samedi 24 septembre 2016

Les belles personnes

Lors de l'enterrement du chimiste français Pierre Potier, l'homme qui mit au point ce médicament antitumoral nommé taxotère, qui a aidé des millions de femmes à lutter contre le cancer du sein, un autre très grand chimiste, Guy Ourisson, qui était alors président de l'Académie des sciences, avait dit lors de la cérémonie d'hommage : « Il nous a laissé le privilège de l'avoir connu ».
A l'époque, la formule me paraissait superbe, intelligente et sensible à la fois, mais les circonstances actuelles m'ont fait comprendre qu'un tel privilège est quelque chose de secondaire, de très accessoire.
Je comprends que mon père, Bernard This, laisse bien plus que ce privilège, personnel et un peu égoïste : il laisse une vision de la petite enfance, du rôle du père, de la mère, de la vie in utero, la structuration d'une communauté qui se consacre à ces questions d'accueil de nouvelles vies, de nouveaux membres de la communauté humaine, et, surtout, un exemple de sagesse où se mêlaient joie de vivre, enthousiasme, curiosité.
Dans cet éloge, le mot « exemple » est essentiel, parce qu'il n'est pas de l'injonction, mais de l'invitation à bien faire. Avec modestie, sans intrusion.
Mais avec l'évocation des travaux qu'il a effectués et avec l'évocation de ses qualités, on est loin d'avoir fait le bilan, et cela prendra du temps. Pour l'heure, je réserve donc ce jugement, comme l'aurait dit Montaigne et mon père lui-même, qui proposais d'y penser un peu avant de se prononcer.


Aussi, après cette révision de la question du privilège, je veux vous faire part d'un autre changement d'idées qui m'est venu.

Jusqu'à la semaine dernière, j'avais une théorie un peu simpliste qui était la suivante : une « belle personne », me semblait-il, était quelqu'un qui, alors qu'on la connaît parfaitement, alors qu'on croit qu'on sait exactement ce qu'elle va vous dire lors de la rencontre suivante… vous surprend par ce qu'elle vous dit, mais aussi par la qualité de ses actions
Bref, pour mieux faire comprendre la théorie un peu fausse que j'avais, je la résume ainsi : on imagine que l'on sait à l'avance tout ce que la belle personne nous dira quand nous lui parlerons… mais on est aussitôt réfuté.
Là encore, j'étais dans le contentement béat d'avoir le privilège de fréquenter quelques belles personnes… mais je n'avais pas compris que cette définition des « belles personnes » était à la fois très idiosyncratique et très naïve. Je l'ai compris quand, au chevet de Papa, je me suis demandé pourquoi je ne me contentais pas de discussions de remplissage, ces façons de créer des liens interindividuels comme il y en a tant, les conversations de bistrot, les discussions bourgeoises de convenance comme on les voit dans les manuels de conversation.
C'est qu'être seulement en société, en communauté, est en réalité insuffisant : nous ne sommes pas réductibles à des animaux sociaux. Il y a la parole, et je suis de ceux qui propagent cette idée (pas complètement juste) de Condillac, reprise par le chimiste Lavoisier, selon laquelle les mots sont les idées. Je me suis soudain aperçu que ce souci du dictionnaire et de l'étymologie qu'avait mon père rejoignait les idées du physico-chimiste Michael Faraday, qui s'éduqua lui-même en se proposant d'écrire et de parler de façon aussi précise que possible.
Voilà pourquoi les discussions creuses s’insupportent : elles abaissent au rang d'animal social celui qui écoute et celui qui parle. Elles n'accèdent pas au registre des idées, des pensées qui nous font grandir.
A contrario, les idées nouvelles qui nous viennent d'autrui sont des cadeaux que l'on nous fait, et ces personnes capables de nous surprendre à chaque nouvelle rencontre sont en réalité parfaitement généreuses. Il y a une espèce de raffinement suprême, de politesse portée au plus haut point. Le but peut être pédagogique... ou non.
Il y a cette phrase : « Je te donne un dollar : j'ai un dollar en moins et tu as un dollar en plus. Je te donne une idée : tu as une idée de plus, et j'ai encore mon idée, parfois même améliorée par la nouvelle attention que je lui ai portée en te la disant ». Les belles personnes sont infiniment plus riches que celles qui ont de l'argent, puisque, travaillant avec acharnement, elles ont sans cesse des idées nouvelles qu'elles donnent aux autres.
Evidemment, les idées qui nous surprennent nous dérangent parfois : celui ou celle qui les reçoit doit leur « faire de la place », au milieu des idées qu'il ou elle a déjà. Il faut se reconstruire mentalement, ce qui gêne les plus fragiles.
Mais l'intention est toujours bonne : ceux qui nous surprennent par des idées qu'ils ont été chercher, à la mine de la pensée, ne le font-ils pas pour nous, par une attention toute particulière qu'ils nous portent ?
J'ai la chance d'avoir quelques amis qui sont de belles personnes, et parmi les belles personnes que je connais, mon père avait ce statut remarquable que c'est lui que je connais depuis le plus longtemps, et qu'il n'a jamais cessé de me surprendre.
Il ne cesse d'ailleurs pas, et je ne dois pas parler au passé : je m'étonne, aujourd'hui, que j'en sache si peu à son sujet, et il ne s'agit pas simplement de ne pas avoir connaissance de faits personnels, mais surtout de connaissance de ses idées. Mais en disant ces mots, je m'aperçois que je retrouve ceux de plusieurs qui ont parlé avant moi.
A l'analyse, je crois que ceux qui réfléchissent avec acharnement -on se souvient de son motto « labor improbus omnia vincit- font un chemin très long, dont quelques haltes seulement apparaissent à leur entourage. Mais il y a tout le reste, tout le travail intime de recherche, et tout ce reste demeure enfoui, inconnu.

