lundi 25 juillet 2022

Le fractionnement, c'est quoi ?

 

On m'interroge à propos du "fractionnement"... et je m'aperçois que j'ai beaucoup évoqué la chose, sans toujours l'expliquer.

Commençons par le plus simple : l'expérience faite au 18e siècle par Jacoppo Beccari et Johannes Kesselmeyer, et qui a pour nom "lixiviation du gluten" (je devrais mettre des guillemets supplémentaires à "gluten", mais bon, c'est une autre affaire).

On part de farine, on ajoute de l'eau, et l'on travaille pour faire une boule de pâte.
Puis, quand la pâte est bien dure, élastique, on le met dans une bassine d'eau claire, et on triture doucement : cela fait sortir une poudre bien blanche, tandis que ne reste entre les doigts qu'un chewing-gum jaune, qui est ce que l'on a nommé "gluten".
Là, on  a fractionné la farine en amidon et gluten : on a fait deux fractions.

Le même type de procédés peut être appliqué à l'amidon, et il conduirait à deux fractions : les amyloses, d'une part, et les amylopectines, de l'autre. Idem pour le gluten, que l'on pourrait fractionner par l'éthanol, par exemple.

Bref, dans tous les cas, il s'agit de préparer des "substances" à partir d'une matière initiale.

Industriellement, cela est fait pour le lait, notamment avec des procédés "membranaires" : une filtration, qui sépare l'eau du reste, par exemple. Cela est fait à partir du blé, avec le son, différentes fractions de la farine. Et ainsi de suite.

Evidemment, il y a un lien entre le fractionnement et l'analyse, car, souvent, les procédés modernes de fractionnement sont fondés sur des procédés d'analyse (chimique).

Ai-je expliqué assez ?

dimanche 24 juillet 2022

"La cuisine note à note respecte-t-elle une démarche éco-responsable ?"

 

La cuisine note à note respecte-t-elle une démarche responsable ?

Débarrassons-nous tout d'abord de la question : que signifie "éco-responsable" ? Et je lis dans un dictionnaire :
"Qui cherche à intégrer des mesures de protection de l'environnement dans ses activités, ses principes, etc."

Sur cette base, sans aller plus loin pour l'instant dans l'analyse de cette définition, je comprends maintenant que la question qui est posée ressemble à celle que j'ai préalablement traitée à propos de la responsabilité de la science  : la science n’est responsable de rien, et ce sont les individus qui sont responsables. Ici, dans la question, il n’est pas question de responsabilité mais de “respect” :  la science ne respecte rien et elle n'a rien à respecter parce que ce sont les individus qui peuvent éventuellement respecter quelque chose. Ici, idem  : la cuisine ne peut rien respecter, parce que ce n’est pas une personne, et c’est seulement le cuisinier, la cuisinière qui peuvent “respecter” (d’ailleurs, quand je lis le mot “respect”, je m’interroge toujours sur son sens dans le contexte considéré, sur la pertinence d’utiliser le mot, notamment).

Bref, ici, il n'y a pas lieu de répondre à la question qui est posée car la cuisine note à note, n'étant pas une personne, ne respecte rien. Plus exactement, cela n'a pas de sens de dire qu'elle puisse respecter ou non quelque chose.

Il faut donc transformer la question et, par exemple, se demander si, quand on cuisine note à note, on est plus éco-responsable que si l'on cuisine de façon classique.

Et là encore, il n'est pas possible de donner une réponse parce qu'il y a mille cuisiniers différents, mille façons de cuisiner de façon classique et mille façons de cuisiner note à note.

Par exemple, si l'on produit une bouillie, une galette de blé noir ou un cassoulet, si l'on rôtit un poulet, si l'on consomme des crudités... Qui me dira l’effet précis sur le climat ou sur l’avenir du Globe ? Personnellement, je n’ai pas ces données. Chacune de ces pratique, pourtant, a sans doute un effet particulier… A moins que la question, encore, ne soit mal posée : des crudités faites de végétaux cultivés localement sont-elles plus “éco-responsable” (le terme de mon interlocuteur) que des crudités venues de plus loin ? D’autant que “cultivées localement” n’a sans doute pas de sens non plus : deux maraîchers peuvent avoir des pratiques très différentes !

Et les conséquences de la cuisine sont innombrables: en termes d’énergie, de déchets, de déchets valorisables ou non, de consommation de biens accessoires (casseroles, etc.) dont la confection et le transport a aussi un effet, de production de gaz à effet de serre (flatulences), etc. La question est vraiment très compliquée !

De même pour la cuisine note à note ! Car on pourra utiliser des protéines végétales (celles de soja n’ont pas les mêmes effets que celles de chanvre ou de pois, par exemple) ou animales, des polysaccharides d'origines variées, de plantes ou d'algues par exemple, de phénols très divers, etc. Et selon la façon dont on cuisinera note à note, on aura des effets variés sur le climat, par exemple.

Bref, cuisiner a une foule de conséquences qu'il serait bon de détailler plus explicitement que par cette expression « démarche éco-responsable » que je ne comprends pas très bien. Plus exactement, n'étant pas spécialiste de ces questions, j'ignore la totalité des types d'effets que nos actions ont sur… sur quoi au fait ?

samedi 23 juillet 2022

L'épaississement de la farine chauffée dans l'eau

 
L'épaississement de la farine chauffée dans l'eau ? Dans nombre de préparations culinaires telles que les velouté, la crème pâtissière, etc., on chauffe de la farine dans de l'eau, et l'on obtient un épaississement, en même temps qu'une opacification. Pourquoi ?

La farine, comme les fécules, est principalement composée de grains d'amidon : de petits grains qui paraissent blancs, mais sont en réalité transparents, la blancheur résultant de réflexion de la lumière généralement blanche à leur surface.

Ces grains sont des couches concentriques, tels des cernes arbres, et chaque couche est composée de molécules de deux types : des molécules d'amylose, et des molécules d'amylopectine.

Toutes ces molécules d'amylose ou d'amylopectine sont des "polymères", à savoir des enchaînements de motifs élémentaires. Plus précisément, ce sont des "polysaccharides" : les motifs élémentaires sont des résidus de sucres, et principalement des résidus de glucose.

La différence essentielle entre les molécules d'amylose (il y en a plusieurs sortes, mais elles sont très semblables) et les molécules d'amylopectine (il y en a également diverses sortes), c'est que les molécules d'amylose sont linéaires, comme des chaînes, tandis que les molécules d'amylopectine sont ramifiées, comme des arbres.

