vendredi 27 avril 2018

Les prétendues "démonstrations scientifiques"

Je reçois d'un ami cette déclaration terrible : "Pour moi, démonstration scientifique est plus un pléonasme qu'un oxymoron".

Or je crois savoir qu'il fait référence à l'un de mes textes... où j'aurais dit que "démonstration scientifique" est un oxymore ? Je tremble, car, aujourd'hui en tout cas, je ne suis certainement pas d'accord avec l'idée que "démonstration scientifique" soit un oxymore. En outre, je ne considère certainement pas que "démonstration scientifique" soit un pléonasme ; cela aurait pu être une périssologie, mais non : c'est simplement une faute !


Pour commencer, un peu de ménage terminologique. 

Tout d'abord, l'oxymore, ou oxymoron, c'est quand deux termes s'opposent : nuit blanche, par exemple, ou encore, mieux, le "soleil noir de la mélancolie", que l 'on doit à Gérard de Nerval. C'est de la rhétorique, donc jamais fautif, car voulu. Puis il y a le pléonasme, qui est une évidence : "Je l'ai vu, de mes propres yeux vu". Ce pléonasme a encore une fonction rhétorique, d'insistance, par exemple, ou d'humour... de sorte que l'on ne confondra pas ce pléonasme avec la périssologie, ces évidences dues à nos négligences de pensée et de langage, comme "je monte en haut". Enfin, il y a la faute, que je distinue bien de l'erreur.

Puis, pour comprendre la discussion, il faut examiner les sciences de la nature, et le statut particulier des mathématiques. 

Les sciences de la nature cherchent les mécanismes des phénomènes à l'aide d'une méthode qui passe par : (1) identification des phénomènes que l'on explore ; (2) caractérisation quantitative des phénomènes ; (3) réunions des données quantitatives obtenues en 2 sous la forme de "lois" synthétiques, c'est-à-dire d'équations ; (4) recherche de concepts, de théories regroupant les lois ; (5) recherche de conséquences théoriques testables ; (6) tests expérimentaux des prévisions théoriques de 5.
Dans ce mouvement infini parce que cyclique, il n'y a pas de "démonstration", parce que toute "loi" est insuffisante, fausse en réalité parce qu'approchée ; et la science réfute la loi répétitivement, afin de trouver des descriptions de plus en plus proches des faits. Donc pas de "démonstration scientifique", puisque la démonstration, c'est l'enchaînement logique, inéluctable, booléen : vrai ou faux, mais pas approché. Les démonstrations sont l'apanage des mathématiques, pas des sciences de la nature.
Mais je viens d'anticiper, parce que j'ai sorti les mathématiques des sciences de la nature, ce qui se discute ! Disons que tout est affaire de parti pris : certains considèrent que les mathématiques sont découvertes, et ils proposent de regrouper les mathématiques avec les sciences de la nature, alors que d'autres observent que les mathématiques sont inventées, et que ce sont donc une activité bien à part.
Ce qui est clair, c'est que la méthode des mathématiques n'est pas celle qui est décrite plus haut, raison pour laquelle je suis de ceux qui voient les mathématiques comme une activité tout à fait à part, les outils forgés par les mathématiciens étant utilisés par les scientifiques des sciences de la nature, sous le nom de "calcul" et non de mathématiques.
Dans la première hypothèse, des mathématiques inventées et différentes des sciences de la nature, il n'y a pas de "démonstration scientifique", puisque la démonstration reste aux mathématiques, qui sont à part des sciences. Dans la seconde hypothèse, il reste le fait que les sciences ne fonctionnent pas par démonstration.

Donc en aucun cas, nous ne devons -semble-t-il- parler de démonstrations scientifiques... surtout quand, le plus souvent, on veut simplement dire "indication" ou "élément corroboratif", ou encore "données à l'appui d'une idée", ou "exploration rigoureuse".

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