique, au sens des sciences de la nature, lesquelles doivent  utiliser la "méthode scientifique" pour explorer les mécanismes des phénomènes.
J'ajoute sans attendre que les sciences de la nature ne sont pas concernées par les applications, notamment les applications techniques.

Au milieu, entre la technique et la science, il y a la technologie, le travail de l'ingénieur, qui utilise les résultats des sciences de la nature pour améliorer la technique. En anglais, on parle parfois de technologie et parfois d'ingénierie.

Pour arriver à la seconde distinction maintenant, il y a donc
- la gastronomie moléculaire,  dont le vrai nom est gastronomie moléculaire et physique, et qui est de la science (de la physique, de la chimie, de la biologie...), sans s'intéresser aux applications.
- la cuisine moléculaire, elle, est une technique : c'est de la cuisine rénovée par les apports de la gastronomie moléculaire ou par l'introduction de matériels venus des laboratoires.
- la gastronomie moléculaire, d'une part, et la cuisine moléculaire, d'autre part, diffèrent  de la cuisine de synthèse, ou cuisine note à note, pour laquelle la question n'est plus celle des matériels mais celle des ingrédients : au lieu de cuire avec des carottes, des navets, des viandes ou des poissons, on utilise des composés purs et l'on construit des plats.

Tout cela étant dit, je peux maintenant répondre à son email.


Il me dit tout d'abord qu'il est un étudiant  "cherchant un espace dans le vaste champ de recherche de la gastronomie moléculaire" : si le terme gastronomie moléculaire est bien utilisé dans votre phrase, alors cela signifie qu'il veut faire de la recherche scientifique.

Il ajoute que son background n'est pas en cuisine mais en sciences et effectivement, pour faire de la gastronomie moléculaire, il y a lieu d'avoir une formation scientifique et certainement pas une formation culinaire, technique.


Puis il me dit que depuis 10 ans il s'intéresse au café, en tant que consultant à propos de méthodes de fermentation par exemple : cela est un travail passionnant ; un travail technologique, pas scientifique, mais très intéressant... et j'en profite pour lui signaler que dans mon laboratoire, une doctorante (aujourd'hui docteure) a fait une thèse sur la torréfaction du café : elle, parce qu'elle se dirigeait vers l'industrie... et moi parce que la préparation du café s'accompagne de bien des phénomènes que je voulais explorer.

Il me dit aussi qu'il  travaillé dans le secteur de la viande et du lait avec des modélisations mathématiques de l'environnement des fermes,  et cela me semble tout à fait intéressant ; c'est encore un travail appliqué, donc technologique.

Puis il me dit que l'alimentation et la cuisine sont une de ses passions et il me dit à nouveau qu'il imagine une transition vers la gastronomie moléculaire, en m'interrogeant sur le fait qu'il soit ou non trop tard quand on a 30 ans  :  il sera peut-être intéressé de savoir que jusqu'à l'âge de 50 ans, j'ai eu deux vies, d'une part une vie d'édition scientifique, et d'autre part une vie de laboratoire ; j'ai abandonné l'édition scientifique à l'âge de 50 ans pour aller à plein temps faire de la science au laboratoire, ce que j'aimais par-dessus tout.

D'ailleurs, il faut ajouter que même si j'invente des tas de choses, je le fais malgré moi, et que je n'en suis pas fier. Plus exactement, si je devais être fier de quelque chose, ce ne serait que de mes découvertes, et pas de mes inventions.
D'ailleurs la cuisine n'est pour moi qu'une sorte de prétexte : c'est en cuisine que nous voyons des phénomènes que nous explorons scientifiquement ensuite. Et il n'y a pas de technologie dans l'affaire.

Il me dit avoir cherché des articles de gastronomie moléculaire et je peux éventuellement lui en donner beaucoup,  tout comme je peux lui donner des cours que je donne dans différentes circonstances, notamment le master "food innovation and product design".