Quand un grain d'amidon se trouve dans l'eau chaude, le mouvement d'agitation des molécules d'eau permet de venir déloger les molécules d'amylose de la surface du grain : ces molécules d'amylose "fuient" vers la solution, tandis que des molécules d'eau s'infiltrent entre les molécules d'amylopectine, et se lient d'ailleurs à elles.

Cette entrée de l'eau fait gonfler le grain, et les forces (on parle de "liaisons hydrogène") entre les molécules d'eau et les molécules d'amylopectine maintiennent le grain gonflé... un certain temps : quand on chauffe trop longtemps, la structure gonflée se défait, surtout quand on agite la solution (mixeur).
Et c'est ainsi que les sauce épaissie qui sont cuites trop longtemps finissent par se refluidifier.


vendredi 22 juillet 2022

À propos des types de farine


 
Pour les cuisinières et cuisiniers domestiques, le choix des farines n'est pas si grand, et les recettes notamment préconisent surtout l'utilisation de farines "de type 45" ou "de type 55".

Et les livres de cuisine d'ajouter que les farines de type 45 seraient mieux adaptées à  la pâtisserie,  tandis que les farines de type 55 conviendraient mieux pour du pain, par exemple.

Mais l'alimentation française a fait des progrès considérables et, même en supermarché, aujourd'hui, on trouve des farines d'autres types, par exemple 70, ou 80.


Que sont ces "types" ?

On gagnera à se souvenir que la farine est faite à partir de grains de blé qui sont moulus.

Initialement, ces grains ont une enveloppe, le son, et une amande, faite principalement d'amidon.

Plus on conserve le coeur du grain, et plus la farine est blanche... mais moins elle contient de protéines: ce fameux "gluten".

Sauf que, pour selon blés, il y des contenus en protéines très différents, et le coeur d'un blé riches en protéines peut contenir plus de protéines que la partie externe d'un autre blé.

Le "type", c'est le taux de cendres : la masse de cendres qui reste après la calcination d'une masse donnée de farine.

Et, souvent, les farines de type élevé ont plus de protéines que des farines de type inférieur... mais pas toujours, car le taux de cendres et le taux de protéines ne sont pas parallèles.

Cela fait des décennies que je milite pour que les fabricants donnent, sur les paquets, des indications utiles aux utilisateurs.  


mercredi 20 juillet 2022

Comprenons ce que nous disons !



On m'interroge (et pas sans arrière pensée) :

Dire qu’il y a une chimie du goût, n’est-ce pas une façon de légitimer un usage raisonné de la chimie aussi dans la fabrication des aliments ?

Oui, on m'interroge avec cette phrase et je pressens que mes interlocuteurs  voudraient que je réponde par l'affirmative.

... mais ils oublient que je sais lire et, surtout, que je m'interroge sans cesse sur le sens exact des mots.

Avant de répondre, il y a donc lieu de d'examiner la chose lentement : https://scilogs.fr/vivelaconnaissance/comprenons-ce-que-nous-disons-et-ne-faisons-pas-porter-aux-sciences-le-chapeau-des-applications/

dimanche 17 juillet 2022

Comment éviter que les jaunes ne crèvent, quand on fait une galette de sarrasin ?

 

Commençons par le problème : en Bretagne on produit de telles galettes à partir de farine de blé noir, ou sarrasin, et d'un peu d'eau ou de lait, du sel. La pâte assez liquide est versée à la louche sur le bilic, c'est-à-dire une plaque épaisse de fonte, chauffée et préalablement graissée ; à l'aide d'une petite raclette, on fait une couche de pâte aussi mince que possible. Quand une face est cuite, on retourne la galette et l'on dépose au choix du fromage du jambon et de l'oeuf.

 

Il existe des galettes de différents types, mais celles à l'oeuf miroir doivent avoir le jaune intègre, non crevé, ce qui n'est pas facile, car lors des manipulations il arrive souvent que la mince pellicule qui entoure le jaune d'oeuf se rompe. Comment l'éviter ?

 La suite ici : https://scilogs.fr/vivelaconnaissance/comment-eviter-que-les-jaunes-doeufs-ne-cassent-quand-on-fait-une-galette-de-sarrasin/

jeudi 14 juillet 2022

Intelligence artificielle et gâteau au chocolat

 Je reçois ceci : 


J'ai fait cette vidéo youtube qui peut vous intéresser je pense :https://www.youtube.com/watch?v=at32u-reCHU&t=1s .

 

Et effectivement, c'est intéressant. Je réponds : 

 

Bravo et merci. Je viens de le twitter... en observant toutefois que la cuisine, c'est moins une question de technique que d'art, et, mieux, d'amour.
Pour l'art (le bon, c'est le beau à manger, plus que le beau à voir, qui relève, lui, de la composante sociale), il n'y a pas de règle... et d'immenses débats à propos de "AI et art".
Et puis, ce que j'aime hic et nunc, ce n'est pas ce que j'ai aimé hier, ni ce que j'aimerai demain... notamment parce que mon humeur, mon appétit, ma compagnie ont été, sont, seront différents. Un nouveau travail en perspective ?
bien cordialement

 

A propos de "traditions culinaires"

 En cuisine, le traditionnel est-il  bon ?

Il y a une première difficulté, dans cette question : le "traditionnel" n'est pas bien défini, pas clair, de sorte que, dans une discussion publique de la chose, il y a le risque que chacun y mette ce qu'il y met... sans d'ailleurs bien savoir ce qu'il y met. 

 

Car, pour commencer,  le traditionnel des uns n'est pas le traditionnel des autres. Par exemple, le traditionnel des Alsaciens n'est pas celui des Provençaux, et, même, le traditionnel des Haut-Rhinois n'est pas celui des Bas-Rhinois. Mieux encore, dans mon village, il y  a une tradition des crécelles (Ratscha)  d'avant Pâques, qui n'existe pas dans les villages voisins, mitoyens. 


Bref, "le" traditionnel n'existe pas. De sorte qu'il ne peut être bon (les "carrés ronds" ne sont pas rouges, puisqu'ils n'existent pas). 


Supposons, pour simplifier, que le "traditionnel" soit notre traditionnel à nous, individu particulier ayant une histoire particulière. Qu'il soit bon ou non, peu importe, car il est traditionnel, et cela fait des millénaires que l'on sait qu'il est inutile de discuter des goûts, car chacun a les siens,  qui n'ont aucune valeur universelle. A quoi... bon en discuter ?

 
Cela étant, dans la question, il y a aussi la difficulté du mot "bon". Dans le bon, il y a le sain, le non toxique, mais il y a aussi le « ce que j'aime ». Or nous aimons souvent ce que nous avons appris à manger quand nous étions plus jeunes, que cela soit sain ou non.
Pour l'Alsacien, le munster est bon, mais il ne l'est pas pour certains de nos amis asiatiques. Pour certaines populations, les scorpions grillés sont un régal, mais l'expérience m'a montré que mes collègues parisiens n'étaient pas prêts à en manger. D'un point de vue toxicologique, le munster ne présente pas de risque quand il a été « « bien fait », pas plus que les scorpions grillés quand ils ont été bien grillés. 