Les belles personnes, pour terminer, ne sont donc pas des personnes qui se soucient de mon petit moi. Ce sont des personnes suprêmement raffinées, polies, et surtout généreuses. Ce visage qu'elles nous présentent, c'est le fruit de beaucoup de travail, de réflexion. Or on ne travaille pas impunément : il en reste quelque chose ! Et pourquoi travaille-t-on ?
Je ne parviens pas à ne pas imaginer que mon père ait voulu autre chose qu'une vie « exemplaire », mais pas un exemple que l'on doit suivre ; un exemple que l'on est invité à raisonner, pour construire chacun notre propre vie exemplaire.
Sa devise était « Labor improbus omnia vincit » ? La mienne est devenue d'abord « D'r Schaffe het sussi Wurzel un Frucht » (le travail a des racines et des fruits délicieux), puis, plus récemment « Mir isch was mir macht »… : nous sommes ce que nous faisons. Mon père était tout ce qu'il a fait, et il a fait beaucoup !
Nos communautés ont, plus que jamais, un immense besoin de telles personnalités !

jeudi 22 septembre 2016

La page de Bernard This sur Wikipedia au 22 septembre 2016

Cette page se trouve à l'adresse https://fr.wikipedia.org/wiki/Bernard_This

On y lit notamment que  :
Bernard This est un psychiatre et psychanalyste français, né à Longuyon (Meurthe-et-Moselle) le 14 avril 1928 et décédé le 20 septembre 2016 à Paris.

Marié à Claude This, née Claude Jacquemin (psychanalyste, ancien Professeur à l'Ecole des Beaux Arts), il est le père de Hervé This, de Bruno This et d'Isabelle This Saint-Jean.




Parcours

Ne à Longuyon d'un père lorrain et d'une mère alsacienne, Bernard This a fait ses études à Nancy, puis il étudie la médecine à la Faculté de Nancy, où il s'est intéressé rapidement à l'obstétrique (en particulier, en raison d'un remplacement à Erimoncourt) et à la psychanalyse (notamment à la suite d'une conférence du Père Oraison).

En 1953, il épouse Claude Jacquemin, fille de Pierre et Geneviève Jacquemin. Pierre Jacquemin, apparenté à l'astronome Messier (Badonvillers) était notamment l'homme qui réunit les Salines de l'Est et les Salins du Midi, et qui contribua à la reconstruction de Nancy après la Seconde Guerre mondiale, et qui fut l'artisan de nombreux logements sociaux.

Arrivé à Paris en 1953, où il voulait notamment rencontrer Jacques Lacan et Françoise Dolto, Bernard This a commencé à exercer l'obstétrique à l'Hôpital Foch (Suresnes), où il a été l'un des trois médecins français à militer pour l'accouchement sans douleur. Il a également travaillé à la Clinique des Bleuets, à l'Hôpital Claude Bernard.

