dimanche 29 décembre 2013

Au fond, n'est-ce pas une question d'argent ?

Partons d'un fait : il y a quelques journalistes (et le public qu'ils représentent, ce qui n'est pas rien) qui s'offusquent des propositions visant à changer notre alimentation.
Ce fut le cas pour la cuisine moléculaire, et c'est le cas pour la cuisine note à note.

D'où la question : puisqu'il n'est pas question de FORCER ces gens à manger différemment, pourquoi gesticulent-ils ?

Bien sûr, il y a les quelques journalistes qui veulent vendre du papier, du scoop, du scandale. On n'y peut rien, et ils continueront de hurler. Donc pas la peine de se fatiguer beaucoup à leur répondre.
Ensuite, il y a ceux qui ont peur... mais de quoi ?
Dans un pays comme le nôtre, avec des artisans et des sociétés plus grosses (où serait la différence entre l'artisanat et l'industrie ?), il y a certainement une volonté de préserver les petits producteurs. Mais si c'est cela la raison, pourquoi ne pas l'avouer franchement ?

D'ailleurs, ne pourrions-nous viser d'avoir TOUT : les produits de l'artisanat ET les produits de base que fournit l'industrie ?

On le voit, ces discussions à propos d'un article médiocre sur la malbouffe ne conduisent qu'à enchaîner des banalités, à observer que le monde est une sorte de foire d'empoigne. Où l'argent est la cause inavouée des discussions. Rien de nouveau !
Comme me le conseille Jean-Marie Lehn, laissons causer, et bâtissons !

D'où le détournement de l'idée initiale : j'avais imaginé de vous parler de "malbouffe", mais, à la réflexion, le terme me va mal. Il y a les mets produits par la cuisine, et la "bouffe" : le mot "malbouffe" est une périssologie (voir billet précédent : un pléonasme fautif). Sans intérêt : ne vaut-il pas mieux se préoccuper de ce qui est bon ?

D'où la vraie belle question : qu'est-ce qui est bon ?
A cette question, il y a :
- le bon sensoriel
- le bon à manger politiquement
- le bon à manger symboliquement
- le bon à manger nutritionnellement
- le bon à manger toxicologiquement
Et la question est : quel est le bon mélange ? Ne comptez pas sur moi pour répondre : la question est bien difficile, mais, déjà, si les choses sont claires, c'est un progrès, n'est-ce pas ?

5 commentaires:

  1. La malbouffe (ou quelque soit le nom qu'on veuille donner à ce phénomène) est au contraire un problème de société important, qui vient de la conjonction d'un manque d'éducation (à la cuisine, à la nutrition), de l'attirance naturelle des humains pour ce qui est sucré, gras et sucré ou gras et salé, et de l'abondance et la facilité d'accès à de tels aliments.

    Et on retrouve un thème que vous tournez en ridicule, mais qui me semble pourtant significatif : l'industrie agro-alimentaire produit quantité de produits des types cités ci-dessus (sodas, chips, biscuits secs) que la grande distribution promeuvent. Sachant que ces produits participent à la mauvaise alimentation et à l'épidémie d'obésité, pourquoi sont-ils toujours produits en plus grande quantité et mis en avant dans les supermarchés ? La raison semble être qu'ils sont peu chers à produire et permettent donc de faire d'important bénéfices en ciblant les populations sous-éduquées citées ci-dessus.

    L'industrie qui produit les sodas n'est pas celle qui produit les composé qu'on utilise dans la cuisine note-à-note, et il ne faut évidemment pas faire d'amalgame. Mais quand j'entends "industrie agro-alimentaire" je pense tout d'abord aux fabriquants de sodas, tout comme je pense d'abord au maïs transgénique de Monsanto quand j'entends "OGM". Il n'est donc pas étonnant qu'on aie tendance à mettre dans les même panier tous les industriels ; les parts de marchés de ceux qui produisent des composés pour la cuisine note-à-note est probablement négligeable compaées à celles des producteurs de chips et de sodas, le premiers sont donc négligés (tout comme les OGM qui produisent l'insuline qui soigne les diabétiques aujourd'hui sont négligés devant la main-mise de Monstanto sur les agriculteurs).

    Pour enfoncer encore le clou dans la crucifiction des "industries agro-alimentaire", citons les "yaourts au goût de vanille" (qui sont en fait à la vanilline), la "sauce hollandaise" sans oeuf et sans beurre que vous citiez il y a quelques temps, le "rapé" qui contient 50% de fromage et 50% de graisse végétale (notez que le nom ne contient pas le mot fromage, mais la présentation est conçue pour tromper l'acheteur). On peut facilement trouver bon nombre de produits de ce type, qui sont peut-être bons et marchands, mais certainement pas loyaux. Aujourd'hui, la farine ne contient peut-être plus de plâtre et le lait ne contient plus d'eau, mais le yaourt à la vanille ne contient pas de vanille et la sauce hollandaise ne contient ni beurre ni oeuf. Les choses n'ont donc pas tellement changé depuis le "bon vieux temps", le mensonge est toujours de mise pour augmenter le chiffre d'affaire en trompant l'acheteur.