Reste alors la question  toxicologique : manger sain. Là, encore, difficile de généraliser. Il est vrai que certains groupes humains ont appris à rendre comestible des ingrédients qui ne l'étaient pas.
Par exemple, les haricots blancs contiennent des composés toxiques que la cuisson détruit. Le manioc, également, est toxique, quand il n'est pas préparé, et les êtres humains ont trouvé une façon traditionnelle d'assainir le tissu végétal. En revanche, il est de nombreux cas où l'humanité croit manger sainement parce qu'elle mange traditionnellement, mais s'intoxique sans le savoir. Dans nombre de remèdes dits fautivement "naturels", il est proposé des ingrédients dangereux.
Mais cela, personne ne veut le savoir. Et il y a aussi les cas où l'on mange du malsain en ne voulant pas le savoir (barbecue, par exemple).
 

Bref, bien des difficultés pour une simple question !

mercredi 13 juillet 2022

A propos de nos séminaires de gastronomie moléculaire

 Je m'aperçois que, dans la presse du déménagement de nos laboratoires à Palaiseau, j'ai omis de publier ici les résultats d'expériences effectuées lors de notre dernier séminaire. 


Les voici : 



2.1. Agnès Verboom, La Table, guide complet de la maîtresse de maison, Paris-Bruxelles, Administration du Moniteur des dames et des demoiselles (sd), p. 244 : « Sauce au beurre. Mettez 60 g de bon beurre frais dans une casserole et faites-le fondre à petit feu sans le laisser bouillir, sinon il tournerait en huile ».


On commence les expérimentations en plaçant environ 60 g de beurre dans une casserole et en chauffant (plaque à induction, environ 6/9). La casserole est « vannée » (agitée d’avant en arrière, comme quand on monte une sauce au beurre).

Alors que l’on s’attendait à une « clarification », avec la formation de deux phases, on voit au contraire un liquide homogène, de type émulsion, sans séparation : on se souvient que l’on peut obtenir une émulsion quand il y a plus de 5 % d’eau, ce qui est le cas, puisque le beurre en contient jusqu’à 18 %.

Quand le beurre est entièrement fondu, cet état subsiste (on se souvient que, quand une préparation blanchit, en cuisine, c’est souvent parce qu’il y a une mousse ou une émulsion).

On décide alors de pousser le feu pour observer la déstabilisation de cette émulsion.

Quand de la fumée apparaît au-dessus de la casserole, une odeur se fait sentir.

On voit l’ébullition de la préparation, avec formation d’une mousse blanche vers les bords de la casserole, mais l’émulsion demeure.


On décide alors de chauffer davantage pour faire tourner en huile.

Quand on obtient ce résultat, en se souvenant du séminaire sur la béarnaise rattrapée, nous décidons d’ajouter de l’eau (environ 3 cuillerées à soupe)… et nous voyons l’émulsion se former à nouveau !


Nous répétons l’ensemble des expériences en partant d’eau à laquelle nous ajoutons le beurre, et nous avons les mêmes résultats.


Puis nous répétons l’expérience sans eau, et sans vanner, et le résultat est le même.


On pousse alors le chauffage jusqu’à la formation d’un beurre noisette très soutenu. Et l’on ajoute de l’eau : l’émulsion se reforme spontanément.

Note : pour les questions de sécurité sanitaire du beurre noisette, voir Céline Niquet-Léridon, Philippe Jacolot, Claude-Narcisse Niamba, Nicolas Grossin, Eric Boulanger,

Frédéric J. Tessier. 2015. The rehabilitation of raw and brown butters by the measurement of two of the major Maillard products, N e -carboxymethyl-lysine and 5-hydroxymethylfurfural, with validated chromatographic methods, Food Chemistry 177, 361–368.


On recommence l’expérience, en fouettant à l’aide d’un petit fouet de cuisine, et, cette fois, on obtient une consistance bien plus « liée », notamment quand on augmente la proportion de beurre.



Une discussion a lieu à propos de la terminologie : le produit réalisé est-il un « beurre fondu », ou une « sauce au beurre », un « beurre émulsionné »  ? On devra examiner les sources historiques.


En pratique récente, en tout cas, ce produit était souvent destiné à un poisson : de l’eau et du jus de citron étaient salés, additionnés de piment de Cayenne, et montés au beurre.

Enfin, il reste à examiner le produit au microscope, pour savoir s’il est une simple émulsion, ou bien une émulsion foisonnée.




2.2. Elle, 7 août 1998, propose des pêches ébouillantées, puis mises dans l’eau glacées, et pelées. Elles sont ensuite pochées pendant cinq à douze minutes : « Couvrez la casserole de papier sulfurisé, afin qu’elles ne noircissent pas ».


On commence par discuter le terme « pocher », qui a été mal utilisé : on ne doit parler de pochage que quand la cuisson forme une poche (œuf poché, par exemple). Ici, le texte dénote de l’incompétence, car les pêches sont seulement bouillies, aucune partie corticale n’étant formée par une coagulation, par exemple. C’est ainsi que l’on pourrait parler de pêche au sirop, si la cuisson se faisait dans du sirop, de pêches au vin si la cuisson était dans du vin, etc.


Puis on discute du protocole expérimental à mettre en œuvre, en comparant les pêches aux tomates ou aux poivrons.


Pour les tomates, nous avions établi qu’un ébouillantage pendant 20 secondes donnait les meilleurs résultats et il est apparu que la technique du grill pour les poivrons, était à la fois longue, coûteuse et imparfaite : la peau des poivrons ne noircit pas partout, et elle reste adhérente dans les parties concaves. Certains (Pierre Gagnaire, La cuisine des cinq saisons) préconise l’utilisation d’un économe, et Yolanda Rigault procède au micro-ondes, en enveloppant les poivrons dans un linge, mais H. This a testé la même méthode que pour les tomates, pendant le même temps, et obtenu d’excellents résultats.

On décide donc que l’on fera une expérience préliminaire, pour les pêches :

- peler à vif : difficile pour les pêches blanches ou jaunes dont nous disposons ; cela emporte de la chair

- peler après 5 secondes dans l’eau bouillante : c’est déjà mieux, car on peut peler sans retirer de chairs

- ébouillantage pendant 10 secondes, puis eau froide : la peau s’enlève très bien

- ébouillantage pendant 20 secondes, puis eau froide : encore mieux.