Toute sa carrière, il s'est intéressé à vie in utero, à la naissance et aux nouveau-nés, mais aussi aux adultes en tant que parents.

Ainsi, dès les années 1950, il a été l'un des premiers à signaler que le nouveau-né ressentait la douleur et qu'il souriait. Ces observations le poussèrent à militer pour l'accueil des nouveau-nés. Dans la même ligne de pensée, il a proposé que les pères puissent assister aux accouchements.

À la fin des années 1950, il a créé le Centre Étienne Marcel(1), à Paris, (avec Charles Brisset, Thérèse Tremblay et Madeleine Casanova), dont il est devenu directeur médical.

En 1969, il participe, avec notamment Judith Dupont et Madeleine Casanova, à la création de la revue de psychanalyse, Le Coq-Héron, dont il a toujours été un collaborateur(2).

Parallèlement il s'est intéressé aux mythes, à l'étymologie et à diverses méthodes d'accouchement, dans le prolongement de son intérêt pour l'accouchement sans douleur.

Il est le créateur, avec Danielle Rapoport, du Groupe de recherches et d'études du nouveau-né (GRENN)(3). Dans ce cadre, il a suscité la publication d'un livre important sur l'Aube des sens, et a exploré de nombreuses méthodes d'accouchement, notamment la sophrologie, l'accouchement en piscine ou, surtout, l'haptonomie, qu'il a contribué à promouvoir en France.

En 1979, à son initiative et à celle de Françoise Dolto, il a créé, avec Pierre Benoit et Colette Langignon (4) la première Maison verte, à Paris, maison d'accueil en journée pour les jeunes enfants et leur famille (5). Ce concept s'est ensuite développé dans plusieurs autres villes en France et à l'étranger, avec la création de structures aux noms parfois distincts (6), tels La Maisonnée à Strasbourg (7) ou les Maisons ouvertes à Bruxelles (8).

Tous ses travaux et ses actions militantes sont présentés dans ses très nombreux livres, dont beaucoup furent des best sellers.

    1960 : La Psychanalyse, science de l'homme-en-devenir, Éditions Casterman.
    1982 : La Requête des enfants à naître, Éditions du Seuil
    1990 : Le Développement de la sécurité de base chez l'enfant, Z'éditions
    1993 : La Maison verte, Éditions Belin.
    1994 : Neuf mois dans la vie d'un homme, Éditions Interéditions
    1999 : Tous jaloux ?, Éditions Belin
    2001 : Le père, acte de naissance, Éditions du Seuil (première édition en 1980, réédité en 1991)
    2002 : D'où je viens, Éditions Nathan (première édition en 1993)
    2002 : La psychanalyse, Éditions Casterman.
    2006 : Naître, Éditions Aubier Montaigne
    2007 : Naître et sourire, Éditions Aubier (première édition en 1972)
    2007 : Enfants en souffrance, avec F. Dolto et D. Rapoport, Éditions Belin
    2007 : La maison verte, Éditions Belin
    2011 : Rencontre entre un psychanalyste et un obstétricien, par B. This et R. Bellaiche, Éditions Belin


Il s'est éteint le 20 septembre 2016 à Paris.

Hommage à Bernard This (1928-2016)


J'ai eu la chance inouïe d'avoir un père extraordinaire. C'était quelqu'un qui avait pour devise « labor improbus omnia vincit », ce qui signifie « un travail acharné vient à bout de tout ».

Immense générosité, immense culture, immense bienveillance, immense humanité…

Dès le début de ses études de médecine, il avait compris que si la technique (médicale) s'imposait, on ne devait pas s'y arrêter, car l'être humain n'est pas réductible à des morceaux de viande.
Pour des raisons que je ne comprends pas encore, il s'était intéressé à la naissance et à la psychanalyse, voie où il s'était engagé avec fougue.
Ce n'était pas un homme de compromis, mais de conviction, car on ne transige pas quand l'humain est en jeu. Observant l'obstétrique de son temps, il l'avait critiquée publiquement, réfutant l'idée d'alors selon laquelle les enfants n’auraient pas ressenti de douleur, réfutant l'idée selon laquelle les nouveaux-nés n'auraient pas souri…
Ayant aidé une femme à accoucher, et observant que celle-ci ne souffrait pas, il se fit l'apôtre de l'accouchement sans douleur, avec le docteur Lamaze, dès 1951. A l'Hôpital Foch, à la Clinique des Bleuets, et dans quelques autres endroits, il militait énergiquement pour donner aux femmes la possibilité d'accoucher sans douleur, ce qui le conduisit tout naturellement à créer le Groupe de recherche et d'étude de la naissance (GRENN), cadre dans lequel il contribua à faire connaître la sophrologie, les accouchements dans l'eau, l'haptonomie…
Mais j'ai dit qu'il ne s'arrêtait pas à la technique, et son intérêt pour la psychanalyse le conduisit très tôt à se préoccuper des enfants de ce point de vue là, créant notamment le Centre Etienne Marcel de psychopédagogie, mais bien d'autres structures du même type, telles les Maisons vertes, d'abord à deux pas de son domicile, dans le Front de Seine, à Paris, puis bientôt dans d'autres villes.