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  2. Merci !
    Je vais prendre le temps de vous lire de près, mais deux observations, pour commencer :
    1. Les mots sont essentiels, et la preuve en est que la déloyauté d'une certaine industrie en joue ! Vanille n'est pas vanilline, et les services de l'état doivent être vigilants.
    2. Oui, je crois comme vous que la vraie question est l'éducation, ou, disons, la diffusion d'une information de bonne qualité afin que les citoyens puissent décider, savoir résister à nos penchants de primates (le gras, le sucre), savoir résister aux tentations des "marchands".
    Je lis, je digère, je reviens vers vous.
    Joyeuses fêtes (et encore merci de ce message modéré)

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  3. Réponse 1 :
    J'avais reçu un long message, auquel je n'avais pas eu le temps de répondre décemment. Je reprends les termes de mon interlocuteur, en commentant lentement ( et en plusieurs morceaux, parce que ma réponse est longue) :

    La malbouffe (quel que soit le nom que l'on donne à ce phénomène » :
    La question du nom est essentielle, parce que les confusions viennent souvent de l'emploi détourné des mots. C'est notamment une des raisons pour lesquelles le Trésor de la Langue Française Informatisé est quasiment toujours ouvert, devant moi. Et j'y prends plutôt les sens premiers : si l'on veut s'entendre, autant utiliser les mêmes mots, n'est-ce pas ?

    La malbouffe est un phénomène de société important :
    Je pressens que nous sommes d'accord... mais je pose des questions :
    1. qu'est ce que la malbouffe ? L'attirance des humains pour ce qui est sucré, gras, salé ? Un phénomène pas vraiment neuf. Et doit-on alors considérer qu'une alimentation qui fut « physiologique » ne l'est plus aujourd'hui ? Pourquoi pas, mais où commence la malbouffe, au juste ? Une pâtisserie (farine, œufs, beurre, sucre) est-elle plus condamnable qu'un hamburger servi avec des frites ?
    2. La malbouffe résulterait d'un manque d'éducation : j'y pense, pernicieusement, ne sommes-nous pas tous atteints, à des degrés divers et à des moments particuliers, de malbouffe ? Nous craquons pour du chocolat (gras + sucre), pour de la viande au barbecue, pour des pâtisserie, du foie gras... Quel que soit l'habillage, je vois beaucoup de gras, de saccharides, dans ces aliments qui sont parfois méliorisés par certains de ceux qui « dénoncent » la malbouffe. Bref, je propose surtout que nous y réfléchissions à deux fois avant de prononcer le mot « malbouffe », ou quand nous l'entendons : que nous a-t-on dit ? Qu'est-ce que celui ou celle qui prononçait le mot voulait dire ? Que voulait-il ou elle nous faire penser ? Soyons honnêtes !

    L'industrie alimentaire produit quantité de produits gras, sucrés, salés, que la grande distribution promeut :
    Certes. Mais il est vrai, aussi, que le public se laisse facilement faire, n'est-ce pas ? Ce n'est pas faute de messages sur les étiquettes, sur les radios, les télévisions, au point que l'hygiénisme menace !
    Je ne dis pas qu'il n'existe pas une certaine industrie alimentaire aux messages tendancieux (voir mon billet sur la naturoblanchimiment), mais je dis que nous devons balayer devant notre porte.
    Et j'ajoute que je me méfie quand j'entends qu'il faut protéger le public des mauvaises influences : qui sommes-nous pour oser penser que, très supérieurement, nous avons le droit de décider pour autrui ce qui est bon ou mauvais pour lui ? Pendant vingt ans d'exercice à la revue Pour la Science, je me suis efforcé de transmettre les informations pour que les citoyens décident pour eux-mêmes. Je crois que c'est cela la bonne information... nutritionnelle, notamment.

    Pourquoi les produits gras, sucrés, salés, sont-ils mis en avant dans les supermarchés ?
    Réponse : parce que le public le réclame ! Autre réponse : samedi dernier, dans le supermarché où j'ai fait mes courses, ce qui était mis en avant, c'était les viandes, les journaux.

    Les produits gras, sucrés, salés sont peu chers à produire :
    Tout dépend desquels ! Les foies gras sont coûteux. Le chocolat l'est aussi. Pour les chips, certes, c'est de la cuisson extrusion qui a été appliquée le plus souvent à de l'amidon, et à des fibres. Mais ne devrions-nous pas penser que c'est l'attrait pour ces produits qui a conduit à leur coût réduit ?
    De même, je me souviens du temps où la truite était très chère. Puis, parce que le public en réclamait, l'industrie a appris à l'élever, et c'est devenu un produit banal, devant lequel le même public fait la fine bouche. Idem pour le saumon...