Puis enfin il me pose  la question de savoir où aller, ou, plus exactement, de savoir s'il y a  des groupes de recherche dans son pays ? Je connais dans son pays de nombreux groupes de recherche en food technology et par exemple.

Mais ma question est plutôt de savoir s'il faut vraiment que mon interlocuteur se dirige vers des sciences de la nature, c'est-à-dire tout sauf la cuisine et les applications technologiques, pour aller faire de la science.
Il sera peut-être intéressé de savoir que dans mon laboratoire il n'y a pas de casserole ; nous ne cuisinons jamais et nous faisons essentiellement des études scientifiques qui n'ont pas d'application ...    sauf qu'en réalité les applications sont partout pour ceux qui les cherchent.

Je veux aussi lui signaler que c'est dans l'industrie alimentaire au sens large qu'il y a à la fois de l'emploi et des salaires convenables.
Je crois savoir que, dans son pays, beaucoup de mes collègues font à la fois de la recherche plutôt technologique d'ailleurs, et de l'enseignement, aussi, que de la recherche scientifique.

Et je le renvoie vers un de mes billets de blog qui montre combien la confusion est constante : https://hervethis.blogspot.com/2018/09/la-science-des-aliments-nest-pas-la.html

En réalité, beaucoup de ce qui est nommé science de l'aliment est en fait plutôt de la technologie de l'aliment et non pas de la science de l'aliment.
Il est intéressant par exemple d'observer qu'il y a des centaines voire des milliers d'articles  consacrés au thé ou au café mais qu'un nombre excessivement petit (voire pas du tout) s'intéresse au mécanisme des phénomènes c'est-à-dire à la science.
La majorité des articles s'intéressent à la composition du thé au du café, à des ingrédients, à des procédés mais pas à la science.

Puis il évoque une intention de collaborer avec un restaurant étoilé : manifestement, il s'agira de technologie ou de technique et pas de science sauf s'il s'agit de communiquer des informations nouvelles, scientifique, auquel cas il s'agira de formation ou d'enseignement mais toujours pas de science.

Il me dit que ce restaurant veut créer un groupe de recherche et d'innovation : je le mets en garde contre le mot recherche car on peut faire de la recherche scientifique ou de la recherche technologique... ou de la recherche artistique ; c'est toujours de la recherche mais ce n'est pas toujours de la science.
Bref, le mot recherche n'est pas synonyme de science et en tout cas s'il y a en jeu la création d'un tel centre, alors c'est manifestement de la technologie ou de la recherche artistique qui sont concernés.


Et là, j'ai fait du mieux que je peux... Mais je peux faire plus, si  vous le souhaitez  ?

Guidance

I get a message asking me about guidance. 


And here is my answer :


In order to answer the question properly, I need to start by explaining things clearly:
1. first of all I propose to make a distinction between
- technology,
- technology
- science (of nature)

2. secondly, I propose to make a clear distinction between molecular and physical gastronomy (on more simply molecular gastronomy = science), on the one hand, and molecular cooking or cuisine on the other hand (technique) ; without forgetting synthetic that I also invented, also with the name note-by-note cuisine (also technique).
Indeed, if you have our Handbook of MG, this is said in the introduction.

By the way, as far as "sciences" are concerned, I am going to talk about them now by implying "sciences of nature", and not sciences of the human or of society.


Let us begin by returning to the first of the two distinctions: culinary activity is a technical activity that certainly has an artistic and a social component; but producing a dish is a technical gesture.

This is therefore very different from a scientific activity, in the sense of the natural sciences, which must use the "scientific method" to explore the mechanisms of phenomena.
I add without waiting that the natural sciences are not concerned by applications, especially technical applications.

In the middle, between technique and science, there is technology, the work of the engineer, who uses the results of the natural sciences to improve the technique. In English, we sometimes speak of technology and sometimes of engineering.