Puis, un nombre suffisant de pêches étant pelées, on prépare deux casseroles avec de l’eau bouillante. Dans chaque casserole, on place deux pêches, et l’on couvre une casserole avec un système lamellaire fait de papier absorbant et d’un sac plastique.


D’abord, on cuit à petite ébullition pendant 5 minutes.

On retire alors une pêche de chaque casserole (non couverte, couverte) et l’on compare la couleur : aucune pêche n’a noirci !

On goûte les deux pêches : elles sont insuffisamment cuites, et, en tout cas, on ne distingue pas d’autre différence qu’une différente de goût/maturité.


Puis on prolonge le pochage couvert vs non couvert pour les deux pêches restantes, et on les sort après 16 minutes. Cette fois, les deux pêches sont bien cuites : un couteau s’enfonce bien.

Au goût, on ne voit pas de différence… mais surtout, il n’y a aucun noircissement pour aucune des pêches testées !


De sorte qu’il y a lieu de s’interroger : comment le journaliste de la revue Elle ose-t-il proposer un remède à un problème qui n’existe pas ?



mardi 12 juillet 2022

Quand le politique se fait mousser

Un homme politique a déclaré aujourd’hui qu’on pouvait faire une tonne de mousse avec un gramme de savon. Qu'en penser ? 

 Considérons que c'est avec des très grosses bulles qu'on a le plus de volume, de sorte que la plus favorable situation est celle d'une mousse qui serait réduite à une seule bulle, avec autour deux couches monomoléculaires de composé tensioactif, plus de l'eau. Soit r le rayon de la bulle, la surface à couvrir est 2 fois 4 pi r².

Avec 1 g de savon, en supposant une masse molaire de phospholipide de 200 g, on a 1/200 mole, et donc un nombre de molécules de 6e23/200, soit 3e21.
En supposant une surface moléculaire de 4x0.15e-9m x20 x0.15e-9m, 2e-18 m², on obtient une surface possiblement couverte par les molécules de phospholipides d'environ 6000 m2.
Soit 3000 m2 pour une face, et un rayon de 15 m pour la bulle.
Mais comme la mousse, c'est de l'air, qui compte pour presque 0 par rapport avec l'eau, la masse est réduite à celle de l'eau.



En revanche, on peut prendre le problème différemment : une mousse, c'est de l'air dans un liquide. Si on fait une ou plusieurs bulles dans un énorme volume d'eau, c'est formellement une mousse... et ça peut peser des tonnes... à condition d'être tordu.

 

Bref, il y en a qui causent trop. 

 

 

Faut-il vraiment accepter les modes hurluberlues ?

Je viens de nouveau de voir des individus (le mot n'est pas suffisamment péjoratif) qui préconisent de manger cru, en invoquant mille raisons aussi bizarres que fausses. Et ces personnes se disent "coach alimentaires"... alors que je les vois très ignorantes des questions chimiques qu'elles osent discuter publiquement : quelle impudence ! quelle malhonnêteté !


Mais, oublions ceux-là, et pensons à nos amis. Au fond, pourquoi préparer des ingrédients alimentaires avant de les cuire ?  La question est très générale,  et il est souvent bon de fixer les idées  par un exemple. 


Considérons des pommes de terre. Sorties de la terre, elles emportent un peu de cette dernière  avec elles, et, pour peu qu'elles aient été stockées pendant quelque temps, elles sont hérissées de petits bourgeons un peu vert. Appartenant à la famille des Solanacées, elles contiennent des alcaloïdes toxiques dans les deux à trois premiers millimètres sous la surface. Vertes ou pas ! Ces alcaloïdes ont évidemment une fonction, qui n'a rien à voir avec notre plaisir de manger des pommes de terre : ils assurant la protecction des tubercules contre les agresseurs du sol. De surcroît, les pommes de terre contiennent des pesticides naturels, ces derniers étant également là pour la protéger. 

Tiens, j'y pense : pour donner à mes amis la possibilité de vérifier ce que je dis, je les invite à consulter une publication toute récente à ce propos : 

Sebastian Baur, Nicole Bellé, Hans Hausladen, Sebastian Wurzer, Laura Brehm, Timo D. Stark, Ralph Hü cklhoven, Thomas Hofmann, and Corinna Dawid. Quantitation of Toxic Steroidal Glycoalkaloids and Newly Identified
Saponins in Post-Harvest Light-Stressed Potato (Solanum tuberosum
L.) Varieties, https://doi.org/10.1021/acs.jafc.2c02578

 

Prenons les choses à rebours : il faut peler la pomme de terre pour éliminer pesticides et alcaloïdes, mais aussi pour éliminer les bourgeons, également riches en tels composés, et, enfin,  pour éliminer la terre, qui porte avec elle des micro-organisems potentiellement pathogènes... sans compter qu'elle crisserait sous la dent de façon désagréable.
Il faut donc commencer par nettoyer et peler la pomme de terre,  mais cela est vrai pour l'ensemble  des ingrédients alimentaires : carottes, oignons, viandes, poissons. Dans certains cas, ce sont des composés de l'intérieur qui sont toxiques, telles les lectines hématoaglutinantes des haricots blancs, ou bien le manioc quand il n'a pas été bien traité, qui contient des glucosides cyanogéniques. Parfois, la toxicité est moindre que celle de l'acide cyanhydrique, tel le raffinose, sucre de la patate responsable de flatulences importantes.
Bref, les métabolites secondaires des plantes sont  bien hasardeux, et l'on se reportera donc avec intérêt à la séance publique, podcastée, que nous avions organisée à l'Académie d'agriculture de France le 9 décembre 2009.

On n'oubliera pas, enfin, que la cuisson tue les micro-organismes pathogènes éventuels, en même temps qu'elle change la texture et qu'elle donne du goût.

lundi 11 juillet 2022

Science citoyenne ?

 Cela fait longtemps que je dis que l'expression "science citoyenne" est fautive, idiote, démagogique, etc. 

Là, un collègue vient de faire un très utile article pour le dire : 

https://www.pourlascience.fr/sr/les-sciences-a-la-loupe/la-science-peut-elle-etre-citoyenne-23919.php



dimanche 10 juillet 2022

A propos de brunissement des aliments

Une question reçue par email : 


Formatrice en sciences appliquées je me posais une question, ainsi que mes collègues, sur le brunissement du rotissage ou braisage des viandes. Nous voyons souvent dans les manuels que la réaction de Maillard en est la cause. Mais quel est le sucre réducteur qui est responsable ?
Et si ce n'est pas la réaction de Maillard, a quoi est dû ce brunissement ?