Il travaillait aussi beaucoup seul, écrivant inlassablement : des articles, des livres… Le premier fut consacré à la psychanalyse, mais les suivants discutèrent la question de la naissance, du nouveau né… mais aussi des parents, le mère et le père.
Ces livres étaient des best sellers, et la façon dont ils sont écrits est étonnante : il ya une sorte de grande simplicité, et en réalité, de grande modestie : les mots sont simples, les mots sont clairs, il n'y a pas de prétention intellectuelle, mais on raconte des histoires (vraies), et l'on s'émerveille des travaux de quelques pionniers, tel l'abbé Spallanzani, qui s'interrogeait sur la génération, et découvrit l’importance des spermatozoïdes en mettant des culottes à des grenouilles. Par exemple.
Tous les soirs, après ses consultations, il partait pour des groupes de travail variés : traductions de Freud à partir de l'allemand, reconnaissant que l'on ne peut guère s’intéresser à le pensée de quelqu’un sans la connaître précisément, publication de la revue du Coq Héron, émanation initiale du Centre Étienne Marcel, Groupe d'étude de la naissance, qui publia notamment un livre qui fit date, intitulé L'aube des sens, où l'on s'interrogeait sur les perceptions de l'enfant in utero…

Il avait au moins deux autres terrains de prédilection, à savoir la mythologie et l'étymologie : ce que parler veut dire…
Au milieu de son jardin, de ses roses, il avait une façon extraordinaire d'être, en parfaite sympathie, en parfaite compassion, en générosité, en discrétion, au point que l'on pourrait même reprocher de ne jamais avoir assumé de « direction » véritable, même s'il fut effectivement un directeur, dans nombre de circonstances, tel le Centre Étienne Marcel.
Il avait des yeux bleus, limpides comme son esprit, pétillants comme sa culture et sa pensée, sa bienveillance et sa sagesse.

Je ne parviens pas à ne pas imaginer qu'il ait voulu autre chose qu'une vie « exemplaire », mais pas un exemple que l'on doit suivre ; un exemple que l'on est invité à raisonner, pour construire chacun notre propre vie exemplaire.
Nos communautés ont un immense besoin de telles personnalités.

vendredi 16 septembre 2016

Les "belles personnes"

Je définis une "belle personne" comme une personne si généreuse que chaque discussion avec elle est l'occasion de découvertes inattendues, même quand on fréquence cette personne quotidiennement.

Dans le milieu psychanalytique, on a parlé de Jacques Lacan ou Françoise Dolto, mais très peu de Bernard This, qui a consacré sa vie au nouveau-né, l'enfant, la mère, le père.

https://fr.wikipedia.org/wiki/Bernard_This

lundi 12 septembre 2016

Talent et génie

Hier, j'ai trouvé cette formule rigolote : le talent fait ce qu'il peut, et le génie fait ce qu'il doit.
 On sait mon attitude ambivalente pour ce qui concerne les formules et les arguments d'autorité en général. Ce n'est pas parce qu'une phrase a été dite, ce n'est pas parce qu'elle est concise et efficace du point de vue de la communication, ce n'est pas parce qu'elle a été dite par une Autorité, que je considère que l'idée portée par la phrase est juste.
Surtout j'ai bien appris à ne pas chercher de qualités à des objets qui n'existent pas. J'ai discuté ailleurs la question de savoir si le manteau du père Noël était rouge ou bleu, et j'ai rapproché ce questionnement de celui de certains clercs du Moyen Âge, qui se demandaient combien d'anges pouvaient tenir sur la tête d'une  épingle, prototype de la question contestable, car si les anges n’existent pas, il n'y a pas lieu de s'interroger sur leurs qualités, ou sur leur nombre.