To arrive at the second distinction now, there is  :
- Molecular gastronomy, whose real name is molecular  and physical gastronomy, and which is science (physics, chemistry, biology...), without taking care of applications, only exploring the mechanisms of phenomena.
- Molecular cooking/cuisine is a technique: it is cooking renovated by the contributions of molecular gastronomy or by the introduction of materials from laboratories.
- these two (molecular gastronomy, on the one hand, and molecular cooking, on the other hand) differ from synthetic cooking, or note-by-note cooking, for which the question is no longer that of materials but of ingredients: instead of cooking with carrots, turnips, meat or fish, one uses pure compounds and builds dishes.

 
 
All that being said, I can now answer the email in details, and I  take it sentence by sentence

First, you tell me that you are a student "looking for a space in the vast research field of molecular gastronomy": if the term molecular gastronomy is used in your sentence, then it means that you would like to do scientific research.

You add that your background is not in cooking but in science and indeed, to do molecular gastronomy, you need to have a scientific background and certainly not a culinary, technical background.

Then you tell me that for the last 10 years you have been interested in coffee, as a consultant about fermentation methods for example: this is an exciting work; a technological work for sure, not scientific, but very interesting... and I take the opportunity to point out that in my laboratory, there was a thesis on coffee roasting: the PhD candidate, because she was heading towards the industry... and me because the preparation of coffee is accompanied by many phenomena that I wanted to explore.

Then you tell me that food and cooking are one of your passions and you tell me again that you imagine a transition to molecular gastronomy, and you ask me whether it is too late when you are 30 years old:  you might be interested to know that until I was 50, I had two lives, one in science publishing, and the other in the laboratory; I gave up science publishing at age 50 to go full time to do science in the laboratory, which I loved above all else.

By the way, I should add that even though I invent a lot of things, I do it in spite of myself, and I'm not proud of it. More exactly, if I were to be proud of something, it would only be my discoveries, and not my inventions.
Besides, for me, cooking is only a kind of pretext: it is in cooking that we see phenomena that we explore scientifically afterwards. And there is no technology involved.
I also want to point out that it is in the food industry in the broad sense that there are both jobs and decent salaries.
I understand that in your country, many of my colleagues are doing both research, which is more technological, and teaching, as well, than scientific research.

And I refer you to one of my blog posts that shows how constant the confusion is: https://hervethis.blogspot.com/2018/09/la-science-des-aliments-nest-pas-la.html
In fact, a lot of what is called food science is actually food technology and not food science.
It is interesting to observe, for example, that there are hundreds or even thousands of articles devoted to tea or coffee, but an excessively small number (if any) are concerned with the mechanism of the phenomena, i.e., the science.
The majority of the articles are interested in the composition of tea or coffee, in the ingredients, in the processes, but not in the science.

Then you mention an intention to collaborate with a starred restaurant: obviously, it will be about technology or technique and not science unless it is about communicating new, scientific information, in which case it will be about training or teaching but still not science.

By the way, one of the PhD in my lab created a company for selling consultancy (at that time, in molecular cooking), and this looks like what you intend to do. Her education in molecular gastronomy was very useful for her to do this job.

You tell me that this restaurant wants to create a "research" and "innovation" group: I warn you against using the word "research" because one can do scientific research or technological research... or artistic research; it is always research but it is not always science (= scientific research).
In short, the word research is not synonymous with science, and in any case, if the creation of such a center is at stake, then it is obviously technology or artistic research that is involved.


And here I have done the best I can. I hope that this was useful 

kind regards

À propos d'infrarouge



Cela semble un propos éloigné de la cuisine, mais on me demande d'expliquer les infrarouges... et je ne peux m'empêcher de reprendre cette expérience merveilleuse d'Isaac Newton , qui s'enferma dans l'obscurité, fit un trou dans le rideau pour laisser passer la lumière du soleil et interposa un prisme entre le trou du rideau et un écran noir. Le fin faisceau de lumière blanche fut étalé sur le prisme en un bandeau coloré, avec les couleurs dans l'ordre rouge, orange, jaune, vert, bleu, violet.