Commençons par une discussion un peu hors sujet, à propos de ces "sciences appliquées" dont parle ma correspondante : cela n'existe pas ! Il y a des applications des sciences, mais l'expression "sciences appliquées" est erronée : si c'est de la science, ce n'est pas appliqué, précisément, et si c'est appliqué, ce n'est pas de la science. D'ailleurs, en cette année 2022 où nous commémorons la naissance de  Louis Pasteur, il est bon de rappeler qu'il fut  un de ceux qui ont bien expliqué qu'il y a la science, et les applications de la science. Si la science est appliquée, ce n'est plus de la science, mais de la technologie, ou de la technique. Il faut donc absolument militer pour changer cette terminologie fautive : aidez-moi s'il vous plaît, militez avec moi. La science, c'est la science ! Les applications, ce sont le plus souvent de la technique. 

A propos des brunissements, maintenant

Il y a des brunissements de très nombreuses sortes, comme je crois l'expliquer bien dans mon Traité élémentaire de cuisine. Par exemple, quand vous mettez dans de l'eau un sucre nommé acide galacturonique (un "maillon" des molécules de pectine) et quand vous chauffez cette solution limpide et incolore... vous obtenez un brunissement terrible, en quelques heures, alors qu'il n'y a qu'un sucre. Pas d'acides aminés ! Pas de protéines ! Les réactions ont pour nom "déshydratation intermoléculaire".
Autre exemple : quand vous coupez une pomme, elle brunit... et cette fois, c'est une réaction enzymatique, par des enzymes nommées catécholases, polyphénol oxydases, etc.


Les réactions de Maillard... Il ne faut pas parler de réactions de Maillard, puisque cet homme n'est pas celui qui a découvert que sucres réducteurs et acides aminés ou protéines réagissent  : ce sont Amadori, Heyns, et, surtout, Emil Fischer ou son élève Schmiedeberg. D'ailleurs, l'Union internationale de chimie a statué : on doit parler de "réactions de glycation". 

Pour les "réactions de Maillard", l'expression qui les désigne fautivement, donc, a  été galvaudée à l'infini, par des gens (y compris des auteurs de manuels : d'ailleurs, où est la preuve de leur compétence, à part leur prétention à enseigner aux autres ?) qui ont souvent été bien ignorants...

 

Et oui, je suis partiellement responsable de cela, parce qu'il est vrai que, dans les années 1980, j'ai popularisé les "réactions de Maillard", qui étaient méconnues.
Mais, depuis, je rencontre des cuisiniers qui vont même jusqu'à me donner des cours... d'erreurs. Par exemple, il n'est pas vrai que les réactions de glycation se font seulement à haute température : la preuve est que l'opacification du cristallin des personnes diabétiques est le résultat de réactions de glycation... qui se font à 37 degrés. Où est la haute température ? 


Je terminerai en disant que, le plus  souvent, à haute température, les réactions sont des "pyrolyses" (il existe une journal scientifique international tout entier consacré à ce sujet). Ce ne sont pas les seules, comme je vous l'ai indiqué avec le brunissement de l'acide galacturonique : il y a des oxydations, des hydrolyses, des "déshydratations", des pyrolyses, des réactions de glycation, des foules de réactions possibles, qui conduisent à des brunissements, notamment d'un rôti. 


Et pour en revenir à l'enseignement, il faut donc se poser la question de savoir ce que l'on veut enseigner : si l'on dit au jeunes que le brunissement des viandes résulte de réactions de glycation, ou de pyrolyses, à quoi cela leur servira-t-il ?
La question était au coeur de mon Traité élémentaire de cuisine, écrit spécifiquement pour les professeurs et les élèves, au moment de la réforme du CAP. Je sais que quelques vieux professeurs ou professionnels résistent à la vérité, mais je crois que nos jeunes méritent mieux. Je reste atterré, par exemple, de voir des cuisiniers étoilés confondre les mousses et les émulsions. Voilà un combat bien plus important, je crois, que de nommer les réactions du brunissage des viandes lors d'un rôtissage. 


On demande à l'inspecteur général d'organiser des états généraux de l'enseignement culinaire ?




jeudi 7 juillet 2022

Réponse à des interlocuteurs japonais



Je réponds à des interlocuteurs, intéressés par la confection de programmes de télévision à destination des enfants.

Nous savons que vous avez créé la gastronomie moléculaire et physique en 1988. Qu'est-ce qui vous a poussé à faire de la recherche dans cette direction initialement ?
Je comprends que vous êtes intéressé aux changements qui ont lieu lors de phénomènes culinaires (les changements chimique qui ont lieu lors des procédés culinaire) ; que sont exactement ces changements et pouvez-vous donner quelques exemples  ?


Oui, c'est bien en 1988 que moi-même et Nicolas Kurti avons  formellement introduit la terminologie "gastronomie moléculaire et physique" pour désigner une discipline scientifique que nous pratiquions déjà, à savoir l'analyse scientifique des phénomènes qui surviennent lors des transformations culinaires

Ces transformations sont nombreuses puisque chaque geste que fait un cuisinier produit un changement, chimique ou physique (tous ces changements font l'objet de la gastronomie moléculaire et physique et chimique).

En réalité, ma recherche scientifique dans cette direction date de mars 1980, quand j'ai raté un soufflé au roquefort : à l'époque, j'avais observé que la seule indication que je n'avais pas suivie, dans la recette que j'utilisais, était d'ajouter les jaunes 2 par 2 à la béchamel au fromage.
En réalité ce conseil était sans fondement, mais mon interrogation a conduit à ce que j'utilise le laboratoire personnel que j'ai chez moi depuis l'âge de 6 ans pour me lancer dans l'exploration scientifiques de ce que je nomme maintenant les "précisions culinaires", c'est-à-dire tous ces ajouts technique aux "définitions culinaires", ce que l'on pourrait nommer des on dit, trucs, astuces, tours de main, proverbes, et cetera.

Et c'est parce que j'ai rencontré en 1986 Nicholas Kurti, qui avait la même recherche que moi, que nous avons finalement décidé de créer des congrès de "gastronomie moléculaire et physique" ; nous avons organisé le premier en Sicile en 1992.


