lundi 22 février 2021

C'est de la chimie

1. A propos de l'expression "c'est de la chimie",  je vois aujourd'hui la même discussion qu'avec le "ce n'est pas de l'art", qui a été si bien discuté par Anne Gauquelin dans un livre de ce titre.

2. Pour l'art, il y a la question de l'art moderne,  provocateur, échappant précisément aux règles de l'art plus classique, et qui ne semble pas de l'art pour ceux qui ont sont restés précisément aux règles classiques.
Mais l'artiste n'est pas un suiveur ;  c'est un créateur, qui peut se donner les règles qu'il veut.

3. En cuisine, là où je connais assez bien les choses, j'ai vu mille fois des créations culinaires qui était récusées au nom d'un clacissisme que je trouve étriqué. Quand on dit "les choses sont bonnes quand elles sont au goût de ce qu'elles sont", on édicte une loi artistique , ce qui est idiot, puisque cela cantonne les artistes culinaires à de l'artisanat. Pas étonnant que cette injonction soit reprise à l'envi par les artisans qui ne savent pas être des artistes, par ceux qui sont limités par la répétition, par ceux qui ne sont pas des créateurs...
Conserver cette idée, ce n'est pas de l'art -et là j'utilise l'expression correctement. Oui, ce n'est que de l'interprétation, et pas de la création, que de refaire un plat qui a été fait 1000 fois. Et, d'ailleurs, pourquoi l'interprétation se limiterait-elle à une idée seulement, à savoir donner le goût de ce que c'est ? Sans compter que cette idée est bien impossible : cuire du veau, de la volaille, ce n'est pas donner le goût du veau, parce qu'il y a tout le reste, dans le plat !
L'art culinaire consiste précisément à faire autre chose, y mettre un sentiment personnel, une touche personnelle, imaginer les émotions et orchestrer le travail  pour les faire surgir.
Il en va de même en peinture, en littérature et l'on ne saurais trop rappeler que tous nos classiques ont été des révolutionnaires. Rabelais Flaubert, Hugo, Rembrandt, Picasso...

4. "Ce n'est pas de l'art" est une déclaration réactionnaire, étriquée, inculte en quelque sorte.

5. Pour le "c'est de la chimie", je vois une déclaration d'un type analogue, à l'emporce-pièce, une formule qui n'invite pas à réfléchir, bêtement péremptoire. Le plus souvent, ceux qui la profèrent sont les mêmes qui ont une idée naïve de la nature, du naturel et de l'artificiel.
Espérant toujours le salut du pécheur, je ne cesse de citer le dictionnaire, qui dit justement que l'artificiel (entendons le mot "art" dans ce terme) est le produit de l'intervention d'un être humain, alors que le naturel ne fait pas intervenir l'humain.
Rien de naturel dans la cuisine, donc, puisqu'il y a - a minima !- l'intervention de la cuisinière ou du cuisinier !

6. Mais il y a autre chose, dans ce "c'est de la chimie", à savoir une crainte de phénomènes qui seraient mal connus, ou mal maîtrisés... Mais cette crainte n'est-elle pas surtout fondée sur l'ignorance ? Mal connus par qui : par celui ou celle qui parle ! Mal maîtrisés... par celui  ou celle qui parle... puisqu'il ou elle ne les comprend pas.

7. Et l'on voit les mêmes se comporter de façon "chimique" idiote : ils consomment des compléments alimentaires pas évalués quand ils critiquent des additifs qui le sont, ils recourent à des préparations "naturopatiques" excessivement dangereuses (les huiles essentielles, qui font de plus en plus de dégats) quand ils récusent des aromatisants bien réalisés, ils fument, boivent, se tatouent avec des encres cancérogènes, mangent sucre et gras en disant vouloir manger sainement.

8. Oui, la mauvaise foi est parfois terrible... et à ce jour, je n'ai entendu du  "c'est de la chimie" que par des ignorants, des craintifs, des idéologues, des malhonnêtes, des paresseux.

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