De chaque côté de ce "spectre", on ne voit rien : l'écran sur lequel on projette la lumière reste noir.

Toutefois, l'astronome anglais William Herschel eut l'idée de mettre un thermomètre dans le noir qui jouxtait le rouge... et il vit que quelque chose chauffait le thermomètre   : c'était l'indication  qu'il y avait là un "rayonnement" invisible à l'oeil nu, et qui avait été également étalé, comme les couleurs visibles. Ce rayonnement est aujourd'hui nommé infrarouge. Et on peut le percevoir en mettant la main près d'une joue : on ne voit rien, entre la main et la joue, mais on sent de la "chaleur" qui passe : c'est que la main -comme n'importe quel corps "chaud", émet des rayonnements infrarouges.

D'ailleurs, de l'autre côté du spectre, après le violet, on a également découvert des rayonnements invisibles à l'oeil nu : les "ultraviolets". Cette fois, la découverte date de 1801, par le physicien allemand Johann Wilhelm Ritter, qui observa la fluorescence du chlorure d'argent qu'il avait placée là.

Évidemment, encouragés par ces découvertes, les physiciens ont cherché encore plus loin l'infrarouge, du côté du rouge, et encore plus loin que l'ultraviolet, de l'autre côté, et c'est ainsi que l'on a  découvert les ondes radio, les rayons x, et cetera.

Quel rapport avec la cuisine ? Quand on met la viande sous le grill, il y a bien sûr la lumière jaune ou rouge du fer rougi qui chauffe la viande, mais il y a surtout les infrarouges qui assurent le rôtissage !
Quant aux ultraviolets, ils font fluorescer les vins blancs ou le Schweppes, pour de jolis effets dans les cocktails.

samedi 11 février 2023

A propos de plantes "bonnes pour la santé" : de la mauvaise foi !

 La mauvaise foi, la mauvaise foi, la mauvaise foi

On se souvient que j'ai fait voeu de ne plus parler publiquement de nutrition ou de toxicologie... mais cela ne m'empêche pas de sourire, quand j'en entends parler.

Par exemple, je reçois un message d'une personne qui veut extraire un composé particulier de plantes, et qui me demande conseil.
 

Elle me dit que cette plante est riche en isothiocyanate... mais ça commence mal : je connais DES isothiocyanates, et leurs propriétés sont différentes.
Et puis, cette personne me parle d'une plante d'une grande famille végétale... mais quelle plante ? Je reste échaudé d'une discussion récente avec quelqu'un qui ignorait que, dans une des familles qu'il citait, il y  en avait de  toxiques... et  je dis donc à mon interlocuteur qu'il y a lieu de faire attention : https://pubs.acs.org/doi/10.1021/jf9805754 par exemple.
J'ajoute ensuite des indications sur les isothiocyanates, notamment l'isothiocyanate d'allyle, qui est présent dans le raifort, par exemple.
Et, en faisant un peu de bibliographie, je découvre qu'il se décompose avec formation d'une odeur aillée (https://academic.oup.com/bbb/article-abstract/33/3/452/5977562, https://pubs.acs.org/doi/full/10.1021/jf970488w?casa_token=oYXrX-Jh9TQAAAAA%3AEcNFf_0FKsU0mzoyExUkcFIIP-mK6TNigx4oRp8UOIDgfuetyAUTp1ppDLvukCYtdizyUITUzTaOThAN)
Mais rien ne dit que le composé auquel pense mon interlocuteur soir l'isothiocyanate d'allyle : ce pourrait être un itc de méthyle, ou d'autres.
https://img.perfumerflavorist.com/files/base/allured/all/document/2016/03/pf.9236.pdf

Et je termine en signalant que, en tout cas, il y a lieu d'être prudent avec des doses. Le mieux : https://efsa.onlinelibrary.wiley.com/doi/abs/10.2903/j.efsa.2010.1943
 

Là, j'ai fait mon travail : je l'ai mis en garde, je l'ai mis sur des pistes, je l'ai alerté des dangers, afin qu'il puisse éviter les risques.