 Le talent ferait ce qu'il peut et le génie ce qu'il doit ? Je propose de nous interroger : le talent existe-t-il ? Et le génie ?

Nous avons tous des acceptions très idiosyncratiques, surtout pour les termes un peu extraordinaires, et je prends ici le mot « extraordinaire » au sens littéral. Qu'est ce que le talent ? Qu'est-ce que le génie ? En l’occurrence, l'auteur sous la plume de qui j'ai trouvé la formule précédente, définissait talent et génie par la formule précédente.
De même, ailleurs, j'ai cité cette phrase : ne touchons pas au idoles, car ils nous restera de l'or aux doigts. Là encore, la formule permettrait de définir les idoles et l'on admettra avec un peu de réflexion qu'une idole est quelque cchose d’idolâtré, mais peut-être pas pour de bonnes raisons !

Il y a donc cette possibilité de définir le talent et le génie par la formule précédente : dans cette hypothèse, il n'y a plus qu'à chercher, parmi nos amis et connaissances, si elles font ce qu'elles peuvent ou ce qu'elles doivent. Quelqu'un qui fera ce qu'il doit sera un génie ; cela ne signifie pas qu'il ait des caractéristiques supérieurs, mais seulement qu'il a cette caractéristique de faire ce qu'il doit.

samedi 10 septembre 2016

Se mettre un pas en arrière de soi-même.


Notre enthousiasme naturel, notre fougue d'enfant, nous conduisent souvent à des erreurs, par manque de réflexion. Se mettre à en arrière soi-même, c'est donc se donner la possibilité de juger par avance ce que nous faisons, la possibilité de trouver un cadre plus large, et, surtout la possibilité d'y penser une seconde fois. Un peu comme quand on disait qu'il fallait tourner la langue sept fois dans sa bouche avant de parler.
Là, on risque  le mauvais devoir de philosophie,  avec la discussion entre ceux qui veulent de l'action et ceux qui veulent de la réflexion, mais un bon mélange des deux est sans doute nécessaire. Evidemment,  si on se met un pas en arrière de soi-même, on est donc amené à réfléchir à ce qu'on fait. Mais on est aussi conduit à se mettre un pas en arrière de cette réflexion, et ainsi de suite, de sorte qu'à force de se mettre en arrière, on ne fait plus rien.
Il y a  cette image amusante du « je sais que je ne sais rien donc je ne fais rien » et du « je ne sais pas je ne sais rien, donc je fonce »...  les yeux fermés dans un trou placé devant moi.
 Reste toutefois que réfléchir n'est  généralement pas mauvais et que nous avons  bien intérêt à évaluer ce que nous faisons. C'est là l'idée qui est donnée dans cette phrase.

jeudi 8 septembre 2016

Le summum de l'intelligence, c'est la bonté et la droiture.


Le mur de mon bureau porte cette phrase : le summum de l'intelligence, c'est la bonté et la droiture. Cette phrase est dérivée d'une phrase de Jorge Luis Borges, selon qui  le summum de l'intelligence est la bonté. J'ai ajouté la droiture, parce que si la bonté implique la droiture, le mot mérite d'être plus largement prononcé, ces temps ci. 
La bonté, d'ailleurs, mériterait d'ailleurs d'être commentée. Qu'est-ce qu'être bon ? Pour la droiture, cela semble être plus clair, car semble s'imposer une conformité entre les paroles et les actes, et des actes conformes à des engagements... ce qui n'est déjà pas si mal !

dimanche 4 septembre 2016

Le billet du jour: les financiers

Aujourd'hui, conformément à mes bonnes résolutions, je fais un billet technique, qui trouve donc sa place sur le blog "gastronomie moléculaire" : je discute la question des "financiers" : http://gastronomie-moleculaire.blogspot.fr/2016/09/les-financiers-vite-et-bien-faits-pour.html
Et, dans le billet, je m'interroge sur la dénomination des "arômes" (un mot utilisé fautivement pour désigner des préparations parfois merveilleuses)

vendredi 2 septembre 2016

Un mur de l'amitié

Ces temps-ci, les témoignages d'amitié abondent. Merci à tous ceux  qui m'envoient ainsi des encouragements.

bonjour cher Hervé,

Vous etes bien modeste mais vous mériteriez le prix nobel des cuisiniers pour tout ce que vous nous avez apporté.