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  4. Réponse 2 :


    Les bénéfices des sociétés industrielles :
    Un détail à propos de l'industrie : les Canadiens confondent dans le mot aussi bien les grosses sociétés et les restaurants. Ils ont raison, car je vois mal la différence entre une petite société qui fait des sardines à l'huile, et un chef qui gérerait plus de 1000 personnes (j'en connais au moins deux) !
    Cela dit, le TLIF nous dit : « Jusqu'au XIXe s. industrie désignait l'ensemble des activités économiques et concernait donc : l'agriculture, le commerce, les transports et les services, ainsi que les activités économiques artisanales ou manufacturières productrices de valeurs d'usage non agricoles. Cependant Littré signale qu'industrie se dit quelquefois de tous les arts industriels, sauf l'agriculture, par opposition à l'agriculture; cette opposition a été faite par certains auteurs dès le XVIIIe s. ».
    J'y pense aussi : une industrie, quelle que soit sa taille, qui ne ferait pas de bénéfices peut aussitôt licencier les personnes qu'elle emploie ! Au fond, la vraie question n'est pas le bénéfice des sociétés, mais la rémunération des personnels.

    L'industrie qui produit les sodas n'est pas celle qui produit les composé qu'on utilise dans la cuisine note-à-note, et il ne faut évidemment pas faire d'amalgame :
    Entièrement d'accord, bien que je ne connaisse pas les relations capitalistiques entre des marques qui font des sodas, et des sociétés qui fabriquent des composés odorants. Dans le jeu des participations financières, il faut sans doute être prudent.

    Mais quand j'entends « industrie alimentaire », je pense je pense tout d'abord aux fabriquants de sodas, tout comme je pense d'abord au maïs transgénique de Monsanto quand j'entends "OGM" :
    Là, je crois que vous avez tort. Il y a de très nombreuses petites ou moyennes sociétés qui produisent des aliments, et elles n'ont pas de relations avec les fabriquants de sodas. D'ailleurs, je crois que l'on aurait également tort de penser à Monsanto quand on pense OGM !

    Mettre tous les industriels dans le même panier :
    Absolument pas d'accord ! C'est comme si vous disiez : on va mettre dans le même panier tous les élèves de la classe, les bons et les mauvais. Je propose même de lutter très vigoureusement contre une telle idée... après Michael Faraday, dont une des six règles de vie essentielles était : ne pas généraliser hâtivement !
    D'ailleurs, personnellement, je connais des sociétés de l'alimentaire dont les dirigeant sont merveilleux, et d'autres que je ne fréquente pas (« même une longue cuiller ne suffit pas pour manger avec le diable »).

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  5. Réponse 3 :
    Les "yaourts au goût de vanille" :
    Là, la question est en réalité bien plus intéressante que la confusion entre vanille et vanilline.
    D'abord, les faits : la vanille est la gousse fermentée d'une plante, et l'on n'a le goût de vanille que si l'on utilise une gousse. Cela étant, selon le procédé d'utilisation culinaire, on peut avoir différents goûts à partir d'une même gousse... sans parler des goûts différents obtenus à partir de deux gousses différentes.
    D'autre part, oui, il est malhonnête d'entretenir une confusion entre le goût donné par la vanilline (ou l'éthylvanilline, bien plus efficace, de ce point de vue) et le goût donné par une gousse de vanille, parce que le goût de la vanille ne se résume pas à la vanilline. D'ailleurs, vous voyez que je parle de goût, et non seulement d'odeur : dans la vanille (la gousse), il y a des composés hydrosolubles qui donnent cette sensation de velour... que la vanilline ne donne pas, puisque cette dernière est essentiellement odorante seulement.
    Mais, sans vouloir défendre les malhonnêtes qui jouent des confusions sur les étiquetages industriels, il y a cette question de comment nommer un goût de vanilline ? De même, quand on analyse l'odeur de truffe, puis que l'on dissout dans de l'huile les composés que l'on a identifié dans l'odeur, on produit des huiles (que j'utilise tout à faire régulièrement quand je cuisine : pardon, je n'ai pas les moyens de me payer des truffes) qui ont un « goût de truffe », au point que des amis pour qui je cuisine, et moi-même, ne distinguons pas la différence. Ma question est : comment nommer ce goût ? Faut-il s'interdire de recourir au mot « truffe » ? Vous le voyez, depuis le début de cette réponse, je ne cesse de poser des questions.

    La sauce hollandaise sans œuf :
    Un vrai scandale... entériné par le Codex alimentarius, tout comme l'usage de moutarde dans la mayonnaise, et bien des confusions que l'on voit sur les cartes de restaurants. Là encore, la coercition est sans doute un moyen bien inutile... d'autant que les malhonnêtes se jouent des lois. J'aurais encore tendance à propos de la bonne information : pour paraphraser les économistes, en prenant l'opposé de leur propos, il faut que la bonne information chasse la mauvaise ! Et, à cette fin, nos sociétés doivent apprendre à payer ce « service » : on n'a pas du bon au prix du mauvais, parce que le bon, c'est plus de soin, de temps... et que le soin et le temps, cela a un coût, n'est-ce pas ?

    Produits bons, sains, loyaux :
    Vous utilisez des mots que j'aime ! Au point d'avoir organisé une séance publique à l'Académie d'agriculture de France ! Oui, promouvons cette loi de 1905, qui cherche à protéger le public.

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