Pour les phénomènes qui ont lieu lors des transformations culinaires, j'y reviens, mais il y a autant de phénomènes que de gestes.
Par exemple, quand on ajoute de l'huile à un mélange de jaune d'œuf et de vinaigre, pour la préparation d'une sauce mayonnaise, on voit bien que la couleur change, que la consistance change... Il y a donc lieu d'aller explorer les mécanismes de ces changements.
Pour un soufflé, l'objectif est de provoquer un gonflement lors de la cuisson, et, là encore, ce gonflement mérite d'être compris.
Mais, pour le même soufflé, il y a bien d'autres modifications : la coagulation de l'intérieur, le changement de couleur de la croûte, l'adhérence de la préparation aux parois, et cetera.
Je sais que les soufflés ne sont pas si fréquents, en dehors de la cuisine française, et il y a donc lieu de considérer des transformations plus fréquentes,  à savoir celles qui ont lieu lors de la cuisson des viandes et des légumes  :  les viandes durcissent lors de la cuisson, et elles peuvent perdre de la tendreté ; pourquoi ? Les légumes s'amollissent quand on les chauffe notamment au-dessus de 80 degrés : pourquoi ? La couleur des légumes verts change progressivement avec la cuisson, prenant un vert d'abord plus brillant, avant que ce dernier ne vire au jaune olive : pourquoi ?

On le voit, les transformations sont innombrables et chacune peut donner lieu à une étude scientifique, de gastronomie moléculaire et physique.

Un sous-titre pour la gastronomie moléculaire ? Par exemple : profitez de votre cuisine pour faire de la science.

À propos d'améliorer les techniques traditionnelles, je propose d'inviter les enfants à faire le "concours de blancs en neige"  : partant d'un seul blanc d' œuf, quel est le volume maximum de blancs en neige que l'on peut obtenir ?
Pour l'instant, le record mondial, que j'ai réussi à faire avec des enfants, est de plus de 40 litres de blanc en neige à  partir d'un seul blanc d'oeuf.
A noter que ce concours est la première des activités du programme pédagogique nommé "Ateliers expérimentaux du goût", qui a été fait avec des millions d'enfants, dans les écoles primaires françaises.

Dans quelle mesure mes inventions ont-elles révolutionné le monde de la cuisine ? Vous voyez que je réponds un peu différemment de ce que vous poses comme question, puisque vous évoquiez la collaboration avec Pierre Gagnaire, qui aurait révolutionné le monde de la cuisine.
Mais il faut quand même reconnaître que la gastronomie moléculaire n'est pas née avec Pierre Gagnaire, mais bien avant que je ne le rencontre et que je ne décide de lui donner mes inventions en priorité (et pas en exclusivité).
Je suis heureux que mon ami Pierre Gagnaire soit le premier à bénéficier de mes inventions et c'est d'ailleurs parce qu'il est mon ami que je lui donne en priorité, mais il n'y en a pas l'exclusivité et c'est la raison pour laquelle je ne me limite pas à diffuser sur son site toutes mes innovation.

Je rectifie aussi votre question à propos du rôle de ma collaboration avec Pierre Gagnaire pour la gastronomie moléculaire :  mes inventions, que je donne en priorité à Pierre Gagnaire et que je publie dans de nombreuses revues (Pour la Science, Toques blanches Magazine, etc.) n'ont pas d'influence sur la gastronomie moléculaire, c'est-à-dire sur la science ; elles ont seulement une influence sur la technique culinaire, c'est-à-dire la cuisine moléculaire ou la cuisine note à note, mais certainement pas sur la gastronomie moléculaire, dont  je répète qu'il s'agit d'une activité scientifique.

D'ailleurs je vois que votre question fait une confusion entre science, technologie et technique. Je répète que la gastronomie moléculaire  et physique est une discipline scientifique, qui ne se confond pas avec ses applications techniques.

Enfin, il faut que j'explique que la raison pour laquelle je fais ces inventions est parfaitement "politique" :  il s'agit de démontrer un très large public que la science n'est pas inutile, et que, au contraire, elle est si puissante qu'on peut en tirer facilement une invention par mois pendant plus de 20 ans.

À propos de mon travail sur les sauces, c'est en réalité les 451 sauces classiques françaises que j'avais explorées à l'aide du formalisme des systèmes dispersés (DSF), et, oui, j'en ai trouvé 23 catégories
Ce travail n'a été possible qu'après que j'avais inventé le formalisme des systèmes dispersés (DSF), dont j'ai présenté une version initiale pour la première fois en 2001.
Cela est donc arrivé est donc bien après le début de mes travaux de gastronomie moléculaire et physique, dont j'ai dit plus haut qu'ils avaient commencé en mars 1980.
Quels livres de recettes ai-je utilisé pour cela ? Il y en a eu plusieurs comme indiqué dans l'article que vous je vous joins, et qui indique indique aussi les 23 catégories.

A propos de la représentation des ingrédients, une précision :  la lettre O désigne tout corps gras à l'état liquide,  et la lettre W toute solution aqueuse.
Pour l'opérateur (ou plus justement connecteur) /, c'est une dispersion, mais une dispersion aléatoire. Pour l'inclusion, ce n'est pas le signe que vous avez indiqué mais  le signe @, qui est retenu par l'International Union of Pure and Applied Chemistry. Le sigma correspond à la superposition pas à "baking soda". Et, enfin, il manque le symbole x qui correspond à l'imbrication de deux phases continue, comme dans un gel de gélatine où il y a une phase continue aqueuse W et une phase continue solide.

Les opérateurs, les phases, et les dimensions sont les éléments du formalisme des systèmes dispersés ou DSF,  et vous trouverez dans le Handbook of molecular gastronomy un chapitre tout entier consacré à cette question.

Pour la description formelle, grâce au formalisme des systèmes disperséq DSF de hamburger, pizza margarita ou crème glacée, merci de me donner la recette pour que je puisse vous donner la formule.

Le formalisme des systèmes dispersés est-il un point essentiel de la gastronomie moléculaire ? Il est certainement très puissant, très utile, très important, mais je ne suis pas sûr que l'on puisse réduire la gastronomie moléculaire et physique à cela.
En revanche, c'est certainement une très belle découverte que j'ai faite.

Quel est l'intérêt d'utiliser les formules du DSF ? C'est d'abord d'être en capacité de d'écrire correctement les systèmes, les plats,  et, ensuite, d'innover en partant des formules :  je vous propose de regarder mon article sur les dynagels à ce propos.


Le formalisme des systèmes dispersés élimine-t-il le besoin des recettes ? Permet-il de raccourcir ou de simplifier les recettes ? Là,  je propose de ne pas oublier que la cuisine, c'est du lien social, de l'art, de la technique.
Pour la technique, des formules DSF permettent d'être moins ambiguë, de mieux comprendre ce que l'on vise, mais je ne suis pas certain que ces mêmes formules abrègent les recettes.
D'ailleurs, pourquoi voudrait-on abréger les recettes, alors que j'aurais tendance à dire qu'il vaut bien mieux les allonger, pour être plus explicite, pour mieux expliquer aux exécutants ce qu'ils peuvent viser ou obtenir.