Notre prix Nobel étant le MOF, je serai tout à fait pour qu'il vous soit donné; Alain Ducasse l'a bien eu... mais je ne suis pas décisionnaire malheureusement.

Merci encore pour tout et ce qui reste à venir

Amicalement
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Mon cher Hervé,

Ils ont bien raison de te remercier, je crois pour ma part ne l'avoir jamais fait.
Mais depuis plus de 20 ans je suis un adepte de ta démarche, une façon de te remercier.
Le jour ou l'ingénieur en formation avec laquelle je travaillais me conseilla de regarder une émission à la télévision dans les années 90 ( la 5 de l'époque, avec la cuisinière Maïté) j'ai vite compris tout l'intérêt de ta démarche pour notre métier qui passait alors de l'ombre à la lumière.
A bientôt. Amitiés.
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Je tiens une nouvelle fois à vous remercier pour ce que vous avez apporté à notre métier et ce que vous m'avez apporté à titre personnel. Grâce à vous, j'ai progressé et perfectionné ma technique de cuisine, j'ai appris à comprendre les éléments et leur interaction. Aujourd'hui, je le retransmet à mes collaborateurs avec plaisir et passion.  

Suite à vos conseils, je vais m'intéresser à la cuisine note à note et je ne manquerais pas de revenir vers vous. 
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UN G  MERCI POUR TOUT CE QUE TU FAIS
  POUR LE GLOSSAIRE  SUR  UNE RÉACTUALISATION  DES TERMES  CULINAIRES  FRANÇAIS  IL VA   S EN DIRE  QU IL S’AGIT   DOUBLIER LES ANCIENS TERMES  QUI NE SONT PLUS UTILISES  AU PROFIT  DE  NOUVEAUX  TERMES   AVEC  LE TECHNIQUES   ACTUELLES 
 BIEN ENTENDU   L EXPLICATION    PRECISE  DE CHAQUE TERME   SE  DEVRA  D ETRE    CONCIS
   TRAVAILLONS
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 Merci beaucoup pour l'information. 
Je tenais à vous informer que cette après midi, j'ai visionné un reportage sur vos recherches sur la chaîne Science et Vie. 
Se fut un véritable bonheur. 

 très vite pour de nouvelles connaissances. 
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 Merci beaucoup pour cette information et d'une façon plus générale pour le regard que vous me permettez de porter sur quelques uns de vos travaux.
J'apprécie !
Bonne soirée.

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 Il y a eu des centaines de tels message dans les derniers mois ou années. 
Quel bonheur !

Un liquide absorbé par une masse solide, en cuisine ?

Cela est discuté sur  http://gastronomie-moleculaire.blogspot.fr/2016/09/quand-les-liquides-sont-ils-absorbes.html

jeudi 1 septembre 2016

Chimie et compagnonnage



Initialement j'avais intitulé ce billet « il n'y a pas de métier manuel, il n'y a pas de métier intellectuel ». J'ai décidé de changer, car ce titre était négatif, et, je me suis dit presque aussitôt que je ferais mieux de clamer que tous les métiers sont manuels et que tous les métiers sont intellectuels. Mais quand il est question de métier, il y a lieu de considérer les institutions qui se préoccupent des métiers, tel le « compagnonnage », qui accueille et guide des jeunes professionnels qui se soucient de bien faire.