Et je reçois une réponse polie et amicale, des remerciements.
Très bien, mais j'apprends que l'utilisation de la plante en question donne lieu à des "pilules", des "gélules", des tisanes... et cela servirait à de la "détox".

Aie ! de la "détox" ? D'autant que je vérifie que la plante en question n'est pas nécessairement très "comestible". Mais on me connais : je me limite à citer à mon interlocuteur le compendium des plantes toxiques,  qui est essentiel  pour tous ceux qui utilisent des plantes : https://data.europa.eu/data/datasets/efsa-botanical-compendium?locale=fr
Et j'explique que, si j'ai bien compris, il y a un premier principe, selon lequel la dose est essentielle, puisque tout est poison, en quelque sorte... mais avec des exceptions pour les "perturbateurs endocriniens"... comme il y en a dans les plantes (la lavande, par exemple).
Bref, nous devons être très prudent, et surtout avec des préparations... d'autant qu'à  à côté des isothiocyanates, il y a peut être des composés  toxiques !
Et je termine en préconisant la consultation de vrais toxicologues compétents ! Sans croire ce qu'ont écrit des Hildegarde de Bingen et autres, qui n'avaient aucun moyen de connaître la toxicité des plantes (et qui, d'ailleurs, ont préconisé des plantes parfaitement toxiques).
Plus d'autres conseils techniques.

Mais mon interlocuteur, qui me remercie, s'accroche à cette idée selon laquelle
 la dose  fait le poison  : il oublie la deuxième partie de mon texte  !

D'autre part, il s'émerveille qu'une plante invasive ait des utilisations "bénéfiques" : c'est du mysticisme. Et il ajoute diverses indications justifiant que, oui, finalement, on peut utiliser la plante.

Là, ayant écrit un "traité de la mauvaise foi", je sais la reconnaître... Notre homme vend des préparations végétales, et il  cherche tous les moyens de continuer à le faire. Il veut ignorer que la pharmacie moderne se distingue des préparations des rebouteux par le fait que l'on extrait les principes actifs, qu'on les purifie, et qu'on les dose correctement, pour une prise raisonné, au lieu d'avoir des extraits aux concentrations incertaines.
Mais la cause est perdue  : notre homme continuera son activité. 



D'ailleurs, comme je lui dis tout cela amicalement, il me répond, et il me dit que tout va bien que "plusieurs facultés de pharmacie ont donne leur visa" (rien qu'une telle expression est injuste)... mais il ne répond pas à mes arguments.
La biblio, d'ailleurs, montre des documents d'une qualité toute relative, plus d'ailleurs des thèses que des publications scientifiques (pour ces dernières, quasiment rien, et dans des mauvaises revues).

Bref, la mauvaise foi est terrible !


lundi 6 février 2023

Les citrons confits


Les citrons confits ?

Il y en a deux sortes principales : les citrons confits dans l'huile et les citrons confits au sel.

C'est très simple dans les deux cas.

Pour les citrons confits au sel : quand on a utilisé des citrons, on les lave, puis on les met dans un bocal avec de l'eau qui les couvre tout juste,  et l'on ajoute ensuite environ la moitié en volume de sel. On garde ainsi les citrons dans la saumure pendant plusieurs semaines, et l'on obtient des citrons évidemment très salés, mais qui agrémentent agréablement les préparations (il en faut très peu) : tajine, sauce, etc.