Des plats qui ont jamais été fait auparavant ? Il y en a des milliers, et je vous propose précisément de revenir aux inventions que je publie sur le site de Pierre Gagnaire pour voir les propositions.
Cela étant, ce que j'ai nommé les oeufs parfait sont des résultats nouveaus, ou encore toutes les innovations des formalismes que j'ai nommé "Tableau des cuissons", ou encore "Arbres des pâtes", ou encore "Let's have an egg".


Pour le chocolat chantilly, oui, tout corps gras peut-être utilisé à condition toutefois qu'il puisse passer en partie de l'état liquide à l'état solide. C'est ce qui se passe dans la crème chantilly ou dans le foie gras chantilly. Si l'on veut faire de l'huile d'olive chantilly, il faut donc refroidir.


À propos de la cuisine moléculaire maintenant : sa définition, c'est de cuisiner avec des ustensiles modernes, importés des laboratoires de chimie, physique, biologie...
Donc oui, ce que vous décrivez et bien de la cuisine moléculaire. mais attention, car il y a en a une différence en anglais entre molecular cooking et molecular cuisine.  
Molecular Cooking : c'est la technique.
Molecular Cuisine :  c'est le style de cuisine moderne qui est né par suite de l'introduction de la cuisine moléculaire.


Et, enfin, la cuisine moléculaire est largement dépassée par la cuisine de synthèse, que j'ai inventée en 1994, et que j'ai surnommée cuisine note à note.

dimanche 3 juillet 2022

Diriger une équipe ?



Diriger une équipe ? Que l'on ne compte pas sur moi pour dire ici comment faire, car je suis le premier à rappeler la phrase de frère Jean des Entommeures, dans le Gargantua de Rabelais : "Comment pourrais-je diriger autrui moi qui ne me gouverne pas moi-même ?"

Donc je ne vais pas discuter les méthodes de direction, mais plutôt, je veux m'étonner de rencontrer de jeunes amis dont l'ambition et de diriger une équipe.

Diriger une équipe ! Mais au fond, pourquoi ? Pour être un "directeur" ? Pour avoir de l'ascendant sur les autres ? Je n'ose pas penser à cette hypothèse.

Autre possibilité : la volonté de faire advenir ce que l'on ne parvient pas à faire seul : l'équipe, avec la coopération de tous, permettrait des réalisations "supérieures". Oui, mais quelle est la compétence de ceux qui se prétendent capable de "diriger" ? Une administration ? Je rappelle que cela revient à s'intéresser au tout petit : relisons l'étymologie !

Bref, comme je ne  comprends pas celles et ceux qui veulent "diriger", je me limite à observer que les amis qui me disent avoir cette ambition sont, d'expérience - et seulement d'expérience- bien trop souvent complètement incapables de se diriger eux-mêmes.
Il y a ceux qui ne savent pas parler, ceux qui ne savent pas écrire, ceux qui ne savent pas calculer, et ainsi de suite. De sorte qu'il faut s'étonner que certains soient plus intéressés à diriger qu'à faire les choses dont ils seraient incapables.

Voilà le point qui accroche : diriger semble simple aux esprits superficiels, surtout quand ils sont incapables de faire autre chose

Quoi qu'il en soit, je propose de conserver une analyse du mot "diriger"  :  il signifie donner une direction. Diriger l'équipe, c'est lui donner une direction.

De sorte que la compétence que l'on doit avoir, pour diriger une équipe, c'est de bien choisir cette direction. Et là, je ne peux pas m'empêcher de penser qu'il faut être plus capables que les autres pour leur proposer une direction pertinente.

Oui, je ne sais pas pourquoi, mais je n'arrive pas à m'empêcher de penser que seuls ceux qui ont une compétence très grande et très large peuvent choisir une direction pertinente.

D'ailleurs, en corollaire, je n'arrive pas à m'empêcher de penser que la direction n'a strictement aucun intérêt. Il me semble que seul le travail lui-même est intéressant, puisque c'est lui qui, fait avec soin et intelligence, nous rendra capable d'avoir des capacités de direction.

D'ailleurs, je crois que l'on confond trop souvent  direction et administration. Pour l'administration il suffit de secrétariat, alors que pour la direction,  les compétences sont exceptionnelles.

Et je renvoie vers d'autres billets ou je me laisser aller à dire publiquement combien il me semblait néfaste de nommer à des postes de direction des personnes qui ne sont pas parmi les tout meilleurs.

Oui, je ne reconnais la légitimité d'un directeur (je ne parle pas d'un administrateur) que si c'est un excellent praticien, un praticien meilleur que les autres, capable de donner une direction à les gens qui sont moins compétents que lui.

Sans quoi nos amis sont illégitimes. Puissé-je être lu !

samedi 2 juillet 2022

"Maladresse de style"



L'évaluation par les pairs peut être la meilleure ou la pire des choses. Elle est la pire quand les collègues sollicités n'ont pas toute la grandeur qu'ils devraient avoir,  et elle est la meilleure quand elle est faite par des personnes de qualité.

Aujourd'hui, je rencontre un cas qui m'émeut un peu  : nous avions envoyé un manuscrit à un rapporteur scientifiquement compétent, mais cet homme a produit un texte de rapport parfaitement inadmissible :  au lieu de seulement critiquer factuellement les phrases du manuscrit, il évoque des "maladresses de style". Non seulement l'expression est déjà contestable, mais, surtout, notre homme écrit comme un pied, avec des relatives emboitées mal maîtrisées, et autres... maladresses.

Ce cas n'est pas isolé : j'ai moi-même reçu, il y a peu de temps, des évaluations qui comportaient de telles appréciations aussi désobligeantes que déplacées, par des collègues qui, ignorant mon identité, ne savaient pas que chaque mot que je pose a été mûrement choisi, non seulement pour son sens mais aussi pour ses connotations.
Ma naïveté est totale : plus j'y pense et moins je comprends comment certaines personnes peuvent se laissert aller à des appréciations blessante. Qui pis est, l'anonymat que je fais régner dans les évaluations est un motif supplémentaire de délicatesse que nos rapporteurs devraient avoir :  c'est une lâcheté que d'en profiter.

Naguère, je déplorais que Dieu n'ait pas réserveé l'intelligence aux individus bons et droits. J'ai fini par comprendre que si cela avait été le cas, la vie en communauté aurait été impossible, car il y  aurait eu les bons d'un côté, et les méchants de l'autre... sans compter qu'on est jamais parfaitement bon ni parfaitement méchant. Je n'oublie pas le "Il faut tendre avec effort vers l'infaillibilité sans y prétendre" de Michel Eugène Chevreul.