Tous les métiers sont manuels, tous les métiers sont intellectuels

Pourquoi cette idée d'une absence de différence entre des métiers dits fautivement manuels et des métiers dits fautivement intellectuelle ? Parce qu'elle est juste ! Et, aussi, parce que j’observe un fossé qui n'a pas lieu d'être entre ces métiers dits fautivement manuels ou dits fautivement intellectuels. Oui, un fossé qui n' a pas lieu d'être, car nous avons tous une tête et des mains. Et puis, comme le disait justement Confucius, l'homme n'est pas un ustensile, ce qui signifie que l'être humain n'est pas comme un objet, limité à une fonction, qui serait de bouger les mains ou de bouger la tête.
Surtout, comme cela est discuté au moins depuis Denis Diderot avec sa Lettre sur les aveugles, nous pensons à partir de données sensorielles, Oui, il n'y a pas la tête d'un côté et les mains de l'autre. Les travaus d'intelligence artificielle ont amplement montré que nos raisonnement se fondent sur un contexte, une culture, un contexte concret. Sans tout ce qui nous vient des sens, nous ne pouvons ni raisonner, ni comprendre, ni échanger, ni même agir ! Nos notions sont comparatives, et le rapport au monde concret, perçu par les sens, est constant ! Je ne fvais pas en faire une théorie qui a déjà été largement faite, mais je rappelle simplement qu'il n'y a pas de pensée sans les « mains ». De même, il y a pas d'individu manuel, dont les mains bougeraient sans que la tête ne le fasse : que la tête nous aide ou nous gène, elle est là, et les métiers manuels sont donc parfaitement intellectuels. La tête intervient dans nos gestes puisqu'elle guide la main… mais nos mains guident aussi notre tête : quand nous prenons un verre entre les doigts, c'est la main qui dit à la tête combien presser pour éviter que le verre ne glisse, insuffisamment tenu, ou qu'il casse, trop pressé.
Et quand nous pensons, nos images mentales ne sont que par référence à des expériences, le monde ayant été « saisi » par les sens, la « main ».
Bref il n'y a pas de métier manuel ni de métier intellectuel : il y a seulement des métiers exercés par des individus qui ont une tête et des mains.


Chimie et compagnonnage

Tout cela étant dit, je peux maintenant en arriver à la relation annoncée en titre entre la chimie et le compagnonnage.
La chimie est une activité technique, de production de molécules nouvelles. Il est très nécessaire, d'être parfaitement habile de sa tête et de ses mains, pour faire de la chimie sans danger, efficacement, intelligemment. De ce point de vue, la chimie est un métier manuel. Et intellectuel aussi… comme tous les métiers.
D'autre part, la chimie transforme la matière, puisque précisément elles change la nature des corps. Certains ont même dit que son objet est la transformation de la matière. Elle transforme d'ailleurs bien plus la matière que ne le fait le tailleur de pierres, que ne le fait le cuisinier, que ne le fait le bourrelier, que ne le fait l’électricien, tous métiers du compagnonnage.
Or le compagnonnage accueille en son sein des métiers qui transforment la matière. Ne serait-il donc pas parfaitement anormal que le compagnonnage n'accepte pas la chimie ?
Et la recherche scientifique ? J'ai largement expliqué, dans d'autre billets, que les sciences chimiques ne se confondent pas avec la chimie, puisque dans un cas, il y a des sciences, et dans l'autre de la technique. Les sciences sont bien l’activité qui met des équations sur des phénomènes, activité quasi mathématiques, donc. De sorte que l'on pourrait penser que, cette fois, on est bien loin d'un métier manuel. Erreur ! Les sciences de la nature ne sont pas réductibles aux mathématiques (sans quoi on les nommerait « mathématiques »), car elles partent des phénomènes, qu'elles quantifient, par des travaux de laboratoire, techniques donc, pour arriver à des théories (du calcul)… que l'on réfute par d'autres travaux de laboratoire, à nouveaux techniques. Autrement dit, les sciences de la nature ont une composante technique essentielle, qui s'amalgame avec le calcul. Mais le travail de laboratoire est fondamental, constitutif, indispensable. La production de données se fait avec les mains, et des mains habiles !
Le physico-chimiste Martin Karplus, qui a reçu le prix Nobel pour ses travaux de calcul sur des données chimiques, ne cesse de répéter que les calculs ainsi faits doivent être absolument validés expérimentalement, et que sans les travaux expérimentaux, de laboratoire, ses calcul risquent de n'être que de vaines élucubrations.
De sorte que le sciences de la nature ont cette composante manuelle qui justifie parfaitement qu'elles deviennent des métiers du compagnonnage.

Finalement, j’exhorte mes amis compagnons à réviser leur position : je les exhorte à élargir les spectre des métiers qu'ils accueillent, à ne pas rester frileusement crispés sur des métiers techniques particuliers qui les coupent d'amis qui seraient susceptibles de contribuer à des rénovations techniques.
Ce n'est pas en creusant des fossés entre les groupes humains, entre les humains, que nous parviendront à plus d'harmonie, mais en sachant accueillir nos amis avec gentillesse, bienveillance, ouverture d'esprit, intelligence… c'est le croisement des regards qui nous donnera une vision plus juste du monde et qui, par un bon retour des choses, contribuera à embellir nos travaux, à faire grandir chacun.

Oui, que vite vienne le temps où le compagnonnage saura s'ouvrir à des métiers nouveaux !