Pour les citrons confits à l'huile : on lave les citrons, puis on les plonge dans l'eau bouillante ; on coupe le feu et on les laisse ainsi pendant 15 minutes. On les essuye, on y fait quatre incisions sur les flancs, et on y met du gros sel. On les maintient ainsi pendant deux jours, avant de les mettre en bocal avec des épices (clous de girofle, graines de coriandre, grains de poivre, feuille de laurier...). Puis on couvre d'uile d'olive chauffée, et l'on stocke au réfrigérateur pendant environ un mois, en récipient fermé, avant de les consommer, dans les deux mois.

Mon apport particulier, en cette occurrence ? Certes, je sais que le sel vient tirer de l'eau, sécher les citrons. Je sais que le sel prévient le développement microbien, que l'huile fait une couche qui évite les contaminations... mais, en réalité, mon apport principal est de donner des recettes testées depuis des années dans ma cuisine.

Et pour cuire des crevettes, à l'attention de ceux qui ne connaissent rien de la cuisine.

 
Si nous allons chez le poissonnier, nous voyons des crevettes de plusieurs sortes :
- rarement, et seulement chez les très bons poissonniers, il y a des crevettes encore vivantes, qui bougent, et celle-là sont évidemment bien préférables ;
- puis il y a des crevettes encore crues, mais qui ont été congelées et qui ont donc gardé une couleur grise une chair très tendre, presque transparente
- il y a enfin les crevettes déjà cuites, roses.

Évidemment, on ne cuira pas toutes ces crevettes de la même façon et, pour les crevettes déjà cuites, on évitera de recuire pour la raison qui s'applique aux trois cas : la chair des crevettes, comme comme les viandes très tendres initialement, durcit à la cuisson. Cest d'ailleurs le même phénomène que pour des œufs : quand on les cuit trop longtemps dans l'eau bouillante, le blanc devient caoutchouteux et le jaune sableux  : un désastre que nous voulons éviter.

Donc si l'on se procure des crevettes déjà cuites, alors il n'y a qu'à les réchauffer et il ne faut pas les  cuire une seconde fois.

Pour les crevettes crues, vivantes ou congelées, en revanche,  la cuisson est la même dans les deux cas à savoir qu'il faut coaguler les chair, ce qui leur donnera de l'opacité (pensons au blanc d'oeuf cru qui devient blanc et opaque en coagulant) mais pas plus.

Et il y a la question de la carapace : elle est faite de carbonate de calcium, inerte chimiquement, et de chitine, qui est un composé cousin de l'amidon, de la cellulose...

Chauffée fortement, la chitine brunit, et elle prend un goût remarquable. C'est pourquoi je n'hésite pas personnellement à cuire les crevettes dans leur carapace, à feu très vif afin de brunir cette dernière, et en arrêtant après quelques instants, dès que je pressens que la chair est coagulée.

Alors, on peut servir les crevettes encore brûlantes, éventuellement salées, poivrées, flambées au whisky, nappées de crème fraîche, arrosées de quelques gouttes de jus de citron :  les convives sont délecteront avant de se lécher les doigts.

Mais si l'on veut éviter à nos convives de ce salir, alors c'est en cuisine que l'on décortiquera les crevettes seulement à moitié cuites, que l'on réservera les carapaces pour poursuivre leur brunissement avant de les cuire dans de l'eau afin de produire une belle bisque, et que l'on terminera la cuisson des chairs afin qu'elles arrivent bien chaudes dans l'assiette.

dimanche 5 février 2023

Une nouvelle étape pour les Notes académiques de l'Académie d'agriculture de France.


En 2016 était créé, à l'Académie d'agriculture  de France, un journal scientifique, technologique et technique, sous le titre  Notes académiques de l'Académie d'agriculture de France, en abrégé N3AF.

Ce journal est au modèle diamant, ce qui signifie que ni les auteurs ni les lecteurs ne payent quoi que ce soit, puisque l'Académie d'agriculture de France considère que c'est sa mission d'animer la vie scientifique, technologique et technique dans les champs qui sont les siens, à savoir alimentation, agriculture, élevage, environnement.