Mais, quand même, quel dommage que des individus compétents n'aient pas grandi au point d'être bons et droits ! Quel dommage que, comme en rêvait le merveilleux Michael Faraday, la science ne rende pas plus aimable !

vendredi 1 juillet 2022

Les macarons ?


On ne cesse de m'interroger à propos de macarons : c'en est une folie… ancienne, puisque  les macarons des Soeurs, à Nancy, sont célèbres, tout  comme les macarons de Commercy, produits par des moines dès 791 !
Aujourd'hui, le succès ne se dément pas, et l'on voit  des tarifs prohibitifs, pour ces objets qui se résument à du blanc d'oeuf, du sucre, de la poudre d'amandes.
Comment les préparer ?
Pour ces préparations, je propose de ne pas séparer le spéculatif  de l'opératif : c'est ainsi que nous marcherons sur le chemin de la perfection.

Commençons par examiner la méthode de fabrication. Les quantités sont données pour 100 pièces environ.


1 Préparations préliminaires.
- prendre 210 grammes de blancs d'oeufs : on nous dit de laisser les blancs d'oeufs  à température ambiante, et aussi de prendre de vieux blancs, mais jusqu'à démonstration expérimentale, ce n'est pas nécessaire
- tamiser 240 grammes de poudre d’amande,
- tamiser 240 grammes de sucre glace
- faire un « tant pour tant » (TPT) en mélangeant le sucre glace et la poudre d’amande : on nous dit que les produits doivent être bien secs, qu'il faudrait les mettre même à l'étuve la veille, et, surtout, ne pas cuire de l'eau à proximité, mais là encore, cela reste à vérifier
- séparer 270 grammes de sucre semoule en deux parties
- garnir les plaques à pâtisserie de papier cuisson
- préchauffer le four à 150°C chaleur statique.

2  Monter les blancs en neige.
- mettre les blancs d'oeufs dans la cuve du batteur.
- battre les blancs au fouet, très doucement de façon à ce que les blancs se fluidifient
- lorsque les blancs forment une mousse et qu’il n’y a plus de liquide, verser lentement la première partie du sucre semoule sur les blancs sans cesser de battre en deuxième vitesse
- au bout d’un certain temps les blancs deviennent compacts et forment une corne ferme sous le fouet ; sinon continuer de battre les blancs.
- verser doucement la deuxième partie du sucre, puis « serrer » les blancs et fouettant en troisième vitesse : on obtient une meringue très ferme. En fin de montage les blancs forment un bec ferme. Lorsque l’on retire le fouet des blancs en dessous du fouet les blancs forment une stalactite et la masse des blancs forme une stalagmite.
- ajouter le colorant et l’extrait de  parfum. Bien mélanger.

3 Macaroner la pâte.
- mettre le TPT sur les blancs montés et meringués.
- avec une corne ou une spatule, mélanger lentement, d’un mouvement circulaire les blancs et le TPT afin d’obtenir une pâte homogène.
- changer de technique. Mélanger la pâte en l’aplatissant avec la corne en étoile dans la cuve, puis alternativement la rassembler. Renouveler l’opération pour obtenir une pâte assouplie, brillante et légèrement liquéfiée. [c'est le macaronage ; il ne faut pas avoir peur de bien travailler, beaucoup ; la meringue se liquéfie un peu, et la pâte devient bien brillante]

4 Coucher les macarons.
- sur les plaques garnies de papier cuisson, pocher des petits tas de pâte réguliers [en quinconce]. Une fois étalée la pâte doit faire 4 cm environ. Taper légèrement la plaque sur le plan de travail [pour « chasser les bulles d’air » des macarons].
- laisser croûter la surface des macarons pendant ¾ d’heure environ.
- pendant le croûtage des macarons ne pas faire de buée dans la pièce.
- la croûtage est terminé lorsque le dessus du macaron ne colle plus au doigt au toucher.

5 Cuire les macarons.
- dans un four préchauffé à 200°C chaleur statique, enfourner une seule plaque à la fois.
- cuire les macarons de 12 à 14 minutes. La cuisson est parfaite lorsque la collerette (ou le pied) est solidaire du chapeau.


Pour comprendre les opérations, rien ne vaut d'abord une description au premier ordre.
Pour commencer, quand on fouette des blancs d'oeufs, le fouet introduit des bulles d'air dans le liquide qu'est le blanc d'oeuf, et l'on obtient une mousse. Pas une « émulsion », comme le disent certains  cuisiniers mal informés (une émulsion, c'est une dispersion de matière grasse dans un liquide), mais bien une mousse. Et l'opération qui consiste à produire une mousse est un    « foisonnement », du terme « foisonner ».
Bref, le fouet pousse des bulles d'air dans le liquide, mais  contrairement à l'eau pure, où ces bulles ne subsistent que quelques dixièmes de seconde, les bulles d'un blanc d'oeuf battu en neige subsistent assez longtemps pour cuisiner. La mousse n'est pas stable, mais « assez stable », et plus  on bat ferme, plus la mousse est stable.
Si l'on ajoute du sucre à cette mousse, les grains de sucre  se dissolvent dans le liquide qui sépare les bulles d'air. Cela a pour effet que le liquide devient plus  visqueux (pensons à de l'eau  qui devient du sirop quand on lui ajoute du sucre), de sorte que le liquide entre les bulles a moins tendance à couler, ou, du moins, qu'il coule moins vite ; on pourrait dire, ce qui revient  au même, que les bulles d'air montent moins vite vers la surface du liquide (pensons à une bulle d'air dans du miel).
Une pincée de sel ? Elle ne sert à rien… sauf à augmenter le goût, à faire ressortir mieux le goût de l'amande, par exemple.
La mousse étant  formée, on ajoute alors la poudre d'amande : c'est un solide pulvérulent, qui ne se dissout pas dans l'eau, mais se disperse dans la mousse.
Puis on forme des tas : rien de particulier à signaler.
Le croûtage, en revanche, est l'opération qui semble essentielle pour la  réalisation des macarons. Surtout la cuisson : la chaleur qui monte de la plaque  évapore de l'eau, ce qui engendre à la fois un socle dur, et un gonflement initial. Parfois la poussée de cette vapeur fissure les macarons !
Puis la surface durcit, quand l'eau des parois de bulles s'évapore.
Toutefois, à mesure que la chaleur pénêtre dans les macarons, les protéines dissoutes dans l'eau coagulent (on se souvient qu'il y a de l'oeuf), stabilisant définitivement la structure alvéolée des macarons.
Et l'eau de l'intérieur, aussi finit  par s'évaporer : de la durée de cuisson dépend la tendreté ou le croquant des macarons.

Hop, une crème entre deux coques, et le macaron parisien est là !