dimanche 13 mars 2011

Aphorisme

Jean-Anthelme Brillat-Savarin nous dit en introduction de sa merveilleuse Physiologie du goût que la découverte d'un mets nouveau fait plus pour le bonheur du genre humain que la découverte d'une étoile.

Il faut le rectifier : le cuisinier, par empirisme (lequel n'exclut ni le raisonnement, ni l'observation attentive, ni l'intelligence), peut découvrir une matière dont il n'a pas connaissance, une transformation inédite (pour lui). Pour autant, une matière ou une transformation ne font pas un mets.
Pour arriver au plat que l'on sert, il faut un travail, que mon ami Pierre Gagnaire qualifierait de "mise en scène" (amusant : je vois que son expression est largement reprise par le monde de la cuisine).
Autrement dit, on ne découvre pas un mets nouveau : on l'invente !

Et il faut alors rectifier : l'invention d'un mets nouveau fait plus pour le bonheur du genre humain que la découverte d'une étoile.

Pourquoi pas ? Mais avant de gober cette idée séduisante, il faudra encore réfléchir, n'est-ce pas ?

dimanche 6 mars 2011

Deux commentaires : merci !

Suite à mon billet d'hier, relatif à la formation et à la rémunération des stages, j'ai eu le bonheur d'avoir deux commentaires... que j'ai publiés aussitôt : je vous invite à les lire, et à lire mes réponses, dans les commentaires (2 réponses).

Pour mes réponses, je n'ai pas considéré tous les points que nos amis ont soulevé, et, quand je ne répondais pas, c'est parce que j'ai considéré que l'argument qui m'était opposé n'était pas suffisant, ou bien qu'il ne tenait pas compte de l'idée initialement proposée.

Par exemple, quand JRF dit qu'en économie il ne faut pas raisonner par principes, mais de façon pragmatique, je suis tout à fait opposé, parce que je crois que de sains principes guident mieux les raisonnements que des "arrangements avec le diable".
Ou encore quand on m'oppose que des stages "raisonnables" (de mon point de vue ;-)) risquent de créer des problèmes et de gêner l'insertion : je crois utile de répéter ici que j'ai quand même distingué l'entreprise industrielle et le laboratoire de science publics.

Après ces témoignages amicaux, donc, je crois devoir maintenir ce que j'ai écrit.

N'oubliez pas que mon point de vue est surtout fondé sur l'objectif suivant : les stages doivent conduire les étudiants à se former, en vue de trouver du travail (faut-il d'ailleurs qu'ils fassent des stages dans la science publique, puisque la grande majorité doit aller travailler dans l'industrie ?

Et je rappelle mon présupposé absolu : le summum de l'intelligence, c'est la bonté et la droiture.

samedi 5 mars 2011

Une bien difficile question : faut-il rémunérer les stages dans les laboratoires publics ? Je crois que non... mais il faut des bourses d'Etat !

Chers Amis

Permettez-moi d'invoquer d'emblée votre indulgence, de solliciter une lecture bienveillante de votre part. N'hésitez pas, d'autre part, si vous pensez que je me trompe, à laisser un commentaire qui, s'il n'est pas injurieux, sera évidemment publié (cela me donne l'occasion de signaler que certains commentaires qui sont déposés ne sont pas publiés, parce que leur ton est excessif : on peut tout dire, mais avec mesure, intelligence... et même humour).

Ce préalable étant posé, il faut donc que j'annonce la couleur : la question que je veux discuter est ici difficile, parce que politiquement terrible.

Il s'agit de la formation des étudiants, et de la rémunération des stages que leurs universités, grandes écoles, IUT, et autres établissements scientifique, technologique ou technique leur demande de faire.


Je propose de poser d'abord un principe, aussi simple que juste

Si un stage s'inscrit dans le cadre d'une formation, ce n'est pas de la production, mais de la formation.


Il en découle que le stage DOIT être un moment de formation


D'où je déduis que :
1. un stage où un étudiant produit, au lieu d'apprendre, ne devrait pas avoir lieu. De ce fait, l'étudiant DOIT signaler ce fait à son responsable de stage "dans l'entreprise", ou bien à son tuteur académique, afin que des mesures soient prises immédiatement pour corriger l'anomalie.

2. le stage ne DOIT PAS être rémunéré : ce serait un comble (inadmissible, je crois) de payer quelqu'un que l'on forme ! Imaginons-nous que des enseignants payent pour faire cours ?


Ces principes étant posés, il y a des questions à régler.
Imaginons un étudiant qui change de ville parce qu'il veut aller découvrir une activité qui ne s'exerce pas dans sa ville. Il lui faudra payer un loyer, des transports, etc. Avec quel argent ?
Observons tout d'abord que ce choix est le sien, et qu'il pourrait sans doute rester dans sa ville, et éviter ces dépenses.
Supposons donc maintenant que les possibilités de stage n'existent pas dans sa ville : il DOIT alors changer, mais n'a peut-être pas les moyens. Là, une certaine solidarité nationale (n'oublions pas alors que l'on fait appel à cette solidarité) peut conduire à aider l'étudiant financièrement, d'accord.

Mais qui doit payer ? L'entreprise qui ne forme ? Ce serait quand même bien anormal. L'université ? Pourquoi pas... à condition qu'elle reçoive de l'Etat les moyens (des lignes budgétaires spécifiques, bien déterminées) pour le faire. L'Etat ? J'ai bien parlé de solidarité nationale.?

Vient alors la question de la distinction public/privé. Oui, il y a des entreprises qui utilisent des stagiaires comme main d'oeuvre non rémunérée, mais, en y pensant un peu, n'est-ce pas aux universités et aux étudiants de refuser cet état de fait?

Car la rémunération de stage a l'inconvénient majeur que, même si cette rémunération est faible, l'entreprise a le sentiment qu'elle est en droit d'attendre de l'aide de l'étudiant qu'elle paye.
Ce qui me fait conclure qu'il est sans doute (peut-être ?) pernicieux de donner des rémunérations de stage (qu'elles se nomment "indemnisations", ou autre).

Pour les laboratoires publics, la question de principe est peu différence, mais je crois que l'Etat est l'Etat, et que la solidarité que j'évoquais doit rester sous le contrôle de l'Etat, et non pas de chaque laboratoire. C'est à l'Etat (nation, région, département, ville...) de décider des bourses qu'il attribue, et plutôt à ceux qui les méritent d'ailleurs (pourquoi aider quelqu'un qui ne fait pas bon usage des deniers publics?).
En tout cas, on le voit, je crois être bien opposé à la rémunération des stages dans les laboratoires publics, non pas parce que ceux-ci ne pourraient pas trouver les moyens de payer les stagiaires, mais pour une question de sain principe.

Je le répète : ce serait marcher sur la tête que de payer pour faire cours, que de payer pour aider quelqu'un.

Et je le répète aussi : accepter un étudiant en stage, c'est un engagement très fort, une immense responsabilité, à savoir que c'est la décision automatique de lui donner de la formation.

Où mon raisonnement est-il fautif ?