Et c'est ainsi que des manuscrits ont été publiés, toujours avec une évaluation par les pairs en double anonymat, depuis 2016. Et les articles isssus de ces manuscrits sont en ligne, sur le site du journal : https://www.academie-agriculture.fr/publications/notes-academiques . On les trouve soit par année, soit par rubrique

Initialement, la revue fonctionnait avec un comité éditorial restreint et un comité élargi, mais cette structure  éditoriale a été refondée il y a deux ans, afin que le comité éditorial soit souverain, quitte à laisser des travaux aux "éditeurs secrétaires". 

Simultanément, les conditions de publication étaient élaborées, perfectionnées, et l'on trouvera sur le site les Instructions aux auteurs, tout comme la liste des rubriques variées dans lesquelles des manuscrits peuvent être soumis : https://www.academie-agriculture.fr/publications/notes-academiques/rubriques. Cela va des notes de recherches aux tribunes libres, en passant par les perspectives, les synthèses, les rapports... et les cours et autres documents didactiques (qui valorisent le travail des enseignants chercheurs).

Une nouvelle étape vient d'être franchie pour la revue : à la fin de l'année 2022, la revue a reçu ses ISSN,  pour la version papier comme pour la version électronique.

Et, tout récemment, des doi (sortes de "plaques d'immatriculation" pour les articles) ont été attribués à tous les articles publiés jusqu'à ce jour, ainsi qu'aux différentes publications afférentes, telles que les volumes semestriels.

À l'avenir tout article publié dans la revue aura donc un DOI.

 

C'est la l'étape essentielle pour l'inscription aux bases de données internationales telles que Web of science et Scopus, mais il faut bien dire sans attendre que la revue est parfaitement référencée notamment sur Google où elle apparaît immédiatement.

J'invite donc tous mes collègues à soumettre des manuscrits à la revue, en considérant, de surcroît, que le processus éditorial veut être positif, sans rien lâcher sur la qualité de publication.

Expliquons : dans de nombreuses revues scientifiques, le comité éditorial a plutôt pour mission  de refuser des articles, et des mauvaises raisons sont souvent invoquées lors des rejets, ce qui engendre beaucoup de rancoeur, fait perdre beaucoup d'énergie et de temps.

Pour les Notes académiques de l'Académie d'agriculture de France, c'est le contraire : pour bien valoriser le travail scientifique effectué, mais aussi pour contribuer à l'améliorer, nous voulons aider les auteurs à porter leur manuscrit jusqu'à une qualité publiable.

Autrement dit nous ne lésinons pas sur les allers-retours entre les rapporteurs (qu'il soit très vivement remerciés ici) et les auteurs, toujours dans le strict anonymat.

D'ailleurs, mieux qu'anonymat, il faut parler de double anonymat, à savoir que les auteurs ne savent pas qui sont les rapporteurs et les rapporteurs ne savent pas qui sont les auteurs.

Cette procédure vise à des évaluations impartiales des manuscrits, et contrairement à une crainte que seuls de petits esprits peuvent exprimer, cela ne conduit certainement les rapporteurs à être désobligeants envers les auteurs... D'autant que nous avons une politique très rigoureuse à ce propos : les éditeurs en charge des articles ont notamment mission de filtrer toutes les observations qui ne seraient pas factuelles, ou qui pourraient blesser les auteurs.

Mais je veux ici, d'abord,  remercier les rapporteurs, qui se dévouent pour faire publier des articles de qualité, en aidant anonymement leurs collègues qui soumettent des manuscrits et c'est à ce titre que nous proposons leur proposons de faire figurer leur nom et leur qualité dans les articles publiés.

Finalement, avec cette nouvelle revue, c'est un dialogue scientifique intelligent, positif, que nous organisons ainsi depuis 2016.

Les nouvelles étapes devraient conduire au développement de la revue et sans tarder, nous examinons les moyens à mettre en œuvre pour le temps pas si lointain ou les manuscrits afflueront en très grand nombre : nous devons absolument parvenir à conserver l'état d'esprit positif qui nous anime aujourd'hui et, aussi , assurer une très grande rigueur dans nos publications.

jeudi 2 février 2023

Comment faire un bon pot-au-feu quand on ne connaît rien à la cuisine ?



Comment faire un bon pot-au-feu quand on ne connaît rien à la cuisine ?

Dans un billet précédent de ce type, j'ai discuté le choix des viandes pour sauter ou griller des steaks, et j'avais évoqué les différences entre les viandes à griller et des viandes à braiser.

Les viandes à griller, pour faire court, son naturellement tendres, alors que les viandes à braiser sont dures, et c'est la raison pour laquelle les viandes à braiser doivent être ...braisées :  par là, on entend un procédé de cuisson un peu particulier, mais en réalité, on veut surtout dire qu'il s'agit de cuissons très longues et à basse température.

Je n'explique pas ici la cuisson à basse température , car je l'ai déjà fait dans d'autres billets, mais je répète seulement que des viandes dures s'attendrissent si on les cuit à des températures comprises entre 60 et 100 degrés pendant plusieurs heures ou dizaines d'heures : le tissu collégénique, qui rend ses viandes dures, est alors dégradé, ce qui libère dans le liquide de cuisson de la gélatine et des composés qui donnent beaucoup de saveur au bouillon. De sorte que, finalement, la cuisson d'un pot-au-feu est extrêmement simple : on met de la viande avec de l'eau et l'on chauffe à couvert pendant plusieurs heures ou dizaines d'heures.

Soyons maintenant  un peu plus pratique.

Disons d'abord que la quantité d'eau doit être juste suffisante pour mouiller la viande, c'est-à-dire que pour qu'elle soit entièrement couverte, mais pas plus : c'est ainsi que le bouillon sera bien concentré, avec beaucoup de goût.

D'autre part, le couvercle s'impose parce que toutes les odeurs qui partent en cuisine sont perdues pour le plat  : il faut donc un couvercle qui retient les composés odorants en même temps d'ailleurs qu'il économise de l'énergie (car une casserole couverte chauffe consomme beaucoup moins d'énergie qu'une casserole découverte).

Puis, il faut ainsi cuire pendant plusieurs heures ou dizaine d'heures selon le degré d'attendrissement que l'on souhaite.
C'est ainsi que hier, nous avons mangé en famille un pot-au-feu qui avec cuit pendant 3 jours à tout petit frémissement : l'eau ne doit pas bouillir sans quoi la viande durcit au lieu de s'attendrir ; on récupère un faisceau de fibre séparées mais sèches,  au lieu d'avoir, quand on cuit à basse température une viande qui se défait facilement presque à la cuillère, mais dont les fibres restent tendres.

Je suis de ceux qui ne cuisent pas les légumes du pot-au-feu dans le pot-au-feu lui-même, mais à part : dans une casserole je mets un fond d'eau, et les légumes que sont navets, carottes, poireaux, et je cuis à couvert, cette fois-ci à la température d'ébullition de l'eau pendant une vingtaine de minutes.

Puis, je récupère des carottes et je les écrase avec de la moutarde et des œufs durs, pour faire une sorte d'accompagnement, de condiment.

Et c'est ainsi que je sers mon pot-au-feu avec un bol du bouillon concentré que nous avons obtenu en évitant de mettre trop d'eau, avec la viande parfaitement tendre, avec les légumes qui ont gardé leur goût frais de légumes, avec le condiment de carotte, mais aussi avec moutarde, fruits (cerises, quetsches, mirabelles...à ou légumes (cornichons, petits oignons...) au vinaigre.

Mon ajout le plus récent : la moutarde de Crémone, une préparation condimentaire que je fais avec de la pomme, des raisins secs, de la moutarde, de l'oignon, de l'ail et parfois du citron confit au sel... donc je donnerai la recette une autre fois.